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Date: 20010419

Dossier: 97-959-IT-I

ENTRE :

SUZANNE CHARTIER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1]            L'appel de Suzanne Chartier contre la cotisation pour l'année d'imposition 1995, dont l'avis de cotisation est en date du 15 avril 1996, porte sur les intérêts calculés sur les acomptes provisionnels impayés par madame Chartier au cours de l'année d'imposition 1995.

[2]            Madame Chartier a été représenté par son mari, Jules Chartier. Personne n'a témoigné de la part de l'appelante.

[3]            Dans l'avis d'appel l'appelante a allégué que le ministre du Revenu national (“ Ministre ”) a chargé des intérêts par anticipation, sans reconnaître le paiement versé au compte fait en vertu du paragraphe 156(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (“ Loi ”). De l'avis de l'appelante, les taux d'intérêt augmentés prévus aux articles 4300 et 4301 du Règlement de l'impôt sur le revenu (“ Règlement ”) ne sont pas applicables en l'espèce.[1] La Loi, selon ce qu'elle constate, ne prévoit pas un calcul d'intérêt pour impôt par anticipation impayé.

[4]            Pour établir la cotisation, le Ministre a tenu compte des faits suivants :

a)              pour l'année d'imposition 1995, le revenu total de l'appelante était de 19 742 $ ;

b)             la source principale de revenu de l'appelante n'était ni l'agriculture ou la pêche ;

c)              au cours de l'année d'imposition 1995, le revenu de l'appelante n'a fait l'objet d'aucune retenue à la source ;

d)             l'impôt exigible pour l'année d'imposition 1995 était de 2 967,12 $ ;

e)              l'impôt exigible pour les années d'imposition 1993 et 1994 était respectivement de 2 562,59 $ et de 1 536,55 $ ;

f)              l'appelante était tenue de verser des acomptes provisionnels de 1 536 $ en vue de l'année d'imposition 1995, mais a omis de le faire.

[5]            Il n'est pas contesté que l'appelante devait, au cours de l'année 1995, faire des paiements par acomptes provisionnels pour un montant de 1 536 $ en vertu de l'article 156 de la Loi. Les paiements n'ayant pas été faits dans les délais prévus à cette disposition, le Ministre a exigé de l'appelante, par avis de cotisation en date du 15 avril 1996, le paiement de 134,44 $ à titre d'intérêt, en vertu du paragraphe 161(2) de la Loi et des articles 4300 et 4301 du Règlement. Le litige porte sur le calcul de l'intérêt exigé par le Ministre.

[6]            L'appelante a également soulevé que l'avis de cotisation du 15 avril 1996 est erroné en ce qu'il fait mention d'un paiement effectué par l'appelante, au montant de 2 867,12 $ postdaté au 30 avril de la même année, alors que le paiement effectivement effectué par l'appelante était au montant de 2 967,12 $. Cette erreur ayant été reconnue par le témoin, monsieur René Davidson de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, le litige porte uniquement sur le calcul de l'intérêt exigé par le Ministre en conséquence des acomptes provisionnels impayés.[2]

[7]            Le premier argument de l'appelante porte sur les intérêts calculés par le Ministre entre la date de l'avis de cotisation et celle du paiement effectué le 30 avril 1996. Selon l'argument de l'appelante, le calcul des intérêts lors de l'avis de cotisation aurait dû n'inclure que les intérêts dus à la date de l'avis de cotisation. L'appelante n'ayant effectué aucun paiement avant le 30 avril 1996, elle ne subit aucun préjudice de ce calcul. Dans l'éventualité où un paiement avait été effectué entre le 16 avril 1996 et le 30 avril 1996, le montant payable à titre d'intérêt aurait dû être ajusté pour en tenir compte. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Conformément à ce que soumet l'intimée, l'appelante aurait au contraire subi un préjudice si le Ministre ne l'avait informée qu'après le 30 avril 1996 des intérêts courus entre le 16 avril 1996 et le 30 avril 1996, puisque des intérêts supplémentaires se seraient accumulés avant que l'appelante ne puisse effectuer son paiement. En conséquence, l'argument de l'appelante ne peut pas réussir.

