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Date: 20011227

Dossier: 2001-927-GST-I

ENTRE :

JUDY REID,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]            Le présent appel, interjeté conformément à la procédure informelle, a été entendu à Vancouver (Colombie-Britannique) le 6 décembre 2001. L'appelante a témoigné. L'intimée a appelé la personne en charge de la vérification du dossier, Surrendar Purmar, à témoigner.

[2]            Le paragraphe 13 de la réponse à l'avis d'appel se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Dans le cadre de l'établissement de la cotisation de l'appelante, le ministre s'est basé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)              les faits énoncés et admis ci-dessus;

b)             la société a été constituée en personne morale en Colombie-Britannique le 19 février 1980;

c)              la société s'est enregistrée en vertu de la partie IX de la Loi le 1er janvier 1991 et a reçu le numéro d'inscription 102173846 aux fins de la TPS;

d)             la société devait produire des déclarations de TPS tous les trimestres;

e)              la société faisait affaire dans le secteur de la restauration et, à toutes les époques en cause, percevait ou devait percevoir la TPS sur ses fournitures taxables;

f)              toutes les fournitures de la société pour la période en question étaient taxables au taux de 7 p. 100;

g)             à toutes les époques en cause, l'appelante était l'unique administratrice de la société et n'a jamais donné sa démission;

h)             la société a omis de produire des déclarations de TPS pour les périodes du 1er novembre 1992 au 30 avril 1993 et du 1er août 1993 au 31 janvier 1994;

i)               la société a reconnu son obligation fiscale nette telle qu'établie dans le jugement de la Cour canadienne de l'impôt rendu le 23 avril 1996;

j)               le 8 mai 1998, un certificat faisant état de la TPS exigible, de la pénalité et des intérêts imposés à la société a été déposé à la Cour fédérale du Canada;

k)              un bref d'exécution se rapportant à un montant de 47 005,36 $ relativement à l'obligation de la société a été déposé le 8 mai 1998 et a été retourné avec un procès-verbal de carence le 30 octobre 1998;

l)               à toutes les époques en cause, l'appelante était une femme d'affaires avisée possédant une expérience considérable; elle connaissait les responsabilités inhérentes au rôle d'administratrice, savait qu'elle était tenue de percevoir et de remettre la TPS et était consciente de sa responsabilité imposée par la loi en tant qu'administratrice si la société omettait de remettre la TPS; et

m)             l'appelante n'a pas appliqué le soin, la diligence et la compétence nécessaires qu'une personne raisonnablement prudente aurait appliqué dans des circonstances semblables pour éviter ce défaut de versement.

[3]            Les hypothèses 13(a) à (k) inclusivement n'ont pas été réfutées. Les autres hypothèses sont en litige.

[4]            Judy Reid ( « Mme Reid » ) est une femme d'âge mûr qui a fait ses études secondaires et postsecondaires au Danemark. Elle est arrivée au Canada en 1964 et s'est mise à travailler dans le secteur de la restauration trois ans plus tard. Au début des années 1970, elle a ouvert une boulangerie à Delta, en banlieue de Vancouver, en Colombie-Britannique. Vers l'année 1980, elle a ouvert un restaurant du nom de « Granny Brown's Family Restaurant Ltd. » (la « société » ). Elle en était la propriétaire exploitante.

[5]            Quelques années avant la période en litige, la société limitait ses activités à la restauration dans des écoles et des établissements touristiques ainsi qu'à des contrats pour le gouvernement. Elle employait huit personnes à plein temps et un certain nombre de personnes à temps partiel ou temporaires, selon la saison. Mme Lock, comptable, et Mme Errett, gérante, faisaient partie des employés à plein temps. Une personne était également en charge de la cuisine. Mme Reid était la propriétaire exploitante, supervisait toute l'entreprise et signait toutes les déclarations de TPS. Elle a préparé une série de documents de travail, déposés sous la cote R-2, qui démontrent qu'elle connaît de façon manifeste les pratiques liées à la comptabilité et à la TPS.

[6]            En 1991, Mme Reid a attrapé la grippe, a subi une perte auditive permanente dans une oreille et, pendant un certain temps, a souffert de pertes d'équilibre. Quoiqu'elle ait dû s'aliter au début, elle se rendait au travail lorsqu'elle le pouvait. Il n'existe aucune preuve démontrant que Mme Reid était absente du travail pendant les périodes en question, et Mme Reid n'a jamais nié le fait qu'elle était présente à ce moment.

