Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20021212

Dossier: 2001-170-IT-I

ENTRE :

ROBIN VILLENEUVE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels par voie de la procédure informelle concernant les années d'imposition 1989 à 1993.

[2]            Les questions en litige concernent le remboursement de crédits d'impôt erronément demandés ainsi que l'imposition des pénalités et intérêts en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le Revenu (la « Loi » ).

[3]            Les faits sur lesquels s'appuie le ministre du Revenu national (le « Ministre » ), pour établir ses nouvelles cotisations sont décrits aux paragraphes 2, 3, 4 et 8 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) comme suit :

2.              Par avis de nouvelle cotisation datés du 22 juin 2000, le Ministre annula, entre autres, dans le calcul des crédits d'impôt non remboursables, le crédit d'impôt équivalent de personne mariée, ainsi que celui pour personnes à charge, et dans le calcul des crédits fédéraux, celui du crédit d'impôt pour enfants, accordés antérieurement à l'égard des années d'imposition 1989, 1990, 1991 et 1992.

3.              Par avis de nouvelle cotisation datés du 22 juin 2000, le Ministre annula, dans le calcul des crédits d'impôt non remboursables, le crédit d'impôt équivalent de personne mariée, accordé antérieurement, à l'égard de l'année d'imposition 1993.

4.              Par avis de nouvelle cotisation datés du 22 juin 2000, le Ministre annula, entre autres, dans le calcul du revenu de l'appelant, à l'égard des années d'imposition 1989, 1990, 1991 et 1992, les sommes respectives de 374 $, de 381 $, de 388 $ et de 399 $, au titre d'allocation familiale.

...

8.              Pour établir et maintenir les avis de nouvelles cotisations datés du 22 juin 2000, le Ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants :

a)              le dossier origine d'une enquête interne concernant certains employés du Centre fiscal de Jonquière qui avaient mis sur pied un stratagème qui consistait à faire bénéficier, à certaines personnes, de remboursements d'impôt frauduleux en contrepartie d'une commission fondée sur un pourcentage des dits remboursements;

b)             le 5 juin 1995, l'appelant a reçu un remboursement d'impôt total s'élevant à une somme de 12 260,05 $, à l'égard des années d'imposition 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993, suite à des nouvelles cotisations datées du 30 mai 1995;

c)              le même jour, soit le 5 juin 1995, l'appelant déposa à la Caisse populaire de Saint-François Xavier, centre de services de Rivière-du-Moulin, une somme nette de 4 260,05 $ après avoir retiré un argent comptant une somme de 8 000 $;

d)             les avis de nouvelles cotisations datés du 30 mai 1995, à l'égard des années d'imposition 1989, 1990, 1991 et 1992, établissaient que l'appelant était père de deux enfants, et accordait, entre autres, dans le calcul des crédits d'impôt non remboursables, des crédits d'impôt, au titre de l'équivalent de personne mariée, et celui, au titre pour personnes à charge;

e)              les avis de nouvelles cotisations datés du 30 mai 1995, à l'égard des années d'imposition 1989, 1990, 1991 et 1992, établissaient que l'appelant était père de deux enfants, et accordait, en autres, dans le calcul des crédits fédéraux, un crédit d'impôt pour enfants;

f)              l'avis de nouvelle cotisation daté du 30 mai 1995, à l'égard de l'année d'imposition 1993, établissait que l'appelant était père d'un enfant, et accordait, dans le calcul des crédits d'impôt non remboursables, un crédit d'impôt, au titre de l'équivalent de personne mariée;

g)             l'appelant, aux enquêteurs du Ministre, a déclaré qu'il n'était pas marié, et n'avait jamais eu d'enfant, à l'égard des années d'imposition en litige;

h)             l'appelant, aux enquêteurs du Ministre, a déclaré qu'il avait rencontré monsieur Mario Boucher dans un bar de la région, et qu'il avait réparé la moto de ce dernier à quelques reprises;

i)               l'appelant, aux enquêteurs du Ministre, a déclaré que monsieur Mario Boucher lui a appris qu'il était à l'emploi de Revenu Canada et lui a mentionné qu'il avait droit à un remboursement d'impôt;

