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Date: 20030110

Dossier: 2002-745-IT-I

ENTRE :

ROBERT SÉGUIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels selon la procédure informelle de cotisations établies par le ministre du Revenu national ( « Ministre » ) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ) relativement aux années d'imposition 1995 et 1996 de l'appelant. Par ces cotisations, le Ministre a ajouté au revenu de l'appelant un avantage imposable au montant de 9 430 $ pour l'année d'imposition 1995 et de 9 550 $ pour l'année d'imposition 1996, pour droit d'usage d'une automobile mise à sa disposition par son employeur, aux termes des alinéas 6(1)e), 6(1)e.1) et 6(1)k) et du paragraphe 6(2) de la Loi, telle qu'amendée.

[2]            L'appelant est le président et l'un des six actionnaires et administrateurs de la société Émile Séguin & Fils Limitée ( « Société » ). La Société exploite une entreprise qui se spécialise dans la mécanique de bâtiments, la plomberie et la climatisation. Elle n'accepte pratiquement que des contrats commerciaux mais fait également un peu de résidentiel. Il s'agit d'une entreprise familiale qui existe depuis plus de 75 ans, et qui a été constituée en corporation il y a un peu plus de 12 ans. L'appelant y travaille depuis 45 ans comme plombier et en est son président depuis 12 ans. Il détient 25 pour cent des parts dans la Société. Cette Société engage aujourd'hui 60 employés et dans les années en litige, elle en comptait entre 35 et 50. Son chiffre d'affaires était en moyenne de 3,5 millions de dollars dans ces années, il est aujourd'hui de sept millions de dollars. La moitié de ces employés sont des plombiers et il y a six employés engagés dans l'administration, dont l'appelant. L'entreprise est exploitée depuis son siège social où se trouvent un entrepôt et un atelier pour la fabrication de systèmes de ventilation.

[3]            L'appelant a expliqué que depuis qu'il est président, il s'occupe de l'entreprise en général. Il y travaille entre cinq et six jours par semaine, 12 à 15 heures par jour. Ainsi, il s'occupe de visiter les chantiers pour faire les soumissions de moins de 100 000 $ (ce sont deux autres actionnaires qui s'occupent des plus gros chantiers), prépare ensuite les chantiers et fait la facturation. Il coordonne tous les petits chantiers et fait la collecte des comptes.

[4]            Le nom de tous les actionnaires apparaît dans l'annuaire téléphonique avec leur numéro de téléphone à leur résidence. L'appelant explique qu'il répond aux urgences en soirée au lieu d'envoyer des employés qu'il devrait payer en temps supplémentaire. C'est également l'appelant qui se déplace en soirée lorsque le système d'alarme se déclenche, ce qui apparemment est assez fréquent. Par ailleurs, l'appelant passe régulièrement chez les fournisseurs en quittant le bureau et livre le matériel sur le chantier directement le lendemain en passant par les chantiers avant d'aller au bureau. Les matériaux sont également livrés lorsque les travaux se font en soirée, tels les contrats avec le gouvernement ou avec les hôpitaux.

[5]            La Société possède 11 véhicules automobiles pour ses employés dont une Jeep Grand Cherokee 4 x 4 ( « Jeep » ) qui est mise à l'entière disposition de l'appelant. Ce dernier dit qu'il se sert de la Jeep pour son travail uniquement. Lorsqu'il ne travaille pas, la Jeep reste dans son garage chez lui. Sa femme possède une fourgonnette Mazda MPV 4 x 4 ( « Mazda » ), laquelle fourgonnette est équipée d'un « hitch » ( « boule d'attelage » ) de 5 000 livres. C'est avec ce dernier véhicule que lui et sa femme se déplacent pour leurs loisirs personnels. Ainsi, ils assistent à des courses de chevaux auxquelles l'appelant participe par l'achat et la revente de chevaux. Les chevaux sont pris en charge directement à l'hippodrome où ont lieu les courses. Ceci inclut le transport dont l'appelant n'a pas à se préoccuper (voir pièce A-2). Il n'est arrivé que quelques fois où l'appelant et sa femme ont eu à transporter dans une remorque des chevaux chez le vétérinaire. Ils ont utilisé la Mazda à ces occasions puisqu'elle est équipée pour tirer une telle remorque. L'appelant a trois enfants dont une fille qui habitait chez lui au cours des années en litige. Elle se servait de sa propre voiture, une Toyota Celica.

