Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[traduction française officielle]

97-3519(IT)I

ENTRE :

TATIANA SEMERIKOV,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Feoktist Semerikov (97-3520(IT)I) le 3 juin 1999, à Edmonton (Alberta), par

l'honorable juge suppléant D. R. Watson

Comparutions

Représentant de l'appelante :                W. C. Foreman

Avocat de l'intimée :                            Me R. Constantinescu

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992 et 1994 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de juin 1999.

« D. R. Watson »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2002.

Philippe Ducharme, réviseur


[traduction française officielle]

97-3520(IT)I

ENTRE :

FEOKTIST SEMERIKOV,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Tatiana Semerikov (97-3519(IT)I) le 3 juin 1999, à Edmonton (Alberta), par

l'honorable juge suppléant D. R. Watson

Comparutions

Représentant de l'appelant :                  W. C. Foreman

Avocat de l'intimée :                            Me R. Constantinescu

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de juin 1999.

« D. R. Watson »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2002.

Philippe Ducharme, réviseur


[traduction française officielle]

Date: 19990614

Dossier: 97-3519(IT)I

ENTRE :

TATIANA SEMERIKOV,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET ENTRE :

97-3520(IT)I

FEOKTIST SEMERIKOV,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Watson, C.C.I.

[1]      Les présents appels portent sur les années d'imposition 1992 et 1994 de l'appelante, Tatiana Semerikov, ainsi que sur les années d'imposition 1992, 1993 et 1994 de l'appelant, Feoktist Semerikov. Les appelants sont mari et femme. Les appels ont été entendus sur preuve commune à Edmonton, en Alberta, le 3 juin 1999, sous le régime de la procédure informelle. En établissant de nouvelles cotisations à l'égard de Feoktist Semerikov pour les années d'imposition en cause, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a révisé son revenu imposable de la façon suivante :

       Année                         Augmentation (diminution)                 Revenu imposable

d'imposition                         du revenu imposable                               révisé

        1992                                        38 411 $                                     57 494 $

        1993                                           (656)                                        11 744

        1994                                        81 071                                        94 657

Total                                             118 826 $                                    163 895 $

[2]      En établissant de nouvelles cotisations à l'égard de Tatiana Semerikov, le ministre l'a informé qu'elle avait perçu un trop-payé au titre de la prestation fiscale pour enfants ( « PFE » ), soit 2 149,75 $ pour l'année d'imposition 1992 et 3 004,92 $ pour l'année d'imposition 1994, en raison du revenu familial net révisé.

[3]      Le ministre a établi les nouvelles cotisations à l'égard de Feoktist Semerikov en utilisant la méthode de la cotisation selon « l'avoir net » , en vertu du paragraphe 152(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), qui se lit comme suit :

            Le ministre n'est pas liée par les déclarations ou renseignements fournis par un contribuable ou de sa part et, lors de l'établissement d'une cotisation, il peut, indépendamment de la déclaration ou des renseignements ainsi fournis ou de l'absence de déclaration, fixer l'impôt à payer en vertu de la présente partie.

[4]      En établissant ainsi les nouvelles cotisations à l'égard de Feoktist, le ministre a formulé les hypothèses de fait suivantes :

[traduction]

a)          dans les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, l'appelant était propriétaire d'une exploitation agricole qu'il exploitait à proximité de Plamondon, en Alberta;

b)          durant les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, l'appelant détenait 50 p. 100 des actions de l'entreprise Trak Reforestation Inc. ( « Trak » );

c)          au cours des années d'imposition 1992, 1993 et 1994, l'appelant a généré un revenu d'entreprise au titre d'opérations forestières;

d)          au cours des années d'imposition 1992 et 1993, l'appelant a reçu de Trak des avantages s'élevant à 8 027 $ et 2 000 $ respectivement (les « avantages » );

e)          les avantages correspondaient aux montants qu'a remboursés Trak à titre de frais de déplacement et d'automobile, montants que Trak a déduits de ses revenus et que l'appelant a déduits de son revenu d'entreprise tiré des opérations forestières;

