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Date: 20010816

Dossier : 2000-918-IT-G

ENTRE :

EDWARD GHALI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            L'appelant fait appel des nouvelles cotisations en date du 29 décembre 1999 relatives aux années d'imposition 1994 et 1995.

[2]            Dans un premier temps, l'intimée soutient que les sommes de 5 000 $ et 9 928 $, versées à l'appelant par l'Université Laval à Québec en 1994 et 1995, constituent des subventions de recherches au sens de l'alinéa 56(1)o) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi "). En second lieu, l'intimée maintient, en outre, avoir correctement refusé la déduction des montants de 2 731 $ en 1994 et de 5 084 $ en 1995.

[3]            De son côté, l'appelant plaide que les montants de 5 000 $ et 9 928 $, reçus de l'Université Laval, n'étaient pas des subventions de recherches au sens de l'alinéa 56(1)o) de la Loi, mais plutôt une allocation de dépenses encourues dans le cadre de son emploi auprès de l'Université Laval.

[4]            L'avis d'appel de l'appelant résume assez bien la preuve soumise, d'où il y a lieu d'en reproduire le contenu :

               

1)              Le présent appel concerne les années d'imposition 1994 et 1995 de l'appelant;

2)              Au cours des années visées par le présent appel, l'appelant était professeur agrégé auprès du département des mines et métallurgie, Faculté des sciences et de génie de l'Université Laval à Québec et ce, depuis plus de 25 années;

3)              Au cours des années d'imposition en cause, l'appelant était régi, dans ses relations avec son employeur et l'accomplissement de ses tâches professionnelles, par la Convention collective intervenue le 4 décembre 1992 entre l'Université Laval et le Syndicat des Professeurs et des Professeures de l'Université Laval (ci-après désignée : la " Convention collective ";

4)              Plus précisément, la Convention collective régissant les rapports professionnels entre l'Université Laval et votre appelant décrit les fonctions universitaires d'enseignement et de recherches du professeur et prévoit à son article 2.1.01 les dispositions suivantes, à savoir :

Les fonctions universitaires sont :

(1) l'enseignement;

(2) la recherche;

(3) la participation interne et externe.

L'enseignement et la recherche sont intrinsèquement et constituent les caractéristiques fondamentales de l'accomplissement des activités universitaires de chacun et chacune des professeur(e)s.

5.              Les travaux de recherche auxquels il est fait référence ci-avant, s'effectuent notamment dans le contexte d'activités sabbatiques, définis en fonction de chaque discipline universitaire, le tout conformément aux dispositions contenues aux chapitres 3.4 et 4.8 de la Convention collective, lesquelles se lisent comme suit :

" 3.4         CHARGE DE TRAVAIL

3.4.08       Le projet de répartition tient compte du régime d'emploi de chacun et chacune des professeur(e)s, des activités universitaires dans lesquelles il ou elle est engagé(e), du cheminement de carrière du ou de la professeur(e) sous l'angle des activités d'enseignement et de recherche ainsi que de la planification de l'unité concernée.

4.8            ANNÉE SABBATIQUE

                Dispositions générales

4.8.01       L'année sabbatique dégage le ou la professeur(e) de ses activités régulières. Elle lui permet de se livrer à des travaux de recherche ou à des activités scientifiques, artistiques ou littéraires liées à l'exercice de ses fonctions universitaires. Elle a principalement pour but de favoriser le renouvellement et l'enrichissement de ses connaissances.

                Ces travaux ou ces activités sont définis dans un projet sabbatique.