j)               l'appelant avoue que lors de la réception du chèque de remboursement d'impôt, il n'a pas compris pourquoi il a eu droit à un tel remboursement d'impôt, à l'égard des années d'imposition 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993;

k)              l'appelant n'a entrepris aucune démarche auprès du Ministre pour connaître les raisons qui sont à l'origine d'un tel remboursement d'impôt total, à l'égard des années d'imposition 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993;

l)               le Ministre est d'avis que la négligence dont l'appelant a fait montre dans cette affaire s'apparente à de la complicité;

m)             à l'appui des nouvelles cotisations datées du 30 mai 1995, à l'égard des années d'imposition 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993, l'appelant a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire ou a commis quelque fraude ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la « Loi » ;

n)             la réclamation de crédits d'impôt non remboursables, au titre de l'équivalent de personne mariée et de personnes à charge, ainsi que celle de crédits fédéraux, au titre de crédit d'impôt pour enfants, à l'égard des années d'imposition 1989, 1990, 1991 et 1992, et seulement la réclamation d'un crédit d'impôt non remboursable, au titre de l'équivalent de personne mariée, à l'égard de l'année d'imposition 1993, porte le Ministre à croire que l'appelant a fait sciemment, ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans les déclarations de revenus produites pour les années d'imposition 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993, ou a participé, consenti ou acquiescé à ce faux énoncé ou cette omission, d'où il résulte que l'impôt qu'il aurait été tenu de payer d'après les renseignements fournis dans les déclarations de revenus déposées pour ces années-là était inférieur au montant d'impôt à payer pour ces années-là.

[4]            Les motifs de l'Avis d'appel sont les suivants :

...

Mon parrain, Hector Villeneuve, a toujours effectué mes impôts depuis que je suis sur le marché du travail, et ce, à titre gracieux étant retraité d'Hydro-Québec. Il est décédé en 1993.

Dans l'année 1994, j'ai fait la rencontre de monsieur Mario Boucher et après lui avoir fait quelques réparations sur sa moto, il m'a appris qu'il était à l'emploi du ministère du Revenu du Canada. Il m'a offert d'effectuer mon rapport d'impôt pour l'année 1994. J'ai accepté et par la suite il m'a dit que j'avais droit à un montant supplémentaire de 12 000 $ qui n'avait jamais été réclamé.

Il a lui-même rempli le formulaire qu'il m'a fait signer. Ma très grande naïveté et la confiance que j'avais en cette personne surtout qu'il était employé du ministère du Revenu et qu'il m'avait dit être un spécialiste de la fiscalité on fait en sorte que je n'ai pas hésité. J'ai reçu ce chèque que j'ai encaissé sans me poser de questions. J'étais de bonne foi, il m'a dit que j'y avais droit.

J'ai reçu 12 000 $ en 1995, rétroactif de 5 ans soit pour 1989 à 1994 croyant cela normal. Pourquoi me réclamez-vous aujourd'hui 29 800 $ qui est dû à une erreur de votre employé au ministère du Revenu.

La responsabilité de cette réclamation est attribuable majoritairement à monsieur Mario Boucher votre employé du ministère du Revenu qui m'a offert en remerciement pour avoir réparé sa moto de faire mon impôt et d'obtenir cette subvention sans que je sois au courant du type de subvention et de quel droit. Si à l'époque je n'avais pas droit à la subvention, le Ministère n'avait qu'à ne pas l'octroyer. Cela n'est pas de ma responsabilité.

De bonne foi, je suis prêt à rembourser le montant reçu, mais les intérêts et la pénalité ne sont pas de mon ressort. Vous trouverez ci-joint les informations demandées.

...

[5]            L'appelant est soudeur-monteur. Lors de l'audience, il ne travaillait pas parce qu'il avait subi un accident de voiture qui aurait déclenché chez lui de l'arthrite post-traumatique.

[6]            Il a admis les alinéas 8 b), 8 c) et 8 g) à 8 k) de la Réponse. Il a mentionné qu'il ignorait les faits énoncés à l'alinéa 8 f) de la Réponse, car il ne savait pas pour quelle raison il avait reçu un remboursement. Monsieur Boucher lui avait tout simplement dit qu'il avait droit à des remboursements d'impôt.

