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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-400(IT)I

ENTRE :

JOHN DUNFIELD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 29 mai 2001, à Brandon (Manitoba), par

l'honorable juge R. D. Bell

Comparutions

Avocate de l'appelant :                         Me Pat Fraser

Avocate de l'intimée :                           Me Angela Evans

JUGEMENT

          L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est admis, avec frais, et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Toronto (Ontario), ce 14e jour d'août 2001.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de novembre 2002.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20010814

Dossier: 2001-400(IT)I

ENTRE :

JOHN DUNFIELD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bell, C.C.I.

QUESTION EN LITIGE

[1]      La question est de savoir si l'appelant a le droit de déduire, dans le calcul de son revenu de l'année d'imposition 1998, le montant de 3 600 $ payé à titre d' « allocation d'entretien de l'enfant » .

REMARQUE D'ORDRE GÉNÉRAL

[2]      Sauf indication contraire, toutes les mentions de dispositions législatives sont des mentions de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

FAITS

[3]      L'appelant, John Dunfield ( « M. Dunfield » ), et Shelley Davies ( « Mme Davies » ) sont les parents biologiques de Sydney Elizabeth Grace Davies, née le 3 juillet 1996. Ils n'ont jamais été mariés et n'ont jamais vécu ensemble dans une relation maritale, chacun ayant toujours eu sa propre résidence. Le 19 septembre 1996, l'appelant a signé un document, conclu entre Mme Davies et lui, appelé « Accord conclu par les parents » (l' « accord » ). Mme Davies a signé l'accord le 4 octobre 1996. Celui-ci prévoyait le paiement d'une pension alimentaire pour l'enfant de 200 $ par mois - le premier jour du mois - de septembre 1996 à février 1997, puis de 300 $ par mois, de mars 1997 à mars 2000.

[4]      Dans sa déclaration de revenu de 1998, l'appelant a déduit un montant de 3 600 $. Le ministre du Revenu national ayant refusé cette déduction en décembre 1999, l'appelant a déposé un avis d'opposition le même mois puis a présenté une requête à la Cour du Banc de la Reine (Division de la famille) (la « Cour du Banc de la Reine » ), à Brandon Centre[1]. Le 8 mai 2000, celle-ci rendait relativement au consentement l'ordonnance sur consentement (l' « ordonnance » ) qui suit :

[TRADUCTION]

L'accord entre les parties, daté du 4 octobre 1996, est par les présentes déclaré être une ordonnance de cette cour prenant effet le jour de la conclusion de l'accord, soit le 4 octobre 1996, et la Cour déclare que cet accord a la même valeur que s'il avait initialement été conclu en conformité avec une ordonnance judiciaire aux termes de l'alinéa 60c) de la Loi de l'impôt sur le revenu (dans sa version alors applicable). En outre, les paiements de la pension alimentaire pour enfant de 200 $ par mois, laquelle est payable le premier jour du mois, de septembre 1996 à février 1997, puis de 300 $ par mois, de mars 1997 à mars 2000, sont déclarés avoir été effectués en conformité avec la disposition susmentionnée, sous réserve des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu en matière d'inclusion de montants dans le revenu et de déductions du revenu (dans leur version alors applicable).

OBSERVATIONS DE L'APPELANT

[5]      L'avocate de l'appelant soutenait que l'accord prévoyait clairement que les paiements devaient être déductibles pour l'appelant et imposables pour la bénéficiaire. Elle a fait valoir que l'ordonnance avait été rendue par un tribunal compétent en conformité avec les lois du Manitoba et que ce tribunal avait déclaré que l'accord était assimilé à une ordonnance de la Cour du Banc de la Reine prenant effet le jour de la passation de l'accord, soit le 4 octobre 1996. L'avocate a ensuite déclaré que les paiements effectués en 1998 étaient déductibles aux termes de l'alinéa 60c), lequel, selon l'avocate, prévoyait que les paiements de pension alimentaire effectués conformément à une ordonnance d'un tribunal compétent étaient déductibles pour le payeur et imposables entre les mains de la bénéficiaire. L'avocate a affirmé que le juge déclarait, dans l'ordonnance :

[TRADUCTION]

[...] que les paiements effectués l'avaient été en conformité avec une ordonnance judiciaire prenant effet rétroactivement, soit à la date à laquelle l'accord avait été passé.