[8]            Le second argument de l'appelante porte sur le taux applicable aux fins du calcul des intérêts payables. De l'avis de l'appelante, l'augmentation de deux pour cent supplémentaire est applicable seulement aux montants d'impôt impayés et ne doit, par conséquent, pas être appliqué aux acomptes provisionnels, ceux-ci ne constituant pas de l'impôt impayé, mais plutôt de l'impôt par anticipation. À mon avis, un tel argument ne peut être retenu. En vertu du paragraphe 4301 a) du Règlement, le taux augmenté demeure applicable aux dispositions de la Loi selon lesquelles des intérêts calculés au taux prescrit sont à payer au Receveur général. En vertu du paragraphe 4301 b), le taux applicable préalablement aux modifications est applicable aux dispositions de la Loi selon lesquelles des intérêts calculés au taux prescrit sont à payer ou à imputer sur un montant que le Ministre verse à un contribuable. Les intérêts faisant l'objet du présent litige sont prévus par le paragraphe 161(2) de la Loi, lequel énonce qu'un contribuable qui n'a pas payé tout ou partie d'un acompte provisionnel auquel il est tenu doit verser au Receveur général des intérêts sur le montant qu'il n'a pas payé, calculés au taux prescrit. Il découle des termes employés au paragraphe 161(2) de la Loi et à l'alinéa 4301 a) du Règlement que le taux augmenté est le taux applicable. Il est également intéressant de soulever le passage suivant du Plan budgétaire, Mesures fiscales : renseignements supplémentaires à la page 199, émis au moment de la modification de l'article 4301 du Règlement, lequel énonce clairement que la position de l'appelante ne peut être soutenue :

Intérêt sur l'impôt sur le revenu impayé

. . .

À compter du 1er juillet 1995, il est proposé que le taux sur les impôts impayés soit augmenté de deux points. Le nouveau taux s'appliquera à l'impôt sur le revenu en retard, aux acomptes provisionnels insuffisants, . . .

[9]            Enfin, le troisième argument de l'appelante porte sur la période de calcul des intérêts. Les intérêts ont en effet été calculés du jour suivant la date où le paiement était dû jusqu'au jour auquel le paiement a été effectué, inclusivement. L'appelante soumet que les intérêts auraient dû, au contraire être calculés du jour où le paiement était dû jusqu'au jour précédent le jour où le paiement a été effectué, inclusivement. Elle ne soumet toutefois aucun argument au soutien de sa position, si ce n'est que le jour où le paiement est effectué, les sommes deviennent effectivement en possession du créancier. L'intimée se fonde pour sa part sur les dispositions des paragraphes (3) et (4) de l'article 27 de la Loi d'interprétation pour affirmer que la méthode de calcul employée par le Ministre est la méthode applicable.[3] En vertu du paragraphe (3), si le délai doit courir jusqu'à un jour déterminé, ce jour compte. Il en découle que la date à laquelle le paiement est effectué doit être calculée dans la période au cours de laquelle des intérêts sont payables au sens du paragraphe 161(2). En vertu du paragraphe (4), si le délai suit un jour déterminé, ce jour ne compte pas. Il est pertinent de référer à la version anglaise du paragraphe 27(4), qui est plus explicite quant à la règle applicable : “ Where a time is expressed to begin after or to be from a specified day, the time does not include that day. ” Une traduction plus exacte de la version anglaise se lirait de la manière suivante : “ Si le délai est stipulé commencer après ou à partir d'un jour déterminé, ce jour ne compte pas ”. En vertu de cette règle, la date à laquelle les acomptes provisionnels devaient au plus tard être payés n'est pas incluse dans le calcul de la période au cours de laquelle des intérêts sont payables au sens du paragraphe 161(2). L'argument de l'appelante à ce sujet doit également être rejeté.

[10]          L'appel sera admis, mais seulement pour calculer l'intérêt en tenant compte du fait que le paiement effectué par l'appelante le 30 avril était au montant de 2 967,12 $, si nécessaire. Sinon, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'avril 2001.

“ Gerald J. Rip ”

J.C.C.I.



