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2001-229(EI)

ENTRE :

S.V. FORMATION INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 10 juillet 2001 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge suppléant J.F. Somers

Comparutions

Pour l'appelante :                                Me Louis Tassé

                                                          Robert Duong (Stagiaire en droit)

Pour l'intimé :                                      Nancy Dagenais (Stagiaire en droit)

JUGEMENT

          L'appel est admis et la décision rendue par le Ministre est annulée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2001.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.


Date: 20011010

Dossier: 2001-229(EI)

ENTRE :

S.V. FORMATION INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1]      Cet appel a été entendu à Montréal (Québec), le 10 juillet 2001.

[2]      Par lettre en date du 23 octobre 2000, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) informa l'appelante de sa décision, selon laquelle l'emploi exercé par Gilles Gionet, le travailleur, était assurable pour la période du 8 octobre 1998 au 8 octobre 1999, pour le motif qu'il rencontrait les exigences d'un contrat de louage de services et qu'il existait une relation d'employeur à employé entre elle et le travailleur. De plus, il a été déterminé que les heures assurables totalisaient 1 890 heures et que la rémunération assurable des 27 dernières semaines était de 34 300 $.

[3]      Le paragraphe 5(1) de la Loi sur l'assurance-emploi se lit en partie comme suit :

            5.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a)     l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

[4]      Le fardeau de la preuve incombe à l'appelante. Cette dernière doit établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[5]      En rendant sa décision, le Ministre s'est fondé sur les présomptions de faits suivantes lesquelles ont été admises ou niées :

a)          l'appelante exploitait une école privée de formation professionnelle; (admis)

b)          l'appelante dispensait des cours en soudure, en électroménager et en bureautique : (nié)

c)          le travailleur avait été engagé à titre d'enseignant en soudure; (nié)

d)          le travailleur informait l'appelante sur le déroulement de ses cours; (nié)

e)          le travailleur devait obtenir l'accord de l'appelante pour introduire de nouvelles techniques dans le déroulement de ses cours; (nié)

f)           l'appelante établissait l'horaire des cours et les heures de travail du travailleur; (nié)

g)          le travailleur donnait 35 heures de cours par semaine entre 8 h 00 et 15 h 30 à chaque jour; (nié)

h)          l'appelante trouvait les étudiants; (nié)

i)           l'appelante fournissait les locaux, le matériel et tout l'équipement nécessaire au travailleur; (nié)

j)           le travailleur recevait une rémunération de 35 $ l'heure; (nié)

k)          à la fin de chaque semaine, le travailleur complétait une feuille de temps; (nié)

l)           l'appelante émettait des factures au nom du travailleur; (nié)

m)         le travailleur était payé par chèque aux deux semaines; (admis)

n)          le travailleur n'avait pas de risque de perte financière ou de chance de profit; (nié)

o)          le travail du travailleur faisait partie intégrante des activités de l'appelante; (nié)

p)          durant la période en litige, le travailleur a travaillé 27 périodes de paye de 70 heures chacune soit 27 x 70 heures pour un total de 1 890 heures assurables; (nié)

q)          durant les 14 dernières périodes de paye, qui incluent les 27 dernières semaines de travail, la rémunération assurable du travailleur totalisait 34 300 $. (nié)

[6]      Karina Béland, employée de l'appelante, et Gilles Gionet, le travailleur, ont été les seuls témoins à cette audience.

[7]      L'appelante, incorporée en 1989, exploitait une école privée de formation professionnelle et dispensait des cours en soudure, en électromécanique et en bureautique.

[8]      Le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité Emploi-Québec (Emploi-Québec) a établi et financé ce programme. Le projet vise le retour sur le marché du travail de 12 participants qui auront reçu une formation en soudage-montage les rendant aptes à exercer la profession de soudeurs-monteurs (pièce A-2).

[9]      Les services du travailleur ont été retenus à titre d'enseignant en soudure. Suivant une entente verbale, l'appelante sélectionnait les travailleurs qui donnaient des cours selon les objectifs établis par Emploi-Québec. Le taux horaire de 35 $ payé au travailleur était fixé par Emploi-Québec.

