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Date: 20020208

Dossier: 2001-3471-IT-I

ENTRE :

EVA SAMYCIA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]            Il s'agit de l'appel d'une cotisation établie à l'égard de l'année d'imposition 1999 de l'appelante. Dans cette cotisation, le ministre du Revenu national a inclus le montant de 10 671 $ que l'appelante a reçu de son ex-conjoint. Le montant représente le montant total de pension alimentaire périodique que l'appelante a reçu à l'égard des trois enfants issus de son mariage avec son ex-conjoint, Jean-Marc Samycia.

[2]            Les faits sont admis. L'appelante et son ex-conjoint se sont épousés en 1976. Ils se sont séparés à quelques reprises, mais leur séparation définitive a eu lieu en 1992 ou 1993. Ils ont eu quatre enfants nés en 1977, 1980, 1982 et 1987 respectivement.

[3]            La pièce A-2 contient un certain nombre d'ordonnances intérimaires. Le 5 janvier 1994, le protonotaire de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, M. Bolton, a ordonné à Jean-Marc Samycia, le mari, de verser une pension alimentaire provisoire de 450 $ par mois pour chacun des quatre enfants, à compter du 1er janvier 1994 et de continuer à le faire le premier jour de chaque mois jusqu'à ce que la cour rende une autre ordonnance.

[4]            L'ordonnance est rédigée comme suit :

[TRADUCTION]

LA COUR ORDONNE au défendeur de payer à la demanderesse à titre de pension alimentaire provisoire pour les quatre enfants issus du mariage, soit :

                QUINCY JAMES SAMYCIA, né le 1er juillet 1987;

                SOPHIE-AIMEE SAMYCIA, née le 4 juillet 1982;

                JACQUELINE-AIMEE SAMYCIA, née le 10 mars 1980;

                VIVIANNE-AIMEE SAMYCIA, née le 16 janvier 1977;

le montant de 450 $ par mois par enfant à compter du premier jour de janvier 1994 et de continuer à le faire le premier jour de chaque mois jusqu'à ce que la cour rende une autre ordonnance.

[5]            Le défendeur a interjeté appel de l'ordonnance du protonotaire Bolton devant le juge Meiklem de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Le 2 août 1994, le juge Meiklem a accueilli l'appel et statué ce qui suit :

[TRADUCTION]

LA COUR ACCUEILLE l'appel du défendeur, JEAN-MARC SAMYCIA, alias Jean Marc SAMYCIA, seulement en partie et réduit la pension alimentaire de 450 $ par mois par enfant à 400 $ par mois par enfant.

[6]            Il importe de mentionner que, bien que le juge Meiklem ait réduit la pension alimentaire pour chaque enfant à 400 $, il était toujours question des quatre enfants dans l'ordonnance.

[7]            Le 26 septembre 1997, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a rendu une ordonnance sur consentement entre l'appelante, à titre de demanderesse et son mari, à titre de défendeur, établie le 29 septembre 1997. Les parties de l'ordonnance sur consentement pertinentes au présent appel sont rédigées comme suit :

[TRADUCTION]

LA COUR ACCORDE à la demanderesse la garde exclusive des enfants issus du mariage, soit JACQUELINE-AIMEE SAMYCIA, née le 10 mars 1980, SOPHIE-AIMEE SAMYCIA, née le 4 juillet 1982 et QUINCY JAMES SAMYCIA, né le 1er juillet 1987 (nommés ci-après les « enfants du mariage » ).

[...]

                LA COUR ORDONNE EN OUTRE au défendeur de payer à la demanderesse pour subvenir aux besoins de chaque enfant issu du mariage le montant de 400 $ par mois par enfant, le premier jour de chaque mois à compter du 1er mars 1997 jusqu'à ce que l'enfant :

                a.              se marie;

                b.              décède;

                c.              soit en mesure de subvenir à ses propres besoins;

d.              soit âgé de 19 ans et ne fréquente pas un établissement d'enseignement postsecondaire,

la première éventualité étant retenue. Si un enfant fréquente un établissement d'enseignement postsecondaire à temps plein, le défendeur continue à verser une pension alimentaire pour cet enfant jusqu'à ce qu'il :

a.              cesse de fréquenter un établissement d'enseignement postsecondaire à temps plein;

b.              obtienne son diplôme d'études postsecondaires,

la première éventualité étant retenue.

                LA COUR ORDONNE DE PLUS que les paiements effectués conformément au paragraphe précédent :

a.              ne seront pas inclus dans le revenu imposable de la demanderesse pour l'année d'imposition durant laquelle ils sont reçus;

b.              ne seront pas déduits à des fins fiscales du revenu du défendeur pour ces années.

[8]            Il importe de noter que l'ordonnance sur consentement du 26 septembre 1997 ne fait référence qu'à trois enfants, et que les modalités de l'interruption de la pension alimentaire ou de son maintien, dans le cas où un enfant fréquente un établissement d'enseignement postsecondaire, sont clairement énoncées. Cette ordonnance modifie de façon importante le montant total ainsi que la durée des paiements de pension alimentaire.