4.8.07       L'Employeur rembourse au ou à la professeur(e) les frais supplémentaires qu'entraîne la réalisation de son projet selon les modalités établies à l'annexe G. "

6.              C'est dans ce contexte que l'appelant soumettait son projet d'activités sabbatiques au doyen de la Faculté des sciences et de génie de l'Université, le 27 septembre 1993, détaillant plus particulièrement la recherche et le travail à réaliser au Canada et à l'étranger, pour la période du 1er septembre 1994 au 31 août 1995;

7.              Ce projet d'activités sabbatiques a dûment été approuvé par les instances de l'Université Laval et l'appelant a donc été dégagé de ses fonctions régulières d'enseignement pour se consacrer à ses activités sabbatiques liées à l'exercice de ses fonctions universitaires. Ces activités sabbatiques se sont échelonné de septembre 1994 à août 1995;

8.              Plus particulièrement, les objectifs recherchés par l'appelant dans le cadre de ses activités sabbatiques étaient :

a.              restructurer, réviser et mettre à jour les cours du premier et du deuxième cycle;

b.              un ressourcement en recherche : production scientifique de quelques publications, conceptions de nouveaux projets et visites académiques de quelques laboratoires de recherche;

9.              À cet égard, votre appelant s'est rendu à de nombreux endroits à travers le Canada, l'Europe et l'Afrique;

10.            Conformément aux dispositions de la Convention collective et plus particulièrement suivant les modalités établies à l'annexe G de celle-ci, une somme de 14 222 $ était allouée à l'appelant, par le Vice-Rectorat aux ressources humaines de l'Université Laval, afin de l'indemniser des frais et débours inhérents à ses déplacements, frais de séjour et dépenses diverses encourus dans la réalisation de son projet, étant entendu que tels frais et débours doivent être supportés par les pièces établissant l'application de l'annexe G;

11.            À son retour de sabbatique, l'appelant a préparé et soumis aux responsables universitaires, un rapport de sabbatique expliquant les recherches et réalisations accomplies lequel fut dûment approuvé par les autorités facultaires de son employeur;

12.            Dans les frais, les dépenses de l'appelant ont été de beaucoup supérieures au montant alloué par l'Université Laval en application de la Convention collective;

13.            D'ailleurs, le vérificateur de l'Intimée a pu prendre connaissance de l'ensemble des pièces justificatives en cause au terme de la vérification des affaires et livres de votre appelant;

14.            Considérant l'émission par l'Université Laval de formulaires T4A supplémentaires, indiquant à titre d'autres revenus des montants de 5 000 $ en 1994 et de 9 228 $ en 1995, correspondant aux frais supplémentaires remboursés à l'appelant conformément au paragraphe 4.8.07 de la Convention collective, celui-ci a déduit à l'encontre de ces montants les différentes dépenses effectivement encourues par lui dans le cadre de ses activités sabbatiques;

15.            Au printemps 1998, Revenu Canada a effectué une vérification des affaires de l'Université Laval et de ses professeurs, dont votre appelant, notamment quant aux dépenses encourues par ces derniers dans le cadre de leurs activités sabbatiques;

16.            Le 8 avril 1998, dans le cadre de cette vérification, le représentant du ministère a pu prendre connaissance des différents éléments factuels relatés aux paragraphes qui précèdent concernant l'appelant et il concluait que des dépenses totalisant la somme de 2 391 $ avaient été irrégulièrement déduites par l'appelant pour l'année 1994, et de 4 477 $ pour l'année 1995;

17.            Aux termes d'avis de nouvelles cotisations datés du 11 mars 1999, Revenu Canada modifiait donc les cotisations initiales de votre appelant pour tenir compte des dépenses refusées ci-avant indiquées;

18.            Par avis d'opposition et annexes déposés le 29 avril 1999, votre appelant contestait le bien-fondé des nouvelles cotisations du 11 mars 1999;

19.            Par avis de nouvelles cotisations datés du 29 décembre 1999, Revenu Canada corrigeait certaines erreurs comptables contenues aux avis de nouvelles cotisations du 11 mars 1999, mais pour l'essentiel, maintenait sa décision d'imposer votre requérant sur les sommes en cause reçues de son employeur dans le cadre de ses activités sabbatiques et concluait également que des dépenses totalisant la somme de 2 731 $ avaient été irrégulièrement déduites par l'appelant pour l'année d'imposition 1994 et de 5 084 $ pour l'année 1995;

