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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-2147(IT)G

ENTRE :

PATRICIA NICOL,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec l'appel de Robert J. Nicol (1999-2152(IT)G) et de Lindsay Nicol (1999-2154(IT)G) le 12 septembre 2001 et jugement rendu oralement le 14 septembre 2001 à Ottawa (Ontario), par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Représentante de l'appelante :     L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :                   Me Pierre-Paul Trottier

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), dont les avis sont datés du 1er février 1994 et portent les numéros 31086 et 31090, sont admis, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations au seul motif que les montants fixés dans les cotisations doivent être réduits de 5 393,66$ relativement à un compte et de 2 944,38 $ relativement à l'autre (ce à quoi l'avocat de l'intimée a consenti), l'appelante demeurant responsable, aux termes de l'article 227.1 de la Loi, du paiement du solde des montants réclamés.

          Chaque partie prend ses propres frais à sa charge.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'octobre 2001.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de février 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-2152(IT)G

ENTRE :

ROBERT J. NICOL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec l'appel de Patricia Nicol (1999-2147(IT)G) et de Lindsay Nicol (1999-2154(IT)G) le 12 septembre 2001 et jugement rendu oralement le 14 septembre 2001 à Ottawa (Ontario), par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Représentant de l'appelant :        L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                   Me Pierre-Paul Trottier

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ), dont les avis sont datés du 1er février 1994 et portent les numéros 31084 et 31088, sont admis, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations au seul motif que les montants fixés dans les cotisations doivent être réduits de 5 393,66 $ relativement à un compte et de 2 944,38 $ relativement à l'autre (ce à quoi l'avocat de l'intimée a consenti), l'appelant demeurant responsable, aux termes de l'article 227.1 de la Loi, du paiement du solde des montants réclamés.

          Chaque partie prend ses propres frais à sa charge.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'octobre 2001.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de février 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-2154(IT)G

ENTRE :

LINDSAY NICOL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec l'appel de Patricia Nicol (1999-2147(IT)G) et de Robert J. Nicol (1999-2152(IT)G) )le 12 septembre 2001 et jugement rendu oralement le 14 septembre 2001 à Ottawa (Ontario), par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Représentant de l'appelant :        L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                   Me Pierre-Paul Trottier

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont les avis sont datés du 1er février 1994 et portent les numéros 31085 et 31089, sont admis, et les cotisations sont annulées.

          Chaque partie prend ses propres frais à sa charge.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'octobre 2001.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de février 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011003

Dossier: 1999-2147(IT)G

ENTRE :

PATRICIA NICOL,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

1999-2152(IT)G

ET ENTRE :

ROBERT J. NICOL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

1999-2154(IT)G

ET ENTRE :

LINDSAY NICOL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]      Les appels en l'instance ont été entendus sur preuve commune. Les appelants interjettent appel de cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) à leur égard en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Il y réclame des montants que R.J. Nicol Construction (1975) Ltd. (la « société » ) a retenus à la source pour l'année d'imposition 1992 et pour les mois de janvier et de février 1993 au titre de l'impôt sur le revenu fédéral et provincial, du Régime de pensions du Canada et du Régime d'assurance-emploi, mais qu'elle n'a pas remis. Le ministre réclame également des montants au titre des pénalités et de l'intérêt s'y rapportant.

[2]      La responsabilité prévue à l'article 227.1 de la Loi a été analysée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Neil Soper c. Sa Majesté la Reine, C.A.F., no A-129-95, le 27 juin 1997 (97 DTC 5407), où le juge Robertson résume la situation dans les termes suivants, à la page 5408 :

Le paragraphe 153(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) impose à une société l'obligation de faire des retenues d'impôt et d'autres retenues à la source à l'égard de la rémunération d'un employé et de verser ces sommes au receveur général du Canada. Le paragraphe 227.1(1) de la Loi tient une société responsable du défaut de verser ces sommes et retient en outre la responsabilité solidaire de ses administrateurs. Le paragraphe 227.1(3) atténue toutefois cette obligation en permettant aux administrateurs d'échapper à la responsabilité en cas de manquement s'ils peuvent démontrer qu'ils ont « agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables » .


[3]      L'article 227.1 est libellé dans les termes suivants :

ARTICLE 227.1(1) Responsabilité des administrateurs pour défaut d'effectuer les retenues. Lorsqu'une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu au paragraphe 135(3) ou à l'article 153 ou 215, ou a omis de remettre cette somme ou a omis de payer un montant d'impôt en vertu de la partie VII ou VIII pour une année d'imposition, les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s'y rapportant.