OBSERVATIONS DE L'INTIMÉE

[6]      L'avocate de l'intimée a soutenu que la somme n'est pas déductible aux termes de l'alinéa 60b) de la Loi. Cet alinéa se lit comme suit :

b)          Pension alimentaire - le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

                        A - (B+C)

            où :

A          représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l'année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

B           le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé après cette date,

C          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure;

[7]      Elle a soutenu que cette disposition prévoyait la déduction du montant de pension alimentaire calculé selon la formule A - (B+C). Elle a affirmé que A correspondait à l'ensemble de tous les montants payés au titre de la pension alimentaire après 1996. B correspondait à l'ensemble des sommes payées au titre de la pension alimentaire pour l'enfant après la date d'exécution et C, l'ensemble des sommes payées au titre de la pension alimentaire après 1996 qui étaient déductibles dans une année d'imposition antérieure. Elle a déclaré que les paiements n'étaient pas visés par la définition de « pension alimentaire » figurant au paragraphe 56.1(4)[2], étant donné que les montants n'étaient pas à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province ainsi que l'exige l'alinéa b) de cette définition. L'avocate a soutenu que, pour l'application de cette formule, les montants étaient nuls pour chacun des éléments A, B et C et que l'appelant ne pouvait déduire aucun montant en 1998.

[8]      L'avocate a ensuite soutenu, subsidiairement, que, si les montants tombaient sous le coup de la définition de « pension alimentaire » figurant au paragraphe 56.1(4), ils tombaient également sous le coup de la définition de « pension alimentaire pour enfants » figurant à ce même paragraphe. Elle a déclaré que, selon l'équation prévue à l'alinéa 60b), la pension alimentaire pour enfant serait soustraite du total des montants représentant une pension alimentaire, de sorte que ces montants ne seraient pas déductibles.

[9]      L'avocate a en outre soutenu que l'ordonnance :

[TRADUCTION]

n'avait pas produit l'effet voulu, qui était de déclarer que les montants reçus étaient présumés avoir rétroactivement été reçus aux termes d'une ordonnance rendue en conformité avec l'ancien alinéa 60c).

et que l'appelant n'avait pas droit à une déduction dans l'année d'imposition 1998.

[10]     L'avocate a en outre soutenu que la définition de « date d'exécution » figurant au paragraphe 56.1(4) prévoyait expressément que la « date d'exécution » d'une ordonnance rendue après avril 1997 était la date de l'établissement de l'ordonnance. Elle a fait valoir que la définition de « date d'exécution » ne permettait donc pas de tirer la conclusion selon laquelle l'ordonnance avait été rendue le 4 octobre 1996 ou à toute date autre que le 8 mai 2000. L'avocate a conclu cette partie de son argumentation en déclarant que la définition de « date d'exécution » ne prévoyait aucun mécanisme permettant de présumer qu'une ordonnance avait été rendue à quelque autre date.

[11]     L'avocate a en outre prétendu que le paragraphe 60.1(3) prévoyait précisément la reconnaissance rétroactive de paiements antérieurs et que, puisque les montants déduits par l'appelant ne tombaient pas sous le coup de cette disposition, aucune reconnaissance rétroactive de ces paiements ne pouvait être faite.

ANALYSE ET CONCLUSION

[12]     Les dispositions législatives applicables dans ce domaine du droit fiscal étaient, avant les modifications de 1997, complexes et elles déroutaient les contribuables auxquels, malheureusement, elles s'appliquaient. Maintenant, les nouvelles dispositions sont presque incompréhensibles. La complexité législative planifiée n'aurait pas pu atteindre des sommets plus élevés en ce qui concerne à la fois les dispositions de fond et les dispositions d'application touchant l'inclusion dans le revenu, et la déduction du revenu, des versements d'allocations d'entretien. Le ministre, pour quelque raison inexpliquée, avait décidé d'établir, et avait établi, à l'égard de l'appelant une nouvelle cotisation par laquelle il refusait la déduction demandée en 1998, mais il n'avait pas établi à l'égard de Mme Davies une nouvelle cotisation prévoyant l'inclusion des 3 600 $ dans son revenu[3]. On présume que Mme Davies ferait l'objet d'une nouvelle cotisation par laquelle les paiements seraient soustraits de son revenu si l'appelant devait être débouté de son appel, et il semble que c'est ce qu'on a fait, sans que cela ne rapporte rien de plus aux caisses de l'État, mais en raison d'une approche peu généreuse pour ce qui est de l'application des règles, tout en ignorant les mesures réparatrices prises. Des milliers de contribuables sont touchés par ce labyrinthe d'embûches d'ordre législatif. Nombreux sont les contribuables qui, pour des raisons d'ordre économique, sont obligés de se représenter eux-mêmes en cour. Quelle est la probabilité qu'ils réussissent à comprendre ces dispositions, alors que les avocats et les juges cherchent désespérément à les comprendre et à les appliquer? Pour ces contribuables, les querelles domestiques sont déjà suffisamment démoralisantes et déprimantes, faut-il en plus qu'ils vivent un autre calvaire en essayant de retrouver leur chemin dans ce labyrinthe?

