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Date: 20010822

Dossier: 98-2960-IT-G

ENTRE :

GRAPHIC PACKAGING CANADA CORPORATION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience le

19 avril 2001 à Ottawa (Ontario),

et modifiés par la suite à des fins de clarté.)

Le juge Archambault, C.C.I.

[1]            Graphic Packaging Canada Corporation ( « GPC » ) interjette appel d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) à l'égard de l'année d'imposition 1988. Le ministre a rejeté la déduction, dans le calcul du gain en capital résultant de la vente par GPC de la totalité de ses actions de Gravure Graphics of Minnesota Inc. ( « GGM » ) à American Can Company ( « American » ) le 7 avril 1988, d'un montant de 2 618 529 $ (les « paiements » ) déclaré par GPC à titre de frais de la disposition. Plus précisément, ce montant correspond aux paiements effectués aux termes d'un régime de primes d'encouragement fondé sur la hausse de la valeur des actions (le « régime de primes d'encouragement » ) à certains cadres supérieurs de Color-Ad Packaging Inc. ( « CAPI » ), filiale à cent pour cent de GGM. Le ministre soutient que GPC n'était pas tenue légalement d'effectuer les paiements en question aux cadres de CAPI.

[2]            Le ministre a également rejeté une partie de la perte en capital déclarée par GPC par suite de la vente, le 25 août 1988, de 1 002 666 actions de Canadian Natural Resources Limited ( « CNR » ) qu'elle détenait (les « actions de CNR » ). La perte en capital a ainsi été ramenée de 18 096 405 $ à 25 859 $. Cette réduction est attribuable pour une bonne part à trois rajustements. D'abord, le ministre a réduit de 17 985 328 $ le prix de base rajusté ( « PBR » ) des actions de CNR détenues par GPC pour le ramener à 180 926 $. Ensuite, il a rejeté les montants suivants (les « frais relatifs à la disposition des actions de CNR » ) déduits par GPC relativement à la disposition des actions de CNR : a) la somme de 85 000 $ versée à Peters & Co. Ltd. ( « Peters » ); b) les honoraires d'avocat de 959 $.

[3]            Selon l'avocat de GPC, les seules questions encore en litige sont les suivantes : (i) la question de savoir si les sommes versées aux cadres supérieurs de CAPI peuvent être déduites lors du calcul du gain en capital réalisé par GPC à la suite de la disposition des actions de GGM, ou encore si les sommes en question peuvent être déduites du revenu de GPC pour l'année d'imposition 1988; (ii) la question du calcul du PBR des actions de CNR relativement auxquelles une perte en capital a été déclarée. GPC ne conteste pas le rejet, par le ministre, des frais relatifs à la disposition des actions de CNR.

Faits

[4]            Au début de l'audience, l'avocat de GPC a déposé la pièce A-2 : il s'agit d'une demande d'aveux présentée par l'avocat du ministre à l'appelante pour que celle-ci reconnaisse la véracité de certains faits énoncés aux paragraphes 1 à 51 dudit document. Voici les faits en question :

                          [TRADUCTION]

I.     VENTE DES ACTIONS DE GRAVURE GRAPHICS MINNESOTA INC.

1.     Le 14 mars 1998, l'appelante [GPC] a acquis de J.K. May Investments Ltd. ( « JKMay » ) et de Maynaki Holdings Ltd. ( « Maynaki » ) une participation de 100 % dans une société américaine appelée Gravure Graphics Minnesota Inc. ( « GGM » ).

2.     GGM détenait la totalité des actions d'une société américaine active, appelée Color-Ad Packaging Inc. ( « CAPI » ).

3.     Après avoir acquis GGM, l'appelante a vendu ses actions de cette société à une société avec laquelle elle n'avait aucun lien de dépendance ( « American » ) et a déclaré un gain en capital de 25 146 457 $.

4. Les frais relatifs à la disposition déclarés par l'appelante incluaient des paiements totalisant 2 618 529 $ (les « paiements » ) qu'elle avait effectués à certains employés de CAPI aux termes d'ententes (les « ententes » ) ayant été conclues entre les anciens actionnaires de GGM (JKMay et Maynaki) et les employés de CAPI, et auxquelles l'appelante n'était pas partie.

5.     En vertu des ententes, JKMay et Maynaki s'engageaient à verser à certains employés de CAPI une part de la hausse de la valeur des actions de CAPI dans l'éventualité où celles-ci étaient vendues.

6.     Les ententes ne précisaient pas que l'engagement devait être respecté par un acquéreur subséquent; de fait, il était indiqué que toute modification devait être consignée par écrit et recevoir l'agrément de toutes les parties. Aucune modification écrite de ce genre n'a été apportée.

7.     L'appelante n'était nullement tenue de faire les paiements aux employés de CAPI.

8.     Les obligations qu'auraient eues JKMay et Maynaki envers les employés de CAPI n'ont pas été transférées à l'appelante lorsqu'elle a acquis GGM.

9.     Ces obligations ne faisaient pas l'objet d'une condition de la vente des actions de GGM à l'appelante; les paiements ont été effectués aux termes d'ententes distinctes, auxquelles l'appelante n'était pas partie, qui prévoyaient le versement d'une somme aux employés en cas de vente.

