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Date: 20010410

Dossiers : 1999-683-IT-G; 1999-684-IT-G

ENTRE :

PERSÉPHONE CANONNE, JEAN CANONNE,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Les parties ont convenu de procéder dans les deux dossiers au moyen d'une preuve commune.

[2]            Il s'agit d'appels concernant les années d'imposition 1992, 1993 et 1994. Les prétentions des appelants sont clairement expliquées à leurs Avis d'appel, d'où il y a lieu d'en reproduire le contenu.

Premièrement, le dossier de Perséphone Canonne, 1999-683(IT)G :

1.              L'appelante est la soeur de madame Eugenia Coukos qui est l'épouse de monsieur Klearkos Coukos;

2.              Monsieur et madame Coukos qui sont âgés respectivement de 80 et 70 ans sont les parents d'Andromaque Coukos, présentement âgée de 47 ans et résidant aux États-Unis d'Amérique;

3.              Mademoiselle Andromaque Coukos souffre, suite à un accident de bicyclette survenu au cours de son adolescence, d'un handicap mental sévère qui ne lui permet pas de vivre d'une façon autonome et qui exige des soins constants;

4.              Étant très préoccupés par le bien-être futur de leur enfant, monsieur et madame Coukos ont au cours des années accumulé des actifs devant servir au soutien de leur fille après leur décès;

5.              Étant très liés à l'appelante et à son époux, monsieur Jean Canonne, monsieur et madame Coukos, compte tenu de leur âge, décidèrent de confier la gestion des actifs accumulés pour le bénéfice de leur fille à l'appelante et son époux;

6.              À cet effet, monsieur et madame Coukos firent en sorte au cours des années 1990 et 1991 de transférer diverses sommes qu'ils détenaient auprès d'une institution bancaire à l'ordre de l'appelante et son époux pour que ces derniers puissent faire fructifier cet argent à l'acquit de et pour le bénéfice de leur fille afin que cette dernière ne se retrouve pas sans ressource suite à leur décès;

7.              L'appelante et son époux, suite à la réception de ces sommes, firent en sorte de placer ces actifs auprès du courtier américain Paine Webber afin de les faire fructifier pour le bénéfice d'Andromaque Coukos, tel que convenu avec monsieur et madame Coukos;

8.              La provenance des fonds investis par l'entremise du courtier Paine Webber provient de monsieur et madame Coukos tel qu'établi par la documentation faisant état des transferts bancaires remis aux représentants du ministère du Revenu national;

9.              Quoique le compte auprès dudit courtier fut ouvert sous le nom de Jean et Perséphone Canonne, toutes les sommes qui ont été déposées dans ce compte proviennent exclusivement de monsieur et madame Coukos;

10.            En aucun temps au cours des années où l'appelante et son époux ont administré les actifs qui leur avaient été confiés pour le bénéfice d'Andromaque Coukos, elle n'a bénéficié directement ou indirectement de ces actifs et des revenus en découlant pour ses fins personnelles ou celles de son époux;

11.            Tous les actifs et revenus que l'on retrouve dans le compte GO-00348Y3 appartiennent à des tiers et non pas à l'appelante qui n'agissait qu'à titre de gestionnaire avec son époux;

12.            Par des cotisations en date du 8 juin 1998, le ministre du Revenu national a ajouté aux revenus déclarés de l'appelante pour ses années d'imposition 1992, 1993 et 1994 des montants de 23 628,00 $, 21 355,00 $ et 56 153,00 $ respectivement à titre d'intérêts et dividendes non déclarés sur des placements à l'étranger et a imposé des pénalités de 3 188,00 $, 2 834,00 $ et de 7 450,00 $ pour les années d'imposition 1992, 1993 and 1994;

13.            L'appelante s'est dûment opposée aux cotisations émises pour ses années d'imposition 1992, 1993 and 1994 et le 1er décembre 1998, le ministre du Revenu national émettait un avis de ratification par le Ministre confirmant lesdites cotisations;

Deuxièmement, le dossier Jean Canonne, 1999-684(IT)G reprend sensiblement les mêmes faits qui sont les suivants :

1.              Madame Perséphone Canonne, l'épouse de l'appelant, est la soeur de madame Eugenia Coukos qui est l'épouse de monsieur Klearkos Coukos;

2.              Monsieur et madame Coukos qui sont âgés respectivement de 80 et 70 ans sont les parents d'Andromaque Coukos, présentement âgée de 47 ans et résidant aux États-Unis d'Amérique;

3.              Mademoiselle Andromaque Coukos souffre, suite à un accident de bicyclette survenu au cours de son adolescence, d'un handicap mental sévère qui ne lui permet pas de vivre d'une façon autonome et qui exige des soins constants;

4.              Étant très préoccupé par le bien-être futur de leur enfant, monsieur et madame Coukos ont au cours des années accumulé des actifs devant servir au soutien de leur fille après leur décès;

5.              Étant très liés à l'appelant et à son épouse, madame Perséphone Canonne, monsieur et madame Coukos, compte tenu de leur âge, décidèrent de confier la gestion des actifs accumulés pour le bénéfice de leur fille à l'appelant et son épouse;

6.              À cet effet, monsieur et madame Coukos firent en sorte au cours des années 1990 et 1991 de transférer diverses sommes qu'ils détenaient auprès d'une institution bancaire à l'ordre de l'appelant et son épouse pour que ces derniers puissent faire fructifier cet argent à l'acquit de et pour le bénéfice de leur fille afin que cette dernière ne se retrouve pas sans ressource suite à leur décès;

