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Date: 20010724

Dossier: 2000-2494-IT-I

ENTRE :

PIERRE CARRIER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel par voie de la procédure informelle concernant les années d'imposition 1997 et 1998.

[2]            La question en litige est de savoir si les dépenses locatives réclamées par l'appelant ont été engagées dans le but de tirer un revenu d'un bien selon l'article 9 et l'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ").

[3]            Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le " Ministre ") s'est fondé pour établir ses nouvelles cotisations sont décrits au paragraphe 6 de la Réponse à l'avis d'appel comme suit :

a)              la propriété sise au 1292, rue de la Forêt-de-Vernon à Cap-Rouge fut achetée en 1981 par l'appelant et une autre personne;

b)             à l'égard de la propriété sise au 1292, rue de la Forêt-de-Vernon à Cap-Rouge, l'appelant acheta la quote-part de l'autre personne en 1992;

c)              la propriété est la résidence personnelle de l'appelant;

d)             la propriété est une maison uni-familiale de cinq pièces 1/2;

e)              l'appelant met en location annuellement sa résidence pendant la période estivale;

f)              l'appelant a déclaré des pertes de location, successives et ininterrompues, depuis 10 ans;

g)             sur une possibilité annuelle de 6 mois de location, l'appelant a loué sa résidence pendant 4 mois en 1996, aucun mois en 1997 et 2 mois en 1998;

h)             pendant les années en litige, la propriété de l'appelant accusait annuellement un déficit :

                Année d'imposition                                              1997                        1998

                Revenus de location                                             0 $          1 500 $

                Dépenses :

                                taxes foncières                                       2 348 $    2 538 $

                                Réparations                                            1 151 $    1 419 $

                                Intérêts                                                   5 555 $    4 876 $

                                Assurances                                            489 $       490 $

                                Publicité                                  365 $      

                                Chauffage                                               1 517 $    1 419 $

                                                                                                11 425 $ 10 742 $

                moins : usage personnel                      5 713 $    5 371 $

                Dépenses réclamées                                            5 712 $    5 371 $

                Déficit                                                                     5 712 $    3 871 $

i)               pendant les années en litige, l'appelant n'était pas préoccupé par la rentabilité de la propriété;

j)               le revenu brut annuel, s'il y en avait pendant les années en litige, ne faisait que compenser, en partie, les dépenses de la propriété;

k)              l'appelant n'avait aucun espoir raisonnable de tirer un profit, à l'égard de la propriété sise au 1292, rue de la Forêt-de-Vernon à Cap-Rouge, au cours des années d'imposition 1997 et 1998;

l)               les dépenses de location réclamées annuellement, à l'égard de la propriété sise au 1292, rue de la Forêt-de-Vernon à Cap-Rouge, constituaient des frais personnels ou des frais de subsistance de l'appelant, et n'ont pas été engagées par le dit appelant dans le dessein de tirer un revenu.

[4]            Dans son avis d'appel, l'appelant fait état qu'en aucun temps il a été informé de l'obligation d'engager des dépenses locatives dans le but de tirer un profit. Quand il a commencé à louer sa maison, il se serait enquis auprès de Revenu Québec si les revenus locatifs devaient être inclus dans le calcul de son revenu. Il prétend qu'on lui a répondu que si, mais qu'il avait droit de déduire ses dépenses à l'encontre de ce revenu. On ne lui a pas dit que cette activité devait être profitable. Il affirme aussi que le guide de l'impôt ne fait pas non plus cette mention.

[5]            L'appelant a expliqué qu'en 1987, cinq années avant de prendre sa retraite il a tenté de partir une entreprise avec une autre personne. En 1990, il y a eu faillite de cette entreprise. Au même temps, il y a eu rupture avec sa conjointe de fait. Celle-ci a loué la maison pendant deux ans.

[6]            L'appelant a pris sa retraite en 1992. Cette même année, il a acheté la part de son ex-conjointe dans la propriété qu'ils avaient acquise en 1981. Comme l'appelant a un chalet, il loue sa maison pendant les six mois de l'année pendant lesquels il habite le chalet. En 1993, il y a eu des réparations à la toiture.

[7]            L'appelant a déposé comme pièce A-1 une lettre qu'il a envoyée à Revenu Québec le 8 juin 1994, concernant la déduction de ces dépenses locatives. Il répond à des questions sur la rentabilité de la propriété locative et explique pourquoi la location n'a pas été rentable et les moyens qu'il prend pour en augmenter la rentabilité. Il a déposé cette lettre pour montrer que Revenu Québec a accepté sa position. Il a déposé comme pièce A-2, une autre lettre à Revenu Québec en date du 17 avril 1996. Elle est au même effet que la première.

[8]            L'appelant a déposé comme pièce A-3, les annonces classées montrant que la propriété était bien offerte en location. Elle est offerte pour six mois au prix de 900 $ par mois. Il a présenté comme pièce A-4 un état des revenus et dépenses pour l'année 2002 où les dépenses étant moindres, il y a un revenu anticipé de 1 050 $.