II. REJET DES PERTES DÉCOULANT DE LA VENTE D'ACTIONS DE CANADIAN NATURAL RESOURCES LIMITED

10. Aux termes d'une décision rendue le 31 mars 1981 conformément à l'article 55 de la loi intitulée Securities Act (Loi sur les valeurs mobilières) de la Colombie-Britannique, Drummond Petroleum Ltd. ( « Drummond » ) - dont le nom est devenu Excel Energy Inc. ( « Excel » ) le 29 mai 1987 - a acquis 2 787 300 actions ordinaires du capital-actions de Canadian Natural Resources Limited ( « CNR » ). Accessoirement à cette décision, Drummond a déposé auprès du surintendant des courtiers ( « Superintendent of Brokers » ) le 27 mars 1981 un engagement dans lequel elle convenait de ne pas disposer des actions de CNR sans demander au préalable qu'une décision soit rendue conformément à l'article 55, ou de déposer un prospectus ou une déclaration de faits importants pour rendre les actions de CNR admissibles.

11. Au cours des années suivantes, le cours des actions de CNR a connu une baisse marquée, et Drummond a, en fin de compte, dévalué à 1 $ la valeur de son investissement dans CNR; la valeur d'origine de l'investissement au 31 octobre 1982 était de 68 347 347 $.

12. Une interdiction d'opérations a été rendue en juillet 1986 ou vers cette date par les commissions des valeurs mobilières de plusieurs provinces (Colombie-Britannique, Alberta, Manitoba et Ontario) relativement aux actions de CNR, en raison d'un manquement à l'obligation de produire les renseignements requis.

13. Vers la fin de 1986 et au début de 1987, Drummond a commencé à vendre sa participation dans CNR selon un plan prescrit. Elle a conclu avec la maison de courtage Peters & Co. Limited ( « Peters » ) une entente de commercialisation exclusive aux termes de laquelle Peters s'efforcerait d'organiser la vente d'une des filiales de Drummond ou de plusieurs d'entre elles, lesdites filiales n'ayant d'autre élément d'actif que les actions ordinaires de CNR.

14. Le surintendant des courtiers de la Colombie-Britannique a envoyé à Drummond le 27 février 1987 une lettre renonçant aux conditions de l'engagement pris le 27 mars 1981, sous réserve de l'obtention par Drummond du consentement écrit exprès du surintendant relativement à toute disposition d'actions de CNR, exception faite des dispositions visant à provoquer une perte en capital pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu.

15. Le 1er avril 1987 ou vers cette date, Drummond a demandé à la commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique ( « British Columbia Securities Commission » ) de révoquer en partie son interdiction d'opérations concernant les actions ordinaires de CNR. Dans cette demande, Drummond énonçait les points suivants :

i)                 « Drummond a conclu une autre entente avec des sociétés avec lesquelles elle n'a pas de lien de dépendance, aux termes de laquelle deux sociétés fédérales achèteront en fin de compte les actions de CNR afin de réaliser une perte en capital. Pour que le prix de base rajusté reste le même après la vente des actions de CNR, Drummond doit transférer ces dernières à la filiale à cent pour cent d'une filiale à cent pour cent. »

ii)                On trouve l'énoncé suivant sous la rubrique « Nature de la demande » : « Du fait que l'opération est effectuée dans le but de provoquer une perte aux fins d'impôt, la renonciation aux conditions d'engagement rendue le 27 février 1987 par le surintendant des courtiers s'appliquerait de sorte que Drummond n'a aucune autre mesure à prendre à ce propos.

Nous reconnaissons toutefois que les actions de CNRL continuent de faire l'objet d'une interdiction d'opérations rendue le 31 juillet 1986 et prorogée le 15 août 1986, ce qui empêche toute opération relativement aux actions de CNRL. Nous faisons valoir qu'une révocation partielle à l'égard de cette interdiction d'opérations, de façon à autoriser Drummond à effectuer les opérations décrites précédemment, n'irait en aucune manière à l'encontre de l'intérêt public, puisque les actions seraient acquises par une société fermée dans le but de provoquer une perte aux fins d'impôt, et que par conséquent il ne s'agit nullement d'un appel public. »

16. Le 16 juin 1987 ou vers cette date, 156655 Canada Inc. ( « 156655 » ) a été constituée en personne morale en vertu de la Loi sur les sociétés par actions du Canada ( « LSAC » ) par un avocat appartenant à l'étude d'avocats Code Hunter, de Calgary. 156655 était une filiale à cent pour cent d'Excel.

17. Le 7 avril 1988 ou vers cette date, l'appelante a vendu à American sa participation dans GGM, et elle a fait état d'un gain en capital de 25 146 457 $ au titre de cette disposition dans sa déclaration de revenus de 1988.

18. Le 13 avril 1988 ou vers cette date, à 12 h 53 (heure de Calgary), 156655 a acquis à la Bourse de Toronto 1 002 666 actions de CNR à un prix unitaire de 0,17 $, le montant brut versé s'élevant à 170 453 $. Les frais de courtage se sont chiffrés à 1 000 $. Dans le cadre d'une opération planifiée d'avance, les actions ont été acquises en deux lots, de 502 666 et de 500 000 actions respectivement, auprès de deux particuliers, « A » et « B » , ceux-ci effectuant une vente à découvert, c'est-à-dire qu'ils ne possédaient pas eux-mêmes les actions au moment de la vente.

19. Pendant toutes les périodes pertinentes, Jeff Bergeson et Bernie Katchen - les particuliers « A » et « B » mentionnés au paragraphe 18 - ainsi que Jim Grenon remplissaient les fonctions de mandataires, de prête-noms ou de fiduciaires de Peters, ou étaient des employés de Peters, celle-ci remplissant à son tour le rôle de mandataire, de prête-nom ou de fiduciaire pour Excel, pour 156655, ou pour les deux à la fois.