7.              L'appelant et son épouse, suite à la réception de ces sommes, firent en sorte de placer ces actifs auprès du courtier américain Paine Webber afin de les faire fructifier pour le bénéfice d'Andromaque Coukos, tel que convenu avec monsieur et madame Coukos;

8.              La provenance des fonds investis par l'entremise du courtier Paine Webber provient de monsieur et madame Coukos tel qu'établi par la documentation faisant état des transferts bancaires remis aux représentants du ministère du Revenu national;

9.              Quoique le compte auprès dudit courtier fut ouvert sous le nom de Jean et Perséphone Canonne, toutes les sommes qui ont été déposées dans ce compte proviennent exclusivement de monsieur et madame Coukos;

10.            En aucun temps au cours des années où l'appelant et son épouse ont administré les actifs qui leur avaient été confiés pour le bénéfice d'Andromaque Coukos, il n'a bénéficié directement ou indirectement de ces actifs et des revenus en découlant pour ses fins personnelles ou celles de son épouse;

11.            Tous les actifs et revenus que l'on retrouve dans le compte GO-00348Y3 appartiennent à des tiers et non pas à l'appelant qui n'agissait qu'à titre de gestionnaire avec son épouse;

12.            Par des cotisations en date du 8 juin 1998, le ministre du Revenu national a ajouté aux revenus déclarés de l'appelant pour ses années d'imposition 1992, 1993 et 1994 des montants de 23 628,00 $, 21 355,00 $ et 56 153,00 $ respectivement à titre d'intérêts et dividendes non déclarés sur des placements à l'étranger et a imposé des pénalités de 3 188,00 $, 2 834,00 $ et de 7 450,00 $ pour les années d'imposition 1992, 1993 and 1994;

13.            L'appelant s'est dûment opposé aux cotisations émises pour ses années d'imposition 1992, 1993 and 1994 et le 1er décembre 1998, le ministre du Revenu national émettait un avis de ratification par le Ministre confirmant lesdites cotisations;

[3]            En réplique, l'intimée a pris pour acquis les faits suivants pour établir les cotisations dont il est fait appel. Encore là, il y a lieu de reproduire les faits allégués aux Réponses aux avis d'appel dans les deux dossiers.

En ce qui a trait au dossier de Perséphone Canonne, 1999-683(IT)G :

a)              l'appelante est l'épouse de monsieur Jean Canonne;

b)             au cours des années d'imposition 1992, 1993 et 1994, l'appelant et son épouse ont investi une partie de leur capital aux États-Unis;

c)              pour ce faire, ils ont décidé de donner mandat au courtier en valeur mobilière américain Paine Webber;

d)             plusieurs comptes ont été ouverts chez Paine Webber, certains au nom de l'appelante, certains au nom de son époux et d'autres au nom de l'appelante et de son époux conjointement;

e)              une partie du capital investi par l'appelante et son conjoint a produit des revenus d'intérêts;

f)              une partie du capital investi par l'appelante et son conjoint a servi à l'achat d'actions du capital-actions de différentes sociétés;

g)             grâce aux actions ainsi acquises, des dividendes ont été versés à l'appelante et à son conjoint;

h)             les revenus générés par les placements de l'appelante (autant ceux détenus seulement par l'appelante que ceux détenus par l'appelante conjointement avec son époux) n'ont été déclarés ni au fisc américain, ni au fisc canadien;

i)               le ministre du Revenu national a ajouté aux revenus de l'appelante les revenus générés par les placements de l'appelante et non déclarés par celle-ci;

j)               quant aux revenus générés par les placements au nom de l'appelante et de son époux conjointement, la moitié de ceux-ci ont été ajoutés aux revenus de l'appelante ;

k)              au cours des années d'imposition 1992, 1993 et 1994, les placements de l'appelante lui ont permis de gagner les revenus suivants (en dollars américains) :

                                                                1992                        1993                        1994

                Dividendes                             2 248 $    2 451 $    2 289 $

                Intérêts                   27 308 $ 14 106 $ 38 823 $

l)               le ministre du Revenu national a converti en dollars canadiens les revenus de l'appelante gagnés en dollars américains en utilisant les taux de conversion suivants :

                                                                1992                        1993                        1994

                Taux de conversion :            1.2083     1.2898     1.3569

m)             pour les années d'imposition 1992 et 1993, le ministre du Revenu national a ajouté aux revenus de l'appelante les montants suivants à titre de revenus de biens (revenus de placement supplémentaire :

                                1992                                        1993                                        1994

                                23 628 $                   21 355 $                   56 153 $

n)             conformément à la convention fiscale Canada-États-Unis, une retenue d'impôt de 15% avait été faite sur la plupart des dividendes en conséquence, le ministre du Revenu national a accordé à l'appelante un crédit d'impôt étranger pour chaque année d'imposition :