4227.1(2)3

           (2) Restrictions relatives à la responsabilité. Un administrateur n'encourt la responsabilité prévue au paragraphe (1) que dans l'un ou l'autre des cas suivants :

             a)    un certificat précisant la somme pour laquelle la société est responsable selon ce paragraphe a été enregistré à la Cour fédérale en application de l'article 223 et il y a eu défaut d'exécution totale ou partielle à l'égard de cette somme;

             b)    la société a engagé des procédures de liquidation ou de dissolution ou elle a fait l'objet d'une dissolution et l'existence de la créance à l'égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant le premier en date du jour où les procédures ont été engagées et du jour de la dissolution;

             c)     la société a fait une cession ou une ordonnance de séquestre a été rendue contre elle en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et l'existence de la créance à l'égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant la date de la cession ou de l'ordonnance de séquestre.

4227.1(3)3

           (3) Idem. Un administrateur n'est pas responsable de l'omission visée au paragraphe (1) lorsqu'il a agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.


4227.1(4)3

             (4) Prescription. L'action ou les procédures visant le recouvrement d'une somme payable par un administrateur d'une société en vertu du paragraphe (1) se prescrivent par deux ans à compter de la date à laquelle l'administrateur cesse pour la dernière fois d'être un administrateur de cette société.

4227.1(5)3

             (5) Montant recouvrable. Dans le cas du défaut d'exécution visé à l'alinéa (2)a), la somme qui peut être recouvrée d'un administrateur est celle qui demeure impayée après l'exécution.

4227.1(6)3

             (6) Privilège. Lorsqu'un administrateur verse une somme à l'égard de laquelle la société encourt une responsabilité en vertu du paragraphe (1), qui est établie lors de procédures de liquidation, de dissolution ou de faillite, il a droit à tout privilège auquel Sa Majesté du chef du Canada aurait eu droit si cette somme n'avait pas été payée et, lorsqu'un certificat a été enregistré relativement à cette somme, il peut exiger que le certificat lui soit cédé jusqu'à concurrence du versement et le ministre est autorisé à faire cette cession.

4227.1(7)3

             (7) Répétition. L'administrateur qui a satisfait à la créance en vertu du présent article peut répéter les parts des administrateurs tenus responsables de la créance.

            


Question préliminaire

[4]      La société a été dûment constituée en société sous le régime de la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario. Il s'agit d'une société familiale dont les appelants - le père, la mère et leur fils - étaient les seuls administrateurs. Le 18 décembre 1992, trois créanciers ont présenté une requête de mise en faillite de la société aux termes de la Loi sur la faillite. Dans une ordonnance de séquestre rendue le 30 mars 1993, la société a été officiellement déclarée en état de faillite. Le 17 mai 1993, c'est-à-dire dans les six mois suivant la date de l'ordonnance de séquestre, l'intimée a déposé, dans le dossier de la faillite de la société, des preuves de réclamation relativement aux retenues à la source non versées qui sont en cause dans les appels en l'instance (voir la pièce R-1, onglet 1). Il semble que le syndic de faillite ait accepté ces preuves de réclamation sans poser de questions. Les appelants, en revanche, les ont contestées, mais ils n'ont produit, selon moi, aucune preuve de leur nullité. Je suis donc d'avis que l'intimée a respecté la condition prévue à l'alinéa 227.1(2)c).

[5]      Il y a lieu de souligner ici que, pendant la période en litige, la société avait deux comptes, et que les appelants ont fait l'objet d'une cotisation de 31 212,46 $ relativement à l'un de ces comptes et de 25 925,81 $ relativement à l'autre, pénalités et intérêt compris. L'avocat de l'intimée a souligné qu'étaient inclus également des montants au titre des retenues à la source non versées pour le mois de juillet 1993, soit 5 393,66 $ pour un compte et 2 944,38 $ pour l'autre.

[6]      Comme la société était en faillite au mois de juillet 1993, l'intimée ne tient plus les appelants responsables du paiement de ces montants et elle est disposée à consentir à jugement pour cette partie seulement des retenues à la source non versées (voir la pièce R-1, onglet 11).

[7]      Quant au reste du montant, l'intimée conteste la défense des appelants selon laquelle ils ont bel et bien agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté pour prévenir le manquement de la société qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.


