Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20010419

Dossiers: 2000-729-EI,

2000-2833-EI

ENTRE :

WHILE-AWAY SECURITY SERVICES INC.,

S/N ACCURATE ALARM,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

ET

Dossiers : 2000-730-CPP,

2000-2834-CPP

ENTRE :

WHILE-AWAY SECURITY SERVICES INC.,

S/N ACCURATE ALARM,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifsdu jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1]            Les appels en l'instance sont à l'encontre d'une cotisation datée du 17 janvier 2000 et de règlements datés du 9 décembre 1999, aux termes desquels le ministre a déterminé que, au cours de différentes périodes en 1999, Peter Cole, Steven Kohuch, Sean Miller, Chris Rankin, Gavin Rankin, Gerald Schulz, Evan Titchkosky et Hospacia Vissarra, pour ce qui est de la cotisation, et Peter Marschall, pour ce qui est du règlement, exerçaient pour l'appelante des emplois aux termes de contrats de louage de services. Par conséquent, ils étaient des employés de l'appelante, et leurs emplois ouvraient droit à pension et étaient assurables au sens du Régime de pensions du Canada (le « Régime » ) et de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) respectivement, de sorte que l'appelante est tenue de payer les cotisations patronales conformément au Régime et à la Loi. Dans le cas de M. Marschall, il s'agit de déterminer si, du 5 mai au 26 juillet 1999, il était un employé de l'appelante et occupait pour celle-ci un emploi assurable ouvrant droit à pension.

[2]            L'appelante exploite sous le nom de « Accurate Alarm » une entreprise de vente et d'installation de systèmes d'alarmes de sécurité dans les secteurs commercial et résidentiel et offre ses services à divers endroits au Manitoba. M. Lawrence Rosenberg, directeur général et président de l'appelante, a déclaré qu'en 1999 celle-ci avait installé de 70 à 100 systèmes par mois.

[3]            De façon générale, lorsqu'un client demande un devis, un représentant commercial se rend sur place et propose un prix calculé selon le type de matériel nécessaire et le temps requis pour l'installer. Le taux horaire est déterminé selon une formule qui prend en considération le temps requis pour effectuer l'installation. L'appelante engage des travailleurs pour exécuter ce travail. Ces travailleurs, les installateurs, sont les personnes dont le statut doit être déterminé en l'espèce.

[4]            Les installateurs, que M. Rosenberg a parfois appelés les sous-traitants, savent qu'il y a du travail chez l'appelante grâce au « bouche à oreille » ou aux fournisseurs de l'appelante, chez qui ils laissent leur nom. Cette dernière publie aussi des annonces dans les journaux locaux. Au Manitoba, aucun permis n'est requis pour travailler comme installateur.

[5]            La pratique de l'appelante était la suivante : M. Rosenberg ou un autre employé discutait avec un travailleur potentiel du travail à effectuer. M. Rosenberg a déclaré que le travailleur était libre de travailler ailleurs et qu'il pouvait travailler aussi peu ou autant d'heures qu'il le souhaitait. Les installateurs utilisaient leur propre véhicule pour se rendre à l'endroit désigné et en revenir. Ce véhicule n'affichait nulle part le nom de Accurate Alarm. L'appelante versait à l'installateur une indemnité de kilométrage pour tout travail effectué à l'extérieur de Winnipeg. Le travailleur utilisait ses propres outils. Au besoin, l'appelante mettait à la disposition du travailleur un outil spécialisé dont il avait besoin pour effectuer un pour cent environ des installations, ainsi qu'une grande échelle coulissante.

[6]            M. Rosenberg a déclaré que le travailleur potentiel négociait la paie qu'il touchait en contrepartie de ses services. Il a indiqué aussi que le travailleur était informé qu'aucune retenue obligatoire ne serait faite sur sa paie. Les installateurs étaient payés à l'heure. M. Rosenberg a nié avoir décidé des heures et des taux de rémunération des travailleurs.

[7]            M. Rosenberg a expliqué que l'installateur sans expérience était jumelé à un employé[1] ou à un installateur expérimenté afin d' « apprendre à connaître notre philosophie » . Cette « philosophie » consiste notamment dans la méthode privilégiée par l'appelante pour faire passer le câblage, souder les connecteurs et exécuter d'autres tâches. L'installateur expérimenté touche dans ce cas un montant supplémentaire.

[8]            Les installateurs doivent avoir une apparence soignée. Ils ne portent pas d'uniforme, M. Rosenberg a-t-il déclaré.

