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Date: 20020604

Dossier: 2001-971-IT-I

ENTRE :

MARTHA NELSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Angers, C.C.I.

[1]            L'appel en instance a été entendu sous le régime de la procédure informelle à Montréal le 12 avril 2002. L'appelante fait appel d'une détermination de la prestation fiscale pour enfants datée du 20 juin 2000, dans laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre » ) cotisait l'appelante sur un trop-payé de 593,75 $ pour l'année de base 1997 et de 1 036,26 $ pour l'année de base 1998. Il s'agit de savoir si l'appelante était la personne admissible à l'égard de la personne à charge admissible - son fils Michael Dubois, né le 23 juin 1990 - relativement à la période du 1er février 1999 au 1er juillet 1999 pour l'année de base 1997, et à la période du 1er décembre 1999 au 1er juin 2000 pour l'année de base 1998.

[2]            Au début de l'audience, l'avocat de l'appelante a admis les faits suivants exposés au paragraphe 8 de la réponse à l'avis d'appel :

                                [TRADUCTION]

a)              La prestation fiscale pour enfants, d'après le paragraphe 4, a été versée à appelante pour la période du 1er juillet 1998 au 1er juin 1999 de façon mensuelle, le premier mois à raison de 254.24 $, les 11 mois restants à 254,16 $.

b)             La prestation fiscale pour enfants, d'après le paragraphe 5, a été versée à appelante pour la période du 1er juillet 1999 au 1er juin 2000 de façon mensuelle comme suit : le 1er juillet 1999, 156,86 $; du 1er août 1999 au 1er octobre 1999, 156,91 $ par mois; les huit mois restants, 78,46 $ par mois.

c)              L'appelante et son conjoint visé Robert Dubois ont vécu ensemble jusqu'au 1er janvier 1999, date à laquelle l'appelante a quitté le conjoint visé et la résidence familiale pour aider à la réinstallation de sa fille, qui avait quitté la résidence familiale.

g)             D'après les demandes reçues par M. Robert Dubois, le ministre a envoyé un questionnaire à l'appelante et à M. Robert Dubois le 11 février 2000.

h)             Le 20 juin 2000, d'après un examen des réponses aux questionnaires, le ministre a déterminé que l'appelante était le particulier admissible pour la personne à charge admissible, Michael, à l'égard des périodes du 1er juillet 1998 au 1er janvier 1999 et du 1er août 1999 au 1er novembre 1999.

[3]            L'avocate de l'appelante a nié ou a affirmé ignorer les faits suivants :

d)             L'appelante s'est officiellement séparée du conjoint visé le 23 juin 1999 et est retournée vivre avec son fils, la personne à charge admissible.

e)              Le 13 juillet 1999, M. Robert Dubois a rempli une demande de Prestation fiscale pour enfants à l'égard de son fils Michael, la personne à charge admissible, qui vivait avec lui depuis le 1er janvier 1999.

f)              Le 14 avril 2000, M. Robert Dubois a rempli une demande de prestation fiscale pour enfants à l'égard de la personne à charge admissible Michael Dubois, qui vivait avec lui depuis le 1er janvier 1999; il a également demandé un changement de bénéficiaire de la prestation fiscale pour enfants, nommément qu'il soit désigné bénéficiaire à compter du 1er janvier 1999 car la personne à charge admissible, son fils, vivait avec lui.

[4]            L'appelante et son ancien conjoint ne se sont jamais mariés. Ils vivaient ensemble avec leur fils, leur seul enfant, jusqu'en juillet 1999, lorsque l'ancien conjoint de l'appelante lui a demandé de lui remettre les clés de la résidence et de partir. D'après l'appelante, elle a quitté la résidence familiale à la mi-juillet et est restée auprès de sa fille pendant une brève période en attendant de trouver un logement. Ayant réussi à trouver un logement, le 28 août 1999 elle s'est installée, avec son fils Michael, dans l'appartement où ils habitent encore. Il n'y a pas de décisions de la cour quant à la garde, les aliments ou l'accès relativement à l'enfant.