20.            Votre appelant soumet que c'est à tort que Revenu Canada considère comme imposable, à titre de subventions de recherches, les sommes en cause reçues par votre appelant de son employeur l'Université Laval, dans le cadre de ses activités sabbatiques;

[5]            Des suites de l'appel, l'intimée a réitéré les faits pris pour acquis pour établir les cotisations dont il est fait appel. Ils sont décrits au paragraphe 18 de la Réponse à l'avis d'appel et se lisent comme suit :

a)              L'appelant était professeur à l'Université Laval à Québec durant les années 1994 et 1995;

b)             durant les années 1994 et 1995, l'appelant a pris un congé sabbatique au cours duquel il a réalisé des travaux de recherche au Canada et à l'étranger;

c)              l'Université Laval a versé à l'appelant une subvention de recherches au montant de 5 000 $ en 1994 et de 9 228 $ en 1995 correspondant aux sommes prévues à la Convention collective intervenue entre l'Université Laval et le Syndicat des Professeurs et des Professeures de l'Université Laval;

d)             l'Université Laval a remis à l'appelant des formulaires T4A supplémentaires à cet effet pour les années d'imposition 1994 et 1995;

e)              la déduction par l'appelant des montants de 2 731 $ en 1994 et de 5 084 $ en 1995 a été refusée par le ministre du Revenu national soit parce que ces dépenses n'étaient pas justifiées, soit parce qu'elles n'étaient pas raisonnables, soit parce qu'elles constituaient des frais personnels ou de subsistance de l'appelant;

f)              les sommes reçues par l'appelant au cours des années d'imposition 1994 et 1995 constituent des subventions de recherches expressément visées à l'alinéa 56(1)o) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ");

g)             le ministre de Revenu national a donc inclus dans le revenu de l'appelant conformément aux dispositions de l'alinéa 56(1)o) de la Loi, les montants de 2 731 $ en 1994 et de 5 084 $ en 1995 puisqu'ils constituent l'excédent de la subvention reçue pour chacune de ces deux années sur le total des dépenses admissibles que l'appelant a engagées pour ces années.

[6]            Lors de son témoignage, l'appelant a expliqué avoir accepté de s'investir dans l'administration, des suites de deux mandats consécutifs de trois ans chacun, à titre de responsable de département.

[7]            Après son implication comme responsable de département, l'appelant a expliqué que les fonctions administratives étaient devenues moins exaltantes.

[8]            Désireux de mettre un terme à ses fonctions administratives pour retourner à l'enseignement, sa véritable priorité professionnelle, il décidait de se prévaloir du droit à une année sabbatique dans le but de mieux préparer son retour à l'enseignement.

[9]            Son statut de responsable de département fit en sorte qu'il a pu soumettre son projet d'année sabbatique directement au Recteur. Son projet fut accepté.

[10]          Après avoir été accepté, le dossier était automatiquement référé à un département spécifique et le tout était traité en fonction de la Convention collective, suivant une grille très détaillée.

[11]          Après étude et acceptation de son projet, l'appelant fut avisé qu'il avait droit à un montant de 14 222 $ (pièce A-4). Il s'agissait d'un montant défini comme une autorisation à des frais afférents à l'année sabbatique. La lettre en question faisait référence aux articles pertinents de la Convention collective et ventilait les composantes de l'allocation à laquelle l'appelant avait droit.

[12]          Pour obtenir les montants, l'appelant devait produire les pièces justificatives acceptables, faute de quoi, il pouvait se voir privé des montants prévus.

[13]          Un représentant de l'Université Laval est ensuite venu expliquer à la Cour le cheminement suivi lors d'une demande de congé sabbatique approuvée. Il a essentiellement confirmé les explications fournies par l'appelant et a ajouté qu'à défaut de produire les pièces justificatives appropriées, les intéressés se devaient de rembourser l'Université Laval. Il a, en outre, indiqué que les formulaires T4A (pièce A-7) avec la mention subventions de recherches, avaient été préparés selon les indications et recommandations émises par Revenu Québec à la fin des années 80.