f)           en déclarant son revenu pour les années d'imposition 1992 et 1993, l'appelant a omis de déclarer les avantages;

g)          le revenu de l'appelant, tiré de toute source, pour les années d'imposition 1992 et 1994 a été sous-estimé de 31 384,67 $ et de 81 071,37 $ respectivement;

h)          les montants sous-estimés susmentionnés à l'alinéa 6g) ont été déterminés d'après la méthode de la cotisation selon l'avoir net (une copie de l'état de l'avoir net personnel est jointe à l'annexe A);

i)           par suite de l'utilisation de la méthode de la cotisation selon l'avoir net susmentionnée, le revenu de l'appelant de l'année d'imposition 1993 a été diminué d'un montant de 656,43 $, comme l'indique l'annexe A ci-jointe;

j)           par suite de l'utilisation de la méthode de la cotisation selon l'avoir net susmentionnée, le revenu de l'appelant des années d'imposition 1992 et 1994 a été augmenté de 39 411,67 $ et de 81 071,37 $ respectivement, comme l'indique l'annexe A ci-jointe.

[5]      Au cours de l'audition des appels, le représentant de l'appelant a admis les allégations figurant aux alinéas a) à c) et h) à j) et nié celles figurant aux alinéas d) à g).

[6]      Les questions que la Cour est appelée à trancher sont celles de savoir :

a)      si les revenus de Feoktist tirés de toutes sources pour les années d'imposition 1992 et 1994 ont été sous-évalués de 31 384,67 $ et de 81 071,37 $, tel qu'ils ont été calculés suivant la méthode de la cotisation selon l'avoir net;

b)      si Feoktist a reçu les avantages en sa qualité d'actionnaire de Trak ou, subsidiairement, en sa qualité d'employé de Trak, au cours des années d'imposition 1992 et 1993;

c)      si Tatiana est admissible aux versements de la prestation fiscale pour enfants qui excèdent le montant que le ministre a accordé pour les années d'imposition 1992 et 1994.

[7]      Les appelants ont le fardeau d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que les nouvelles cotisations du ministre étaient mal fondées en fait et en droit; ils sont tenus de présenter une preuve fiable ou suffisante qui justifie la conclusion selon laquelle ils ont démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le ministre a commis une erreur.

[8]      Le juge Bowman de la présente cour, déclarait ce qui suit dans l'arrêt Anthony A. Ramey c. La Reine, C.C.I., no 91-547(IT)G, le 20 avril 1993 (93 DTC 791), à la page 5 (DTC : à la page 793) :

[...] Estimer le revenu annuel d'un contribuable à partir de la valeur de son actif net est une méthode insatisfaisante et imprécise. C'est un instrument grossier que le ministre doit utiliser en dernier ressort. Une cotisation d'actif net repose sur une comparaison de l'actif net du contribuable, à savoir la valeur de l'actif moins le passif au début d'une année, avec son actif net à la fin de l'année. À la différence ainsi obtenue, on ajoute les dépenses qu'il a engagées pendant l'année. Le montant obtenu est réputé être le revenu du contribuable, sauf preuve contraire. Ces cotisations peuvent être inexactes dans une mesure indéterminée, mais elles sont valables jusqu'à preuve de leur inexactitude. Il est quasi impossible de les contester à la pièce. La seule façon vraiment efficace de les contester est de procéder à une reconstitution complète du revenu du contribuable pour l'année.

[9]      Dans l'arrêt Luay Zalzalah c. Canada, C.A.F., no T-2846-89, le 28 juin 1995 (95 DTC 5498), le juge Heald affirmait ce qui suit au paragraphe 4 (DTC : à la page 5499) :

            Le demandeur reconnaît franchement qu'il n'a pas tenu de registres ou livres de comptes au cours des années d'imposition dont il s'agit. Cet aspect a également été soulevé au cours de l'instance introduite devant la Cour canadienne de l'impôt et Mme le juge Lamarre Proulx a déclaré que

le Ministre ne peut et ne devrait pas autoriser des déductions qui ne peuvent être établies à l'aide de preuves documentaires. Cela entraînerait l'administration de la Loi de l'impôt sur le revenu dans le domaine de l'arbitraire.

