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Date: 20020822

Dossier: 2001-3217-EI

ENTRE :

MICHEL PICARD,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1]            Cet appel a été entendu à Québec (Québec), le 24 juillet 2002.

[2]            Par lettre en date du 22 juin 2001, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) informa l'appelant de sa décision selon laquelle il était le véritable employeur de Louise Dion, la travailleuse, au cours des périodes en litige, soit du 16 septembre 1996 au 29 janvier 1999, du 15 février au 10 décembre 1999 et du 11 janvier au 26 mai 2000, et que cet emploi était assurable alors qu'elle était au service de Mensys Business Solution Centre Ltd., le payeur, au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ). De plus, le Ministre a déterminé les périodes d'emploi, le nombre d'heures et la rémunération assurables comme suit :

-                du 16 septembre 1996 au 29 janvier 1999, la travailleuse a accumulé 2 090 heures pour une rémunération assurable totalisant 17 154,81 $;

-                du 15 février au 10 décembre 1999, la travailleuse a accumulé 840 heures pour une rémunération assurable totalisant 6 896,40 $;

-                du 11 janvier au 26 mai 2000, la travailleuse a accumulé 413 heures pour une rémunération assurable totalisant 3 386,63 $.

[3]            Le paragraphe 5(1) de la Loi sur l'assurance-emploi se lit en partie comme suit :

                5.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a)       un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services [...]

[4]            Le fardeau de la preuve incombe à l'appelant. Ce dernier se doit d'établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[5]            Le Ministre s'est fondé, pour rendre sa décision, sur les faits suivants énoncés au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel, lesquels ont été admis, niés ou ignorés par l'appelant :

a)              Durant les périodes en litige, l'appelant était directeur général du payeur et détenait 87 % des actions votantes du payeur. (nié)

b)             Le payeur exploitait une entreprise préparant des logiciels de comptabilité pour des municipalités. (admis)

c)              La travailleuse, sans lien avec l'appelant, a été embauchée par l'appelant en septembre 1996. (admis)

d)             L'appelant était divorcé et avait 3 enfants à la maison; il en avait la garde partagée (en alternance à chaque semaine). (nié)

e)              La travailleuse travaillait uniquement dans la maison de l'appelant; elle ne se rendait jamais dans les bureaux du payeur. (nié)

f)              Les principales tâches de la travailleuse se résumaient ainsi :

                - faire la surveillance des 3 enfants de l'appelant;

                - faire l'entretien général de la maison de l'appelant;

                - préparer les repas pour les enfants et l'appelant;

                - accompagner et transporter les enfants de l'appelant selon leurs diverses activités. (nié)

g)             La travailleuse ne travaillait que 2 semaines par mois, soit les semaines où l'appelant avait la garde de ses enfants. (nié)

h)             La travailleuse était rémunérée selon le nombre d'heures travaillées; elle recevait sa rémunération du payeur par dépôt direct. (admis)

i)               Durant les périodes en litige, la travailleuse ne rendait aucun service au payeur. (nié)

j)               Lors de sa première demande de prestations, en juillet 1998, la travailleuse avait indiqué occuper un poste de gardienne d'enfants et de gouvernante. (ignoré)

k)              Durant les périodes en litige, la travailleuse rendait des services à l'appelant tout en étant rémunérée par le payeur. (nié)

[6]            Durant les périodes en litige, l'appelant détenait toutes les actions de la compagnie 2630-9302 Québec inc. qui, elle, détenait 87 % des actions votantes du payeur.

[7]            Le payeur exploitait une entreprise qui préparait des logiciels de comptabilité pour des municipalités. L'appelant était le directeur général du payeur et, à ce titre, devait voyager à travers la province de Québec, les autres provinces canadiennes et en Europe.

[8]            L'appelant était divorcé et avait trois enfants à la maison; en 1996 les enfants étaient âgés de 6, 8 et 14 ans et l'appelant en avait la garde partagée, soit en alternance pour deux semaines d'affilée.

[9]            L'appelant a engagé la travailleuse et celle-ci s'occupait des enfants à raison de deux semaines par mois, soit les deux semaines où l'appelant en avait la garde. L'appelant ne comptabilisait pas les heures de la travailleuse; elle était payée un montant fixe par jour. Durant les périodes en litige, les enfants allaient à l'école et s'y rendaient par autobus scolaire.

[10]          Selon l'appelant, la travailleuse préparait les repas pour le déjeuner, lavait la vaisselle et faisait l'entretien ménager. À l'audience, la travailleuse a affirmé qu'elle n'était pas engagée pour exécuter les tâches ménagères.