[14]          D'une part, l'appelant soutient que les montants déboursés par l'Université et ayant fait l'objet de T4A ne constituaient pas des subventions de recherches; d'autre part, l'appelant plaide que les montants ainsi obtenus correspondaient à de simples remboursements de dépenses encourues dans le cadre de son emploi comme professeur à l'Université Laval. En d'autres termes, l'appelant a soutenu qu'il ne s'agissait aucunement d'un quelconque bénéfice et qu'il n'avait tiré aucun avantage de l'obtention de ces deux montants, soit 5 000 $ pour l'année d'imposition 1994 et 9 228 $ pour l'année d'imposition 1995.

[15]          Pour ce qui est de la première question, bien que les formulaires T4A aient été émis par l'employeur avec la mention " subventions de recherches ", cela n'a pas pour effet de constituer automatiquement une subvention de recherche au sens de l'alinéa 56(1)o) de la Loi.

[16]          Le législateur n'ayant pas défini ce que constitue une subvention de recherche, il est théoriquement possible à toute personne d'utiliser cette qualification à l'égard de divers déboursés, le tout assujettissant ainsi le bénéficiaire aux dispositions relatives à l'obtention d'une telle subvention prévue par l'article 8(1) et l'alinéa 56(1)o) de la Loi.

[17]          En l'espèce, l'Université Laval a qualifié de subvention de recherche le montant de 5 000 $ pour l'année d'imposition 1994 et de 9 228 $ pour l'année d'imposition 1995. Pourquoi ces montants ont-ils été ainsi qualifiés?

[18]          La réponse est venue du représentant de l'Université Laval qui a expliqué qu'il s'agissait là d'une décision administrative, prise à la suite d'une recommandation des vérificateurs de Revenu Québec, au début des années 1980.

[19]          Cette explication n'est certainement pas suffisante pour conclure qu'il s'agissait bel et bien d'une subvention de recherche et cela, bien que le législateur n'ait pas cru bon d'en définir le sens. Une subvention de recherche est généralement octroyée à la suite d'un processus où le payeur a la liberté d'accepter ou de refuser d'accorder la subvention.

[20]          Le dictionnaire Le petit Robert définit " subvention " comme suit :

Subside demandé ou exigé par l'État pour subvenir à une dépense imprévue (emprunt, impôt).

Aide que l'État qu'une association (de droit public ou privé) accorde à un groupement, à une personne.

le dictionnaire Le petit Larousse définit " subvention " comme suit :

Aide financière versée par l'État ou une personne publique à une personne privée, dans le but de favoriser l'activité d'intérêt général à laquelle elle se livre.

le dictionnaire Le Termium Plus définit " subvention " comme suit :

Somme versée occasionnellement ou régulièrement à un particulier ou à un groupement, à titre d'aide, de secours, de subvention, en rémunération de certains services, etc.

et le dictionnaire Le Robert électronique définit " subvention " comme suit :

1. Aide financière accordée à titre de secours;

2. Subside demandé ou exigé par l'État pour subvenir à une dépense imprévue (emprunt, impôt, taxe...).

3. Aide que l'État, qu'une association de droit public ou privé accorde à (un groupement, une personne).

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[21]          Je ne crois pas déformer la réalité en affirmant qu'une subvention est versée, accordée à la suite d'un processus où le donateur est libre de l'accorder ou de la refuser. La décision d'accorder ou de refuser une subvention est un processus généralement unilatéral pour l'organisme donateur.

[22]          Peut-on constater une telle liberté d'accorder ou non une bourse d'étude dans le présent dossier? Peut-on affirmer que l'Université Laval avait le pouvoir absolu, la capacité et l'autorité de refuser la demande de l'appelant? Je ne le crois pas.

[23]          En l'espèce, il en est tout autrement. Dans un premier temps, la preuve a démontré que l'appelant et l'Université Laval partageaient une relation employeur-employé. Cette relation employeur-employé était réglementée par une convention collective qui prévoyait toutes les conditions et détails relatifs au congé sabbatique.