[9]            M. Rosenberg a déclaré que les installateurs informent l'appelante à l'avance des jours et des heures où ils souhaitent travailler. Le « coordonnateur de projets auprès de la clientèle » de l'appelante attribue à l'installateur certains des travaux d'installation prévus; les installateurs peuvent refuser de faire un travail, selon M. Rosenberg.

[10]          La journée typique de l'installateur commence lorsque celui-ci ou son assistant se présente chez l'appelante pour y prendre dans un bac les pièces requises pour effectuer l'installation prévue. Il n'y a aucune procédure obligeant l'installateur à indiquer l'heure de son arrivée, a souligné M. Rosenberg. Rien non plus n'oblige l'installateur à communiquer avec l'appelante pendant la journée. Exception faite de la description du travail à effectuer, l'appelante ne donne aucune directive au travailleur. Ce dernier peut à sa discrétion améliorer l'installation prévue mais, si le coût s'en trouve modifié, il doit appeler l'appelante pour obtenir son approbation et celle du client.

[11]          L'appelante ne verse à l'installateur aucun montant supplémentaire si celui-ci engage un assistant à son compte.

[12]          L'appelante ne vérifie le travail d'un installateur que si un client lui fait part d'un problème. L'appelante offre divers types de garanties au client. La garantie de base couvre la main-d'oeuvre et les pièces pendant un an. Si une installation est mal effectuée, l'installateur concerné remédie au problème à ses frais et en dehors des heures de travail rémunérées. Si le problème se situe au niveau du matériel ou des pièces, l'appelante rembourse à l'installateur, le cas échéant, ses heures et ses frais.

[13]          Lorsqu'un système est installé dans une maison en cours de construction, l'installateur peut travailler au chantier quand il le veut puisqu'aucun rendez-vous n'est pris. Dans une maison neuve, le gros du travail est effectué avant la pose des cloisons sèches.

[14]          D'après M. Rosenberg, l'installateur doit consigner ses heures et facturer l'appelante toutes les deux semaines. L'appelante lui fournit des factures en blanc qu'il remplit et lui retourne. L'appelante a décidé de fournir les factures aux travailleurs parce que, auparavant, il lui arrivait de recevoir des factures faites sur des serviettes en papier ou d'autres feuilles de papier. L'installateur trouve une facture en blanc dans son bac au bureau de l'appelante toutes les deux semaines. L'appelante a normalement déjà reçu une facture, probablement manuscrite, de l'installateur. La nouvelle facture est une « réplique » de la facture précédente. L'appelante en conserve l'original.

[15]          Les renseignements figurant sur la facture qui a été produite au procès sont dactylographiés et indiquent le nombre de jours travaillés par l'installateur — avec les dates — , le nombre d'heures travaillées les jours en question et un total partiel des heures pour la période de deux semaines. Selon M. Rosenberg, certains installateurs présentaient des factures faites à l'ordinateur. La facture produite au procès n'indique pas le montant dû à l'installateur, bien qu'elle confirme le nom et l'adresse de ce dernier. M. Rosenberg n'a pas pu expliquer cette omission.

[16]          M. Rosenberg a déclaré que l'appelante comptait effectivement des installateurs parmi ses employés. Leur salaire, déterminé indépendamment des heures travaillées, est assujetti aux retenues à la source. Les employés bénéficient aussi d'un régime de soins de santé. MM. Peter Cole et Gavin Rankin, a expliqué M. Rosenberg, ont d'abord été des sous-traitants puis sont devenus des employés en 1999.

[17]          Les employés qui travaillent pour l'appelante, selon le témoignage de M. Rosenberg, « travaillent toujours pour nous » et ne décident pas du moment où ils veulent travailler.

[18]          M. Rosenberg a expliqué que, à mesure que l'appelante prenait de l'expansion, elle a voulu avoir ses propres employés. En 1999, elle en comptait 15 : une réceptionniste, un contrôleur, un administrateur, un coordonnateur de projets, un gérant des installations (qui traite avec les clients et s'occupe des problèmes techniques liés aux installations) et des représentants commerciaux, pour ne nommer que ceux-là. M. Rosenberg a parlé également du travail de plusieurs des travailleurs dont le statut est en litige en l'espèce. Il a déclaré qu'il n'avait pas initialement fait passer d'entrevue à M. Marschall et qu'il ne lui avait parlé que par hasard. M. Marschall a quitté l'appelante après plusieurs semaines à titre d'installateur parce que, d'après M. Rosenberg, l'argent qu'il gagnait chez l'appelante ne lui permettait pas de joindre les deux bouts.