[6]            Quant à la Jeep, elle a été achetée par la Société au mois de décembre 1993 pour un prix d'achat de 31 275 $ incluant les taxes. Selon le témoignage de l'appelant, c'était un démonstrateur qui avait déjà accumulé 15 à 20 000 km au moment de l'achat. Au même moment, la Jeep contenait quatre places pour des passagers mais l'appelant a complètement enlevé un siège dès le début pour pouvoir y entreposer son escabeau, des petits matériaux (tels, toilettes, lavabos), son coffre à outils, et ses instruments de travail. L'appelant a déposé en preuve deux photos de la Jeep de l'intérieur montrant l'utilisation qu'il en faisait (pièce A-4). Ces photos ont été prises après la vérification par l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ) du dossier de la Société. Cependant l'appelant a dit qu'il a toujours considéré la Jeep comme son camion de travail tout comme les camions qu'il avait à sa disposition auparavant et comme le camion qu'il possède actuellement. De fait, les photos démontrent l'utilisation de la Jeep comme un camion plutôt qu'un véhicule récréatif. Il a lui-même choisi une Jeep 4 x 4 car la Société n'en avait pas et que c'était commode sur un chantier. Ainsi, lorsque la Société a eu un contrat pour Radio-Canada à Camp Fortune dans le parc de la Gatineau, c'est l'appelant qui montait les hommes sur le chantier dans la Jeep. C'est également la Jeep qui, munie d'un « hitch » ( « boule d'attelage » ), servait pour le transport d'un « lift » ( « table élévatrice » ) sur les chantiers.

[7]            La Jeep n'était pas identifiée de façon permanente du lettrage de la Société. L'appelant se servait d'un lettrage magnétique quand il allait sur les chantiers. C'était préférable pour l'appelant de procéder ainsi pour avoir accès avec la Jeep aux ponts qui défendent le passage aux véhicules commerciaux. L'appelant dit qu'il s'est servi de la Jeep en moyenne 40 000 km/an. Il inclut là-dedans ses déplacements entre la maison et le bureau d'une distance d'environ 12 km (24 km aller-retour), puisqu'il travaille tout autant de la maison que du bureau. Il dit qu'il ne passe jamais une journée entière au bureau et qu'il se déplace constamment. Il n'a jamais tenu de livre de bord sauf pour une courte période où son comptable lui a demandé de prendre note de tous ses déplacements. Toutefois, l'appelant a réitéré qu'il ne se servait jamais de la Jeep pour ses fins personnelles. Il n'y avait donc pas réellement d'utilité à tenir un livre de bord. La Jeep a été vendue en 2002 pour 100 $ alors qu'elle affichait 336 000 km à l'odomètre.

[8]            Madame Ginette Belley Séguin, la conjointe de l'appelant, a également témoigné. Elle a confirmé que son mari se servait de la Mazda lorsqu'il ne travaillait pas et que la Jeep ne servait que pour les fins de l'entreprise de la Société. Elle a également confirmé que les chevaux n'étaient pas transportés par eux, sauf en de rares occasions, où ils ont pris la Mazda.

[9]            Monsieur Réjean Tremblay, chef des appels pour l'ADRC, a témoigné car c'est lui qui a fait la vérification dans le dossier de la Société en octobre 1997. Il a expliqué qu'en allant sur les lieux où se trouve le siège social de la Société, il a remarqué sur le terrain plusieurs « pick-ups » et une Jeep, qui à son souvenir était de couleur verte foncée et qui aurait été très propre de l'extérieur. Lors de sa vérification, il a constaté que les employés de la Société se servaient de leur propre voiture lorsqu'ils avaient des courses hors-chantier à faire pour la Société. Dans ce cas, les employés se faisaient rembourser par la Société un montant forfaitaire pour l'utilisation de leur véhicule aux fins du travail. Monsieur Tremblay a remarqué qu'aucun employé n'avait accès à la Jeep et qu'elle était à l'usage exclusif de l'appelant, en tant que président. Il a également réalisé que l'appelant se servait de la Jeep pour retourner à sa résidence et que la distance entre le siège social et la résidence était d'environ 35 km aller-retour. Monsieur Tremblay a donc présumé que l'appelant se servait de la Jeep pour ses fins personnelles, et sans pousser l'enquête plus loin, a calculé un avantage imposable pour l'appelant. Monsieur Tremblay a reconnu en contre-interrogatoire, que la distance parcourue entre la résidence et le siège social ne constituait pas une utilisation personnelle si l'appelant passait par un chantier ou chez un fournisseur entre les deux. Il a simplement dit qu'il avait considéré peu probable que l'appelant se déplace sur les chantiers ou qu'il fasse lui-même les travaux, en tant que président de la Société. Il n'a donc posé aucune question à l'appelant à ce sujet de même qu'il n'a pas vérifié l'état du véhicule à l'intérieur.