[13]    L'appelant se fondait sur l'effet combiné de l'alinéa 60c) de la Loi et de l'ordonnance judiciaire pour affirmer qu'il avait droit à la déduction. Ces dispositions se lisent comme suit :

Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition [...] un montant payé par le contribuable au cours de l'année à titre d'allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si les conditions suivantes sont réunies :

(i)          au moment du paiement et durant le reste de l'année,     le contribuable vivait séparé du bénéficiaire,

(ii)         le contribuable est le père naturel ou la mère      naturelle d'un enfant du bénéficiaire,

(iii)                le montant a été reçu en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province;

Il ne peut avoir gain de cause en se fondant sur ce motif, étant donné que l'alinéa 60c) a été remplacé avant 1998. Les paragraphes 10(1) et (2) de la Loi budgétaire de 1996 concernant l'impôt sur le revenu se lisent comme suit :

10(1) Les alinéas 60b) et c) de la même loi sont remplacés par :

l'alinéa 60b) reproduit ci-dessus.

10(2) Le paragraphe (1) s'applique aux montants reçus après 1996.[4]

[14]     Suivant l'alinéa 60b), le montant déductible est égal à la somme cumulée de tous les montants de pension alimentaire payés après 1996, moins tous les montants de pension alimentaire pour enfants qui sont devenus payables après la date d'exécution et tous les montants de pension alimentaire payés après 1996 qui étaient déductibles dans des années antérieures à l'année d'imposition en cause.

[15]     L'expression « pension alimentaire pour enfants » est ainsi définie au paragraphe 56.1(4) de la Loi :

« pension alimentaire pour enfants » Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

[Les italiques sont de moi.]

[16]     L'expression « pension alimentaire » figure au même paragraphe et se lit en partie comme suit :

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

[...]

b)          le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

[17]     Donc, pour qu'un paiement constitue le paiement d'une « pension alimentaire » et, par conséquent, d'une « pension alimentaire pour enfants » , il doit être « à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois » du Manitoba. La question est de savoir si le paiement de 3 600 $ a été ainsi effectué. Lorsqu'ils ont été effectués en 1998, soit avant le prononcé de l'ordonnance, ces paiements, effectués conformément à l'accord, n'ont pas été effectués aux termes d'une ordonnance d'un tribunal compétent.

[18]     Ceci nous amène à l'examen de l'effet de l'ordonnance du 8 mai 2000.

[19]     L'arrêt Dale c. La Reine, C.A.F., no A-15-94, 21 avril 1997 (97 DTC 5252), une décision de la Cour d'appel fédérale, est l'arrêt de principe sur la question de l'effet des décisions rétroactives rendues par les cours supérieures en matière fiscale. Le juge Robertson, aux pages 6 et 7 (DTC : à la page 5255), énonçait le droit sur cette question en ces termes :

D'un point de vue juridique, la Cour de l'impôt et la Cour sont tenues de donner effet aux ordonnances rendues par les cours supérieures provinciales.

[...]

Pour déterminer si une opération juridique sera reconnue aux fins de l'impôt, il faut examiner le droit du ressort où l'opération est effectuée. [...] Quant au ministre, il doit accepter les résultats juridiques qui découlent de l'application appropriée des principes de common law et d'equity, de même que l'interprétation des dispositions législatives. Ceci m'amène à la question de savoir si le ministre est lié par une ordonnance émise par une cour supérieure, ordonnance qui a ses origines dans l'interprétation et l'application des dispositions d'une loi provinciale.

Devant l'instance inférieure, le ministre a fait valoir que l'ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse liait peut-être les contribuables et la Dale Corporation, mais pas lui. Le juge Bowman a rejeté cet argument, à mon avis à bon droit [...]