[11]          À la Cour, l'appelant a témoigné que la travailleuse exécutait les tâches ménagères gratuitement et qu'elle oeuvrait de la maison pour le payeur; un bureau avec quatre ordinateurs était aménagé dans la maison et la travailleuse pouvait communiquer à l'aide de ceux-ci avec la place d'affaires du payeur.

[12]          La travailleuse affirme que son métier est le service d'entretien et ajoute qu'elle devait imprimer les noms des clients du payeur et qu'elle devait envoyer le journal La Voix publique à tous les mois, sauf les mois d'été où les bureaux du payeur étaient fermés pour quelques semaines.

[13]          Dans sa demande de prestations de chômage en date du 13 juillet 1998 (pièce I-4), la travailleuse déclare que l'employeur est Michel Picard et y inscrit l'adresse personnelle de ce dernier. Dans cette même demande, la travailleuse déclare qu'elle était « gardienne d'enfants gouvernante » et que la raison pour le manque de travail était : « je garde les enfants et ils sont partis à un camp de vacances » .

[14]          Dans sa déclaration statutaire en date du 18 septembre 1998 (pièce I-3), la travailleuse déclare, entre autres :

...En ce qui concerne gardienne d'enfants ça équivaut à peu près une demie heure de surveillance pour la période du dîner et je fais du ménage (balayer, faire le lavage, ramasser la vaisselle). Je travaille normalement sur une base de 5 jours par semaine du lundi au vendredi soit de 9 h 30 à 5 h, l'horaire peut également varier...

[15]          La travailleuse dans cette déclaration ajoute : « mon titre de travail chez Mensys est téléphoniste et mailing... » . Lors de son témoignage, la travailleuse a déclaré qu'elle oeuvrait environ 20 heures par semaine à la résidence de l'appelant et un autre 20 heures à la place d'affaires du payeur.

[16]          Dans sa demande de prestations de chômage en date du 14 août 2000 (pièce I-6) pour la période du 11 janvier au 26 mai 2000, la travailleuse donne la raison suivante pour la cessation de l'emploi « vente de l'entreprise mon travail était relié avec le patron » .

[17]          Lors de son témoignage, Sylvain Dussault, directeur des ressources humaines auprès du payeur, a déclaré qu'il était au service de ce dernier depuis 1986 et que Michel Picard en était le directeur général jusqu'au 27 mai 2000 alors que les actions de la compagnie de gestion appartenant à l'appelant ont été vendues à Vidéotron.

[18]          À titre de directeur des ressources humaines, il embauchait tous les employés, qui étaient au nombre de 20 à 25, sauf ceux assignés au marketing et aux ventes et que tous oeuvraient à la place d'affaires du payeur.

[19]          Selon ce témoin, la travailleuse aurait été embauchée par l'appelant Michel Picard. Il ajoute qu'il n'a jamais vu la travailleuse à la place d'affaires du payeur et qu'il l'a vue pour la première fois le matin de l'audience.

[20]          Sylvain Dussault signait les relevés d'emploi de tous les employés sauf celui de la travailleuse qui était signé par Michel Picard. Ces affirmations à la Cour sont confirmées par sa déclaration statutaire en date du 10 janvier 2001.

[21]          Lors de son témoignage, Lynda Santerre, adjointe administrative à l'emploi du payeur, a déclaré qu'elle s'occupait de l'administration, des payes et des comptes. Elle ajoute qu'elle préparait les relevés d'emploi et que le nom de la travailleuse apparaissait sur la liste de paie du payeur et que Michel Picard était celui qui signait les relevés d'emploi de la travailleuse. Elle déclare de plus qu'elle n'a jamais vu la travailleuse à la place d'affaires du payeur.

[22]          Lors de son témoignage, Roger Dufresne, agent des appels auprès de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, a déclaré qu'il avait rencontré la travailleuse à deux occasions. Dans son rapport sur un appel (pièce I-11) ce témoin, en ce qui concerne ses rencontres avec la travailleuse, déclare :

La travailleuse a précisé que Michel Picard l'avait engagée; pour faire la surveillance des 3 enfants, pour faire le lavage et le repassage des vêtements, pour faire l'entretien intérieur de la résidence, pour faire la vaisselle, pour préparer les dîners et les soupers, pour accompagner les enfants chez le médecin, pour les transporter pour leurs activités sportives ou lorsqu'ils rataient l'autobus scolaire de les reconduire à l'école. Ces tâches ont été exécutées à la résidence personnelle de Michel Picard qui a une dimension de 30 pieds par 40 pieds et trois étages aménagés. Elle ne fournissait aucun équipement ni nourriture pour faire ces différents travaux.