[24]          Pour l'obtenir l'intéressé, dont l'appelant, devait satisfaire des conditions précises et prévues par la convention. De son côté, l'Université Laval avait des obligations réelles dont la nature n'avaient rien à voir avec la capacité ou le privilège de la refuser sans raison ni motif. La convention encadrait bien tout le processus au point que les parties étaient assujetties à des dispositions clairement énoncées.

[25]          Les montants qui ont été alloués à l'appelant et qui ont fait l'objet des formulaires T4A pour les années 1994 et 1995, lui ont été versés en vertu de l'annexe G de la convention collective qui liait les parties.

[26]          Toujours selon l'annexe G, il s'agissait de montants auxquels l'appelant avait droit pour couvrir des frais et déboursés inhérents à divers déplacements et pour faire face à des frais reliés à des séjours et dépenses diverses nécessaires pour la réalisation du projet qu'il avait soumis.

[27]          Pour obtenir les montants prévus à la convention collective, l'appelant devait produire des pièces justificatives.

[28]          Les faits du présent dossier sont similaires à ceux de l'affaire Mitchell c. Canada, [1999] A.C.I. no 302 (Q.L.). Mitchell était un professeur titulaire à l'Université Acadia à Wolfville (Nouvelle-Écosse). En 1991, son employeur approuvait le programme de recherche qu'il avait soumis dans le cadre d'un congé sabbatique; le contribuable Mitchell profita donc du congé sabbatique prévu par la convention collective et d'un montant de 7 936 $ pour couvrir ses dépenses, le tout, encore là, conformément à la convention collective.

[29]          Le juge Sarchuk fit le constat qu'il existait une relation employeur-employé entre le professeur Mitchell et l'Université Acadia; laquelle relation était régie par une convention collective.

[30]          La Cour pris donc en considération le fait que la convention collective stipulait ou prévoyait l'objectif des congés sabbatiques, lesquels constituaient des droits pour ceux et celles qui se qualifiaient. L'Université devait les approuver si les demandes étaient conformes à la convention collective.

[31]          Dans cette même affaire, la convention prévoyait la rémunération des employés et indiquait l'échelle salariale prévalant durant les congés sabbatiques.

[32]          Après avoir analysé tous les faits, le juge Sarchuk en arrivait à la conclusion que le montant reçu par Mitchell au cours de son congé sabbatique constituait une véritable composante du salaire négocié par les parties dans le cadre de la convention collective.

[33]          Le juge s'exprimait comme suit :

15.            À la lumière de ces dispositions, il est impossible de conclure que le montant reçu par l'appelant au cours de son congé sabbatique constituait autre chose que la partie de son salaire ayant été négociée. Il n'y a rien dans les articles pertinents de la convention qui indique que l'employeur ou l'employé considéraient le salaire versé pendant un congé sabbatique comme une subvention ou une bourse de recherches ou toute autre forme de rémunération. [TRADUCTION]

                                                                                                (Je souligne.)

[34]          Au paragraphe 20 du jugement, on lit ce qui suit :

20 L'appelant soutient que non seulement il était tenu par ses conditions d'emploi d'effectuer des travaux de recherche, mais que la seule façon de le faire dans son domaine était de se déplacer et d'engager des frais. Ceux-ci, dit-il, sont déductibles en vertu des dispositions de l'alinéa 8(1)h) de la Loi, qui est libellé dans les termes suivants :

8(1)          Lors du calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, peuvent être déduits ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant:

[...]

h)             lorsque le contribuable, dans l'année

                (i) a été, d'une manière habituelle, tenu d'exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu'au lieu même de l'entreprise de son employeur ou à différents endroits, et

                                (ii) a été tenu, en vertu de son contrat d'emploi, d'acquitter les frais de déplacement engagés par lui pour l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

                les sommes qu'il a dépensées pendant l'année (sauf les frais afférents à un véhicule à moteur) pour se déplacer dans l'exercice des fonctions de son emploi, sauf s'il a, selon le cas:

                                (iii) reçu une allocation pour frais de déplacement qui, par l'effet du sous-alinéa 6(1)b)(v), (vi) ou (vii), n'est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l'année,

                                (iv) demandé une déduction pour l'année en application de l'alinéa e), f) ou g.