[20]     Le juge Robertson s'est en outre reporté aux principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594, et a déclaré, à la page 8 (DTC : à la page 5256) :

Le premier principe affirme que le dossier d'une cour supérieure doit être considéré comme « la vérité absolue tant qu'il n'a pas été infirmé » (le juge McIntyre, page 599, citant le juge Monnin de la Cour d'appel du Manitoba). Deuxièmement, une ordonnance qui n'a pas été annulée doit être appliquée intégralement (page 604).    Troisièmement, l'ordonnance a force exécutoire pour tous (page 601, citant le juge Bird dans Canadian Transport (U.K.) Ltd. v. Alsbury, [1953] 1 D.L.R. 385 (C.A.C.-B.), page 418).    Quatrièmement, une attaque indirecte est réputée englober des procédures autres que celles visant précisément à obtenir l'infirmation ou l'annulation de l'ordonnance.    À la page 599, le juge McIntyre dit ceci :

Selon un principe fondamental établi depuis longtemps, une ordonnance rendue par une cour compétente est valide, concluante et a force exécutoire, à moins d'être infirmée en appel ou légalement annulée.    De plus, la jurisprudence établit très clairement qu'une telle ordonnance ne peut faire l'objet d'une attaque indirecte; l'attaque indirecte peut être décrite comme étant une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l'infirmation, la modification ou l'annulation de l'ordonnance ou du jugement.

[21]     Enfin, le juge Robertson a fait les commentaires suivants :

Il est rare que des règles ou des principes directeurs soient exprimés en termes aussi absolus et il est donc approprié de se demander si l'interdiction frappant les attaques indirectes souffre quelques exceptions. [...] Il suffit de traiter de l'attaque relative à la « compétence » soulevée par le ministre. D'après mon interprétation, le ministre soutient qu'une ordonnance d'un tribunal qui a pour effet de réécrire l'histoire fiscale ne le lie aucunement.    S'appuyant sur les autorités en vigueur, il prétend que l'ordonnance d'un tribunal ne peut créer une situation applicable à une année antérieure qui n'existait pas en fait.

Il me semble tout simplement logique de soutenir qu'un tribunal refuserait de rendre une ordonnance rétroactive qui aurait pour effet juridique manifeste de réécrire l'histoire fiscale.    En supposant qu'une telle ordonnance soit rendue, il serait tout à fait approprié de se demander si le ministre a le droit de ne pas en tenir compte aux fins de l'imposition.    On pourrait être tenté d'autoriser une attaque de cette ordonnance pour des fins de révisionnisme fiscal dans les cas où l'on peut démontrer que l'ordonnance a été obtenue par fausse déclaration ou par non-divulgation de renseignements pertinents.    Très vraisemblablement, les ordonnances révisionnistes seront obtenues par consentement, ou dans des circonstances où il est probable que les ramifications fiscales de l'ordonnance n'ont pas été exposées clairement au juge, ou lorsque le juge est manifestement sympathique à la cause du contribuable.    Deux décisions antérieures à la décision Wilson illustrent adéquatement ce scénario de sympathie judiciaire : voir Bently c. Canada (M.R.N.), 54 DTC 510 (C.R.I.) et Hobbs c. Canada (M.R.N.), 70 DTC 1744 (C.R.I.).    Dans les deux cas, il n'y avait manifestement pas de fondement légal, d'origine législative ou autre, pour délivrer les ordonnances à effet rétroactif qui avaient été demandées.    En supposant, sans se prononcer sur ce point, que ces décisions tombent sous le coup de la catégorie d'exceptions reconnues dans l'arrêt Wilson, on peut facilement établir une distinction avec l'appel en l'espèce.

[22]     Par ailleurs, dans le jugement A.G. Canada v. Juliar, 2000 DTC 6589 (C.A. Ont.), une rectification rétroactive avait été accordée en vue d'annuler des conséquences fiscales fortuites.

[23]     Il est évident, suivant les arrêts Dale et Sussex Square Apartments c. La Reine, C.A.F., no A-40-99, 14 septembre 2000 (2000 DTC 6548), que les tribunaux ayant compétence pour instruire les affaires touchant les questions fiscales fédérales ont donné effet à de telles ordonnances rectificatives rendues par les tribunaux provinciaux.

[24]     Il semble clair, à la lecture de l'ordonnance, que le juge était conscient des conséquences fiscales, de sorte que toute tentative de contestation de cette ordonnance à des fins de « révisionnisme fiscal » risque d'être inefficace. Ce concept ne peut être appliqué à l'appelant, lequel avait, en 1996, cherché à s'assurer de la déductibilité des montants, pour cette année-là ainsi que pour les années subséquentes.