                                                                1992                         1993                         1994

                Crédit d'impôt

                étranger :                               394 $                       425 $                       469 $

o)             en ne déclarant pas l'ensemble de ses revenus, l'appelante a fait sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations d'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, justifiant l'imposition d'une pénalité au montant de 3 188 $ pour 1992, 2 834 $ pour 1993 et 7 450 $ pour 1994, conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Pour ce qui est du dossier Jean Canonne, 1999-684(IT)G :

a)              l'appelant est l'époux de madame Perséphone Canonne;

b)             au cours des années d'imposition 1992, 1993 et 1994, l'appelant et son épouse ont investi une partie de leur capital aux États-Unis;

c)              pour ce faire, ils ont décidé de donner mandat au courtier en valeur mobilière américain Paine Webber;

d)             plusieurs comptes ont été ouverts chez Paine Webber, certains au nom de l'appelante, certains au nom de son époux et d'autres au nom de l'appelante et de son époux conjointement;

e)              une partie du capital investi par l'appelante et son conjoint a produit des revenus d'intérêts;

f)              une partie du capital investi par l'appelante et son conjoint a servi à l'achat d'actions du capital-actions de différentes sociétés;

g)             grâce aux actions ainsi acquises, des dividendes ont été versés à l'appelant et à sa conjointe;

h)             les revenus générés par les placements de l'appelant (autant ceux détenus seulement par l'appelant que ceux détenus par l'appelant conjointement avec son épouse) n'ont été déclarés ni au fisc américain, ni au fisc canadien;

i)               le ministre du Revenu national a ajouté aux revenus de l'appelant les revenus générés par les placements de l'appelante et non déclarés par celui-ci;

j)               quant aux revenus générés par les placements au nom de l'appelant et de son épouse conjointement, la moitié de ceux-ci ont été ajoutés aux revenus de l'appelant ;

k)              au cours des années d'imposition 1992, 1993 et 1994, les placements de l'appelant lui ont permis de gagner les revenus suivants (en dollars américains) :

                                                                1992                        1993                        1994

                Dividendes                             1 260 $    2 289 $    3 241 $

                Intérêts                   18 401 $ 19 269 $ 26 420 $

l)               le ministre du Revenu national a converti en dollars canadiens les revenus de l'appelant gagnés en dollars américains en utilisant les taux de conversion suivants :

                                                                1992                        1993                        1994

                Taux de conversion :            1.2083     1.2898     1.3569

m)             pour les années d'imposition 1992 et 1993, le ministre du Revenu national a ajouté aux revenus de l'appelant les montants suivants à titre de revenus de biens (revenus de placement supplémentaire :

                                1992                                        1993                                        1994

                                23 756 $                   27 805 $                   40 511 $

n)             conformément à la convention fiscale Canada-États-Unis, une retenue d'impôt de 15% avait été faite sur la plupart des dividendes en conséquence, le ministre du Revenu national a accordé à l'appelant un crédit d'impôt étranger pour chaque année d'imposition :

                                                                1992                         1993                         1994

                Crédit d'impôt

                étranger :                               216 $                       389 $                       662 $

o)             en ne déclarant pas l'ensemble de ses revenus, l'appelant a fait sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations d'impôt sur le revenu pour les année d'imposition 1992, 1993 et 1994, justifiant l'imposition d'une pénalité au montant de 4 340 $ pour 1992, 4 357 $ pour 1993 et 5 777 $ pour 1994, conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[4]            Les appelants ont tous deux témoigné et répété sensiblement les faits allégués à leur avis d'appel respectif. Madame Eugenia Coukos et son époux Klearkos Coukos, parents d'Andromaque Coukos, ne sont pas venus témoigner à cause, semble-t-il, de leur âge et leur état de santé précaire. Au soutien de leur témoignage, les appelants ont produit la volumineuse preuve documentaire suivante :

                ...

9)              Copie d'une confirmation d'un dépôt à terme émis par la Banque Nationale du Canada (International) limitée au nom de Klearkos Coukos et Eugenia Coukos au montant de 118 582,06 $ U.S.;

10)            Copie d'une confirmation de dépôt en date du 20 mai 1985 auprès de la Banque Nationale du Canada au montant de 137 895,88 $ U.S.;

11)            Copie d'une confirmation de dépôt en date du 20 novembre 1985 auprès de la Banque Nationale du Canada au montant de 142 922,38 $ U.S.;

12)            Copie d'une confirmation de dépôt en date du 20 mai 1986 auprès de la Banque Nationale du Canada au montant de 147 233,88 $ U.S.;

13)            Copie d'une confirmation de dépôt en date du 17 novembre 1986 auprès de la Banque Nationale du Canada au montant de 151 022,85 $ U.S.;

14)            Copie d'une note manuscrite de madame Eugenia Coukos faisant état de montants totalisant 44 100,00 $ U.S. pour la période de mai 1986 à octobre 1987;

15)            Chèque en date du 24 juillet 1987 de madame Perséphone Canonne à l'ordre de M. et Mme K. Coukos au montant de 190 000,00 $ U.S. déposé à l'Union de Banques Suisses (Canada);

16)            Copie de certains relevés du compte 111,809/04,05 de M. et Mme Coukos auprès de la Swiss Bank Corporation (Canada) pour des périodes s'échelonnant de 1990 à 1993;

17)            Copie d'un avis de débit émis par la Société de la Banque Suisse en date du 24 septembre 1990 au montant de 122 766,49 $ U.S.;

18)            Copie d'un avis de débit émis par la Société de la Banque Suisse en date du 9 octobre 1990 au montant de 6 000,00 $ U.S.;

19)            Copie d'un avis de débit émis par la Société de la Banque Suisse en date du 9 novembre 1990 au montant de 18 755,50 $ U.S.;

20)            Copie d'un avis de débit émis par la Société de la Banque Suisse en date du 22 février 1991 au montant de 92 807,69 $ U.S.;

21)            Copie d'un avis de débit émis par la Société de la Banque Suisse en date du 13 novembre 1991 au montant de 60 000,00 $ U.S.;