[9]            L'appelante a inclus les montants qu'elle a reçus en 1997 dans son revenu pour 1997. Elle n'a pas inclus les montants qu'elle a reçus en 1998 dans son revenu pour 1998, et aucune nouvelle cotisation n'a été établie. Je ne tire aucune conclusion de l'inclusion de la pension par l'appelante en 1997 ou de la non-inclusion de la pension par l'ACDR en 1998. Il s'agit sans aucun doute d'un oubli de part et d'autre.

[10]          Il y a une conclusion de fait qui est ou n'est peut-être pas pertinente, mais je l'énonce dans l'hypothèse où ma décision devait être portée en appel. En 1997, les parties ou leurs avocats s'étaient rendu compte que les dispositions législatives qui régissaient jusque-là la déduction et l'inclusion des paiements de pension alimentaire avaient été modifiées, et ils voulaient faire en sorte que, aux termes de l'ordonnance sur consentement du 26 septembre 1997, M. Samycia ne puisse les déduire de son revenu et que Mme Samycia ne soit pas tenue de les inclure dans le sien. La question à trancher en l'espèce est, bien entendu, celle à savoir si les parties ont atteint ce résultat.

[11]          L'alinéa 56(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu est libellé de la façon suivante :

56(1)        Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition

[...]

b)             le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

A              représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l'année d'une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

B              le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C              le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu'il a incluse dans son revenu pour une année d'imposition antérieure;

[12]          Dans cette formule, A est le montant de 10 671 $ reçu par l'appelante en 1999. B est le montant reçu après la date d'exécution. Selon l'interprétation de l'appelante, la date d'exécution est le 26 septembre 1997 et B devrait donc être 10 671 $, de sorte qu'en appliquant la formule on obtient le chiffre zéro. Selon l'interprétation avancée par les deux parties, C équivaut à zéro. L'intimée fait valoir que B équivaut à zéro parce qu'il n'y a pas de date d'exécution et que, par conséquent, l' « ancien régime » que j'ai décrit dans l'affaire Kovarik c. R., C.C.I., no 2000-4906(IT)I, 27 mars 2001 ([2001] 2 C.T.C. 2503) continue de régir le traitement fiscal des paiements de pension alimentaire.

[13]          Le terme « date d'exécution » est défini de la façon suivante au paragraphe 56.1(4) :

« date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a)             si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b)             si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i)             le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii)            si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii)           si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv)           le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

[14]          Comme je l'ai mentionné ci-dessus, l'appelante prétend que l' « accord ou l'ordonnance » est celui du 26 septembre 1997 et que, puisqu'il a été établi « après avril 1997 » , sa date d'exécution est celle à laquelle il a été établi.

[15]          Selon l'intimée, l' « accord ou l'ordonnance » dont il est question dans la définition du terme « date d'exécution » est l'ordonnance du juge Meiklem du 2 août 1994. Étant donné que cette date n'est pas postérieure à avril 1997, je dois conclure, compte tenu des mots « if any » figurant dans la version anglaise de l'introduction du paragraphe b) de la définition de « commencement day » (date d'exécution), qu'il n'y a pas de date d'exécution.

[16]          L' « accord ou l'ordonnance » dont il est question dans la définition de date d'exécution doit évidemment être l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel les paiements de pension alimentaire étaient recevables, tel qu'envisagé par l'élément B de la formule au paragraphe 56(1)b).

[17]          L'avocat de l'intimée prétend que, puisque l'ordonnance du 26 septembre 1997 n'a pas eu pour effet de modifier le montant total de la pension alimentaire pour enfants payable aux termes de l'ordonnance du 2 août 1994, je ne puis considérer l'ordonnance du 26 septembre 1997 comme l' « accord ou l'ordonnance » puisqu'elle n'a pas modifié les modalités de l'ordonnance précédente. L'appelante avance que l' « accord ou l'ordonnance » est celui du 2 août 1994.

[18]          La réponse simple et brève à cet argument est que l'ordonnance du 26 septembre 1997 a radicalement modifié les modalités de l'ordonnance du 2 août 1994. Elle résout définitivement tous les conflits entre les parties. Elle remplace entièrement l'ordonnance du 2 août 1994 et, le plus important, elle modifie le montant total de la pension alimentaire pour enfants payable à Mme Samycia par son conjoint.

[19]          Cela devait être suffisant pour trancher la question. Toutefois, par respect pour l'argument avancé par Me Caux, j'énonce le raisonnement qu'il a formulé, car je ne suis pas convaincu que, même si l'ordonnance du 26 septembre 1997 n'avait pas modifié le total des paiements de pension alimentaire par rapport à celui qui est payable aux termes de l'ordonnance intérimaire du 2 août 1994, j'aurais été justifié de tirer une autre conclusion.