Question de la diligence raisonnable

[8]      La preuve a révélé que la société avait exploité une entreprise de construction pendant plus de 20 ans avant de faire faillite. La société était alors prospère et n'avait, semble-t-il, jamais manqué à son obligation de verser les montants retenus sur les salaires de ses employés. M. Robert Nicol était l'âme dirigeante et le président de la société. Dans les années 1980, il a commencé à éprouver des problèmes cardiaques. Son épouse a alors été nommée administratrice de la société. Son fils, Lindsay, a lui aussi été nommé administrateur, le 17 juillet 1990 (pièce A-1, onglet 9).

[9]      Mme Patricia Nicol s'occupait de toutes les questions comptables et financières pour la société, tandis que Lindsay Nicol s'est vu confier progressivement des responsabilités relativement aux projets de construction. Au cours des années qui ont précédé la faillite, Robert Nicol prenait encore part à la gestion quotidienne de la société et déterminait encore, dans une certaine mesure, le cours de celle-ci.

[10]     D'après Patricia Nicol, la société était une affaire de famille, et il n'y a jamais eu de réunion du conseil d'administration. Elle discutait de façon non officielle des aspects financiers de la société avec son époux, qui ne s'est cependant jamais occupé des aspects administratifs, comme la remise des retenues à la source. Pour reprendre les propos de Robert Nicol, il n'avait pas le temps ni le goût de s'occuper de détails comme les retenues à la source. À l'époque où il jouait encore un rôle actif dans la société, il avait engagé Mme Doreen Paul comme gestionnaire financier pour voir entre autres choses à la question des retenues à la source.

[11]     Après le dépôt de la requête de mise en faillite en décembre 1992, une entente a été conclue - au début de l'année 1993 - entre les propriétaires des projets inachevés de la société et la Laurentienne Compagnie d'Assurance de Dommages du Canada, relativement à l'achèvement de ces projets. La Laurentienne devait agir comme société de cautionnement et assumer la responsabilité des projets à achever. La société était censée demeurer l'entrepreneur général des projets, même si les propriétaires des projets devaient traiter directement avec la société de cautionnement.

[12]     Patricia Nicol a expliqué que, à partir de ce moment-là, ce n'est plus elle qui a pris les décisions. Elle devait présenter des rapports de rapprochement à la société de cautionnement afin d'obtenir le montant d'argent nécessaire pour payer les employés de la société. La société de cautionnement payait les sous-entrepreneurs directement, mais la société demeurait responsable du paiement des salaires de ses propres employés et du versement des retenues à la source.

[13]     Au mois de janvier 1993, Patricia Nicol a reçu un appel d'un examinateur des fiducies de Revenu Canada - tel était alors son titre - l'informant qu'il voulait vérifier les livres de la société relativement aux retenues à la source. Mme Doreen Paul, qui était chargée d'effectuer les paiements pour la société, étant partie en vacances pour tout le mois de janvier 1993, Mme Nicol a demandé au vérificateur d'attendre son retour. La vérification s'est terminée le 11 février 1993 et, d'après Mme Nicol, le vérificateur lui a dit que, sauf pour le mois de janvier 1993, toutes les retenues à la source avaient été versées. En fait, d'après le témoignage de Mme Nicole Kirouac, qui était agente de recouvrement pour Revenu Canada, il y avait un montant de 877 $ à payer au titre de l'impôt pour 1992, auquel s'ajoutaient la pénalité et l'intérêt. La société avait aussi omis de payer l'impôt pour les quatre semaines du mois de janvier 1993 et pour une semaine en février 1993. Dans les faits, le montant total réclamé le 11 février 1993 s'élevait à 60 000 $ approximativement. Patricia Nicol a déclaré que le compte bancaire de la société était vide à l'époque et que l'examinateur des fiducies avait convenu d'accepter des chèques postdatés pour le montant dû. Ces chèques devaient être encaissés par Revenu Canada le 15 mars 1993. Le 16 mars 1993, lorsque l'agent de recouvrement a voulu encaisser les chèques, il a appris que Patricia Nicol y avait fait opposition. Mme Nicol a déclaré que c'est à la demande de la banque que, le 15 mars 1993, elle avait fait opposition aux chèques, pour le motif qu'il n'y avait pas suffisamment de fonds. (Apparemment, cette déclaration n'a pas été corroborée par la banque.) Mme Nicol soutient qu'elle a ensuite essayé d'entrer en contact avec l'examinateur des fiducies et qu'elle l'a joint seulement le 23 mars 1993, date à laquelle, à sa demande, il a accepté que le paiement des arriérés pour le mois de janvier soit effectué le 15 avril 1993.