[10]          L'appelant est revenu témoigner par la suite et a dit que son véhicule a toujours été de couleur bleue, tel qu'on le voit sur les photos prises (pièces A-4), et non vert foncé tel que semblait le dire monsieur Tremblay. L'appelant a déposé en preuve le contrat d'achat de la Jeep, qui indique « teal » comme couleur du véhicule (pièce A-6).

[11]          Par ailleurs, l'appelant a indiqué que la plus courte distance entre sa résidence et le siège social de la Société était de 12 km (24 km aller-retour) et non 17,5 km (35 km aller-retour) comme semblait l'indiquer monsieur Tremblay. Selon l'appelant, monsieur Tremblay aurait possiblement pris un autre chemin que celui qu'il utilise normalement.

Argument de l'appelant

[12]          L'avocat de l'appelant plaide en tout premier lieu que la Jeep ne rencontre pas la définition d' « automobile » qui se retrouve au paragraphe 248(1) de la Loi. Une automobile est ainsi définie dans la Loi :

« automobile » -- « automobile » Véhicule à moteur principalement conçu ou aménagé pour transporter des particuliers sur les routes et dans les rues et comptant au maximum neuf places assises, y compris celle du conducteur, à l'exclusion des véhicules suivants:

[...]

d) les véhicules à moteur de type pick-up ou fourgonnette ou d'un type analogue:

(i) comptant au maximum trois places assises, y compris celle du conducteur, et qui, au cours de l'année d'imposition où ils sont acquis, servent principalement au transport de marchandises ou de matériel en vue de gagner un revenu,

(ii) dont la totalité, ou presque, de l'utilisation au cours de l'année d'imposition où ils sont acquis est pour le transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu.

[13]          Selon l'avocat, la Jeep est un véhicule à moteur de type analogue à un pick-up ou à une fourgonnette comptant au maximum trois places assises qui, dans ce cas-ci, servait principalement au transport de marchandises ou de matériel en vue de gagner un revenu. Un tel véhicule n'est pas une automobile au sens de la Loi. De fait, la capacité de cargaison est importante (79 pieds cubes, selon la pièce A-5) et le véhicule qui avait été aménagé en un véhicule à trois places assises, servait pour le transport de matériaux sur le chantier. La Jeep servait également à remorquer un « lift » ( « table élévatrice » ). L'avocat s'appuie sur la décision Servais c. La Reine, [2002] T.C.J. No. 258 (Q.L.) pour argumenter que le fait que le véhicule pouvait avoir à l'origine quatre places assises n'exclut pas la possibilité qu'il soit transformé en un véhicule qui n'est plus une automobile au sens de la Loi.

[14]          À cet argument, l'avocat de l'intimée rétorque que selon les notes explicatives accompagnant la législation eu égard à la définition d'une automobile, il est clairement indiqué que pour être exclu de la définition d'une automobile, le véhicule doit avoir été conçu à l'origine pour transporter pas plus de trois personnes, s'il est acquis principalement pour transporter des marchandises et du matériel en vue de gagner un revenu. Les notes explicatives sur le projet de loi concernant l'impôt sur le revenu, relativement à la définition du mot automobile au paragraphe 248(1) de la Loi, publiées par le ministère des Finances en mai 1991 disent ce qui suit :

248(1) "automobile"

. . . "automobile" means a motor vehicle designed primarily to carry individuals on highways and streets and having a seating capacity of not more than nine people (including the driver) and a motor vehicle that is a station wagon or van if it is equipped to carry more than the driver and two passengers but not more than the driver and eight passengers. A van or pick-up truck designed to carry not more than three people (including the driver) and acquired primarily for the purposes of transporting goods or equipment in the course of earning income is excluded from the definition. . . .