[TRADUCTION]

Au paragraphe 23 :

23 ... Le congé sabbatique vise à permettre au professeur de quitter temporairement son poste d'enseignant pour poursuivre une activité intellectuelle dans sa discipline et ne s'accompagne pas de restrictions quant à l'objet de ses recherches, à l'endroit où elles seront effectuées et au financement de celles-ci. Le fait que, de façon générale, le programme du congé sabbatique soit approuvé par un comité ne change rien à cela puisque l'approbation ne s'accompagne pas (et ne peut s'accompagner) de l'obligation d'accomplir l'activité intellectuelle d'une manière précise. [TRADUCTION]

[35]          La conclusion du juge Sarchuk est donc conforme à l'analyse que l'appelant a lui-même fait des montants obtenus. Ma compréhension des dispositions de l'article 8(1) de la Loi est à l'effet que pour déduire des dépenses, il est essentiel qu'il s'agisse de dépenses que le contribuable doit faire et assumer dans l'exercice de ses fonctions. La personne concernée n'a pas le choix de s'y soustraire ou de ne pas les effectuer.

[36]          En l'espèce, il n'y avait aucune obligation et ce bien que les déboursés aient contribué à parfaire les connaissances de l'appelant, pour le plus grand bien et avantage de ses étudiants. La convention collective prévoyait le congé sabbatique, elle ne l'imposait pas. Bien plus, la convention prévoyait différents scénarios, allant d'aucun séjour à l'étranger, d'un très long séjour à l'étranger et finalement d'une sorte de formule mixte où le bénéficiaire du congé sabbatique partageait son temps de congé entre un séjour à l'étranger et un séjour à sa place d'origine.

[37]          Après avoir investi plusieurs années de sa carrière dans l'administration, pour le compte et bénéfice du même employeur, l'Université Laval, il était peut-être normal, voire souhaitable que l'appelant veuille à nouveau se replonger dans l'activité intellectuelle propre à son enseignement avant de reprendre sa responsabilité de professeur. Il s'agissait là d'un geste qui honore l'appelant et démontre d'une manière fort éloquente son professionnalisme; par contre, il s'agissait là d'une démarche personnelle qu'il a librement choisie.

[38]          Si l'appelant avait décidé de retourner à l'enseignement, immédiatement à la fin de son deuxième mandat ès-qualité de responsable du département, il aurait pu réintégrer son poste de professeur sans pénalité aucune et sans conséquence sur sa carrière au niveau de la relation employeur-employé.

[39]          Je reconnais que la démarche de l'appelant était appropriée, noble et enrichissante, tant pour lui-même que pour ses éventuels étudiants que pour son employeur.

[40]          L'année sabbatique et son contenu n'étaient pas obligatoires. L'appelant avait la pleine faculté de meubler son absence prolongée de l'Université par une multitude de projets à caractère intellectuel pour parfaire ses divers domaines d'expertise.

[41]          La grande liberté, les nombreuses hypothèses et l'absence d'autorité de l'employeur sont des éléments qui, très malheureusement, n'autorisent pas l'appelant à se prévaloir des dispositions de l'article 8(1) de la Loi et ses sous-paragraphes.

[42]          La sévérité et les restrictions des dispositions prévues par l'article 8(1) de la Loi ont sans doute fortement contribué à la qualification des montants que versent les universités à leurs professeurs dans le cadre des années sabbatiques. En effet, le législateur a prévu par l'alinéa 56(1)o) qu'une subvention de recherche était assujettie à un traitement fiscal particulier. À cet effet, il est important de rappeler les propos de l'honorable juge Bowman dans l'affaire Scheinberg c. Canada, [1996] A.C.I. no 1.