20. Jeff Bergeson, Jim Grenon et Bernie Katchen avaient tous des rapports soit avec Peters & Co., soit avec Code Hunter ou avec les deux.

21. Le 13 avril 1988 ou vers cette date, à 13 h 3 (heure de Calgary), Excel a vendu à la Bourse de Toronto 1 002 666 actions de CNR au prix unitaire de 0,17 $, le montant brut de la vente s'élevant à 172 453 $. Dans le cadre d'une opération planifiée d'avance, les actions ont été vendues en deux lots, de 502 666 et de 500 000 actions respectivement, aux particuliers « A » et « B » déjà mentionnés, ce qui a permis à ces derniers de couvrir leur vente à découvert.

22. Considérant qu'elle contrôlait 156655 au moment où cette dernière a acquis les actions de CNR, Excel a estimé, lorsqu'elle a fait état de l'opération décrite au paragraphe 21, que le sous-alinéa 40(2)g)(i) et l'alinéa 54i) de la LIR étaient applicables en l'espèce, ce qui signifiait le rejet de sa perte en capital de 17 995 354 $, calculée de la façon suivante :

Produit

   172 953 $

PBR des actions

18 168 307 $

Perte en capital

17 995 354 $

23. Le 13 avril 1988 ou vers cette date, à 13 h 44 (heure de Calgary), 156655 a vendu à la Bourse de Toronto 1 002 666 actions de CNR au prix unitaire de 0,18 $, le montant brut de la vente s'élevant à 180 480 $; les actions ont été acquises par Jim Grenon dans le cadre d'une opération planifiée d'avance. Les frais de courtage se sont chiffrés à 500 $. Par suite de cette opération, 156655 a déclaré une perte en capital de 17 985 328 $, calculée de la façon suivante :

Produit

   180 479 $

PBR

18 165 807 $

Perte en capital

17 985 328 $

* En raison de l'application présumée de l'alinéa 53(1)f), 156655 a ajouté au PBR des actions de CNR qu'elle avait acquises (paragraphe 18) la perte qui aurait été refusée à Excel :

Coût des actions

   170 453 $

Montant en vertu de l'alinéa 53(1)f)

17 995 354 $

PBR de 156655

18 165 807 $

La perte déclarée était toutefois de zéro du fait de l'application présumée des règles sur les pertes apparentes, notamment l'alinéa 54i), étant donné que 156655 a acquis de nouveau - le 6 mai 1988 ou vers cette date - 1 002 366 actions de CNR (se reporter au paragraphe 26 ci-après).

24. Le 13 avril 1988 ou vers cette date, à 14 h 20 environ, l'appelante et Excel ont conclu une convention d'achat-vente par laquelle Excel vendait à l'appelante les cent actions de 156655 émises et en circulation, pour la somme de 2 470 000 $, payable de la manière suivante :

       i)               paiement immédiat                                                                70 000 $

       ii)              billet à ordre                                                   2 400 000 $

Au moment où l'opération a été conclue, Excel a garanti à l'appelante que le PBR des actions de CNR détenues par 156655 était de 18,12 $ par action.

25. Le prix des actions de 156655 négocié entre l'appelante et Excel reposait sur les fonds en caisse de 156655 au moment de l'opération et sur la perte pouvant être déclarée aux fins d'impôt relativement aux actions de CNR détenues alors par 156655. Les fonds en caisse de 156655 lors de l'acquisition des cent actions de 156655 par l'appelante étaient de 181 400 $.

26. Le 6 mai 1988 ou vers cette date, 156655 a acheté à la Bourse de Toronto 1 002 366 actions de CNR au prix unitaire de 0,18 $, le montant brut de la vente s'élevant à 180 926 $. Les frais de courtage se sont chiffrés à 500 $. Par suite de l'application présumée des règles sur les pertes apparentes énoncées aux alinéas 40(2)g), 54i) et 53(1)f), le prix de base rajusté a été majoré de la perte découlant de l'opération mentionnée au paragraphe 18, perte dont 156655 n'a pu se prévaloir :

Coût

   180 426 $

Plus : montant qui aurait été rejeté à titre de perte en capital

17 985 328 $

PBR révisé de 156655

18 165 753 $

27. Le 9 mai 1988 ou vers cette date, un contrat d'entiercement a été conclu entre l'appelante, Excel et Code Hunter (le fiduciaire) aux termes duquel la somme de 2 400 000 $ (le « montant entiercé » ) serait confiée à un tiers (Code Hunter) qui la conserverait en fiducie jusqu'à la date fixée dans le contrat (la « date de libération » ) définie comme étant « la date à laquelle Revenu Canada cesse d'être habilité à signifier un avis de cotisation ou de nouvelle cotisation en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (avec ses modifications successives) à l'égard de l'exercice de l'acquéreur débutant le 31 décembre 1987, de l'exercice de sa filiale 156655 Canada Inc. débutant immédiatement avant le 12 avril 1988 et de la nouvelle date de fin d'exercice de la filiale 156655 Canada Inc. en raison de l'achat des actions de 156655 Canada Inc. par l'acquéreur aux termes de la convention d'achat-vente; [...]. »

28. Le 9 mai 1988 ou vers cette date, un dépôt à terme de 2 400 000 $ a été souscrit par l'appelante auprès de la Société d'hypothèques TD. Il est indiqué sur le certificat que le détenteur inscrit est Code Hunter. Le dépôt a été renouvelé chaque année, Code Hunter demeurant le détenteur inscrit.