[5]            À partir du mois de janvier 1999, l'appelante a passé environ trois mois avec sa fille pour l'aider à s'installer dans sa nouvelle résidence à Oka (Québec). Ce séjour a été rendu nécessaire en raison d'un incident inexpliqué touchant sa fille. Pendant cette période, elle est restée en contact avec son ancien conjoint et son fils. Elle les appelait souvent et elle leur rendait visite en fin de semaine. Au mois d'avril 1999, elle est retournée à la résidence familiale pour vivre avec eux.

[6]            Elle a témoigné qu'en 1999, elle et son ancien conjoint avaient tous les deux aidé Michael avec ses études. Elle s'occupait de son fils régulièrement et passait du temps avec lui. Dans un questionnaire (pièce R-1), l'appelante décrit comment elle et son ancien conjoint ont partagé la responsabilité des soins à l'enfant pendant les trois premiers mois de 1999, affirmant toutefois avoir repris son rôle habituel par la suite, qu'elle continue de remplir jusqu'à ce jour.

[7]            La fille de l'appelante, Leslie Nelson, a fourni une corroboration concernant la période que sa mère a passée avec elle en 1999; elle est partie à la fin mars. Leslie Nelson savait que sa mère avait dû quitter son ancien conjoint en juillet 1999 et que Michael était avec elle au début du mois de septembre 1999. Elle est allée voir sa mère quelques fins de semaine et, d'après elle, l'ancien conjoint ne visitait Michael qu'une fin de semaine sur deux. Leslie Nelson est d'avis que Michael est très heureux avec sa mère.

[8]            L'ancien conjoint, M. Robert Dubois, a témoigné que l'appelante était partie aider sa fille en janvier 1999. D'après lui, elle est retournée à la maison pendant la troisième semaine d'avril 1999. Pendant son absence, elle rentrait à la maison la fin de semaine et gardait le contact par téléphone. Il a également témoigné que pendant cette période, ils partageaient les responsabilités à l'égard de Michael. À son retour en avril 1999, ils sont restés ensemble avec Michael jusqu'à la fin juin, quand l'appelante a trouvé son propre logement. M. Dubois a témoigné qu'il visitait son fils la plupart des fins de semaine d'août et de septembre 1999. L'appelante et leur fils sont restés avec lui pendant de brèves périodes en décembre 1999 et en mars 2000, d'après lui, mais il a confirmé que Michael vit maintenant avec sa mère chez elle, dans son appartement. M. Dubois a témoigné que ses activités avec son fils comprenaient les devoirs, des activités de loisirs et les autres soins nécessaires quand Michael était chez lui. M. Dubois a reconnu un questionnaire (pièce R-2) qu'il a rempli pour l'intimée et qui corrobore son témoignage.

[9]            Pour recevoir la Prestation fiscale pour enfants, l'appelante doit prouver qu'elle était le particulier admissible pour la période du 1er février 1999 au 1er juillet 1999 et pour la période du 1er décembre 1999 au 1er juin 2000.

[10]          L'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) définit un « particulier admissible » comme suit :

« particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment:

a) elle réside avec la personne à charge;

b) elle est la personne - père ou mère de la personne à charge - qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

c) elle réside au Canada ou, si elle est le conjoint visé d'une personne qui est réputée, par le paragraphe 250(1), résider au Canada tout au long de l'année d'imposition qui comprend ce moment, y a résidé au cours d'une année d'imposition antérieure;

d) elle n'est pas visée aux alinéas 149(1)a) ou b);

e) elle est, ou son conjoint visé est, soit citoyen canadien, soit :

(i) résident permanent au sens de la Loi sur l'immigration,

(ii) visiteur au Canada ou titulaire de permis au Canada (ces expressions s'entendant au sens de la Loi sur l'immigration) ayant résidé au Canada durant la période de 18 mois précédant ce moment,

(iii) quelqu'un à qui a été reconnu en vertu de la Loi sur l'immigration ou de ses règlements, le statut de réfugié au sens de la Convention.

Pour l'application de la présente définition :

f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

g) la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne.