            Je suis d'accord avec cette façon de considérer les choses. De la même façon, dans l'affaire Holotnak c. La Reine, le juge Cullen a examiné le sens de l'article 230 et déclaré ce qui suit :

            L'article 230 de la Loi impose aux contribuables de tenir les registres et livres de compte voulus. Le terme « voulu » n'est pas défini, mais il semblerait que ces livres de compte soient obligatoirement de nature à appuyer toute déduction du contribuable aux fins de l'impôt.

            La preuve du fait que les dépenses ont été engagées afin de gagner un revenu doit être faite par le contribuable (Wellington Hotel Holdings Limited c. M.R.N., 73 DTC 5391). Plus précisément, en ce qui concerne les cotisations, il incombe au contribuable de prouver que les hypothèses et les cotisations du ministre sont erronées (le juge Strayer dans Schwarz c. La Reine, 87 DTC 5274), qui citait Johnston c. M.R.N., [1948] R.C.S. 486). L'affaire Schwarz (précitée) traitait aussi d'un cas où les achats du demandeur n'étaient étayés par aucune pièce justificative. Comme l'explique le juge Strayer, il incombe au contribuable de prouver que la nouvelle cotisation du ministre du Revenu national est incorrecte, car c'est lui qui est le mieux placé pour prouver ce qui s'est effectivement passé.

[10]     Au cours des années en cause, Feoktist tirait un revenu de deux sources différentes, soit de la petite entreprise familiale Trak, exploitée en copropriété par l'appelant et son beau-frère Dimitri Scherbakov sur une base saisonnière (de mai à novembre) ainsi que d'une opération forestière que l'appelant exploitait seul de novembre à avril.

[11]     Feoktist est incapable de lire l'anglais; il laissait donc à ses deux comptables le soin de tenir les comptes, les registres et les livres comptables; ces deux comptables exerçaient des fonctions distinctes, l'un s'occupant de la comptabilité de Trak, l'autre, de la comptabilité de son opération forestière et de ses comptes personnels. Feoktist a signé ses déclarations de revenus, mais il était incapable de les lire avant d'y apposer sa signature.

[12]     Dans le cadre de l'exploitation de Trak, l'appelant et son beau-frère utilisaient au besoin des fonds personnels pour payer les dépenses de l'entreprise, notamment au cours des périodes passées sur la terre à bois lorsqu'il s'agissait de superviser de 10 à 20 employés. Comme l'appelant l'a expliqué dans son témoignage, Dimitri Scherbakov et lui travaillaient ensemble en tant que « partenaires » .

[13]     Vers la fin de 1995 ou au début de 1996, lorsque les appelants ont fait l'objet d'une vérification de la part de Revenu Canada, M. Semerikov a adressé les vérificateurs à ses deux comptables. À l'audience, aucun des deux comptables n'a témoigné, et les appelants n'ont déposé en preuve aucun livre, grand livre ou quelque autre document à l'appui. Le seul témoin était Feoktist, l'un des deux appelants; il a dû chercher dans sa mémoire pour fournir des détails relativement aux événements qui s'étaient produits au cours des années d'imposition 1992, 1993 et 1994 et, naturellement, son témoignage était davantage vague et incomplet que fiable.

[14]     Compte tenu de toutes les circonstances, y compris les témoignages de l'appelant et du vérificateur de Revenu Canada, les aveux et la preuve documentaire produite par l'intimée, à la lumière de la jurisprudence bien établie, je suis convaincu que les appelants n'ont pas réussi à s'acquitter de la charge qui leur incombait, soit établir, selon la prépondérance des probabilités, que les nouvelles cotisations du ministre étaient erronées en fait et en droit.

[15]     Par conséquent, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de juin 1999.

« D. R. Watson »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2002.

Philippe Ducharme, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.