29. Le 1er août 1988 ou vers cette date, 156655 et l'appelante ont conclu une entente visant à dissoudre 156655.

30. Le 1er août 1988 ou vers cette date, les actionnaires de 156655 ont adopté une résolution spéciale aux fins de dissoudre volontairement 156655 en vertu de l'article 203 de la LSAC.

31. Le 19 août 1988 ou vers cette date, un certificat de dissolution a été délivré conformément à la LSAC; ce certificat établissait que 156655 avait été dissoute le 19 août 1988.

32. Depuis sa création jusqu'à la date de sa dissolution, 156655 n'a exploité activement aucune entreprise, si l'on excepte les opérations portant sur des actions de CNR.

33. Le 19 août 1988 ou vers cette date, 156655 a été intégrée par dissolution à l'appelante, conformément à l'article 88 de la Loi.

34. Le 25 août 1988 ou vers cette date, l'appelante a vendu à la Bourse de Toronto 1 002 366 actions de CNR au prix unitaire de 0,155 $, le montant brut de la vente s'élevant à 155 366 $. Les frais de courtage se sont chiffrés à 300 $. En raison de cette opération, l'appelante estime pouvoir faire état de la perte en capital suivante dans sa déclaration de revenus de 1988 au titre de la disposition des actions en question :

Produit

155 366 $

PBR

18 165 754 $

Perte en capital

18 010 388 $

35. L'appelante a également soustrait du produit indiqué au paragraphe 34 la somme de 85 000 $, qui aurait été versée à Peters & Co. Limited, et la somme de 959 $ à titre d'honoraires d'avocat, sans fournir de pièce justificative relativement à ces sommes, ce qui donne une perte en capital présumée de 18 096 347 $*.

       * La perte en capital inscrite dans les faits par l'appelante dans sa déclaration de revenus de 1988 a été de 18 096 405 $.

36. Durant toutes les périodes pertinentes, Jeff Bergeson et Jim Grenon étaient à la fois des amis et des associés.

37. Durant toutes les périodes pertinentes, Bernie Katchen et Jim Grenon étaient à la fois des amis et des associés.

38. Durant toutes les périodes pertinentes, Jim Grenon et Bernie Katchen ont conclu des affaires au fil des ans.

39. Jim Grenon et Jeff Bergeson ont conclu des affaires au fil des ans.

40. De 1984 à 1992, Jim Grenon était associé chez Peters & Co. En avril 1988, il remplissait des fonctions relatives au financement des entreprises pour Peters & Co.; il avait notamment pour tâche de mettre sur pied des transactions fiscales innovatrices.

41. Jim Grenon a pris part aux efforts visant à faire la promotion d'opérations comportant la vente d'actions de Canadian Natural Resources ayant un prix de base rajusté élevé et une juste valeur marchande faible, dans le but de tirer un avantage fiscal de la perte éventuelle.

42. La proposition présentée à Drummond par Peters & Co. Limited dans une lettre datée du 7 janvier 1997 était fondée sur le fait que les actions de CNR avaient un prix de base élevé et une juste valeur marchande faible, d'où la possibilité de transférer la perte non réalisée à un tiers.

43. Jim Grenon a communiqué avec la commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique afin d'obtenir une dérogation à l'interdiction d'opérations de manière qu'il soit possible de mener à bien le plan consistant à transférer, à des fins d'impôt, la perte non réalisée reliée aux actions de CNR de Drummond/Excel à un tiers.

44. Si l'appel de l'appelante est admis, Jim Grenon recevra des honoraires se chiffrant à des centaines de milliers de dollars en contrepartie de ses services, qui ont consisté à mettre au point l'opération destinée à transférer les actions de CNR d'Excel à l'appelante et à en assurer le déroulement.

45. Dans le cadre du plan d'ensemble visant à transférer d'Excel à l'appelante les actions de CNR, Jim Grenon a communiqué avec Bernie Katchen et lui a demandé d'effectuer les opérations portant sur les actions de CNR le 13 avril 1988; les opérations en question sont décrites aux alinéas 5t) et u) de la réponse à l'avis d'appel.

46. Les opérations effectuées par Jeff Bergeson et Bernie Katchen concernant la vente des actions de CNR le 13 avril 1988, décrites aux alinéas 5t) et u) de la réponse à l'avis d'appel, s'inscrivaient dans un plan préétabli ayant pour objet d'assurer le transfert de ces actions d'Excel à l'appelante.

47. Jim Grenon convient que le document intitulé « Disposition des actions de CNR » , qui porte le numéro 29 sur la liste de documents de l'intimée, semble être un résumé du plan - à l'exécution duquel il a participé - qui a conduit en fin de compte au transfert à l'appelante des actions de CNR qui appartenaient à Excel.

48. Les opérations portant sur les actions de CNR qui ont été effectuées par Jeff Bergeson et Bernie Katchen le 13 avril 1988, décrites aux alinéas 5t) et u) de la réponse à l'avis d'appel, s'inscrivaient dans le plan d'ensemble qui a abouti à l'acquisition des actions de CNR par l'appelante.

49. En 1985, Bernie Katchen a travaillé en collaboration avec Jim Grenon à l'élaboration des opérations d'achat des pertes fiscales.