[19]          Des postes émetteurs-récepteurs sont fournis aux installateurs qui travaillent dans les maisons neuves non pas pour tenir l'appelante au courant des progrès d'un chantier, a dit M. Rosenberg, mais pour appeler l'appelante s'ils avaient besoin d'aide. Des téléavertisseurs sont fournis aux installateurs qui sont des employés. Il arrive « parfois » que l'appelante en fournisse aux sous-traitants. Des téléavertisseurs ont été remis à Peter Cole, Gavin Rankin, Gerald Schulz et Chris Rankin avant qu'ils deviennent des employés.

[20]          Les installateurs qui étaient des employés de l'appelante effectuaient le même travail qu'avant de devenir employés, mais, d'après le témoignage de M. Rosenberg, ils devaient exécuter des tâches plus complexes. À titre d'employés, MM. Cole et Schulz répondaient aussi à des appels de service et discutaient avec les clients au téléphone. Auparavant, c'étaient M. Rosenberg et le coordonnateur de projets qui traitaient avec les clients au téléphone. M. Schulz aidait également à préparer les bons de travail au besoin.

[21]          À une occasion, l'un des travailleurs, Guy Boiteau, a touché un « taux forfaitaire » pour installer un système de sécurité. M. Rosenberg a déclaré que le paiement « au contrat » était un moyen coûteux de payer un sous-traitant, mais qu'on avait « parfois » recours à cette méthode. Il semble que, pour ce qui est des autres installations, M. Boiteau ait touché un taux horaire.

[22]          Enfin, M. Rosenberg a nié lors du contre-interrogatoire que l'appelante doive approuver l'embauche d'un assistant par un installateur ou qu'un travailleur ne puisse refuser un travail. Il a expliqué que les installateurs pouvaient échanger des travaux, mais que l'appelante essayait de « leur faire suivre un ordre logique » . Il a nié également qu'un travailleur ne puisse prendre congé pour effectuer un autre travail. M. Rosenberg a insisté pour dire que les t-shirts de la compagnie distribués par l'appelante l'avaient été à titre d'articles promotionnels et non d'uniformes.

[23]          MM. Schulz, Marschall et Vissarra ont témoigné également, M. Schulz pour l'appelante et les deux autres témoins pour l'intimé. M. Schulz, qui était un employé de l'appelante au moment du procès, a corroboré en grande partie le témoignage de M. Rosenberg.

[24]          M. Schulz compte 20 ans d'expérience dans le domaine des systèmes de sécurité, mais il n'a aucune formation régulière en électronique. Lorsqu'il a été remercié par son ancien employeur, il est allé frapper à la porte de l'appelante pour obtenir du travail, et c'est M. Rosenberg qui lui a fait passer une entrevue. Il a déclaré qu'il avait « négocié » un taux horaire à titre d'installateur à contrat. Exploitant une entreprise sous le nom de GDS Technical Services, M. Schulz installait des systèmes à son compte tout en travaillant pour l'appelante à titre de sous-traitant. Il n'y a aucune preuve que M. Schulz ait facturé l'appelante sous le nom de GDS Technical Services; en fait, on peut inférer le contraire. S'il avait réellement été entrepreneur autonome vis-à-vis de l'appelante, on peut raisonnablement conclure qu'il aurait facturé cette dernière par l'entremise de GDS Technical Services.

[25]          Lors de l'entrevue, M. Schulz a indiqué à M. Rosenberg les jours où il était disponible, et M. Rosenberg lui a confié du travail selon cet horaire. Il aurait pu refuser du travail, se rappelle M. Schulz, mais il ne l'a jamais fait.

[26]          Bien qu'il n'y ait aucune obligation de se présenter chez l'appelante, M. Schulz allait chercher le matériel dans son casier à « environ 8 h 30 » chaque matin. Il utilisait son propre véhicule pour se rendre chez les clients et ses frais de déplacement ne lui étaient pas remboursés. M. Schulz utilisait ses propres outils qui, a-t-il dit, valaient entre 2 000 $ et 3 000 $. S'il brisait un outil, il le remplaçait à ses frais.

