Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20020531

Dossier: 2001-4329-IT-I

ENTRE :

RONALD REBUS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Little

A. FAITS

[1]            L'appelant vivait dans une maison située au 6830, rue LaSalle, à Vancouver. À l'automne 1991, l'appelant a vendu cette maison.

[2]            Le 5 novembre 1991, l'appelant a acheté un terrain vague situé au 936, boul. Montroyal, à North Vancouver. Celui-ci sera désigné ici par l'expression « terrain sur Montroyal » .

[3]            L'appelant a versé 151 500,00 $ pour le terrain sur Montroyal. L'appelant a déclaré qu'il voulait y bâtir une maison destinée à son usage personnel.

[4]            Le 10 novembre 1991, l'appelant a acheté, pour 262,00 $, une petite remise de jardin (de 8 pi x 6 pi) chez Lumberland, entreprise qui vend du matériel de jardinage et de construction. L'appelant a lui-même assemblé la remise sur son terrain sur Montroyal.

[5]            L'appelant a témoigné qu'après avoir vendu sa maison sur LaSalle, il a vécu chez sa petite amie, dans l'appartement de celle-ci au 372, chemin East Keith à North Vancouver. À cette époque-là, l'appelant a entreposé son mobilier et la majorité de ses effets personnels dans un entrepôt public.

[6]            En septembre 1992, l'appelant a loué un appartement au 202-4449, avenue Imperial ( « appartement sur Imperial » ), dans la municipalité de Burnaby. L'appelant affirme avoir installé son mobilier et ses effets personnels dans l'appartement sur Imperial à l'automne 1992. L'appelant déclare qu'il a résidé à l'appartement sur Imperial de l'automne 1992 jusqu'à l'heure actuelle.

[7]            L'appelant a témoigné qu'il avait rangé ses outils, quelques vêtements de travail et d'autres articles personnels dans la remise qui se trouvait sur le terrain sur Montroyal.

[8]            La petite amie de l'appelant est décédée en 1994 et l'appelant a perdu son emploi parce que l'entreprise où il travaillait subissait des compressions du personnel. Étant au chômage, l'appelant n'a pas réussi à obtenir le financement dont il avait besoin pour construire une résidence sur son terrain sur Montroyal.

[9]            L'appelant a vendu le terrain sur Montroyal au printemps 1997 pour 205 000,00 $.

[10]          L'appelant n'a pas déclaré le gain en capital qu'il avait réalisé sur la vente du terrain sur Montroyal parce qu'il pensait que ce gain en capital était exonéré d'impôt, puisque le terrain constituait sa principale résidence.

[11]          Le ministre du Revenu national a déterminé que l'appelant n'avait pas le droit de demander l'exonération pour résidence principale sur le gain réalisé à la vente du terrain sur Montroyal. Le 10 octobre 2000, le ministre a établi un avis de nouvelle cotisation concernant l'année d'imposition 1997 de l'appelant. Dans cet avis, le ministre affirmait que le gain en capital réalisé par l'appelant à la vente de son terrain sur Montroyal était de 46 509,00 $, et que le gain en capital imposable était de 34 881,83 $.

B. QUESTION EN LITIGE

[12]          Il s'agit de déterminer si le gain en capital réalisé par l'appelant à la vente de son terrain sur Montroyal est exonéré d'impôt pour le motif que ce serait la résidence principale de l'appelant.

C. ANALYSE

[13]          L'article 54 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) définit l'expression « résidence principale » comme suit :

« résidence principale » S'agissant de la résidence principale d'un contribuable pour une année d'imposition, bien - logement, ou droit de tenure à bail y afférent, ou part du capital social d'une société coopérative d'habitation acquise dans l'unique but d'acquérir le droit d'habiter un logement dont la coopérative est propriétaire - dont le contribuable est propriétaire au cours de l'année conjointement avec une autre personne ou autrement, à condition que :

a)         le contribuable étant un particulier autre qu'une fiducie personnelle, le logement soit normalement habité au cours de l'année par le contribuable, par son conjoint ou ancien conjoint ou par un enfant du contribuable;

[14]          Pour déterminer si l'appelant a droit à l'exonération pour résidence principale à l'égard du gain réalisé à la vente de son terrain sur Montroyal, il faut répondre aux questions suivantes :

1.           La remise de jardin située sur le terrain sur Montroyal peut-elle être considérée comme un logement?

             ET

2.           Si la remise de jardin peut être considérée comme un logement, était-elle normalement habitée par l'appelant?