« automobile »

Pour l'application de la Loi, le mot « automobile » désigne un véhicule à moteur principalement conçu pour transporter des particuliers sur les routes et dans les rues et comptant au maximum neuf places assises (y compris celle du conducteur) et un véhicule à moteur de type familial ou fourgonnette, s'il est équipé de manière à transporter quatre personnes au minimum et neuf personnes au maximum, conducteur compris. Les fourgonnettes ou les véhicules à moteur de type pick-up conçus pour transporter trois personnes au maximum (conducteur compris) et acquis principalement pour transporter des marchandises et du matériel en vue de gagner un revenu sont exclus de la définition.

[15]          Or, soutient l'avocat de l'intimée, la Jeep est conçue pour transporter cinq passagers à la base (voir caractéristiques de la Jeep, pièce A-5). La Jeep est donc une automobile au sens de la Loi.

[16]          L'avocat de l'appelant plaide en argument subsidiaire qu'aucun montant n'aurait dû être inclus dans le revenu de l'appelant aux termes des alinéas 6(1)e), 6(1)e.1) et 6(1)k) et du paragraphe 6(2) de la Loi telle qu'amendée, parce que la Jeep n'a été utilisée que pour fins d'affaires au cours des années en litige.

[17]          Ces dispositions se lisaient comme suit pour les années en litige :

ARTICLE 6:            Éléments à inclure à titre de revenu tiré d'une charge ou d'un emploi.

             (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

6(1)e)

e) Frais pour droit d'usage d'une automobile - lorsque son employeur ou une personne liée à son employeur a mis au cours de l'année une automobile à sa disposition (ou à la disposition d'une personne qui lui est liée), l'excédent éventuel de la somme visée au sous-alinéa (i) sur le total visé au sous-alinéa (ii) :

(i) la somme qui représente les frais raisonnables pour droit d'usage de l'automobile pendant le nombre de jours de l'année où elle était ainsi à sa disposition,

(ii) le total des sommes dont chacune représente une somme (autre qu'une dépense liée au fonctionnement de l'automobile) payée au cours de l'année à l'employeur ou à la personne liée à l'employeur par le contribuable ou par la personne qui lui est liée pour l'usage de l'automobile;

6(1)e.1)

e.1) Taxe sur les produits et services - le total des montants correspondant chacun à 7 % de l'excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur la somme visée au sous-alinéa (ii):

(i) le montant qui serait à inclure en application des alinéas a) ou e) dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année relativement à la fourniture d'un bien ou d'un service, sauf une fourniture détaxée ou une fourniture exonérée (au sens de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise) si aucun montant n'était payé à l'employeur ou à une personne liée à celui-ci au titre du montant qui serait à inclure ainsi,

(ii) la somme incluse dans le montant déterminé en application du sous-alinéa (i), qu'il est raisonnable d'imputer à une taxe imposée en vertu d'une loi provinciale et visée par règlement pour l'application de l'article 154 de la Loi sur la taxe d'accise;

6(1)k)

k) Avantage relatif au fonctionnement d'une automobile - lorsqu'une somme est déterminée en application du sous-alinéa e)(i) relativement à une automobile dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année, qu'un montant au titre du fonctionnement de l'automobile (autrement que dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi du contribuable) pour la ou les périodes de l'année au cours desquelles l'automobile a été mise à sa disposition ou à la disposition d'une personne qui lui est liée est payé ou payable par l'employeur du contribuable ou par une personne liée à cet employeur (l'employeur et cette personne étant appelés « payeur » au présent alinéa) et que le total des montants ainsi payés ou payables n'est pas versé au payeur, au cours de l'année ou des 45 jours suivant la fin de l'année, par le contribuable ou par la personne qui lui est liée, le montant lié au fonctionnement de l'automobile, qui correspond au résultat du calcul suivant:

A - B

où:

A        représente:

(i) dans le cas où l'automobile sert principalement dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi du contribuable au cours de la ou des périodes en question et où le contribuable avise son employeur, par écrit, avant la fin de l'année de son intention de se prévaloir du présent sous-alinéa, la moitié de la somme déterminée en application du sous-alinéa e(i) relativement à l'automobile dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année,

(ii) dans les autres cas, le produit de la multiplication du montant prescrit pour l'année par le nombre total de kilomètres parcourus par l'automobile (autrement que dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi du contribuable) au cours de la ou des périodes en question;

B             le total des montants relatifs au fonctionnement de l'automobile au cours de l'année versés au payeur, au cours de l'année ou des 45 jours suivant la fin de l'année, par le contribuable ou par la personne qui lui est liée;

6(2)