[7]            L'appelant relate que depuis 15 ans, il a comme passe-temps la réparation de motos Harley-Davidson. Il le faisait pour monsieur Boucher. Ce dernier lui a demandé de lui donner son numéro d'assurance sociale pour lui permettre de vérifier ses impôts car, lui aurait-il dit, son oncle qui faisait ses rapports d'impôt n'avait peut-être pas tout réclamé ce qu'il était en droit de réclamer. L'appelant dit qu'il a eu confiance en monsieur Boucher car il était un spécialiste de la fiscalité. Lui-même ne s'y connaît pas du tout.

[8]            L'appelant a reçu un chèque de 12 000 $ en 1995. Il soutient qu'il n'a pas remis 8 000 $ à monsieur Boucher. S'il a immédiatement retiré 8 000 $ en espèces liquides, ce fut pour rembourser un emprunt auprès d'un ami.

[9]            L'appelant relate qu'en 1994, il avait commencé à se construire une maison et avait dû emprunter. Quand le remboursement d'impôt est arrivé, il en a profité pour rembourser ses emprunts. Il affirme qu'il n'aurait pas donné une cenne à monsieur Boucher. Il lui avait fait une réparation majeure à sa moto qui valait bien 2 000 $. Toutefois, si l'appelant fournissait son temps, monsieur Boucher payait les pièces.

[10]          L'appelant a confirmé que monsieur Boucher avait complété quelques-unes de ses déclarations de revenu. Pour ce, il lui chargeait 40 $, mais l'appelant soutient quand même qu'il n'a rien remis à monsieur Boucher pour le remboursement d'impôt :

R.             La fois du gros revenu, là, cette fois-là je l'avais pas payé. Il m'avait donné ça, il dit « Tiens, c'est un montant que tu as droit...

...

R.             T'sais, là, si j'avais su ça avant, penses-tu que j'aurais fait une affaire de même, moi là, là? Risquer de perdre ma maison, je me suis arraché le coeur à faire ça? j'aurais pas joué à ça pantoute, moi là.

...

[11]          L'appelant termine son témoignage en disant qu'il s'agissait d'une arnaque. Il a été une proie comme les autres appelants dont il a entendu le témoignage avant le sien. Il fait aussi valoir qu'il n'a jamais eu de dettes avec Revenu Canada et a toujours voulu être en conformité avec la Loi.

[12]          Monsieur Rolland Pelletier, le témoin de l'intimée avait témoigné lors de l'audition du premier appel entendu cette même journée, soit celui de Dany Houde (2001-824(IT)I). L'appelant a entendu ce témoignage. De ce témoignage, je vais citer un passage concernant les bénéficiaires des remboursements frauduleux qui affirment n'avoir pas payé de montant d'argent en retour, aux pages 23 et 24 des Notes sténographiques concernant le susdit appel :

Q.             Et puis on a entendu, Monsieur Pelletier, tout à l'heure, qu'il y avait une somme qui était remise, soit à Mario Boucher, soit à Réjean Simard dans la plupart des dossiers. Est-ce que vous pouvez chiffrer environ, là, dans combien de cas vous pensez que ça s'est fait? Est-ce que c'est la majorité? Est-ce que c'était le schéma de la fraude qui était fait ainsi?

R.             Oui.

Q.             Est-ce que vous pouvez expliquer?

R.             Bien la plupart des gens nous ont dit qu'ils avaient remis un certain montant, d'autres nous ont dit qu'ils n'avaient rien remis. Par contre, quand on va dans leur compte de banque, il y a un montant équivalent à soixante-six pour cent (66%) qui est sorti en argent, une couple de jours après.

...