[15]          Relativement à la première question, il faut noter que le mot « logement » n'est pas défini par la Loi. Dans l'affaire Flanagan c. M.R.N., C.C.I., no 88-2424(IT), 25 septembre 1989 (89 DTC 615), le juge Rip de la Cour canadienne de l'impôt s'est demandé si l'appelant avait le droit de demander l'exonération pour résidence principale. Or, pour le juge Rip, la question de savoir si un local constitue ou non un logement constitue une question de fait.

[16]          Dans l'affaire Flanagan, le juge Rip a décidé que le mot « logement » pouvait viser tout local apte à être habité par une personne et qui est convenablement équipé. Dans l'affaire Flanagan, l'appelant était le propriétaire de deux camionnettes bien équipées. Chaque camionnette contenait un lit, un lavabo, une cuisinière, des armoires et un cabinet de toilette. Les camionnettes avaient également l'électricité. Le juge Rip a décidé que les camionnettes pouvaient être considérées comme des logements. Il a déclaré à la page 5 (DTC : à la page 618) :

Un « logement » n'est pas nécessairement un immeuble. [...] Une camionnette et une caravane convenablement équipées sont en mesure d'offrir le même type d'abri et de confort qu'une maison traditionnelle.

[17]          En l'espèce, la remise de jardin n'avait pas d'eau, d'électricité, de cuisinière, de vaisselle ou d'armoires, et elle n'était pas équipée en vue d'une vie normale. La remise, pour reprendre les termes du juge Rip, n'était pas assez convenablement équipée pour être considérée comme un logement. À mon avis, la remise n'est pas admissible à titre de logement.

[18]          Je veux également aborder la deuxième question, celle de savoir si la remise était « normalement habitée » par l'appelant.

[19]          L'appelant a déclaré qu'il avait dormi dans la remise à plusieurs reprises pendant l'été. Toutefois, il a dit qu'en 1992 et en 1993, il dormait souvent chez sa petite amie. L'appelant a également indiqué qu'en 1993, il louait un appartement sur l'avenue Imperial à Burnaby, où il gardait ses vêtements et son mobilier et où il résidait régulièrement.

[20]          Le mot « normalement » ( « ordinarily » ) a été examiné dans l'affaire Neufeld v. M.N.R., 81 DTC 18, où la Cour (sic) a proposé comme définition les termes [TRADUCTION] « dans la plupart des cas, habituellement ou communément » ( « in most cases, usually, or commonly » ).

[21]          Le mot « habiter » ( « inhabit » ) est défini dans l'Oxford English Dictionary comme suit : [TRADUCTION] « résider, occuper comme lieu de résidence, vivre en permanence dans » ( « to dwell in, occupy as an abode, to live permanently in » ).

[22]          Dans l'affaire Thomson v. M.N.R., 2 DTC 812, la Cour suprême du Canada avait à définir la résidence de M. Thomson à des fins d'imposition. Dans cette affaire-là, le juge Kellock a déclaré, à la page 819 :

                                [TRADUCTION]

« Normalement » ( « ordinarily » ) est défini comme « en conformité avec une règle, ou une coutume ou pratique établie » ( « in conformity with rule or established custom or practice » , « faisant partie d'un pratique ou occurrence régulière » ( « as a matter of regular practice or occurrence » , « dans le cours ordinaire ou usuel des événements » ( « in the ordinary or usual course of events » , « usuellement, communément, de façon normale ou usuelle » ( « usually, commonly, as is normal or usual » ).

[23]          Si nous combinons les deux mots, on pourrait dire que « normalement habité » veut dire « normalement occupé en tant que « chez-soi » » .

[24]          D'après le témoignage de l'appelant et sa déclaration qu'il résidait normalement dans son appartement de l'avenue Imperial, il m'est impossible de conclure que la remise était « normalement habitée par l'appelant en tant que « chez-soi » » .

[25]          L'appelant ne peut donc pas demander l'exonération pour résidence principale à l'égard du gain réalisé à la vente du terrain sur Montroyal.

[26]          À la fin de l'audience, l'avocate du ministre a déclaré que le gain en capital imposable qui avait été réalisé par l'appelant au cours de son année d'imposition 1997 devrait être réduit de 34 881,83 $ à 31 205,55 $.


[27]          L'appel est admis aux fins d'effectuer la modification proposée par l'avocate du ministre.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 31e jour de mai 2002.

« L. M. Little »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 15e jour de janvier 2003.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-4329(IT)I

ENTRE :

RONALD REBUS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 10 mai 2002, à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge L. M. Little

Comparutions

Pour l'appelant :                                     L'appelant

Avocate de l'intimée :                           Me Pamela Meneguzzi

JUGEMENT

                L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est admis, sans frais, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin d'annuler un gain en capital imposable de 34 881,83 $ et lui substituer un gain en capital imposable de 31 205,55 $ selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 31e jour de mai 2002.

« L. M. Little »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 15e jour de janvier 2003.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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