          (2) Frais raisonnables pour droit d'usage d'une automobile. Pour l'application de l'alinéa (1)e), la somme qui représente les frais raisonnables pour droit d'usage d'une automobile pendant le nombre total de jours d'une année d'imposition durant lesquels l'employeur d'un contribuable ou une personne liée à l'employeur a mis l'automobile à la disposition du contribuable ou d'une personne qui lui est liée est réputée égale au montant calculé selon la formule suivante :

A x [2 % x (C x D) + 2/3 x (E - F)]

                                   B

où :

A           représente le moins élevé des éléments suivants :

a) le nombre de kilomètres parcourus par l'automobile, autrement que dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi du contribuable, pendant le nombre de jours ci-dessus;

b) le montant représenté par l'élément B;

toutefois, le nombre visé à l'alinéa a) est réputé égal au montant représenté par l'élément B, sauf si l'employeur ou la personne liée à celui-ci exige du contribuable qu'il utilise l'automobile dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi et si la totalité, ou presque, de la distance parcourue par l'automobile pendant le nombre de jours ci-dessus est parcourue dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi;

B           le produit de 1 000 par le quotient de la division, par 30, du nombre de jours ci-dessus, ce quotient étant, s'il est supérieur à un, arrondi, le cas échéant, au nombre entier le plus proche, les résultats ayant cinq au plus en première décimale l'étant à l'entier inférieur;

C           le coût de l'automobile pour l'employeur ou pour la personne qui lui est liée si l'un ou l'autre est propriétaire de l'automobile à un moment de l'année;

D           le quotient de la division, par 30, du nombre de jours où l'employeur ou la personne qui lui est liée est propriétaire de l'automobile, compris dans le nombre total de jours ci-dessus, ce quotient étant, s'il est supérieur à un, arrondi, le cas échéant, au nombre entier le plus proche, les résultats ayant cinq au plus en première décimale l'étant à l'entier inférieur;

E            le total des montants qu'il est raisonnable de considérer comme payables à un bailleur par l'employeur ou par la personne qui lui est liée, pour la location de l'automobile, pendant le nombre de jours où l'automobile est louée à l'employeur ou à la personne qui lui est liée, compris dans le nombre total de jours ci-dessus;

F            la partie du total représenté par l'élément E qu'il est raisonnable de considérer comme payable au bailleur au titre de tout ou partie du coût, pour celui-ci, de l'assurance :

             a) contre la perte de l'automobile ou les dommages à celle-ci;

b) pour la responsabilité qui peut découler de son utilisation ou de son fonctionnement.

[18]            L'avocat de l'appelant argumente que bien que ces dispositions prévoient l'imposition d'un avantage lorsqu'un véhicule automobile est mis à la disposition d'un contribuable par l'employeur, cet avantage imposable peut être réduit, selon le calcul prévu au paragraphe 6(2), si le contribuable peut démontrer que la totalité, ou presque, de la distance parcourue avec le véhicule en question l'a été dans l'accomplissement des fonctions de son emploi et qu'il a utilisé le véhicule pour fins personnelles pour moins de 12 000 km par an ou moins de 1 000 km par mois. Il cite l'analyse faite par le juge Hamlyn de cette Cour dans Bekkers c. Canada, [2001] A.C.I. no 465 (Q.L.), sur les frais pour droit d'usage d'une automobile, qui se lit comme suit au paragraphe 12 :

¶ 12             L'alinéa 6(1)e) traite de frais pour droit d'usage d'une automobile que, au cours d'une année d'imposition donnée, l'employeur d'un contribuable ou une personne liée à l'employeur d'un contribuable met à la disposition du contribuable. Les frais pour droit d'usage font entrer dans le revenu la valeur de l'avantage tiré par un contribuable d'une voiture de compagnie qui est mise à la disposition du contribuable pour son usage personnel. Le paragraphe 6(2) prévoit une formule pour déterminer la valeur d'un tel avantage. La définition de "A" énoncée au paragraphe 6(2) permet de réduire le montant des frais pour droit d'usage à inclure dans le revenu d'un contribuable, si certaines conditions sont réunies. Dans l'affaire Canada c. Adams (C.A.) [Voir Note 1 ci-dessous], le juge Robertson a examiné les conditions auxquelles il faut satisfaire pour avoir droit à une réduction du montant des frais pour droit d'usage. Il disait aux pages 376 et 377 (D.T.C. : à la page 6271) :

                   _______________________________________________________

                   Note 1 : [1998] 3 C.F. 365 (98 D.T.C. 6266).