[10]     Le travailleur facturait l'appelante en ajoutant la TPS et la TVQ. Le travailleur était payé à toutes les deux semaines. Les heures de cours établies par Emploi-Québec étaient de 8 h à 15 h. Le travailleur donnait les cours selon sa disponibilité et une fois l'horaire établi il était de sa responsabilité de trouver, au besoin, un remplaçant parmi les autres travailleurs déjà acceptés.

[11]     Le travailleur enseignait entre 25 et 35 heures par semaine. Bien que les étudiants avaient 35 heures de cours par semaine, il n'y avait aucune exigence qu'il enseigne 35 heures par semaine car il était considéré comme un travailleur autonome. Le travailleur était payé pour les heures de cours seulement et non pas pour les heures effectuées à la préparation des cours. Le travailleur n'était pas payé non plus pour la correction des examens, ni pour les journées de maladie, vacances ou les journées de départ.

[12]     Les étudiants faisaient les demandes à l'appelante pour suivre les cours de soudure. Le travailleur remplissait un cahier de présence et le remettait à l'appelante.

[13]     L'appelante n'avait pas droit de regard sur le travailleur ou sur la correction des examens. Un représentant d'Emploi-Québec vérifiait la qualité d'enseignement. Le travailleur devait faire un rapport écrit à ce ministère à tous les quatre mois. Cependant le travailleur rencontrait sans obligation les représentants de l'appelante une ou deux fois par mois. Le travailleur avait la faculté d'introduire des techniques d'enseignement sans l'accord de l'appelante, mais s'il y avait des changements majeurs, le travailleur devait en informer l'appelante. Ces changements majeurs étaient transmis au Ministère pour leur assentiment.

[14]     L'appelante fournissait les locaux et l'équipement. L'appelante recrutait les étudiants via la publicité. Le travailleur fournissait son expertise et ses propres livres d'enseignement.

[15]     Le travailleur, témoin du Ministre, affirme qu'il a commencé à donner des cours à l'établissement de l'appelante en 1997. Il déclare que l'appelante établissait l'horaire de travail, soit de 8 h à 15 h 30. De plus, il déclare que s'il devait s'absenter, il se devait d'avertir l'appelante 24 heures à l'avance et que l'appelante trouvait un remplaçant.

[16]     Le travailleur, selon lui, devait suivre un programme d'enseignement déjà établi. Le travailleur déclare qu'il avait environ huit heures de préparation par semaine pour lesquelles il n'était pas rémunéré. Il n'a pas encouru de dépenses pendant la période où il a enseigné chez l'appelante.

[17]     Selon la jurisprudence, le critère traditionnel qui confirme l'existence d'une relation employeur-employé est celui du contrôle.

[18]     Le procureur de l'appelante a soumis de la jurisprudence au soutien de cet appel. Les faits relatés dans ces décisions sont similaires aux faits présentés dans la cause sous étude.

[19]     Dans la cause Okanagan University College and M.N.R. (98-539(UI) et 98-100(CPP)), le juge Garon, juge en chef adjoint de cette Cour, tel était alors son titre, a conclu que le travailleur était engagé par le payeur en vertu d'un contrat de travailleur autonome.

[20]     La jurisprudence a établi une série de critères pour déterminer si un contrat constitue un contrat de louage de services ou un contrat d'entreprise. Dans la cause Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, la Cour d'appel fédérale a énuméré les quatre critères suivants :

a)        le degré ou l'absence de contrôle exercé par le prétendu employeur;

b)       la propriété des instruments de travail;

c)        les chances de bénéfice et les risques de perte;

d)       le degré d'intégration des travaux effectués par les prétendus employés dans l'entreprise du présumé employeur.

Le degré de contrôle

[21]     Le payeur n'avait pas de contrôle sur le travailleur. Le programme d'étude a été établi et financé par Emploi-Québec. Le payeur devait exploiter dans les limites du budget. Le travailleur avait la liberté de préparer ses cours selon son expertise. Le payeur n'était pas expert dans ce domaine, donc il ne pouvait pas dire au travailleur comment présenter le cours. Il s'agissait d'un engagement de résultat fait par le travailleur. C'est Emploi-Québec et non pas le payeur qui faisait l'évaluation de l'enseignement. Le travailleur enseignait selon l'horaire fixé par Emploi-Québec selon sa disponibilité; il pouvait cependant offrir ses services à d'autres employeur en dehors de cet horaire. Selon les faits relatés, le travailleur devait être considéré comme un travailleur autonome.