[11]          L'article 6302 du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement » ), qui figure à la partie Part LXIII dudit règlement, contient une liste de facteurs à considérer lorsqu'on détermine ce qui constitue le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible. L'article 6302 se lit comme suit :

6302. Facteurs - Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

b) le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

c) l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

d) l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

g) de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

h) l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

[12]          Des questions de ce genre se posent habituellement quand les parents d'une personne à charge admissible se séparent. La question de la résidence et de l'identité du parent qui assume la plus grosse part de responsabilité à l'égard du soin et de l'éducation de la personne à charge admissible devient alors une question à trancher par cette cour. Avant les événements susmentionnés qui ont eu lieu en 1999 et pendant une partie de 2000, l'appelante était le particulier admissible, comme elle l'était pendant les périodes de ces années-là qui ne sont pas en cause.

[13]          D'après la preuve présentée, je peux conclure que l'appelante et son ancien conjoint se sont séparés à son retour d'Oka, où elle était allée pour aider sa fille. Ni l'appelante, ni M. Dubois a dit que la période où l'appelante aidait sa fille coïncidait avec la rupture de la relation. Les deux parents ont déclaré qu'à son retour, ils vivaient ensemble avec leur fils Michael, mais non comme mari et femme. Les deux ont également témoigné qu'ils s'occupaient conjointement de Michael pendant le séjour de l'appelante avec sa fille, que l'appelante retournait à la maison chaque fin de semaine et gardait le contact par téléphone. J'estime que le séjour de l'appelante chez sa fille avait des motifs humanitaires, qu'il s'agissait pour l'appelante de remplir son devoir de mère, et que ce séjour était donc de nature temporaire. J'estime que, pendant cette période, elle habitait encore avec son fils, la personne à charge admissible, et qu'elle avait conservé son rôle à titre de principale pourvoyeuse de soins. Elle était là la fin de semaine et restait en contact par téléphone. Elle était généralement capable de remplir son rôle conformément aux facteurs établis dans le Règlement, même si la surveillance quotidienne était confiée à son ancien conjoint.

[14]          J'estime également qu'après la date de son retour d'Oka, l'appelante était le particulier admissible à l'égard de son fils, la personne à charge admissible. Non seulement elle a continué à vivre avec lui, mais, d'après l'ensemble de la preuve, elle était la principale pourvoyeuse de soins. Il est difficile d'estimer exactement combien de temps il lui a fallu pour trouver un appartement en juillet 1999. M. Dubois a témoigné qu'il avait commencé à visiter Michael la fin de semaine en août 1999, alors que l'appelante estime que Michael a emménagé avec elle à la fin août. M. Dubois a également témoigné que son fils était avec l'appelante pendant l'été 1999.

[15]          Je suis convaincu que l'appelante a rempli ses responsabilités quant au soin et à l'éducation de son fils pendant la deuxième période en cause, conformément aux facteurs décrits dans le Règlement. Elle l'a aidé dans sa scolarité et ses activités de loisirs, et elle s'est occupée de lui sans aucune aide financière de la part de son ancien conjoint. Elle était avec son fils quand elle a passé du temps avec son ancien conjoint en décembre 1999 et pendant le printemps 2000. Elle a donc continué à assumer ses responsabilités et était la principale pourvoyeuse de soins à son fils à toutes les époques pertinentes.

[16]          Par conséquent, j'admets l'appel et je défère l'affaire au ministre pour nouvelle détermination compte tenu des présents motifs du jugement.

Signé à Edmundston (Nouveau-Brunswick), ce 4e jour de juin 2002.

« François Angers »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 15e jour de janvier 2003.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-971(IT)I

ENTRE :

MARTHA NELSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 12 avril 2002, à Montréal (Québec), par

l'honorable juge François Angers

Comparutions

Avocate de l'appelante :                                                      Me Claudette Morin

Avocat de l'intimée :                                                             Me Philippe Dupuis

JUGEMENT

                L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les périodes du 1er juillet 1998 au 1er juin 1999 et du 1er juillet 1999 au 1er juin 2000 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte des présents motifs du jugement.

                Le tout sans frais ni dépens.


Signé à Edmundston (Nouveau-Brunswick), ce 4e jour de juin 2002.

« François Angers »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 15e jour de janvier 2003.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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