[9]            La pièce I-1, est la déclaration de revenu de l'appelant pour l'année 1994. On y voit à l'état des loyers que les revenus de location sont de 5 400 $ et les dépenses de 9 986,40 $. La pièce I-2 est la déclaration de revenu de l'appelant pour l'année 1995. Le revenu brut de loyer est de 3 300 $ et les dépenses 7 570,13 $. La pièce I-3 est la déclaration de revenu de l'appelant pour l'année 1996. Le revenu brut est de 3 000 $ et les dépenses sont de 8 267,33 $. La pièce I-4 est la déclaration pour l'année 1997. Le revenu locatif est zéro et les dépenses au montant de 5 712,83 $. La pièce I-5 est la déclaration de revenu pour l'année 1998. Les revenus bruts sont de 1 500 $ et les dépenses sont de 5 371,41 $.

[10]          La pièce I-6 sont des relevés informatisés des déclarations de revenus de l'appelant pour les années 1987 à 1999. Chaque année les dépenses locatives sont de beaucoup supérieures aux revenus locatifs.

[11]          Le témoin de l'intimée, monsieur Claude Potvin a expliqué qu'il s'agissait d'une part, d'une propriété dont la clientèle est très restreinte et d'autre part, que les dépenses étaient beaucoup trop élevées.

[12]          Des décisions auxquelles s'est référée l'avocate de l'intimée, je retiendrai les décisions de la Cour d'appel fédérale dans Landry c. La Reine, 94 DTC 6499, à la page 6500 :

...

Il vient donc un temps, dans la vie de toute entreprise déficitaire, où le ministre doit pouvoir déterminer objectivement, après, le cas échéant, avoir donné la chance au coureur pendant un certain nombre d'années, qu'un espoir raisonnable de profit s'est transformé en rêve impraticable. ...

Outre les critères énumérés par le juge Dickson, ceux dont la jurisprudence a tenu compte, à ce jour, pour déterminer s'il y avait espoir raisonnable de profit, comprennent les suivants: le temps requis pour rentabiliser une activité de ce genre, la présence des ingrédients nécessaires à la réalisation éventuelle de profits, l'état des profits et pertes pour les années postérieures aux années en litige, le nombre d'années consécutives pendant lesquelles des pertes ont été enregistrées, l'accroissement des dépenses et la diminution des revenus au cours des périodes pertinentes, la persistance des facteurs qui causent les pertes, l'absence de planification, et le défaut d'ajustement. ...

et dans Tonn c. Canada, [1996] 2 C.F. 73 aux pages 103 et 104 :

... je, par ailleurs, reconnais que le critère de l'arrêt Moldowan devrait être appliqué avec modération lorsque l'" appréciation commerciale " du contribuable est concernée, qu'aucun élément personnel n'a été établi et que le montant des déductions réclamées n'est pas contestable à première vue. Cependant, lorsque les circonstances donnent à penser qu'une motivation personnelle ou non commerciale existait ou que l'attente de profit était déraisonnable au point de soulever un doute, le contribuable devra prouver objectivement que l'activité constituait effectivement une entreprise. Par conséquent, des circonstances douteuses appelleront plus souvent un examen plus approfondi comparativement à celles qui ne soulèvent aucun doute.

[13]          Dans la présente affaire, il faut d'abord noter l'intérêt personnel de l'appelant dans la propriété locative, qui au cours des années est demeurée sa résidence principale. Selon l'arrêt Tonn ci-dessus c'est un élément à considérer pour rendre une décision en semblable matière bien que cela puisse ne pas être l'élément déterminant d'une décision.

[14]          Une dépense est déductible sous la Loi si elle a été engagée pour gagner un revenu d'une entreprise ou d'un bien. Une jurisprudence constante a déterminé que le terme " revenu " renvoie à une source de revenu qui s'entend d'une activité profitable ou qui est exercée avec un espoir raisonnable de profit.

[15]          Dans le cas sous étude, en plus de l'élément personnel important, puisqu'il s'agit de la résidence de l'appelant, les éléments déterminants dans cette affaire sont le grand nombre d'années où la location a été déficitaire, le revenu locatif mal assuré et le défaut d'ajustement pour y parer. Il me faut conclure que la preuve a révélé que l'activité selon les circonstances dans lesquelles elle était exercée n'avait aucune chance d'être profitable.

[16]          En ce qui concerne le manque d'information concernant cette exigence d'activité rentable tel qu'allégué par l'appelant, il faut d'abord dire que l'ignorance de la Loi n'empêche pas son application. De plus, selon la pièce même de l'appelant, la pièce A-1, l'appelant était, en 1994, au courant de cette exigence. Or, les années d'imposition en jeu sont celles de 1997 et 1998. L'appelant avait donc eu le temps de réagir.

[17]          Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de juillet 2001.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

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