[25]     Je conclus, en me fondant sur la jurisprudence susmentionnée, notamment sur les principes énoncés dans l'arrêt Dale, que l'ordonnance du juge Mykle, de la Cour du Banc de la Reine, a été rendue par un « tribunal compétent » en conformité avec la Loi sur l'obligation alimentaire (Manitoba). La définition du terme « tribunal » dans cette loi vise notamment la Cour du Banc de la Reine du Manitoba. L'ordonnance sur consentement a été rendue à bon droit en conformité « avec les lois d'une province » [5]. Par conséquent, l'ordonnance prenait effet à la date de la passation de l'accord.

[26]     Il est maintenant nécessaire d'examiner l'alinéa 60b) en vue de déterminer les montants décrits en A, B et C. Je conclus ce qui suit à cet égard :

A, soit le total de la « pension alimentaire » , correspond au montant de 3 600 $ pour l'année 1998, auquel s'ajoutent les paiements effectués en 1997, soit des montants payables à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins de l'enfant, puisque le payeur est le père naturel de la bénéficiaire, les montants étant à la fois payables et à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

B correspond au total des montants de la « pension alimentaire pour enfant » qui est devenue payable par le contribuable [...] aux termes d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement.

[27]     L'expression « date d'exécution » est ainsi définie au paragraphe 56.1(4) :

« date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a) si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b) si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i)                 le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii)               si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii)             si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv)             le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

[28]     L'effet de l'ordonnance par laquelle le juge Mykle assimilait l'accord du 4 octobre 1996 à une ordonnance de la Cour du Banc de la Reine prenant effet le jour de la passation de l'accord, soit le 4 octobre 1996, est qu'il n'y a pas de « date d'exécution » pour l'application de l'élément B de la formule. Par conséquent, le montant correspondant à B est nul.

C correspond au montant total de la pension alimentaire versée après 1996 qui était déductible dans le calcul du revenu d'une année antérieure. On présume que le terme « déductible » s'applique aux paiements effectués en 1997 suivant la conclusion que j'ai tirée à l'égard de l'ordonnance du juge Mykle. Par conséquent, C correspondrait au total des paiements effectués avant 1998. Puisque C ne vise que les montants payés après 1996, il doit viser le montant correspondant aux paiements effectués en 1997.

[29]     Il en résulte donc que A correspond à tous les paiements effectués après 1996, que B est nul et que C correspond aux montants déductibles avant 1998. Par conséquent, la formule nous donne le montant payé en 1998, soit 3 600 $[6].

[30]     Pour résumer :

(1)      Je conclus que le passage suivant de l'ordonnance :


[TRADUCTION]

L'accord entre les parties, daté du 4 octobre 1996, est par les présentes déclaré être une ordonnance de cette cour prenant effet le jour de la conclusion de l'accord, soit le 4 octobre 1996

a créé une ordonnance rétroactive à cette date, prenant donc effet à cette date.

(2)      L'appelant a le droit, pour son année d'imposition 1998, de déduire le montant de 3 600 $ en vertu de l'alinéa 60b).

[31]     Conséquemment, l'appel est admis avec frais.

Signé à Toronto (Ontario), ce 14e jour d'août 2001.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de novembre 2002.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Au Manitoba.

[2]           Qui sera reproduit plus loin.

[3]           Ainsi que l'a déclaré l'avocate de l'intimée.

[4]           L.C. 1996, ch. 25, Loi budgétaire de 1996 concernant l'impôt sur le revenu; voir cependant le paragraphe 307(2) de la Loi budgétaire de 1997 concernant l'impôt sur le revenu, aux termes duquel le paragraphe 10(1) est réputé être entré en vigueur le 25 avril 1997.    

[5]           Les mots entre guillemets sont tirés du paragraphe 56.1(4).

L'article 48 de la Loi sur l'obligation alimentaire se lit comme suit :

Le tribunal peut, sans audience, rendre une ordonnance en vertu la présente loi si les parties y consentent et ont accepté les dispositions de l'ordonnance.

[6]           Le paragraphe 307 (1) de la Loi budgétaire de 1997 concernant l'impôt sur le revenu semble indiquer que le montant qui n'avait pu être déduit avant l'entrée en vigueur de l'alinéa 60b) ne peut davantage l'être après l'entrée en vigueur de cette disposition. Si je renvoie à cette disposition d'application, c'est pour démontrer qu'elle n'empêche pas l'appelant de demander la déduction en cause.

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