50. Bernie Katchen avait confiance en Jim Grenon et était disposé à exécuter une opération s'il le lui demandait.

51. Bernie Katchen et Jeff Bergeson ne se connaissent pas.

[5]            L'avocat de GPC a admis tous ces faits, exception faite de ceux énoncés aux paragraphes 4 à 9, 18, 19, 23, 35, 44, 45, 46, 48, 49 et 50. Il n'a pas nié les faits énoncés aux paragraphes 4 à 9, se contentant de dire que les ententes en question parlent d'elles-mêmes. Il a également admis le paragraphe 18, sauf en ce qui touche l'expression [TRADUCTION] « dans le cadre d'une opération planifiée d'avance » . Il a admis le paragraphe 23, sauf le passage disant que les actions avaient été acquises par Jim Grenon dans le cadre d'une opération planifiée d'avance ainsi que l'utilisation du terme « présumée » . Il a aussi admis le paragraphe 35, à l'exception du passage relatif à l'absence de pièces justificatives. Il a admis la première proposition de la phrase énoncée au paragraphe 50, mais pas la seconde.

[6]            L'avocat de GPC a nié les faits énoncés aux paragraphes 19 et 49, et il a déclaré que le paragraphe 44 était dénué de pertinence. Relativement aux paragraphes 45, 46 et 48, il a admis que M. Grenon avait parlé avec M. Katchen au sujet des opérations décrites aux alinéas 5t) et u) de la réponse à l'avis d'appel, qui ont en fin de compte été exécutées par M. Katchen. Il a toutefois indiqué au sujet des opérations menées par MM. Bergeson et Katchen que ces derniers avaient agi pour leur propre compte. Enfin, les opérations en question ne faisaient pas partie d'opérations planifiées d'avance.

[7]            M. Robert May a témoigné par voie de vidéoconférence. Il contrôlait Maynaki, l'un des actionnaires qui a vendu les actions de GGM à GPC. Selon lui, le régime de primes d'encouragement, qui n'a été établi qu'en janvier 1988 par JKMay, Maynaki et les cadres de CAPI, donnait suite à des engagements pris verbalement par JKMay et Maynaki envers les cadres en question. Il était avantageux pour les actionnaires de GGM que ces cadres-clés demeurent en poste. L'avantage de la chose est devenu tangible lorsque les actions de GGM ont été vendues à American en avril 1988, donnant lieu à un bénéfice substantiel. M. May a décrit les circonstances entourant la vente, le 14 mars 1988, des actions de GGM par JKMay et Maynaki à GPC, et il a confirmé que celle-ci a été effectuée selon les règles sur les transferts libres d'impôt énoncées à l'article 85 en vue de revendre les actions à American le 7 avril 1988. Il semble que cette opération intermédiaire ait été effectuée de manière à permettre à certains actionnaires (les « investisseurs en capital de risque » ) de GPC de profiter du gain en capital réalisé à la suite de la vente des actions de GGM à American. Avant cette opération intermédiaire, les investisseurs en capital de risque avaient des intérêts dans GGM, sans toutefois détenir d'actions de GGM. Je tiens pour acquis que le transfert (l' « accord de transfert » ) a été effectué dans le but de permettre à ces actionnaires de profiter du même avantage fiscal que les autres actionnaires canadiens de GGM[1].

[8]            M. May n'a pu expliquer pourquoi l'accord de transfert, qui a été rédigé par des avocats, ne stipulait pas que GPC devait verser aux cadres de CAPI les sommes payables aux termes du régime de primes d'encouragement. D'après M. May, le but était que GPC assume ces obligations de Maynaki et de JKMay, et il est de fait que GPC a versé les sommes en question aux cadres de CAPI. Avant que soit conclu l'accord de transfert, JKMay et Maynaki détenaient chacune 50 % des actions ordinaires de GGM; ils détenaient aussi les deux tiers des actions de GPC, les investisseurs en capital de risque détenant l'autre tiers.

Analyse

[9]            L'appel se rapporte à deux questions distinctes : la première a trait à la déductibilité des paiements faits par GPC aux cadres de CAPI et la deuxième, au calcul du PBR des actions de CNR ayant fait l'objet d'une disposition le 25 août 1988. C'est cette dernière question que j'examinerai d'abord.

PBR des actions de CNR

[10]          Il ressort des faits exposés précédemment que la perte déclarée par GPC au titre de la disposition des actions de CNR le 25 août 1988 était pour l'essentiel une perte que l'appelante avait « achetée » d'Excel dans le but de contrebalancer le gain en capital réalisé lors de la disposition de ses actions de GGM en faveur d'American le 7 avril 1988. Pour que cet audacieux stratagème - mis en oeuvre avant l'instauration de la disposition générale anti-évitement énoncée à l'article 245 de la Loi - donne les résultats escomptés, il était crucial que la perte subie par Excel par suite de la disposition de ses actions de CNR à la Bourse de Toronto le 13 avril 1988 à 13 h 3 (les « actions de CNR (13 h 3) » ) soit rejetée au motif qu'elle est une perte apparente, en vertu du sous-alinéa 40(2)g)(i) de la Loi[2], et qu'elle soit ajoutée au PBR des actions de CNR acquises par 156655 le 13 avril 1988 à 12 h 53 (les « actions de CNR ( 12 h 53) » en vertu de l'alinéa 53(1)f) de la Loi[3]. Aux termes du sous-alinéa 40(2)g)(i) de la Loi, la perte apparente subie par un d'un contribuable est nulle. Voici la définition de l'expression « perte apparente » , formulée à l'alinéa 54i) de la Loi :

54i) « perte apparente » - « perte apparente » subie par un contribuable signifie une perte résultant de la disposition d'un bien, dans tous les cas