22)            Copie de certains relevés du compte GO-00458-Y3 auprès de Paine Webber pour la période s'échelonnant de 1992 à 1994;

23)            Copie de certains relevés du compte LY2740242-Y2 auprès de Paine Webber pour l'année 1991;

24)            Copie de certains relevés du compte BX18113-32 auprès de Paine Webber pour les années 1990 et 1991;

25)            Copie de certains relevés du compte LV00377-Y2 auprès de Paine Webber pour l'année 1991;

26)            Copie de certains relevés du compte GO-00516-Y3 auprès de Paine Webber pour les années 1992, 1993 et 1994;

27)            Copie de certains relevés du compte GO-32924-Y3 auprès de Paine Webber pour les années 1993 et 1994;

28)            Copie de documents de Paine Webber faisant état des intérêts et dividendes concernant le compte GO-00516-Y3 pour les années 1991 à 1994;

29)            Copie de documents de Paine Webber faisant état des intérêts et dividendes concernant le compte GO-32924-Y3 pour les années 1993, 1994 et 1995;

30)            Copie de documents de Paine Webber faisant état des intérêts et dividendes concernant le compte GO-00458-Y3 pour les années 1990 à 1995;

31)            Copie d'un affidavit de madame Eugenia Coukos et monsieur Klearkos Coukos en date du 7 août 1996;

32)            Copie d'une lettre de monsieur Louis G. Poulin de Paine Webber en date du 12 juin 1996;

33)            Copie d'une lettre de Me Konstantinos G. Ganalopoulos en date du 14 juin 1996;

34)            Copie d'un extrait du testament de madame Eugenia Coukos en date du 27 novembre 1978;

35)            Copie d'un extrait du testament de monsieur Klearkos Coukos en date du 27 novembre 1978;

36)            Copie d'une procuration de madame Eugenia Coukos autorisant madame Perséphone Canonne à agir en son nom auprès de Lévesque Beaubien Geoffrion inc.;

37)            Copie d'une procuration de madame Eugenia Coukos nommant madame Perséphone Canonne son procureur pour les fins des comptes 30 271-09, 9807-00 auprès de la Banque Nationale du Canada;

[5]            Le fondement des cotisations repose sur des informations reçues du fisc américain. En vertu de ces informations, les appelants ont reçu des intérêts et/ou dividendes générés par des placements enregistrés à leurs noms dans un premier temps, et à titre conjoint dans un deuxième temps. Les revenus enregistrés à leur nom respectif ont fait l'objet d'admission quant à la pertinence des cotisations inhérentes, à l'exception des pénalités qui elles, ont été contestées.

[6]            La contestation porte donc essentiellement sur la partie des cotisations émises pour les revenus émanant des placements conjoints et sur toutes les pénalités, y compris celles ayant trait aux revenus non déclarés mais admis.

[7]            L'intimée soutient qu'elle n'avait pas à questionner la propriété des fonds ayant généré les revenus cotisés, la seule donnée pertinente pour justifier la cotisation étant, toujours selon l'intimée, le seul constat que des revenus avaient bel et bien été versés aux appelants.

[8]            À cet égard, les appelants ont reproché au ministre du Revenu national (le “ Ministre ”) son peu d'initiatives et de démarches pour connaître les origines du capital et surtout pour en identifier les propriétaires. Il s'agit là de reproches injustifiés puisque le Ministre n'avait aucune obligation de vérifier la propriété des revenus cotisables.

[9]            Lorsque des revenus de biens sont payables à une personne sans aucune mention quant à sa qualité de recevoir de tels revenus, il y a une forte présomption qu'il s'agit de revenus qui lui sont personnels.

[10]          Cette présomption n'est toutefois pas absolue ou Juris de Jure, elle peut être renversée par une preuve contraire. En l'espèce, les appelants ont soumis une preuve testimoniale élaborée et surtout soutenue par une abondante preuve documentaire établissant de manière prépondérante que les revenus générés par les fonds du compte conjoint n'étaient ni à eux ni pour eux, mais pour le bénéfice éventuel de leur nièce, le capital étant la propriété des parents de cette même nièce.

[11]          Les divers documents financiers produits ont démontré une suite cohérente et raisonnable de l'évolution du compte et de sa transition qui a fait en sorte que les appelants en sont devenus à un moment donné les auteurs bénéficiaires.

[12]          À ce stade, j'ouvre une parenthèse quant à un aspect de la preuve. La preuve a été plutôt faible quant à la provenance des fonds originaux. Certes, les appelants ont vigoureusement soutenu qu'ils étaient la propriété de monsieur Coukos et de son épouse, soeur de l'appelante et belle-soeur de l'appelant. Ils ont longuement fait état de l'âge, de l'état de santé, de la qualité de vie de monsieur et madame Coukos, vivant au États-Unis, et du pourcentage très élevé de l'incapacité physique et mentale de leur nièce Andromaque Coukos.

[13]          Aucun d'eux n'est venu témoigner. Leurs témoignages auraient été la meilleure preuve et auraient surtout permis à l'intimée de les contre-interroger. D'autre part, ils auraient permis de faire certaines clarifications utiles. Non seulement ils n'ont pas témoigné, aucune preuve n'a été soumise quant à la capacité ou incapacité relatives des personnes dont il a abondamment été question tout au long de l'enquête. La parenthèse fermée, il y a lieu de poursuivre l'analyse.