[14]     Il semble que, dans l'intervalle, soit le 15 mars 1993, la société de cautionnement ait versé la somme de 188 711,50 $ dans le compte de la société. Dans son témoignage, Patricia Nicol a déclaré qu'elle s'était opposée aux chèques avant que l'argent soit déposé dans le compte. Elle soutient que, le 15 ou le 23 mars 1993, elle ignorait que cette somme d'argent avait été déposée dans le compte de la société. Elle a indiqué que c'était un petit montant par rapport aux montants auxquels elle était habituée.

[15]     Comme elle s'était à nouveau entendue avec Revenu Canada pour ne payer les arriérés que le 15 avril 1993, elle n'a pas jugé bon d'informer Revenu Canada, après cette entente, qu'il y avait des fonds dans le compte bancaire de la société. Une ordonnance de séquestre a alors été rendue à l'encontre de la société et, le 31 mars 1993, le syndic de faillite a saisi le compte bancaire de la société. En conséquence, les sommes dues n'ont jamais été versées à Revenu Canada.

[16]     Patricia Nicol soutient que, dès le moment où la société de cautionnement a pris les rennes de la société au début de l'année 1993, elle a cessé d'assumer la responsabilité de tous les paiements que la société devait effectuer. Elle soutient que, dans les circonstances, elle ne pouvait guère faire plus qu'elle ne faisait pour agir avec le soin, la diligence et l'habileté nécessaires pour prévenir le manquement de verser les retenues à la source.

[17]     Elle soutient également que, si Revenu Canada avait agi plus rapidement pour recouvrer les arriérés, la société n'aurait pas fait défaut d'effectuer les versements, et ses administrateurs ne seraient pas tenus responsables aujourd'hui de ce manquement. En effet, il semble que la banque a saisi les fonds se trouvant dans le compte de la société sans avoir obtenu préalablement le consentement de cette dernière ou celui de ses vérificateurs, ce qui contrevenait à une entente d'abstention que la banque et la société avaient conclue et qui devait expirer le 1er octobre 1993.

[18]     Sur ce second point, je ne vois pas comment Revenu Canada aurait pu recouvrer les arriérés après l'ordonnance de séquestre du 30 mars 1993. Revenu Canada a déposé les preuves de réclamation nécessaires, mais tout l'argent a été saisi par le syndic de faillite qui, à compter de ce moment-là, détenait les biens en faillite. Avant que l'ordonnance de séquestre soit rendue, Mme Nicol a expressément demandé à Revenu Canada d'attendre jusqu'au 15 avril 1993 pour percevoir les arriérés. Elle s'est elle-même opposée au paiement des chèques destinés à Revenu Canada qui devaient être encaissés le 15 mars 1993. Mme Nicol s'est ainsi trouvée à donner priorité à la banque au détriment de Revenu Canada. De toute évidence, elle était en mesure de donner priorité à Revenu Canada, mais elle a délibérément choisi de s'en abstenir.

[19]     En ce qui concerne la défense de diligence raisonnable, les appelants avaient l'obligation de prendre des mesures concrètes pour prévenir l'omission de verser les montants dus et le défaut d'effectuer les versements à venir; ils ne pouvaient s'en tenir à simplement remédier à tout manquement après le fait (voir Canada c. Corsano (C.A.),[1999] 3 C.F. 173, à la page 189 (99 DTC 5658, à la page 5667), et Soper, précité, à la page 158 (DTC : à la page 5417).