(i)        le même bien ou un bien identique (appelé dans le présent alinéa le « bien de remplacement » ) a été acquis, pendant la période commençant 30 jours avant la disposition pour se terminer 30 jours après, par le contribuable, son conjoint ou une corporation contrôlée par lui directement ou indirectement et de quelque façon que ce soit, et

(ii)        à la fin de la période visée au sous-alinéa (i), le contribuable, son conjoint ou la corporation, selon le cas, était propriétaire, à quelque titre que ce soit, du bien de remplacement,

sauf qu'une perte visée par ailleurs au présent alinéa est réputée ne pas être une perte apparente si la disposition qui a occasionné la perte

(iii)       était une disposition réputée, en vertu de l'alinéa 33.1(11)a), du paragraphe 45(1), de l'article 48, 50 ou 70 ou du paragraphe 104(4), 138(11.3), 144(4.1) ou (4.2) ou 149(10), avoir été effectuée,

(iv)       était l'expiration d'une option, ou

(v)        était une disposition de biens effectuée par le contribuable et à laquelle le paragraphe 85(4) s'applique.

(vi)       (Abrogé par 1986, chap. 6, art. 27(4).)

                                                                                                                                [C'est moi qui souligne.]

[11]          À mon avis, le stratagème employé par GPC présentait une faille. La suite d'opérations exécutées en vue de rendre possible le transfert, à GPC, de la « perte en capital en gestation » d'Excel au titre des actions de CNR n'a pas permis d'obtenir ce résultat, parce qu'Excel n'a pas subi une perte apparente lorsqu'elle a disposé de ses actions de CNR (13 h 3), et ce, essentiellement pour deux raisons. Quoique les actions de CNR (12 h 53) acquises par 156655 eût pu constituer un bien de remplacement en vertu de l'alinéa 54i), étant donné qu'elles étaient les mêmes biens ou des biens identiques - par rapport aux actions de CNR (13 h 3) dont avait disposé Excel - et qu'elles ont été acquises par 156655 alors qu'elle était contrôlée par Excel, la seconde condition nécessaire pour que la perte soit une perte apparente, énoncée au sous-alinéa 54i)(ii), n'était pas satisfaite. En effet, les actions en question n'étaient pas la propriété de 156655 à la fin de la période pertinente, soit le 13 mai 1988. Cette période avait débuté le 14 mars 1988, c'est-à-dire 30 jours avant la disposition des actions de CNR (13 h 3) par Excel le 13 avril 1988, et elle s'est terminée 30 jours après la disposition de ces mêmes actions, soit le 13 mai 1988. Les actions de CNR (12 h 53) ont fait l'objet d'une disposition le 13 avril 1988 à 13 h 44.

[12]          En outre, aucune autre action de CNR appartenant à 156655 ne remplit la deuxième condition prévue au sous-alinéa 54i)(ii) de la Loi. Certes, 156655 a acquis des actions de CNR le 6 mai 1988 (les « actions de CNR (mai) » ), soit au cours de la période pertinente, ces actions étant, relativement aux actions de CNR (13 h 3), les mêmes biens ou des biens identiques, et elle les détenait toujours le 13 mai 1988. Toutefois, ces actions n'étaient pas, selon moi, des « biens de remplacement » en vertu du sous-alinéa 54i)(i), puisqu'elles n'ont pas été acquises par 156655 à un moment où celle-ci était contrôlée par Excel. Rappelons que le contrôle de 156655 avait été cédé par Excel et acquis par GPC le 13 avril 1988 à 14 h 20.

[13]          J'estime que cette application littérale de l'alinéa 54i) aux faits en cause dans la présente affaire suffit pour trancher la question relative au calcul du PBR des actions de CNR ayant fait l'objet d'une disposition par GPC. Une telle application ne soulève aucune question quant à l'interprétation de cet alinéa. Toutefois, à ma surprise, ce n'est pas cette approche que l'avocat de l'intimée a adoptée. Il a eu un point de vue légèrement différent. Il a plutôt mis l'accent sur l'interprétation de l'expression « la corporation » utilisée au sous-alinéa 54i)(ii) de la Loi. Voici comment il a exposé son point de vue dans ses observations écrites :

                                [TRADUCTION]

15. La position de l'appelante au sujet de cet aspect de l'affaire est que, bien que l'expression « la corporation » au sous-alinéa 54i)(ii) désigne la même corporation que celle visée au sous-alinéa 54i)(ii) [je crois qu'on veut plutôt parler ici du sous-alinéa 54i)(i)], cela ne signifie pas que la corporation doit être « contrôlée par lui, directement ou indirectement et de quelque façon que ce soit » , étant donné que ce passage du sous-alinéa 54i)(i) n'est pas repris au sous-alinéa (ii). L'intimée fait valoir à ce propos qu'il n'est pas nécessaire de répéter tous les mots au second alinéa, et que l'expression « la corporation » désigne exactement la même corporation que celle visée à l'alinéa précédent, y compris en ce qui touche le contrôle.

[14]          Si l'on retient cette interprétation, la perte subie par suite de la disposition, par Excel, des actions de CNR (13 h 3) ne constitue pas une perte apparente, étant donné que les actions de CNR (mai) n'appartenaient pas à une société contrôlée par Excel. L'avocat de l'intimée en est arrivé à cette conclusion en analysant la distinction entre l'expression « a corporation » utilisée au sous-alinéa 54i)(i) et l'expression « the corporation » utilisée au sous-alinéa 54i)(ii) dans la version anglaise de la Loi (en français, « une corporation » et « la corporation » , respectivement). Il a mentionné les définitions de « a » et de « the » que l'on retrouve dans l'ouvrage The Concise Oxford Dictionary, 10e édition : [TRADUCTION] « a [...] utilisé pour désigner une personne ou une chose la première fois; article indéfini » ; « the [...] utilisé pour désigner une ou plusieurs personnes ou choses ayant déjà été désignées ou que l'on suppose être très connues » . Par conséquent, la société visée au sous-alinéa 54i)(ii) est celle visée au sous-alinéa (i), c'est-à-dire une société contrôlée par le contribuable, soit, en l'occurrence, Excel.