                   _______________________________________________________

La supposée exception "pour usage personnel minimal" est contenue dans la définition de "A" énoncée au paragraphe 6(2). Essentiellement, l'exception permet à un employé d'obtenir une réduction du montant des frais pour droit d'usage, qui serait autrement applicable, si les conditions préalables suivantes sont réunies. Tout d'abord, l'employeur doit exiger de l'employé qu'il utilise l'automobile dans l'accomplissement des fonctions de son emploi. Deuxièmement, "la totalité ou presque" de la distance parcourue par l'automobile pendant qu'elle était à la disposition de l'employé doit l'être dans l'accomplissement des fonctions de son emploi ou pendant ses heures de travail. À cet égard, le ministre a adopté une politique exigeant qu'au moins 90 % de l'usage de l'automobile soit lié à l'accomplissement du travail de l'employé : voir le bulletin IT-63R4. Troisièmement, l'usage personnel de l'automobile ne doit pas dépasser 12 000 km par année. Ainsi, les employés qui utilisent l'automobile de leur employeur exclusivement à des fins commerciales ne sont pas tenus d'inclure les frais pour droit d'usage dans leurs revenus. La raison en est que "A" est à ce moment égal à 0. Les employés qui font un usage personnel de l'automobile de l'employeur ont droit à une réduction des frais pour droit d'usage, pourvu que cet usage soit minimal, c'est-à-dire que les trois conditions préalables doivent être réunies.

[19]            Selon l'avocat de l'appelant, la preuve non-contredite a démontré que l'appelant ne se servait pas de la Jeep pour ses fins personnelles, mais uniquement pour l'entreprise de la Société. La preuve a révélé que l'appelant avait à sa disposition la Mazda pour ses fins personnelles. La preuve a également révélé que l'appelant se servait de la Jeep pour répondre aux alarmes, recouvrer les montants facturés, aller sur les chantiers, transporter du matériel de plomberie, répondre aux urgences, et ce, le jour comme en soirée. Il est clair selon l'appelant que la Société mettait la Jeep à sa disposition en tout temps pour les fins de l'entreprise. La preuve a également révélé que les déplacements entre la résidence de l'appelant et le bureau étaient entrecoupés de déplacements pour l'entreprise et que l'appelant travaillait tout autant de sa maison que du bureau. Ces déplacements ne sont plus dès lors considérés comme étant de nature personnelle (voir Biermann v. M.N.R., [1989] 2 C.T.C. 2107).

[20]            Par ailleurs, l'absence de registre ne peut être un facteur retenu à l'encontre de l'appelant dans les circonstances puisque l'appelant ne se servait pas de la Jeep pour ses fins personnelles.

[21]            Quant à cet argument subsidiaire, l'avocat de l'intimée soutient que l'appelant n'a pas démontré que la Jeep était utilisée en totalité ou presque pour l'entreprise. La preuve a révélé que la Jeep était tout le temps à l'entière disposition de l'appelant et d'aucun autre employé. Il n'y avait pas de lettrage de la Société sur la Jeep alors que les autres véhicules de la Société en avaient. L'appelant se servait de la Jeep quotidiennement pour ses allers et retours à sa résidence et cette distance selon le vérificateur était de 35 km. En faisant le calcul de ces seuls déplacements entre la résidence et le bureau sur une période de 48 semaines dans une année, on arrive à une distance parcourue de 8 400 km. Si l'on divise cette distance de 8 400 km sur le total de kilomètres parcourus dans l'année (40 000 km), cela donne une proportion de 21 pour cent juste pour les déplacements entre la résidence et le bureau. Ceci, c'est sans calculer les autres déplacements de nature personnelle que l'appelant aurait pu faire dans l'année. Le vérificateur lors de sa courte visite au siège social de la Société a remarqué que la Jeep était un véhicule propre qui contrastait avec les autres véhicules de la Société. Il en a conclu que l'appelant ne devait pas se servir de ce véhicule pour aller sur les chantiers. Les photos (pièce A-4) ont été prises après la vérification. Il est peu probable, selon l'avocat, que le président se soit déplacé dans un véhicule sale encombré de matériaux et d'outils. De plus, la couleur du véhicule sur la photo ne correspond pas à la couleur du véhicule que le vérificateur a vu dans la cour du siège social de la Société. Finalement, l'absence de registre n'aide pas la cause de l'appelant qui a le fardeau de démontrer quelle utilisation il fait de son véhicule (voir Tremblay c. La Reine, 2000 DTC 2414).