[20]     À mon sens, il n'a pas été établi que les appelants s'étaient acquittés de cette obligation de prendre des mesures concrètes, à tout le moins dans le cas de Mme Patricia Nicole et de M. Robert Nicol, qui étaient parfaitement au courant des difficultés. De fait, M. Robert Nicol a déclaré qu'il comptait sur Mme Doreen Paul et sur son épouse pour effectuer les versements. Mme Paul était en vacances en janvier 1993. Les responsabilités de la société ont-elles cessé d'exister parce qu'une employée était en vacances? Certainement pas! Les Nicol exploitaient leur entreprise depuis plus de 20 ans. Ils avaient cessé de payer certains de leurs créanciers à partir de juin 1992, ainsi qu'il est indiqué dans l'ordonnance de séquestre (pièce R-1, onglet 2). Malgré la requête de mise en faillite, ils ont conclu une entente avec la société de cautionnement afin que la société demeure l'entrepreneur général des projets à achever. Ils connaissaient la nature de leurs obligations envers leurs créanciers et envers Revenu Canada. Patricia Nicol a déclaré que l'argent avait été déposé dans le compte de la société sur acceptation par la société de cautionnement d'une preuve -    fournie par les Nicol - des paiements (que Mme Nicol a appelés les « paiements de rapprochement » ), y compris des paiements des retenues à la source, qui devaient être faits par la société. Une fois l'argent déposé dans le compte de la société, seuls les Nicol pouvaient s'en servir. De fait, ce n'est ni la banque ni la société de cautionnement qui s'est opposée, le 15 mars 1993, au paiement des chèques postdatés faits à l'ordre de Revenu Canada, mais Mme Patricia Nicol elle-même. De plus, un montant de 188 711,50 $ a été déposé dans le compte de la société le 15 mars 1993. Il me paraît étrange que Mme Nicol, qui a parlé à l'examinateur des fiducies le 23 mars 1993, n'ait pas informé Revenu Canada qu'il y avait de l'argent dans le compte bancaire à ce moment-là. L'explication fournie, à savoir qu'elle ignorait le 23 mars 1993 que les montants avaient été déposés dans le compte bancaire de la société, n'est tout simplement pas crédible et ne peut être retenue. Après tout, elle et son époux étaient les signataires autorisés relativement au compte bancaire de la société. Dans ce contexte, j'en arrive à la conclusion que les appelants ne peuvent invoquer en défense l'entente qu'ils auraient conclue avec l'examinateur des fiducies en vue de retarder le paiement jusqu'au 15 avril. Je conclus plutôt que, de la manière dont ils ont agi, les Nicol ont donné préséance aux autres créanciers (comme la banque) et que, en tant qu'administrateurs, ils doivent, en vertu de l'article 227.1 de la Loi, être tenus solidairement responsables, avec la société, du manquement de verser les retenues à la source en cause. Même s'il n'y a que quelques versements en cause, cela ne libère pas les administrateurs de leur obligation de prendre des mesures concrètes pour prévenir le manquement de verser les retenues à la source.

[21]     En ce qui concerne Lindsay Nicol, je suis disposée à lui accorder le bénéfice du doute. La preuve révèle qu'il a été nommé administrateur en 1990, à la suite de la maladie de son père, mais qu'il ne prenait pas vraiment part aux décisions commerciales. Mme Doreen Paul a confirmé que Lindsay n'était pas consulté sur les questions financières touchant l'entreprise. Aucune question n'a été posée en contre-interrogatoire sur la scolarité ou l'expérience de Lindsay ou même sur l'âge qu'il avait au moment de la faillite. Lindsay a déclaré qu'il était jeune et qu'il faisait simplement ce que ses parents lui disaient de faire. Il a appris peu à peu à s'occuper des projets de construction mais, de toute évidence, il n'était pas l'âme dirigeante de l'entreprise. Ce n'est pas lui qui dirigeait les affaires de la société. Bien que, dans le cadre des procédures de faillite, on lui ait demandé de signer un document dans lequel il s'engageait à ce que tous les documents et registres comptables des appelants demeurent intacts, ce document ne prouve pas, selon moi, qu'il a joué un rôle actif. On a demandé sa signature parce que son nom figurait comme administrateur et, encore une fois, il a signé le document en question à la demande de ses parents. En outre, Lindsay avait signé une lettre de démission comme administrateur en 1992. Bien que cette lettre n'ait pas été déposée auprès du ministère de la Consommation et du Commerce de l'Ontario et que je ne considère pas la démission comme officielle, on peut en conclure à mon sens que Lindsay participait très peu à la gestion de l'entreprise.

[22]     Pour ces motifs, je suis d'avis que Lindsay Nicol ne devrait pas être tenu solidairement responsable, avec la société, du paiement des retenues à la source non versées. L'appel de Lindsay Nicol est admis et la cotisation établie à son égard est annulée.

[23]     Les appels de Patricia et Robert Nicol sont admis dans la mesure seulement où il faut tenir compte des montants à l'égard desquels il y a eu consentement de l'avocat de l'intimée au début de l'audition. Les cotisations établies à leur égard sont par conséquent déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations au motif que les montants réclamés doivent être réduits de 5 393,66 $ relativement à un compte et de 2 944,38 $ relativement à l'autre. Patricia et Robert Nicol demeurent responsables, aux termes de l'article 227.1 de la Loi, du paiement du solde des montants réclamés dans les cotisations.

[24]     Chaquepartie prend ses propres frais à sa charge.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'octobre 2001.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de février 2003.

Mario Lagacé, réviseur

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