[15]          Je souscris à cette conclusion de l'avocat de l'intimée ainsi qu'à son affirmation voulant que le libellé du sous-alinéa 54i)(ii) soit clair et dénué d'ambiguïté. Son interprétation est conforme aux principes d'interprétation classiques, en particulier celui formulé par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, à la page 17 :

Il ne fait plus de doute, à la lumière de ce passage, que l'interprétation des lois fiscales devrait être soumise aux règles ordinaires d'interprétation. Driedger, à la p. 87 de son volume Construction of Statutes (2e éd. 1983), en résume adéquatement les principes fondamentaux: [TRADUCTION] « . . . il faut interpréter les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur » .

                                                                                                                                [C'est moi qui souligne.]

[16]          L'avocat de GPC soutient lui aussi que le libellé du sous-alinéa 54i)(ii) est clair, mais son interprétation est diamétralement opposée à celle du ministre! Essentiellement, il déclare que, après avoir identifié la société visée au sous-alinéa 54i)(i) (dans le cas présent, 156655), il n'y a plus lieu de déterminer si cette société était encore contrôlée par le contribuable (en l'espèce, Excel) à la fin de la période pertinente. Je ne souscris évidemment pas à cette interprétation. Toutefois, même si, invoquant le bénéfice du doute, je concluais que le libellé du sous-alinéa 54i)(ii) est ambigu, je retiendrais néanmoins l'interprétation de l'intimée. Il est clair que l'objet de l'alinéa 54i) et du sous-alinéa 40(2)g)(i) de la Loi consiste à empêcher un contribuable de faire une déduction au titre d'une perte en capital à l'égard d'un bien qui a fait l'objet d'une disposition si le contribuable ou une personne appartenant à la même unité économique - par exemple, son conjoint ou une société que le contribuable contrôle - a acquis le même bien ou un bien identique durant la période pertinente et continue de le détenir à la fin de cette période. Si je devais retenir l'interprétation mise de l'avant par l'avocat de GPC et que le contribuable divorce de son conjoint ou cesse de contrôler la société durant la période pertinente, cela pourrait avoir pour conséquence que le contribuable ne pourrait déduire la perte. Or, je ne vois aucune raison justifiant un tel résultat : pourquoi la règle concernant l'élimination des pertes prévue au sous-alinéa 40(2)g)(i) devrait-elle s'appliquer lorsque le bien de remplacement n'appartient plus à une personne faisant partie de la même unité économique à la fin de la période pertinente? Dans un tel cas, il y a véritablement disposition du bien au sens économique du terme. Le bien n'est plus assujetti au contrôle du contribuable. En présence de deux interprétations opposées du sous-alinéa 54i)(ii), l'une permettant d'atteindre l'objet de la loi et l'autre non, le choix va de soi.

[17]          Étant donné qu'Excel n'a subi aucune perte apparente par suite de la disposition de ses actions de CNR (13 h 3), sa perte de 17 995 354 $ n'était pas réputée nulle aux termes du sous-alinéa 40(2)g)(i) de la Loi, et aucun rajustement du PBR des actions de CNR (12 h 53) ne pouvait être effectué en application de l'alinéa 53(1)f). De ce fait, lorsque 156655 a disposé des actions de CNR (12 h 53) le 13 avril 1988 à 13 h 44, elle a, dans les faits, non pas subi une perte en capital, mais réalisé un gain en capital. Par conséquent, aucun rajustement correspondant du PBR des actions de CNR (mai) n'était requis en application de l'alinéa 53(1)f) de la Loi. GPC n'est donc pas parvenue à établir que le ministre a commis une erreur dans le calcul de sa perte découlant de la disposition, le 25 août 1988, des actions de CNR (mai).

[18]          La plus grande partie des témoignages entendus portaient principalement sur le rôle joué par MM. Grenon, Bergeson et Katchen. Le ministre a cherché à établir que ces trois personnes [TRADUCTION] « remplissaient les fonctions de mandataires, de prête-noms ou de fiduciaires de Peters, ou étaient des employés de Peters, celle-ci remplissant à son tour le rôle de mandataire, de prête-nom ou de fiduciaire pour Excel, pour 156655, ou pour les deux à la fois » [4]. Pour les raisons que j'ai déjà exposées, il ne devrait pas y avoir lieu de rendre une décision au sujet des fonctions exercées par ces personnes. Cependant, si la chose devait s'avérer nécessaire, je conclurais que le ministre n'a pas su s'acquitter de la charge de la preuve relativement à ces faits. C'est à lui que cette charge incombait car, lorsqu'il a établi la cotisation à l'égard de GPC, il ne s'est pas fondé sur ces hypothèses de fait.