Analyse

[22]            Quant au premier argument de l'appelant, il ne me semble pas dénué de fondement. Le paragraphe 248(1) définit le terme « automobile » comme un véhicule à moteur conçu ou aménagé pour transporter des particuliers [...] et comptant au maximum neuf places assises, y compris celle du conducteur. Par ailleurs, le même véhicule sera exclu de la définition du mot « automobile » , si c'est un véhicule de type analogue à un pick-up ou à une fourgonnette « comptant » au maximum trois places assises y compris celle du conducteur, et qui au cours de l'année d'imposition où il est acquis, sert principalement au transport de marchandises ou de matériel en vue de gagner un revenu. Sera également exclu de la définition du mot « automobile » , un véhicule analogue à un pick-up ou à une fourgonnette dont la totalité ou presque de l'utilisation au cours de l'année d'imposition où il est acquis est pour le transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu.

[23]            L'avocat de l'intimée s'appuie sur une note technique pour dire que si un véhicule de type analogue à un pick-up ou à une fourgonnette est « conçu » pour transporter plus de trois passagers mais pas plus de neuf passagers, ce véhicule entre dès lors dans la définition du mot « automobile » (dans la mesure où la totalité ou presque de son utilisation n'est pas pour le transport de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu). Je remarque que cette note technique utilise le mot « conçu » et omet de faire référence au mot « aménagé » qui pourtant est écrit noir sur blanc dans le texte de la Loi. À mon avis, la Loi ne dit pas que ce type de véhicule doit être conçu à l'origine pour un maximum de trois places pour ne pas être considéré comme une « automobile » . D'ailleurs, le paragraphe introductif de la définition d' « automobile » fait référence à un véhicule à moteur conçu ou aménagé pour transporter des particuliers, comptant au maximum neuf places assises pour être considéré une « automobile » . Le mot « aménager » est ainsi défini dans Le Robert Électronique :

- 4. Adapter pour rendre plus efficace, plus adéquat.

[24]            A mon avis, le choix des mots « conçu ou aménagé » laisse présumer que si le véhicule n'a pas été ainsi conçu à l'origine, il peut ensuite être adapté pour rencontrer la définition du mot « automobile » . Le contraire est aussi vrai. Ainsi, même si un véhicule est conçu pour plus de trois places assises mais qu'il est ensuite aménagé pour contenir trois places au maximum, et qu'il rencontre les autres conditions prévues au sous-alinéa d)(i) de la définition qui se trouve au paragraphe 248(1), ce véhicule ne sera pas considéré comme une automobile au sens de la Loi.

[25]            Dans le cas actuel, la preuve que dès le début l'appelant a retiré un des sièges pour le transport de matériel, n'a pas été contredite. La Jeep ne comptait plus que trois places assises. Par ailleurs, la preuve tend à démontrer que le véhicule a servi principalement depuis son acquisition au transport de matériel pour la Société, en vue de gagner un revenu. Les photos déposées en preuve en démontrent l'utilisation. Il est vrai que ces photos ont été prises après la vérification. Il est aussi vrai que le vérificateur a mentionné avoir vu un véhicule propre dans la cour qui lui semblait être de couleur verte. Toutefois, le vérificateur a reconnu qu'il n'avait pas été voir l'intérieur du véhicule. De plus, le fait de transporter des matériaux n'empêche pas nécessairement que le véhicule soit propre de l'extérieur. Un pick-up, un camion ou un véhicule de type analogue n'est pas obligatoirement toujours sale. Quant à la couleur du véhicule, le contrat d'achat indiquait couleur « teal » . Le mot « teal » est défini comme suit dans The New Shorter Oxford English Dictionary, Oxford University Press, 1996,

Teal

1                Any of several small dabbling ducks of the genus Anas and related genera; esp. A. crecca (also green-winged teal), which breeds in Eurasia and N. America, the male of which has a chestnut head with a green stripe, and the N. American A discors (in full blue-winged teal), the male of which has a grey head with a white crescent. ME.

2                The flesh of a teal as food. LME.

3                A dark greenish-blue colour resembling the colour of the teal's head and wing patches. E20.

. . .

Comb.: teal blue (of) a dark greenish-blue colour.