Arguments

[13]          L'avocat de l'intimée constate que ce cas est différent des deux autres en ce sens que l'appelant n'a pas admis avoir remis les deux tiers de la somme reçue à monsieur Boucher. Il rappelle que monsieur Pelletier a fait état, lors de son témoignage, que près des deux tiers des contribuables impliqués dans cette affaire ont admis avoir repayé une somme importante. En ce qui concerne ceux qui n'ont pas admis, on retrouve toutefois toujours dans leur compte de banque un retrait important d'environ deux tiers du montant quelques jours après le dépôt. L'avocat de l'intimée fait valoir qu'il n'est pas possible que monsieur Boucher fasse un tel geste sans recevoir de paiement en retour et qu'il faut présumer que le retrait de 8 000 $ fait par l'appelant, soi-disant pour rembourser un emprunt pour la construction de sa maison, a été fait pour payer l'auteur du remboursement d'impôt.

Conclusion

[14]          L'appelant n'a pas admis avoir versé un paiement à l'auteur du remboursement mais il a admis avoir retiré immédiatement les deux tiers du montant. Il prétend que c'était pour rembourser un emprunt qu'il avait fait auprès d'un ami pour la construction de sa maison.

[15]          La preuve qui est faite ici par l'intimée est une preuve par présomptions de fait. Elle est ainsi définie dans La preuve civile, Jean-Claude Royer, Les Éditions Yvon Blais Inc., 1987, à la page 296 :

798 - Définition - La présomption de fait est la conséquence que le tribunal tire d'un ou de plusieurs faits connus à un fait inconnu.

[16]          L'article 2849 du Code civil du Québec que l'on trouve au chapitre sur la preuve se lit ainsi :

Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont laissées à l'appréciation du tribunal qui ne doit prendre en considération que celles qui sont graves, précises et concordantes.

[17]          Je me réfère à une décision du juge Marceau, alors de la Cour fédérale de première instance, dans Canadian Titanium Pigments Ltd. c. Fratelli D'Amico Armatori, [1979] A.C.F. no 206 (Q.L.), et plus particulièrement aux paragraphes 11 à 14 :

11.            La demanderesse, je l'ai dit, n'est pas en mesure d'apporter une preuve directe ni de l'une ni de l'autre des deux propositions : j'ai expliqué, en présentant la cause, qu'elle ne s'était rendu compte du bris de ses conduits qu'après coup et qu'elle n'avait pu le rattacher au passage du Mare Placido que longtemps après. La demanderesse entend prouver ses assertions uniquement par preuve indirecte, soit par présomptions, et même par présomptions à deux niveaux, pour ainsi dire, car, comme on le verra, certains des faits qui, d'après elle, attestent de ses conclusions ne peuvent eux-mêmes être prouvés que par présomptions.

12.            Il n'y a certes pas lieu d'insister sur la recevabilité d'une preuve par présomptions pour démontrer l'existence d'un fait : c'est même en pratique un moyen de preuve qui, dans un domaine comme celui de la responsabilité civile, peut être souvent plus efficace que n'importe quel autre. Il n'y a pas lieu non plus de s'attarder sur les principes à la lumière desquels une preuve de cette nature doit être analysée. Tout cela est trop bien connu. Tirées tout autant de la logique que de la théorie juridique, les règles applicables en la matière sont essentiellement les mêmes en droit civil qu'en common law, et c'est pourquoi, soit dit en passant, je n'attache pas d'importance à la question de savoir si le litige doit être résolu en fonction exclusivement du droit québécois, -- comme l'ont pris pour acquis les procureurs des deux parties sous prétexte sans doute que la cause d'action avait pris naissance au Québec et que le procès s'y déroulait -- ou du droit que cette Cour, en sa juridiction d'amirauté a reçu des tribunaux auxquels elle a succédé -- comme il serait possible de le prétendre.

13.            Pour réussir, on le sait, la demanderesse devra faire valoir des présomptions qui emportent l'adhésion tant par leur nombre que par leur gravité, leur précision et leur concordance -- j'emprunte ici les expressions que les auteurs et la jurisprudence utilisent au Québec sous l'inspiration de l'article 1353 du Code français. Mais cette adhésion, ne l'oublions pas, n'aura pas à s'appuyer sur une certitude inébranlable : une telle certitude excède les exigences de la justice civile; elle devra résulter d'une simple conviction relative tirée d'une déduction rationnelle des faits et circonstances.