La propriété des instruments de travail

[22]     Le payeur fournissait les locaux et l'équipement tandis que le travailleur y apportait son expertise pour satisfaire la qualité d'enseignement établi par Emploi-Québec. Ces faits pourraient être interprétés en faveur du travailleur, mais ce n'est pas le critère déterminant afin de faire la distinction entre le contrat de louage de services et le contrat d'entreprise.

Les chances de profit ou les risques de perte

[23]     Le travailleur était payé à un taux horaire de 35 $. Il facturait le payeur, selon les heures enseignées. S'il s'absentait, un remplaçant était choisi parmi le groupe d'enseignants; donc le travailleur ne pouvait facturer le payeur pour les heures travaillées par le remplaçant. Par conséquent, cet arrangement réduisait ses revenus. Le travailleur n'était pas payé pour la préparation des cours et les corrections d'examens. Cette façon de payer le travailleur pour les services rendus permet de conclure que le travailleur était un travailleur autonome.

Le degré d'intégration

[24]     La preuve démontre que le travailleur était intégré dans les opérations du payeur et semble favoriser les prétentions du travailleur, mais le travailleur enseignait dans le cadre d'un programme établi par Emploi-Québec. Le travailleur avait pleine liberté de changer sa façon d'enseigner à condition de donner un résultat compatible avec le programme établi par Emploi-Québec. Ce critère n'est pas déterminant pour conclure à la nature des relations entre le payeur et le travailleur.

[25]     La jurisprudence est constante à considérer le facteur du degré de contrôle que le payeur avait sur le travailleur. Le payeur était plutôt le coordonnateur des heures de cours, alors que le travailleur, étant l'expert, pouvait préparer et enseigner les étudiants selon son expérience et ses connaissances. Le payeur n'étant pas expert dans ce domaine ne pouvait dire au travailleur comment atteindre l'objectif établi par Emploi-Québec.

[26]     Il faut se rappeler que c'est l'ensemble des faits qui détermine la nature des relations contractuelles entre le payeur et le travailleur.

[27]     Compte tenu de toutes les circonstances, il y a lieu de conclure que le travailleur doit être considéré comme un travailleur autonome. Ses services n'étaient pas retenus par le payeur en vertu d'un contrat de louage de services.

[28]     L'appel est admis.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2001.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

Jurisprudence soumise par l'appelante

Michelin Tires (Canada) Ltd. et M.R.N. et Maria Forster, 83-303(UI), TC-437, 22 mai 1985

OkanaganUniversity College and M.N.R. (98-539(UI) et 98-100(CPP)),

Dr. William H. Alexander v. M.N.R., 70 DTC 6006

Bastasicand M.N.R., 98-251(UI), 17 août 1999

Calgary (City) v. Canada (Minister of National Revenue - M.N.R.), [1988] T.C.J. No. 1038

518306 Ontario Ltd. v. Canada (Minister of National Revenue - M.N.R.), [1986] T.C.J. No. 5

Sverdlova v. Canada (Minister of National Revenue - M.N.R.), [1986] T.C.J. No. 104

Jurisprudence soumise par le Ministre

Eliac. M.R.N., [1998] A.C.F. no 316 (QUICKLAW), 3 mars 1998 (C.C.I.)

Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (C.A.F.)

Gallant c. M.R.N., [1986] A.C.F. no 330, (QUICKLAW), 22 mai 1986

M.R.N. c. Emily Standing, A-857-90 (C.A.F.), 29 septembre 1992


No DU DOSSIER DE LA COUR :       2001-229(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :               S.V. Formation Inc. et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 10 juillet 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge suppléant J.F. Somers

DATE DU JUGEMENT :                    le 10 octobre 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                       Me Louis Tassé

                                                Robert Duong (Stagiaire en droit)

Pour l'intimé:                             Nancy Dagenais (Stagiaire en droit)

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                   Nom :           Me Louis Tassé

                   Étude :                   Fasken Martineau DuMoulin

                                                Montréal (Québec)

Pour l'intimé :                            Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

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