[14]          Compte tenu du très haut degré d'éducation et d'expertise de l'appelant en matière de droit et d'administration et de sa vaste expérience dans des domaines connexes, le Tribunal a été étonné, voire même un peu suspect, par l'amateurisme du procédé retenu pour faire fructifier un capital devant bénéficier éventuellement à quelqu'un d'autre qu'au propriétaire.

[15]          À cet égard, l'appelant a indiqué avoir recommandé aux parents d'Andromaque Coukos de constituer une fiducie pour assurer la transparence et cohérence des opérations inhérentes aux besoins financiers éventuels d'Andromaque Coukos.

[16]          L'appelant a indiqué que son beau-frère n'avait pas adhéré à l'idée de la fiducie à cause des déboursés importants requis, tant pour sa constitution que pour les frais récurrents annuels.

[17]          Pour expliquer l'absence de documents explicites quant à l'étendue des droits, pouvoirs et obligations des appelants, monsieur Canonne a affirmé que l'honnêteté était une question de culture et que cette même culture rendait superflu tout document.

[18]          Il a même prétendu qu'exiger des documents pouvait être insultant et mettre en cause l'honnêteté. Étant donné les conséquences possibles du scénario retenu et étant donné l'expérience et les connaissances de l'appelant, il aurait été plus approprié d'insister et voire même de refuser d'agir devant le refus de constituer une fiducie.

[19]          Les lois fiscales sont les mêmes pour tous et tous y sont assujettis de la même façon. Les usages et coutumes propres aux habitudes culturelles de certains canadiens n'ont rien à voir avec les obligations fiscales auxquelles sont assujettis tous les canadiens, peu importe leur origine.

[20]          L'appelant a indiqué que ses connaissances en matière fiscale étaient plus théoriques que pratiques. Il a aussi prétendu que son épouse était indépendante et autonome quant à son dossier fiscal. Je crois que l'appelant avait des connaissances beaucoup plus étendues qu'il ne le prétend. Bien plus, je crois qu'il connaissait très bien l'étendue de ses droits et obligations.

[21]          Dans un deuxième temps, je crois que l'appelant était l'âme dirigeante de tout le dossier relatif aux placements conjoints. Le Tribunal n'a aucun doute qu'il avait un ascendant certain sur son épouse quant aux questions d'ordre fiscal. Cela ressort d'une manière toute particulière de la transcription de certains extraits du témoignage de l'appelant et de celui de son épouse.

Témoignage de l'appelant, Jean Canonne, à la page 69 :

                ...

Q.             Cependant, c'est vous qui remettez tous les documents pertinents à la préparation de votre rapport d'impôt...

R.             Oui.

Q.             ... à votre comptable. Est-ce que c'est vous qui vous occupez également de remettre les mêmes papiers pour votre conjointe ?

R.             Non, ma femme a... nous avons chacun nos affaires ma femme et moi, elle a son comptable et j'ai mon comptable.

Q.             D'accord. Dites-moi, monsieur Canonne, même si ce n'est pas vous qui préparez votre rapport d'impôt, vous êtes quand même conscient de l'importance qu'il y a à donner toute l'information pertinente à votre comptable.

R.             Oui, oui.

...

Témoignage de l'appelant, Jean Canonne, à la page 74 :

...

Q.             Vous étiez au courant, monsieur Canonne, que votre conjointe avait également des placements personnels aux États-Unis ?

R.             Je vous ai dit tout à l'heure que ma femme et moi nous avons... je ne dis pas que nous ne parlons pas de nos affaires, mais je ne m'occupe pas du détail de ses affaires, je serais même incapable de vous dire ce qu'elle a exactement, je ne le sais pas puis je ne veux pas le savoir.

Q.             Monsieur Canonne, en 1994, est-ce que c'est possible que votre conjointe ait gagné des revenus d'intérêts dans un compte personnel ?

R.             J'aimerais mieux que vous le lui demandiez à elle.

Q.             Non, je vous le demande à vous, monsieur Canonne.

...

Témoignage de l'appelant, Jean Canonne, à la page 94 :

...

Q.             Vous dites que ce document-là représente des sommes d'argent qui ont été versées de madame Eugénia Coukos à madame Perséphone Canonne, c'est exact ?

R.             Tout ce que je peux dire, comme j'ai dit tout à l'heure, c'était un document écrit en langue grecque qui a été changé entre mon épouse et sa soeur à l'époque où... qu'elle a été faite, que j'ignore à quelle époque exactement ça a été fait mais que, ultérieurement, quand cette pièce m'a été montrée, ma femme m'a dit que c'étaient des sommes que sa soeur lui avait remises et qu'elle avait gérées pour son compte. C'est tout ce que j'en sais, j'en sais pas plus.

...

Témoignage de l'appelant, Jean Canonne, à la page 96 :

...

Q.             Vous ne savez pas de quelle manière cet argent-là a été versé à votre épouse ?

R.             Je ne sais pas de quelle manière il a été versé, on en a parlé mon épouse et moi quand cette pièce est venue à ma connaissance il n'y a pas tellement longtemps et mon épouse m'a dit que ça avait été... elle l'avait placé sur des comptes... sur un compte dont ma belle-soeur était titulaire ici au Canada, sur lequel elle a un pouvoir, qui a été déposé dans les pièces.