4.              L'alinéa 56(1)o) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") exige que soient inclus les montants suivants dans le calcul du revenu du contribuable pour une année d'imposition :

o)             la fraction, si fraction il y a, de toute subvention reçue au cours de l'année par le contribuable pour la poursuite de recherches ou de tous travaux similaires, qui est en sus du total des dépenses qu'il a engagées pendant l'année dans le but de poursuivre ces travaux, à l'exception

                (i) des frais personnels ou de subsistance du contribuable, sauf ses frais de déplacement (y compris le montant entier dépensé pour ses repas et son logement) engagés par lui pendant qu'il vivait hors de chez lui occupé à poursuivre ces travaux,

                (ii) des dépenses qui lui ont été remboursées, ou

                (iii) des dépenses déductibles, comme il est prévu par ailleurs, lors du calcul de son revenu de l'année;

                                                                                (Je souligne.)

Au paragraphe 7 de son jugement, le juge Bowman s'exprimait comme suit :

Il peut être opportun de faire ici une ou deux remarques. L'alinéa 56(1)o) n'est pas une disposition qui permet une déduction. Il exige l'inclusion dans le revenu du montant d'une subvention de recherches dans la mesure où elle excède les dépenses relatives à la recherche. Lorsque les dépenses excèdent le montant de la subvention, cette disposition n'autorise pas la déduction du montant excédentaire. Si ces dépenses doivent être déduites, il faut trouver ailleurs la disposition autorisant la déduction, le cas échéant. ... [TRADUCTION]

[43]          Dans cette affaire, le juge Bowman en était arrivé à la conclusion que le montant litigieux constituait bel et bien une subvention de recherche assujettie à l'article 56(1)o). Plus loin le juge Bowman s'exprimait comme suit :

... nées à une entreprise exploitée par M. Scheinberg, mais à l'emploi qu'il exerçait à l'université. La recherche et la publication vont nécessairement de pair avec la profession de professeur d'université et leur coût - du moins pendant une année où le professeur est employé, et ce, qu'il soit en congé sabbatique ou qu'il enseigne à l'université et fasse de la recherche dans son domaine - se rapporte à l'emploi de professeur qu'il exerce. L'article 8 de la Loi, qui réglemente fort précisément la déduction des frais relatifs à un emploi, ne semble pas couvrir pareilles dépenses.

[44]          En l'espèce, la prépondérance de la preuve a établi que les montants de 5 000 $ pour l'année d'imposition 1994 et de 9 228 $ pour l'année d'imposition 1995, ayant fait l'objet de T4A avec la mention " subventions de recherches ", n'étaient aucunement des subventions de recherches, mais un des avantages reliés à l'emploi que l'appelant détenait auprès de l'Université Laval, le tout conformément à la convention collective.

[45]          Pour ce qui est de savoir si les dépenses effectuées étaient déductibles en vertu de l'alinéa 8(1)h) de la Loi, je répond par la négative, eu égard au fait que l'appelant n'avait aucunement d'obligations de faire les déboursés. Certes, les dépenses étaient justifiées par des préoccupations d'honnêteté intellectuelle, de professionnalisme et du sens du devoir poussé, mais ce n'était ni obligatoire ni essentiel pour conserver de son travail.

[46]          L'appelant pouvait réintégrer sa charge de professeur sans sanction ni pénalité; d'ailleurs, l'initiative a été prise par l'appelant. L'Université ne l'y a jamais obligé, du moins la preuve n'en n'a pas fait état.

[45]          Pour ces motifs l'appel est rejeté, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada ce 16e jour d'août 2001.

           " Alain Tardif "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :                        2000-918(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Edward Ghali et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 17 janvier 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                                      le 16 août 2001

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :                                          Me Jacques Renaud

Avocate de l'intimée :                                          Me Anne-Marie Desgens

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                                       Me Jacques Renaud

                                Étude :                                     Renaud Brodeur

                                Ville :                                       Montréal (QC)

Pour l'intimée :                                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2000-918(IT)G

ENTRE :

EDWARD GHALI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 17 janvier 2001 à Québec (Québec), par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Jacques Renaud

Avocate de l'intimée :                          Me Anne-Marie Desgens

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d'août 2001.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.


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