Elle reconnaît que ses versions précédentes ne correspondaient pas au travail qu'elle exécutait. Elle explique que c'est Michel Picard qui lui imposait de maintenir qu'elle effectuait du travail pour la corporation plutôt que pour lui. Elle soutenait ces affirmations uniquement par crainte de perdre son emploi auprès de Michel Picard.

Elle ne travaillait que deux semaines par mois soit lorsque Michel Picard avait la garde des enfants. Elle avait l'obligation d'être présente lorsque Michel Picard avait la garde des enfants. Car il y aurait une entente de garde partagée entre les ex-conjoints. Il est divorcé de Johanne Carrier depuis quelques années.

Elle était payée selon le nombre d'heures de travail effectuées. Elle recevait son salaire par dépôt en direct aux deux semaines. Elle contactait une employée du payeur, à chaque semaine, pour lui donner le total de ses heures travaillées.

Elle admet n'avoir fait aucun travail pour la corporation Mensys Business Solution Centre Ltd. car ses seules actions se limitaient à faire le ménage ainsi que le ramassage des papiers qui étaient sur le bureau de Michel Picard à sa résidence.

[23]          L'alinéa 5(1)a) de la Loi stipule qu'un emploi est assurable s'il est exercé aux termes d'un contrat de louage de services .... que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne ... » La preuve a dévoilé que la travailleuse était rémunérée par Mensys, le payeur, et que l'appelant détenait 100 % des actions de la compagnie 2630-9302 Québec inc. qui, elle détenait 87 % des actions du payeur.

[24]          L'appelant est celui qui a engagé la travailleuse et non Sylvain Dussault qui normalement s'occupait de l'embauche des employés du payeur.

[25]          Dans sa demande de prestations de chômage la travailleuse déclare qu'elle était la gouvernante des enfants de l'appelant alors qu'à l'agent des appels elle déclare faire la surveillance des trois enfants ainsi que des tâches ménagères. Il existe des contradictions dans les déclarations et le témoignage de l'appelant quant aux heures travaillées à la place d'affaires du payeur.

[26]          Sylvain Dussault qui s'occupait de l'embauche des employés a déclaré qu'il n'avait jamais vu la travailleuse avant l'audition. Il a de plus déclaré que c'était lui qui signait les relevés d'emploi de tous les employés à l'exception de celui de la travailleuse qui était signé par l'appelant lui-même.

[27]          Lynda Santerre, qui était en charge de l'administration, admet que la travailleuse était sur la liste de paie mais qu'elle ne l'a jamais vue à la place d'affaires du payeur. Elle ajoute que la travailleuse la contactait par téléphone pour lui faire part du nombre d'heures travaillées.

[28]          L'emploi de la travailleuse pour la période d'emploi du 11 janvier au 26 mai 2000 s'est terminé lorsque l'appelant a vendu les actions du payeur à Vidéotron et, de ce fait, perdu tout contrôle dans le payeur.

[29]          Alors que la travailleuse a déclaré à la Cour qu'elle effectuait des tâches ménagères alors que l'appelant a affirmé qu'elle faisait du travail clérical pour le payeur, la preuve a démontré qu'elle s'occupait des enfants en plus d'exécuter des tâches ménagères. L'appelant exerçait un contrôle sur le travail de la travailleuse; il était le véritable employeur et non le payeur.

[30]          La travailleuse occupait un emploi assurable auprès de l'appelant tout en étant rémunérée par le payeur puisque pendant les périodes en litige la travailleuse et l'appelant étaient liés par un contrat de louage de services au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi.

[31]          L'appel est rejeté et la décision du Ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d'août 2002.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2001-3217(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Michel Picard et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 24 juillet 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge suppléant J.F. Somers

DATE DU JUGEMENT :                      le 22 août 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                    L'appelant lui-même

Pour l'intim) :                                         Me Philippe Dupuis

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé :                                         Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2001-3217(EI)

ENTRE :

MICHEL PICARD,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 24 juillet 2002 à Québec (Québec), par

l'honorable juge suppléant J.F. Somers

Comparutions

Pour l'appelant :                                    L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :                              Me Philippe Dupuis

JUGEMENT

                L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d'août 2002.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

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