Témoignage de l'appelante, Perséphone Canonne à la page 131 :

R.             Non, je vous ai dit non.

Q.             C'est toujours pas votre écriture ça.

R.             Non.

Q.             D'accord. Savez-vous c'est l'écriture de qui ?

R.             Je pense que c'est celle de mon époux.

Q.             Vous pensez que c'est celle de votre époux.

R.             Parce que souvent il préparait aussi mon rapport.

Q.             Il préparait votre rapport d'impôt, vous dites ?

R.             Oui.

Q.             D'accord. Qui lui fournit tous les documents afférents...

R.             Moi.

Q.             ... au rapport d'impôt, c'est vous ?

R.             Moi.

Q.             Vous devez regarder le juge, madame Canonne.

Témoignage de l'appelante, Perséphone Canonne à la page 138 :

Q.             Et il n'a pas été jamais à ce moment-là... pardon. Je vais reformuler ma question, de toute façon monsieur le Juge. Il n'a pas été... il a été question à ce moment-là de créer une fiducie, hein, pour Andréa ?

R.             Mon mari a insisté énormément, ils ont économisé ça avec difficulté, je sais qu'il a été question, on a insisté.

Q.             Est-ce que c'est exact de dire, votre conjoint a révélé que c'était parce que monsieur Coukos ne voulait pas défrayer les frais afférents à une fiducie, c'est exact ça ?

R.             Il trouvait que c'était assez dispendieux.

Q.             C'est la seule raison pour laquelle il n'a pas créé de fiducie ?

R.             Il ne voyait pas la pertinence probablement. Il n'a... il n'était pas suffisamment informé, instruit peut-être pour comprendre la pertinence.

[22]          Bien que certains éléments aient affaibli la qualité de la preuve, je ne peux pas pour autant en disqualifier l'ensemble puisque le fardeau imposé aux appelants en est un de prépondérance.

[23]          À la lumière des explications soumises et de la preuve documentaire confirmant les aspects fondamentaux des témoignages, je crois qu'il y a lieu de retenir comme probante l'explication fournie par les appelants, à savoir qu'ils ont essentiellement agi comme mandataires pour et au nom de monsieur et madame Coukos, d'où il y a lieu d'accueillir les appels quant aux revenus générés par les placements conjoints enregistrés au nom des appelants.

[24]          Quant aux cotisations établies sur les revenus de placements individuels non déclarés, elles sont bien fondées, d'autant plus qu'elles n'ont fait l'objet d'aucune contestation; les appelants ont admis ne pas avoir déclaré les montants concernés.

Témoignage de l'appelant, Jean Canonne à la page 19 :

Q.             Qu'est-ce qui est arrivé avec cet argent-là, monsieur Canonne, par la suite ?

R.             À ce moment-là, le même monsieur Rompré m'a dit un jour, je ne sais plus si c'est à Montréal que j'ai téléphoné ou si je lui ai téléphoné aux Bahamas, je me rappelle plus, mais il m'a dit que le money market c'était fini, que les belles époques du money market étaient finies et qu'il faudrait envisager un autre forme de placement.

                Et c'est à ce moment-là qu'après avoir parlé à ma belle-soeur et à mon beau-frère, ces argents ont été transférés au Crédit Suisse à la succursale du Crédit Suisse à Montréal, dont il se trouvait que j'avais connu un conseiller au cours d'une réunion, je crois que c'est une réunion du... où je l'avais... j'ai eu l'occasion de le rencontrer et je lui avais parlé de ces problèmes.

Témoignage de l'appelant, Jean Canonne aux pages 49, 50 et 51 :

...

Q.             Est-ce que j'ai raison de penser, monsieur Canonne, que les montants qui ont été rajoutés à titre de revenus de placements étrangers proviennent tous de revenus d'intérêts ou de placements du compte Jean et Perséphone Canonne ?

R.             Non, pas en totalité. Pour l'année... pour la première année il y a 3 000 $, qui est 3 ou 4 000 $ qui était personnel; pour la deuxième année, 5 000 $ et pour la dernière année 8 ou 9 000 $ en dollars américains. D'ailleurs...

Q.             Un instant.

R.             Pardon.

Q.             Quant au reste...

R.             Ah! oui, quant au reste c'est...

Q.             ... le montant de revenu provient tous de ce fameux compte...

R.             Oui.

Q.             ... chez Paine Webber, compte de Jean et...

R.             Oui, hum.

Q.             ... Perséphone Canonne.

R.             D'ailleurs, j'ai... dès le... j'ai essayé d'expliquer, non pas à l'impôt mais par l'intermédiaire de mon comptable, la situation aux agents de l'impôt. Et quand j'ai consulté le dossier que j'ai eu par l'accès à l'information, je me suis rendu compte que dès la première année l'opinion de la première vérificatrice, madame Dumas, a été faite ou d'ailleurs elle s'est trompée, j'ai constaté que des avances qu'elle avait faites et qu'elle avait biffées elle-même à la page 787 du dossier, et ensuite son successeur, monsieur Bernard, s'est collé à ces canons-là, il n'en a pas bougé.

Q.             Alors, j'ai pas...

R.             Parce que les argents que j'ai moi-même reçus personnellement, dès octobre 95, j'ai dit au comptable que j'était prêt à les payer immédiatement.

...

Témoignage de l'appelant, Jean Canonne aux pages 69 et 70 et 71 :

...

Q.             Cependant, c'est vous qui remettez tous les documents pertinents à la préparation de votre rapport d'impôt...

R.             Oui.

Q.             ... à votre comptable. Est-ce que c'est vous qui vous occupez également de remettre les mêmes papiers pour votre conjointe ?