[1]               Le 13 juin 1995, le Gouverneur général en conseil a modifié le Règlement, C.R.C., ch. 945 :

                1. L'article 4301 du Règlement de l'impôt sur le revenu est remplacé par ce qui suit :

                4301. Sous réserve de l'article 4302, le taux d'intérêt applicable à un trimestre donné est :

                a) pour l'application des dispositions de la Loi selon lesquelles des intérêts calculés au taux prescrit sont à payer au receveur général, le total des taux suivants :

                                                (i) le taux qui représente la moyenne arithmétique simple, exprimée en pourcentage annuel et arrondie au point de pourcentage supérieur, des pourcentages dont chacun représente le taux de rendement hebdomadaire moyen, exprimé en pourcentage annuel, des bons du Trésor du gouvernement du Canada qui arrivent à échéance environ trois mois après la date de leur émission et qui sont vendus au cours d'une adjudication hebdomadaire de bons du Trésor pendant le premier mois du trimestre qui précède le trimestre donné,

                                (ii) 4 pour cent;

                b) pour l'application des dispositions de la Loi selon lesquelles des intérêts calculés au taux prescrit sont à payer ou à imputer sur un montant que le ministre verse à un contribuable, le total des taux suivants :

                                (i) le taux déterminé selon le sous-alinéa a)(i) pour le trimestre donné,

                                (ii) 2 pour cent;

                c) pour l'application des autres dispositions de la Loi qui font mention d'un taux d'intérêt prescrit, le taux déterminé selon le sous-alinéa a)(i) pour le trimestre donné.

                2. L'article 1 s'applique aux intérêts calculés pour les périodes postérieures à juin 1995.

                                Le ministre des Finances a préparé un résumé de l'étude d'impact de la règlementation :

                                L'article 4301 du Règlement de l'impôt sur le revenu permet de déterminer le taux d'intérêt prescrit applicable aux paiements d'impôt en souffrance et aux remboursements de paiements en trop. Avant que cet article ne soit modifié, le taux d'intérêt prescrit pour un trimestre d'année civile correspondait au taux moyen des bons du Trésor à 90 jours, vendus au cours du premier mois du trimestre précédent, arrondi au point de pourcentage supérieur, puis majoré de deux pour cent.

                                La modification apportée à l'article 4301 fait suite à la mesure annoncée dans le budget du 27 février 1995, selon laquelle le taux d'intérêt prescrit applicable aux paiements d'impôt en souffrance sera augmenté de deux pour cent le 1er juillet 1995. La formule servant au calcul du taux prescrit applicable aux remboursements de paiements en trop demeure inchangée.

[2]               L'intimée a également reconnu le défaut de prendre en considération un paiement au montant de 128,51 $ effectué par l'appelante en date du 11 avril 1996, lequel paiement a été utilisé pour réduire le principal dû par celle-ci. En conséquence de ce paiement, l'intérêt payable par l'appelante aurait été de 133,78 $ au lieu de 134,44 $. Suite au paiement de 2 967,12 $ effectué en date du 30 avril 1996 et à un paiement supplémentaire de 3,49 $ en date du 17 mai 1996, le solde encore dû par l'appelante se chiffrait à 2,44 $. Ce solde, lequel aurait été de 1,78 $ si le paiement du 11 avril 1996 avait été considéré dans le calcul des intérêts, fût annulé par le Ministre le 28 août 1997. En conséquence, cette erreur n'a aucun effet sur le présent litige.

[3]              L'article 27 de la Loi d'interprétation prévoie ce qui suit :

            27. (1) Si le délai est exprimé en jours francs ou en un nombre minimal de jours entre deux événements, les jours où les événements surviennent ne comptent pas.

                        (2) Si le délai est exprimé en jours entre deux événements, sans qu'il soit précisé qu'il s'agit de jours francs, seul compte le jour où survient le second événement.

            (3) Si le délai doit commencer ou se terminer un jour déterminé ou courir jusqu'à un jour déterminé, ce jour compte. [Je souligne]

            (4) Si le délai suit un jour déterminé, ce jour ne compte pas. [Je souligne]

            (5) Lorsqu'un acte doit être accompli dans un délai qui suit ou précède un jour déterminé, ce jour ne compte pas.

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