14             Il s'agit donc d'examiner ces faits et circonstances mis en lumière par l'enquête et de se demander si on en peut déduire rationnellement une preuve suffisamment convaincante de la justesse de ces deux propositions sur lesquelles l'action est fondée.

[18]          J'ai souligné les passages que je trouve les plus éclairants.

[19]          Il y a également lieu de se référer à la décision de la Cour suprême du Canada dans Lévesque c. Comeau et al., [1970] R.C.S. 1010, aux pages 1012 et 1013 :

... Elle seule était en mesure d'apporter au tribunal ces éléments de preuve et elle ne l'a pas fait. À mon avis, il faut appliquer la règle que dans de telles circonstances un tribunal doit présumer que ces éléments de preuve lui seraient défavorables. ...

[20]          L'appelant a admis l'alinéa 8c) de la Réponse portant sur le fait que le jour même du dépôt l'appelant a retiré 8 000 $ en argent comptant. Il s'agit là de la procédure usuelle du stratagème. L'affirmation qu'il n'a pas payé une cenne pour le service rendu par l'auteur du remboursement, n'est pas plausible. La preuve du remboursement d'un prêt de 8 000 $ fait par un ami pour la construction de sa maison n'est appuyée d'aucune pièce.

[21]          La conviction que je tire de la déduction rationnelle des faits et des circonstances, soit le retrait immédiat du montant de 8 000 $ correspondant aux deux tiers du montant du remboursement et l'absence de preuve valable du remboursement d'un prêt d'un ami, est que l'appelant n'a pas été une exception au système du paiement des deux tiers du montant reçu en remboursement, stratagème organisé dont l'intimée a fait la preuve.

[22]          L'appelant doit remettre le montant d'impôt qui lui a été payé en trop dans sa totalité et avec les intérêts.

[23]          En ce qui concerne la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, dans la décision Jean-Marc Simard c. Canada, [2002] A.C.I. no 265 (Q.L.), j'avais conclu que la Cour avait discrétion pour doser le montant imposé en fonction de la capacité de payer du contribuable, du degré de son intention coupable et de sa conduite antérieure. Cette décision a été portée en appel par l'intimée.

[24]          En attendant la décision de la Cour d'appel fédérale, je crois plus prudent pour l'instant de suivre la route empruntée par cette Cour d'appel dans une décision récente, soit dans l'affaire Chabot c. Canada, [2001] A.C.F. no 1829 (Q.L.). Dans cette décision, elle n'a pas évalué le degré de l'intention coupable du contribuable mais l'a complètement dégagé de toute application du paragraphe 163(2) de la Loi, au motif que le contribuable avait été pris dans un guet-apens. Il s'agissait d'un contribuable qui avait réclamé des crédits d'impôt pour dons de bienfaisance. En 1992, il faisait état d'un don de charité au montant de 10 000 $, pour lequel il avait en fait payé 2 800 $, et en 1993 et 1994 de dons de 15 000 $ et 8 000 $ alors qu'il avait payé en tout 2 500 $.

[25]          Je cite les paragraphes 40 et 41 :

40.            Je note enfin que M. Denis Lemieux, enquêteur à Revenu Canada, a expliqué à la Cour que les fondations en cause n'avaient elles-mêmes fait l'objet d'aucune poursuite parce qu'aux yeux du Ministère,

... elles s'étaient fait prendre dans un guet-apens. Pour eux, ça l'avait pris des proportions incommensurables. Elles se sont réellement ... ce ne sont pas des spécialistes pour ce qui est des oeuvres d'art. Elles ont trouvé l'offre alléchante. ...

C'est des fondations, il n'y avait pas d'intention criminelle de ces personnes-là. Ils se sont aperçus eux autres mêmes qu'ils étaient dans l'erreur.

(annexe 6, pages 25 et 26)

M. Chabot s'est aussi, à sa façon, fait « prendre dans un guet-apens » et il a, lui aussi, à sa façon, « trouvé l'offre alléchante » .