R.             Non, ma femme a... nous avons chacun nos affaires ma femme et moi, elle a son comptable et j'ai mon comptable.

Q.             D'accord. Dites-moi, monsieur Canonne, même si ce n'est pas vous qui préparer votre rapport d'impôt, vous êtes quand même conscient de l'importance qu'il y a à donner toute l'information pertinente à votre comptable.

R.             Oui, oui.

Q.             Malgré cela, monsieur Canonne, vous êtes d'accord avec moi pour dire que vous avez certains revenus d'intérêts et de dividendes provenant de certains comptes personnels chez Paine Webber, de 92 à 94, qui n'ont pas été déclarés dans votre rapport d'impôt, c'est exact ?

R.             Je vais répondre oui mais je vais ajouter que j'ai été vérifié plusieurs fois au point de vue affaires et que les redressements auxquels j'ai été l'objet étaient minimes et même dans certains cas j'ai gagné de... j'ai gagné contre l'impôt et on m'a remboursé des sommes qu'on m'avait cotisées à tort.

Q.             Est-ce que c'est exact de dire, monsieur Canonne, que vous aviez été vérifié avant la vérification qui a fait l'objet des présentes cotisations...

R.             Je peux même dire...

Q.             ... vous aviez... attendez la fin de ma question.

R.             Pardon.

Q.             Vous aviez été vérifié par madame Martine Dumas pour les années 91, 92 et 93, est-ce que c'est exact ?

R.             Je me rappelle plus les années pour lesquelles elle m'a vérifié mais en tout cas le montant du redressement au point de vue de mes autres revenus est absolument minimum.

Q.             Monsieur Canonne...

R.             Et la vérification n'était pas terminée lorsqu'elle a demandé quelle était la source d'intérêt qui avait été payée par Paine Webber sur le compte Perséphone et Jean Canonne. Autrement dit, cette vérification, elle n'a jamais été terminée.

Q.             Monsieur Canonne, est-ce que vous avez indiqué, soit à madame Dumas ou soit dans vos déclarations d'impôt, que vous avez des revenus d'intérêts ?

R.             Non, je n'ai pas...

Q.             Provenant des États-Unis.

R.             ... Je l'ai dit tout à l'heure en réponse à la question de maître Côté, j'ai eu des revenus d'intérêt de l'ordre de 3 000 $ en 92, 4 000 $ en 94 et 7 000 $ ou 8 000 $ en 94, revenus américains d'un compte personnel que j'avais chez Paine Webber et que je n'ai pas déclaré pour la raison suivante. Nous sommes, ma femme et moi, conjointement propriétaires d'un certain nombre de terrains à bâtir dans une localité de Floride, qui s'appelle Cape Coral, et pour lesquels chaque année le montant des taxes et des assessments et des différentes charges est de l'ordre de 5 000 $.

...

Témoignage de l'appelante, Perséphone Canonne aux pages 143, 144, 145 et 146 :

...

Q.             Dites-moi, madame Canonne, vous, personnellement, vous aviez un portefeuille chez Paine Webber, c'est exact ?

R.             Oui.

Q.             À vous personnellement ?

R.             Oui.

Q.             Est-ce que c'est exact de dire que vous n'avez pas déclaré les dividendes et les intérêts ?

R.             Oui, et...

Q.             De ce portefeuille-là.

R.             ... il y a eu un petit problème, il y a eu probablement un petit problème. On attend, on attend toujours les papiers arriver, comme il y a eu des petits problèmes avec Proxair ou Xerox, que nous n'avons pas eu ce papier. J'ai reconnu que j'ai été un peu légère, c'était un moment de circonstances difficiles. J'ai reconnu et je les ai payés. Et j'ai accepté.

Q.             Vous les avez payés ?

R.             Oui.

Q.             Vous dites que c'est un moment difficile, c'est un moment difficile pour votre... dans votre vie à vous ?

R.             Dans ma vie aussi.

Q.             Et ces difficultés-là, ça faisant en sorte que vous n'étiez pas capable de déclarer des revenus d'intérêts et de dividendes.

R.             Bien, peut-être que j'ai... non, maître, c'est possible que j'ai négligé les papiers, c'est possible que les papiers ont été perdus. Si vous regardez bien, il y a, comme je disais, une année de dividendes de Xerox qui manquait et je n'ai pas regardé pendant cette période de ma vie, je n'ai pas regardé. Moi-même j'étais hospitalisée, je fais de l'arythmie. En 94, je touche... j'étais même avant avec un médecin, moi-même je n'étais pas bien en 94. Et je n'ai pas regardé. Mais j'ai reconnu à madame Garneau et j'ai payé.

Q.             Madame Canonne, en 1994, vous avez oublié d'inclure dans vos... dans votre déclaration d'impôt des intérêts de 20 965 $ US.    

R.             Oui, je sais ça.

Q.             C'est à cause de votre maladie, ça ?

R.             Probablement, maître. Il faut dire que je ne suis pas très ferrée dans les calculs, je suis très désordonnée et ça c'est mon grand défaut. Je tenais plus pour la recherche que pour les chiffres.

Q.             Mais si je regarde votre déclaration d'impôt pour l'année 94, madame Canonne, un document qui est écrit à la main, Perséphone Canonne, 1994, REER, ligne 208. Mettez vos lunettes pour le regarder, s'il vous plaît.

Solde de 1993 non utilisé, 2 924 $; fonds de solidarité 1 775 $ plus 340 $; Lévesque Beaubien, 4 756 $.

