Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20011220

Dossier: 1999-4676-IT-G

ENTRE :

OTTORINO SARTORI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman, C.C.I.

[1]            Les présents appels portent sur les cotisations établies à l'égard de l'appelant pour ses années d'imposition 1993 et 1994, dans lesquelles le ministre du Revenu national a assujetti les pertes agricoles subies par l'appelant aux restrictions prévues à l'article 31 de la Loi de l'impôt sur le revenu, parce que son revenu au cours des années d'imposition en question ne provenait principalement ni de l'agriculture ni d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source. Le ministre a également appliqué la règle dite de la réduction de 50 p. 100 pour la première année à la déduction pour amortissement dont s'est prévalu l'appelant à l'égard de biens amortissables qu'il avait acquis.

[2]            J'aborderai rapidement la question de la règle de la réduction de 50 p. 100. Le 30 décembre 1992, l'appelant a acquis une ferme, incluant des biens amortissables, de sa société, Sartori and Son Company Limited (la « société » ). Le transfert n'a été enregistré qu'en 1994, et le ministre a supposé qu'il n'avait eu lieu qu'à ce moment. J'en arrive à la conclusion de fait que les biens amortissables ont été acquis en 1992 et que, dès lors, la règle de la réduction de 50 p. 100 ne s'applique pas aux fins du calcul de la déduction pour amortissement pour 1994 relativement aux biens amortissables appartenant à l'appelant lors de ladite année.

[3]            Au sujet de l'application de l'article 31 de la Loi de l'impôt sur le revenu, M. Sartori a travaillé toute sa vie dans le domaine de la construction. Il a maintenant 74 ans. Durant toutes les périodes pertinentes aux fins des présents appels, il était l'unique actionnaire de la société. Il a pris sa retraite à l'âge de 59 ans et son fils Douglas lui a succédé dans l'entreprise de construction, dont la société Union Gas était le principal client. Après trois ou quatre ans, le fils de l'appelant a demandé à ce dernier de revenir travailler pour l'entreprise, ce qu'il a fait à titre d'expert-conseil ainsi qu'en supervisant la réalisation de bon nombre de projets importants. Au cours des années en cause, il travaillait de 40 à 50 heures par semaine pour l'entreprise. De 1993 à 1994, le revenu de la société provenant des activités de construction ou de la prestation de services à la société du fils de M. Sartori est passé de 30 000 $ à quelque 200 000 $.

[4]            De 1987 à 1992, la société a versé à l'appelant des honoraires pour ses services d'expert-conseil. De 1993 à 1999, elle lui a versé des dividendes. En 1999, il a vendu la société à son fils.

[5]            En 1992, l'appelant a acquis la ferme de la société pour la somme de 273 000 $. La fraction de ce montant imputée par les parties à la valeur de la maison s'est établie à 124 000 $. L'appelant a effectué un versement initial de 23 000 $, puis des versements de 50 000 $ par année pendant cinq ans à même les dividendes qui lui étaient versés. La société avait acquis la ferme en 1970 puis y avait aménagé une piste de course équestre et construit une maison. La ferme s'étendait sur 30 acres, et on y trouvait une écurie comptant 19 stalles.

[6]            À partir de ce moment, M. Sartori et sa société se sont lancés assez activement dans l'élevage, l'achat, la vente, l'entraînement et les courses de chevaux. Bien que les activités de courses de chevaux de l'appelant semblent avoir été couronnées d'un certain succès, ni lui ni la société n'ont dégagé de bénéfice net, sauf en 1995, année où il a tiré un petit bénéfice de la vente de la ferme.

[7]            En 1995, il a vendu la ferme et l'entreprise, pour des raisons rattachées à un accident d'automobile qu'il avait subi ainsi qu'à certains problèmes d'ordre personnel par rapport à l'un de ses fils.

[8]            Sa participation à l'entreprise relative aux chevaux était pour l'essentiel passive. Il payait d'autres personnes pour prendre soin des chevaux, les panser et les entraîner. Au cours des années en cause et avant celles-ci, la preuve montre, selon moi, qu'il consacrait davantage de temps à l'entreprise de construction qu'à la ferme. L'entreprise de construction était le véritable centre de ses activités et fut sa principale source de revenu tout au long de sa vie. En fait, l'élevage des chevaux, leur vente et leur participation à des courses n'ont engendré rien d'autre que des pertes. Il est vrai, comme l'a indiqué le juge Dickson dans l'affaire Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, à la page 486, que la détermination de la principale source de revenu n'est pas une simple question de nombres - après tout, l'application de l'article 31 de la Loi de l'impôt sur le revenu repose sur l'hypothèse que la principale source de revenu peut donner lieu à une perte, qui peut alors être portée en réduction d'autres revenus. Néanmoins, on ne peut faire totalement abstraction du fait qu'un contribuable tire sa subsistance d'une autre source de revenu et que les activités agricoles se soldent constamment par des pertes. Nous savons tous comment, dans l'affaire Moldowan, le juge Dickson subdivisait en trois catégories les agriculteurs canadiens : ceux qui y travaillant à temps plein et en tirent leur gagne-pain, ceux pour qui il s'agit d'une entreprise secondaire, et ceux pour qui il s'agit d'un passe-temps. Les activités de M. Sartori relativement aux chevaux représentaient plus qu'un simple passe-temps, mais rien dans la preuve ne permet de penser qu'il s'agissait d'une activité à laquelle il se consacrait à temps plein. Sa principale source de revenu était l'entreprise de construction exploitée par sa société. Tout comme c'était le cas dans l'affaire Moldowan, l'activité agricole était simplement une source secondaire de revenu.

[9]            L'appel concernant l'année d'imposition 1993 est rejeté. L'appel portant sur l'année d'imposition 1994 est admis, et la cotisation établie pour ladite année est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que, lors du calcul de la perte agricole visée à l'article 31 de la Loi de l'impôt sur le revenu, la règle de la réduction de 50 p. 100 pour la première année ne s'applique pas à l'égard du calcul de la déduction pour amortissement.

[10]          Il ne sera pas adjugé de dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2001.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme ce 18e jour de décembre 2002.

Yves Bellefeuille, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-4676(IT)G

ENTRE :

OTTORINO SARTORI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 5 décembre 2001 à Windsor (Ontario) par

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions

Avocat de l'appelant :          Me Terry Hermiston

Avocat de l'intimée :             Me Gatien Fournier

Jugement

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1993 est rejeté.

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1994 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que, lors du calcul de la perte agricole visée à l'article 31, la règle de la réduction de 50 p. 100 pour la première année ne s'applique pas à l'égard du calcul de la déduction pour amortissement.

Il ne sera pas adjugé de dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2001.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme ce 18e jour de décembre 2002.

Yves Bellefeuille, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.