[26]          La couleur du véhicule apparaissant sur les photos (pièce A-4) peut très bien s'apparenter à la définition donnée du mot « teal » . De plus, le vérificateur a simplement indiqué qu'il pensait que le véhicule était vert foncé. Étant donné qu'il n'a pas fait une enquête comme tel sur ce véhicule, et qu'il a décidé d'imposer un avantage imposable au seul motif que l'appelant était président de la Société, et qu'il était peu probable qu'il aille sur les chantiers avec la Jeep, je ne vois pas pourquoi j'accorderais plus de fondement à la théorie de l'intimée qu'à celle de l'appelant. Quant à la question du lettrage, l'appelant a expliqué qu'il avait un lettrage magnétique dont il se servait sur les chantiers. Sur la route il le retirait pour avoir accès sur les ponts. Cette explication me semble plausible et raisonnable dans les circonstances.

[27]          En réalité, je n'ai pas vraiment raison de douter de la crédibilité de l'appelant et de son épouse. Chacun de leurs témoignages n'a pas été ébranlé en contre-interrogatoire et je n'ai aucune raison de douter de la véracité des propos de l'appelant lorsqu'il dit qu'il ne se servait de la Jeep que pour fins d'affaires. Lui et son épouse ont tous deux dit qu'ils se servaient de la Mazda pour fins personnelles. La preuve n'a pas été contredite à ce sujet et ne me paraît pas déraisonnable. D'ailleurs, sans enquête de la part du Ministre, sans autres faits ou autre preuve plus probante pouvant attaquer la version de l'appelant, il m'est difficile de conclure autrement. Je suis donc d'avis que l'appelant a démontré selon la prépondérance des probabilités qu'il ne se servait de la Jeep que pour fins d'affaires. À mon avis, le fait que l'appelant ramenait son véhicule à sa résidence le soir ne constitue pas une utilisation personnelle dans les circonstances en espèce. En effet, la Société exigeait de l'appelant qu'il ait son véhicule en permanence avec lui pour répondre aux urgences et livrer le matériel sur les chantiers le soir. L'appelant passait rarement une journée complète au bureau. Il se promenait du bureau, aux chantiers, en passant chez les fournisseurs et les clients en chemin, que ce soit le jour ou en soirée. Il pouvait être rejoint en tout temps chez lui puisque son nom apparaissait dans l'annuaire téléphonique sous le nom de la Société. Compte tenu du travail de l'appelant, je ne crois pas que l'on puisse qualifier les déplacements de l'appelant avec la Jeep de nature personnelle.

[28]          Finalement, l'absence de registre ne m'apparaît pas comme un élément fondamental ici, puisque l'appelant a réussi à me convaincre qu'il ne se servait pas de la Jeep pour ses fin personnelles.

[29]          Pour ces raisons, je suis d'avis d'accueillir les appels au motif que l'appelant conduisait un véhicule qui ne se qualifiait pas comme une automobile au sens du paragraphe 248(1) de la Loi d'une part. D'autre part, je suis d'avis que le véhicule ainsi mis à sa disposition par la Société était utilisé uniquement dans l'accomplissement des fonctions de son emploi, selon les exigences de la Société et n'était pas utilisé pour fins personnelles. Les cotisations sont donc déférées au Ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'appelant n'avait pas à être imposé sur un avantage imposable de 9 430 $ en 1995 et de 9 550 $ en 1996 aux termes des alinéas 6(1)e), 6(1)e.1) et 6(1)k) et du paragraphe 6(2) de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10ième jour de janvier 2003.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-745(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Robert Séguin c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE

le 3 décembre 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Lucie Lamarre

DATE DU JUGEMENT :

le 10 janvier 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :

Me Maxime Faille

Pour l'intimé(e) :

Me Nicolas Simard

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant(e) :

Nom :

Me Maxime Faille

Étude :

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

2002-745(IT)I

ENTRE :

ROBERT SÉGUIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 3 décembre 2002, à Ottawa (Ontario) par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Avocate de l'appelant :        Me Maxime Faille

Avocat de l'intimée :            Me Nicolas Simard

JUGEMENT

                Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ) pour les années d'imposition 1995 et 1996 sont admis, avec frais et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'appelant n'avait pas à être imposé sur un avantage imposable de 9 430 $ en 1995 et de 9 550 $ en 1996 aux termes des alinéas 6(1)e), 6(1)e.1) et 6(1)k) et du paragraphe 6(2) de la Loi, telle qu'amendée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10ième jour de janvier 2003.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

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