[20]          L'alinéa a) de la définition est en soi parfaitement clair :

a)             si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

[21]          Ces mots s'appliquent exactement à l'ordonnance du 26 septembre 1997, qui est l'ordonnance aux termes de laquelle les paiements ont été effectués. Il n'est pas nécessaire d'examiner la question davantage.

[22]          L'intimée toutefois, prétend que le sous-alinéa b)(iii) constitue une dérogation à l'alinéa a) en ce sens que, si un accord ou une ordonnance établi après avril 1997 est précédé d'un autre accord ou d'une autre ordonnance établis avant mai 1997, la « date d'exécution » est la date de l'accord ou de l'ordonnance établi après avril 1997 si et seulement si cet accord ou ordonnance modifie le montant total de la pension alimentaire pour enfants payable aux termes de l'accord ou de l'ordonnance antérieur.

[23]          Le but général que le législateur semble vouloir atteindre est le suivant. Si des paiements sont effectués conformément à un accord ou à une ordonnance établis avant mai 1997, l'ancien régime s'applique à moins qu'un nouvel accord ou une nouvelle ordonnance modifiant le montant total de la pension alimentaire payable à l'égard des enfants soit établi après avril 1997.

[24]          Cet argument peut être valable dans une certaine mesure si l' « accord ou l'ordonnance » aux termes duquel les paiements sont effectués est un accord établi avant mai 1997 ou une ordonnance qui acquiert une date d'exécution par suite d'une modification des montants après avril 1997. Si l'on n'est pas en présence d'un type de modification envisagée par les sous-alinéas b)(ii) ou (iii) et que les paiements sont versés conformément à un accord établi ou à une ordonnance rendue après avril 1997, les sous-alinéas b) (ii) et (iii) ne s'appliquent pas, et il ne nous reste que l'alinéa a) pour déterminer la date d'exécution.

[25]          Il y a eu une modification telle qu'envisagée par les sous-alinéas b)(ii) ou (iii) ou il n'y en a pas eu, mais quelle que soit l'hypothèse retenue, la date d'exécution est le 26 septembre 1997.

[26]          Lorsqu'il existe une ordonnance détaillée comme celle du 26 septembre 1997, cette ordonnance remplace évidemment celle du 2 août 1994 et l'ordonnance du 26 septembre 1997 est celle aux termes de laquelle les paiements de 1999 sont effectués. C'est la date d'exécution de cette ordonnance qui est pertinente et elle est déterminée par l'alinéa a) de la définition. Bien que l'ordonnance du 26 septembre 1997 ait comme effet de modifier le montant total payable aux termes de l'entente du 2 août 1994, elle ne fait pas référence à l'ordonnance antérieure. Il s'agit d'une ordonnance indépendante (voir Kovarik, précité).

[27]          Il a été brièvement fait référence aux sous-alinéas b)(i) et (iv) de la définition de date d'exécution. Aucun choix conjoint ayant été présenté, le sous-alinéa (i) ne s'applique pas. En ce qui concerne le sous-alinéa (iv), l'ordonnance du 26 septembre 1997 ne précise pas textuellement une date bien qu'elle prévoit que les montants payables conformément à ses modalités ne sont pas déductibles par le mari et ne doivent pas être inclus dans le revenu de l'épouse. On pourrait prétendre qu'il est ainsi précisé implicitement que la date d'exécution est la date de l'ordonnance. Toutefois, compte tenu de ma conclusion précédente, il n'est pas nécessaire que j'examine cet argument.

[28]          L'avocat de l'intimée fait aussi valoir que, puisque l'ordonnance du 26 septembre 1997 prévoit qu'elle s'applique rétroactivement au 1er mars 1997, le paragraphe 56.1(3) s'applique et, par conséquent, la date d'exécution est le 1er mars 1997. Le libellé du paragraphe 56.1(3) est clair. Je ne pense pas que cette disposition s'applique et je ne pense pas non plus que l'ordonnance rétroagisse et que sa date d'exécution remonte dans le temps au 1er mars 1997 par suite de la mention de cette date dans l'accord.

[29]          L'appel est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu que le montant de 10 671 $ que l'appelante a reçu à titre de pension alimentaire doit être soustrait de son revenu de 1999.

[30]          L'appelante a droit aux dépens, le cas échéant.

Signé à Toronto, Canada, ce 8e jour de février 2002.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme ce 11e jour de décembre 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-3471(IT)I

ENTRE :

EVA SAMYCIA

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 29 janvier 2002, à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions

Pour l'appelante :                                   L'appelante elle-même

Marc Soprovich, CGA

Avocat de l'intimée :                             Me Victor Caux

JUGEMENT

                L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu que le montant de 10 671 $ que l'appelante a reçu à titre de pension alimentaire doit être soustrait de son revenu de 1999.

                L'appelante a droit aux dépens, le cas échéant.

Signé à Toronto, Canada, ce 8e jour de février 2002.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme ce 11e jour de décembre 2002.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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