Vous auriez donc eu un total de 9 995 $. Vous auriez contribué pour 9 570 $ dans cette année-là à votre REER ?

R.             Je ne m'en souviens pas, maître.

Q.             Vous ne vous en souvenez pas.

R.             Non. Et est-ce que j'en ai contribué trop ou pas assez ?

Q.             Bien, vous dites, madame Canonne, d'une part que vous aviez des problèmes de santé et que ça vous a empêché de peut-être jusqu'à un certain point de vous occuper de vos affaires de manière...

R.             Ordonnée.

Q.             ... ordonnée.

R.             Oui.

Q.             Mais malgré ce problème-là, vous êtes quand même capable de contribuer dans votre REER.

R.             C'est parce qu'ils nous envoient des... ils envoient, les compagnies, et ils sont plus ordonnés que moi.

Q.             Mais les compagnies là, madame Canonne, ils vous envoient, vous, les relevés bancaires. Paine Webber, ils vous les envoient les relevés mensuels ?

R.             Je viens de vous expliquer, maître, que je l'ai pas... je l'ai pas eu. J'ai reconnu et j'ai payé, que dois-je dire de plus ? Et j'étais même très mécontente de moi-même.

...

[25]          Pour ce qui est des pénalités découlant de l'omission de déclarer ces mêmes montants, je suis d'avis que l'intimée a relevé le fardeau de preuve qui lui incombait à cet égard. En effet, il a été établi que les appelants étaient deux personnes très scolarisées ayant des connaissances d'un niveau très supérieur à la moyenne en matière fiscale. Les montants non déclarés étaient importants dans le dossier de l'appelante, bien que moins importants dans le dossier de monsieur; il s'agissait, par contre, de montants non déclarés sur plus d'une année.

[26]          Bien que l'appelant ait voulu déprécier ou sous-évaluer ses connaissances en matière fiscale et bien qu'il ait fait mention que lui et son épouse s'en remettaient tous deux à un comptable pour la préparation de leurs déclarations de revenus, je crois que l'appelant connaissait très bien les conséquences de cacher des revenus, si minimes étaient-ils.

[27]          Il avait en outre un ascendant en matière d'administration, comptabilité et fiscalité sur son épouse et connaissait sans doute l'étendue des revenus de cette dernière.

[28]          Pour réduire son fardeau fiscal, l'appelante profitait des bénéfices d'un REER et de déductions conséquentes à des dons; cela l'obligeait à faire toutes les démarches inhérentes, soit pour faire la remise du bien ou de l'oeuvre d'art et obtenir en contrepartie l'évaluation et le reçu approprié.

[29]          Il s'agissait là de faits et gestes concrets dont l'un des effets, si marginal soit-il, était tout au moins en partie de réduire sa charge fiscale. En contrepartie, l'appelante ne bénéficiait pas de plusieurs dizaines de sources de revenus; elle enseignait à l'Université. Tous les faits relatifs à son dossier fiscal étaient, somme toute, simples, non compliqués et ne laissant aucun espace à un oubli aussi grossier que celui qui a fait l'objet d'une cotisation suite au constat de revenus non déclarés.

[30]          À tous ces éléments s'ajoute l'importance même des revenus non déclarés qui réfute la possibilité qu'il se soit agit d'un banal oubli.

[31]          Les appelants, deux personnes très scolarisées, oeuvrant tous deux dans le domaine de l'enseignement universitaire, planifiaient et consacraient une partie de leur disponibilité à la planification de leur retraite en y intégrant les inquiétudes suscitées par le besoin financier de leur nièce très handicapée.

[32]          Pouvaient-ils être distraits au point de ne pas déclarer à répétition certains revenus dans un cas et oublier dans l'autre un montant substantiel ? Non seulement je réponds par la négative, j'ajoute que les appelants ont sans doute été influencés, sinon inspirés, par le stratagème retenu dans le cadre du placement conjoint pour le compte et bénéfice de quelqu'un d'autre.

[33]          Non seulement, l'intimée a relevé le fardeau de la preuve qui lui incombait pour justifier le bien-fondé de l'imposition des pénalités relatives aux revenus personnels non déclarés, les appelants n'ont soumis aucune preuve qui soit de nature à discréditer la qualité de la preuve de l'intimée.

[34]          Bien au contraire, la preuve soumise pour valider leurs prétentions quant aux revenus provenant du compte conjoint administré pour et au nom des parents de leur nièce, a eu pour effet d'alourdir la gravité de la faute relative aux revenus provenant de leur compte individuel.

[35]          En effet, pour ces revenus, ils n'avaient aucune excuse raisonnable et avaient les connaissances requises pour savoir et comprendre la gravité de leur geste. En vertu de la preuve, il n'y a aucun doute qu'il s'agissait d'une faute lourde qui justifiait l'imposition de pénalités.

[36]          Pour toutes ces raisons, les appels sont accueillis en ce que le dossier est déféré au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en prenant pour acquis que les appelants agissaient comme mandataires pour et au nom de tiers quant aux placements enregistrés à leur ordre conjoint. Pour ce qui est des revenus qu'ils ont reçu à titre individuel et personnel, il s'agissait de revenus imposables qu'ils ont sciemment négligé de déclarer, d'où les pénalités imposées étaient justifiées et bien fondées. Le tout sans frais.

Signé à Ottawa, Canada ce 10e jour d'avril 2001.

“ Alain Tardif ”

J.C.C.I.

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