[7]            Au printemps de 1993, Mme Reid a renvoyé Mme Lock, la comptable, après avoir découvert que cette dernière avait des problèmes d'alcool. Elle a ensuite demandé à Mme Errett de s'occuper de la comptabilité (témoignage et pièce R-1). À ce moment, Mme Reid n'a pas vérifié la TPS ni les déclarations de TPS, et ce malgré le fait qu'elle était la seule signataire. Comme on le suppose, la société a omis de payer la TPS et de produire des déclarations de TPS pour les périodes du 1er novembre 1992 au 30 avril 1993 et du 1er août 1993 au 31 janvier 1994. Mme Reid a témoigné s'être rendu compte de cette omission seulement lorsque la vérification a eu lieu, en 1994.

[8]            Voici comment Mme Reid décrit la situation dans une lettre datée du 9 mai 1995 (pièce R-1) :

[TRADUCTION]

Nous étions extrêmement occupés pendant les étés de 1990, 1991, 1992 et 1993. Une ancienne employée de Canfor Forest Products, qui venait de prendre sa retraite anticipée, nous a offert ses services. Celle-ci s'était occupée de la comptabilité et de la tenue des registres de Canfor durant de nombreuses années. Par la suite, cette dame a eu plusieurs problèmes personnels : sa soeur, atteinte du cancer, et sa mère, qui avait souffert d'un accident cérébrovasculaire, sont toutes deux entrées en phase terminale. En raison de ces problèmes, notre comptable a sombré dans l'alcool. Nous n'avons appris ce problème qu'au printemps de 1993, et nous l'avons renvoyée.

Comme nous l'avons déjà expliqué, nous sommes une petite entreprise et nous étions très occupés. Personnellement, je participais activement à de nombreuses activités afin d'assurer le succès du contrat ferroviaire que nous avions à ce moment. Je me suis fiée aux documents qui étaient compilés mensuellement dans un dossier et dont les paiements m'étaient présentés comme étant corrects.

                Nous avons déménagé dans un plus grand établissement à la fin de 1993 afin d'ajouter la production de dîners pour écoliers à nos activités et d'accroître notre chiffre d'affaires.

Les anomalies liées à la TPS n'ont été portées à notre attention qu'après la vérification faite au printemps de 1994. Cette vérification est déjà élevée en raison du fait qu'elle repose sur les livrets de dépôts, qui comprennent chaque mois un dépôt par chèque de la Banque de Montréal qui est ensuite transféré à la Banque Royale pour assurer le paiement d'un emprunt. Ces dépôts ont été inclus dans nos recettes.

[9]            Mme Reid était malade et absente du travail en 1991 et, de l'avis de la Cour, au début de 1992. Cependant, les détournements en question ont commencé en novembre 1992. Selon le témoignage de Mme Reid devant la Cour, ses pertes d'équilibre se sont poursuivies bien après 1991. La Cour croit toutefois les énoncés cités dans la pièce R-1, qui ont été faits à un moment beaucoup plus rapproché des événements décrits et correspondent à la plus grande partie du témoignage de Mme Reid. Étant la seule actionnaire et administratrice de cette petite entreprise, en plus d'en être l'exploitante directe, elle s'occupait quotidiennement de la gestion, de l'exploitation et de la supervision des employés ainsi que des opérations.

[11]          De plus, Mme Reid était une « administratrice interne » , terme utilisé par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Soper c. Canada (C.A.), [1998] 1 C.F. 124 (97 DTC 5407). Elle était d'ailleurs la seule administratrice. Ainsi, lorsqu'elle est tombée malade, et plus tard lorsqu'elle a découvert les problèmes de Mme Lock et l'a renvoyée, Mme Reid avait la responsabilité de s'assurer que sa société était gérée de façon appropriée, déclarait sa TPS et la payait.

[12]          Étant donné que Mme Reid a signé les déclarations de TPS de la société, elle devait savoir qu'aucune déclaration n'était produite. En sa qualité d'unique administratrice de la société, elle devait donc savoir qu'aucune TPS n'était payée par elle. Non seulement avait-elle des responsabilités à ce sujet en tant qu'administratrice unique de la société, mais l'entreprise qu'elle exploitait était suffisamment petite en termes d'employés et de gestion pour que ces responsabilités fassent partie de ses fonctions quotidiennes à titre d'administratrice de l'exploitation.

[13]          Par conséquent, la Cour conclut que les hypothèses 13(l) et (m) citées dans les présentes sont fondées.


[14]          L'appel est rejeté.

Signé à Saskatoon, Canada, ce 27e jour de décembre 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 21e jour d'octobre 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-927(GST)I

ENTRE :

JUDY REID,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 6 décembre 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique)

par l'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions

Avocat de l'appelante :                        Me K. Paul Lail

Avocat de l'intimée :                             Me Victor Caux

JUGEMENT

                L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 25 juillet 1994 et qui porte le numéro 11GU0309706, est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Saskatoon, Canada, ce 27e jour de décembre 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 21e jour d'octobre 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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