41.            Dans ces circonstances, je m'explique mal que Revenu Canada impose des pénalités à ces petits contribuables qui, de bonne foi, ont cherché à tirer profit d'un crédit d'impôt que Revenu Canada lui-même faisait miroiter à leurs yeux et qui, selon le guide, paraissait si facile à obtenir.

                                                                                                (L'accentué est de moi.)

[26]          Je crois que l'appelant est lui aussi tombé dans un guet-apens. Ce n'est pas lui qui a mûri le stratagème. La proposition lui est venue d'un employé de Revenu Canada. On ne lui a pas parlé d'actes frauduleux. On lui a dit qu'il était possible qu'il n'ait pas réclamé tous les retours d'impôt auxquels il avait droit. Il reçoit un montant d'argent substantiel en remboursement d'impôt.

[27]          Il prétend qu'il n'a rien remis en retour à monsieur Boucher, ce qui n'est pas cru par le Tribunal pour les raisons données ci-dessus. Par ailleurs, il mentionne qu'il a été, à l'instar des autres appelants, une proie pour des prédateurs rusés. Je suis d'accord avec cette vision de la situation. Il s'agit en effet d'une situation où l'appelant a été pris dans un guet-apens. Il n'y a pas de manifestation d'une décision délibérée de la part de l'appelant de contrevenir à la Loi.

[28]          Il y a toujours une part de responsabilité dans les gestes posés à moins qu'il ne s'agisse d'un geste purement accidentel. C'est un geste grave que de remettre de l'argent aux préposés de l'État quand ils sont dans l'exécution de leurs fonctions.

[29]          Le paragraphe 163(2) de la Loi exige toutefois que le faux énoncé ou l'omission aient été faits sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. En d'autres termes, ce paragraphe requiert l'intention coupable. Je suis d'avis que le Tribunal doit être d'autant plus certain de cette intention coupable lorsque la pénalité qui s'ensuit est d'un montant extrêmement élevé et d'un effet particulièrement onéreux pour le contribuable, comme c'est le cas ici.

[30]          Ainsi que je l'ai mentionné dans la décision Jean-Marc Simard (supra), il est déjà très onéreux pour un contribuable de revenu modeste de payer les sommes réclamées au titre de l'impôt dû avec les intérêts y afférents, je dois donc être d'autant plus convaincue de l'intention coupable du contribuable pour y ajouter les pénalités et intérêts qui totalisent, dans ce cas-ci, des sommes très importantes.

[31]          L'appelant a un bon métier mais il n'est ni comptable ni juriste. D'après ce qu'il a dit lors de son témoignage et dans son Avis d'appel, il a toujours produit ses déclarations d'impôt chaque année et a toujours voulu être en conformité avec la Loi. Cette affirmation n'a pas été contredite par l'intimée.

[32]          Je suis d'avis qu'au départ, le geste qu'il a posé relève de l'inconscience ou de l'erreur de jugement quant à la confiance à accorder à un employé de Revenu Canada et non de l'intention coupable. Par la suite, il a été englué dans une situation de guet-apens. Ainsi qu'il l'a dit, il a été une proie pour des prédateurs habiles qui ont su jouer sur la confiance et sur le leurre de l'impôt payé en trop.

[33]          Plus une personne sera instruite, plus ce sera difficile pour elle d'éviter l'application du paragraphe 163(2) de la Loi au motif de l'erreur de jugement dans des circonstances comme celles de la présente affaire. Mais ici, je suis d'avis que l'appelant n'a pas formé l'intention coupable requise par le paragraphe 163(2) de la Loi.

[34]          En conséquence, l'appel est accordé pour radier les pénalités et les intérêts y afférents.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de décembre 2002.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2001-170(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Robin Villeneuve et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Chicoutimi (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 30 août 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                      le 12 décembre 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                     L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                            Me Martin Gentile

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2001-170(IT)I

ENTRE :

ROBIN VILLENEUVE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 30 août 2002 à Chicoutimi (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelant :                                                    L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                                            Me Martin Gentile

JUGEMENT

                Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1989, 1990, 1991, 1992, et 1993 sont accordés pour radier les pénalités et les intérêts y afférents, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de décembre 2002.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.