[19]          Lors de leur témoignage, M. Katchen et M. Bergeson ont dit qu'ils ne se rappelaient pas les circonstances entourant les ventes à découvert des actions de CNR, et même qu'ils ne se souvenaient pas avoir effectué ces opérations. M. Bergeson a même reconnu qu'il était possible que ces opérations se soient déroulées sans qu'il en soit personnellement informé. Toutefois, chacun de ces deux hommes a subi une perte de 1 350 $ par suite de ses opérations portant sur les actions de CNR, et ils ont tous deux déduit ces pertes de leur revenu aux fins d'impôt. Qui plus est, et ce point est primordial, personne ne les a remboursés de leurs pertes.

[20]          J'ajouterai qu'ils ne se sont pas plaints à leur courtier que les opérations en cause avaient été menées de façon illégale et sans qu'ils en aient été informés. Ils ont, par leur conduite, soit donné leur accord, soit ratifié les opérations. M. Katchen a même été en mesure de produire à l'audience l'original des bordereaux d'opération remis par Peters relativement à la vente à découvert : ils étaient joints à ses déclarations de revenus. De plus, M. Grenon a témoigné que M. Katchen et M. Bergeson avaient agi pour leur propre compte. Il n'y a aucun document ou accord permettant d'établir l'existence d'un mandat. Je suis convaincu qu'ils n'ont pas agi pour le compte d'Excel ou de 156655 relativement à ces opérations, mais qu'ils ont plutôt agi à titre personnel.

Paiements effectués aux termes du régime de primes d'encouragement

[21]          Vu le témoignage de M. May, je suis convaincu que c'est par inadvertance que l'engagement d'effectuer des paiements aux cadres de CAPI n'a pas été stipulé comme il se devait dans l'accord de transfert entre, d'une part, JKMay et Maynaki, et, de l'autre, GPC. Il faut insister sur le fait que JKMay et Maynaki possédaient toutes les actions de GGM et contrôlaient GPC, dont ils détenaient les deux tiers des actions ordinaires. Dans les circonstances, il n'était pas si important que l'accord de transfert expose avec précision l'obligation de GPC d'effectuer les paiements aux cadres de CAPI. Je suis persuadé que, s'il s'était agi d'un acquéreur sans lien de dépendance, les vendeurs auraient mis plus de soin à s'assurer que les documents énonçaient tous les engagements de GPC. Au cours des plaidoiries, j'ai demandé à l'avocat du ministre s'il savait pour quelles raisons (y compris des raisons d'ordre fiscal) les parties à l'accord de transfert auraient pu vouloir que GPC ne prenne pas en charge l'obligation d'effectuer les paiements aux cadres de CAPI. Il n'en voyait aucune. Je n'en vois aucune non plus. Dans le cas contraire, il aurait été plus délicat de conclure que l'omission était attribuable à une simple inadvertance.

[22]          Je dois ajouter qu'il était normal que GPC assume le coût des paiements dans le cadre du régime des primes d'encouragement puisque les actions de GGM lui ont été transférées dans le but de permettre que le gain en capital réalisé par suite de la disposition des actions de GGM en faveur d'American soit partagé indirectement avec les investisseurs en capital de risque. Il convenait donc que les dépenses engagées pour réaliser ce gain soient également partagées indirectement avec eux.

[23]          Dans les circonstances, je conclus que l'intention des parties était que GPC s'engage à effectuer les paiements aux cadres de CAPI une fois qu'elle aurait acquis de Maynaki et JKMay les actions de GGM. Selon moi, les paiements effectués à ces cadres font partie du coût, pour GPC, des actions de GGM.

[24]          Pour ces motifs, l'appel de GPC est admis, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que GPC a le droit de déduire, lors du calcul de ses gains en capital sur les actions de GGM, les paiements effectués aux cadres supérieurs de CAPI.

Signé à Magog (Québec), ce 22e jour d'août 2001.

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de novembre 2002.

Yves Bellefeuille, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

98-2960(IT)G

ENTRE :

GRAPHIC PACKAGING CANADA CORPORATION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu les 19 et 20 février 2001 à Montréal (Québec)

et le 19 avril 2001 à Ottawa (Ontario) par

l'honorable juge Pierre Archambault.

Comparutions

Avocat de l'appelante :                                        Me Wilfrid Lefebvre

Avocats de l'intimée :                                           Me Robert Gosman

                                                                                                Me Gérald L. Chartier

JUGEMENT

                L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1988 est admis, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante a le droit de déduire, lors du calcul de ses gains en capital, les paiements effectués aux cadres supérieurs de Color-Ad Packaging Inc. La Cour accorde les dépens à l'appelante, sauf à l'égard d'une journée d'audience et de la préparation de l'audience.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d'avril 2001.

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de novembre 2002.

Yves Bellefeuille, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]



[1] Il convient de mentionner que GGM et CAPI sont toutes deux des sociétés américaines.

[2] Voici le libellé de cette disposition :

(2) Restrictions.         Nonobstant le paragraphe (1),

[. . .]

g) la perte subie par un contribuable, si perte il y a, et résultant de la disposition d'un bien, dans la mesure où elle est

(i) une perte apparente,

[. . .]

est nulle; [. . .]

[3] Voici le libellé de cette disposition :

53 Rajustements du prix de base.

(1) Un contribuable doit, dans le calcul du prix de base rajusté, pour lui, d'un bien à une date quelconque, ajouter au coût, pour lui, de ce bien les montants suivants qui s'y rapportent :

[. . .]

f) lorsque le bien est un bien de remplacement appartenant au contribuable au sens de l'alinéa 54i), le montant de la perte qui était, en vertu de l'acquisition de ce bien par le contribuable, une perte apparente d'un contribuable; [. . .]

[4] Alinéa 5 t.1) de la réponse modifiée à l'avis d'appel.

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