[27]          M. Schulz se rappelle que le temps requis pour effectuer un travail variait selon les contrats et que, s'il terminait tout le travail qui lui était attribué pour une journée, il appelait l'appelante pour obtenir d'autre travail; s'il n'y en avait pas, il rentrait chez lui. L'appelante fournissait à M. Schulz un poste émetteur-récepteur qu'il pouvait utiliser en cas d'urgence ou pour appeler l'appelante si un client lui demandait d'effectuer un travail autre que celui qui lui avait été attribué par l'appelante. Avant de devenir un employé, de même que par la suite, M. Schulz a utilisé un téléavertisseur pour que le « bureau puisse entrer en contact avec moi en cas d'appel de service urgent » . À titre d'employé, il devait porter un téléavertisseur sur lui.

[28]          Pour les « tout premiers contrats, » M. Schulz a-t-il témoigné, « quelqu'un est passé pour vérifier si je connaissais mon travail » . Si M. Schulz estimait qu'un câble devait suivre un tracé autre que celui convenu par le représentant commercial et le client et qu'il en résulterait des coûts supplémentaires, il appelait l'appelante pour obtenir son approbation. Il a admis que, si son travail était mal fait, il devait y apporter les correctifs nécessaires à ses frais en dehors des heures de travail rémunérées.

[29]          M. Schulz facturait l'appelante toutes les deux semaines. Il obtenait une « feuille de papier vierge » sur laquelle il inscrivait le nombre d'heures travaillées ainsi que les dates. Il travaillait en général de quatre à six heures par jour, mais il pouvait parfois travailler jusqu'à 16 heures.

[30]          Dans ses déclarations de revenus, M. Schulz déclarait son revenu à titre d'entrepreneur autonome. Il est devenu un employé le 26 mars 1999 parce que, a-t-il dit, son épouse était malade et il avait besoin d'un régime de soins de santé et d'un « travail régulier » . À titre d'employé, son travail a changé « quelque peu » . On lui a confié la supervision des installateurs et la programmation des systèmes.

[31]          M. Schulz a fait passer une entrevue à M. Marschall pour le compte de l'appelante. Il a déclaré avoir dit à M. Marschall qu'il serait installateur à contrat et que l'appelante ne garantissait pas de nombre minimum d'heures de travail. M. Marschall ayant refusé de décrire la nature de son emploi précédent, si ce n'est pour dire qu'il travaillait dans le domaine de l'électronique, M. Rosenberg se rappelle-t-il, ils ont « discuté » d'une rémunération de 7 $ l'heure pour le premier mois, « jusqu'à ce que nous décidions s'il était compétent » . Au cours du premier mois, M. Marschall n'a pas travaillé « en autonomie » et il « n'a effectué aucune installation complète seul » . M. Schulz a estimé qu'il fallait « au moins » un mois pour expliquer aux gens la méthode d'installation utilisée par l'appelante.

[32]          M. Marschall a témoigné qu'il avait travaillé pour l'appelante du 5 mai au 26 juillet 1999, après avoir répondu à une annonce publiée dans le Winnipeg Free Press selon laquelle l'appelante était à la recherche d'un technicien en installation de systèmes d'alarme. Il a apporté son curriculum vitae lors d'une rencontre qu'il a eue avec M. Rosenberg et au cours de laquelle il a « discuté » de son expérience dans le domaine de la pose de câbles. M. Rosenberg l'a ensuite appelé à la maison pour l'informer qu' « il était engagé » . Il a nié avoir été informé qu'il serait « installateur à contrat » .

[33]          D'après M. Marschall, les heures de travail n'ont pas été discutées avec M. Rosenberg, et ce dernier lui a « dit » que son « taux à l'embauche » serait de 8 $ l'heure. Ce taux a par la suite été porté à 9,50 $ l'heure, après que M. Marschall se fut plaint qu'une fois les outils payés — 500 $ — ainsi que l'essence et les réparations, il ne « gagnait que 3 $ l'heure » et ne pouvait joindre les deux bouts.

[34]          Selon M. Marschall, il devait se rendre au bureau de l'appelante à 8 h tous les jours de la semaine. Il était alors informé du nom de la personne qu'il aiderait ce jour-là. Après qu'on lui eut remis une radio, il « appelait l'appelante pour savoir avec quel technicien il irait travailler » , s'il devait aller au bureau ou se rendre là où il fallait effectuer une installation. La plupart du temps, il se rendait d'abord au bureau de l'appelante, puis à l'endroit où l'installateur chevronné devait travailler.

[35]          Le bureau de l'appelante fermait à 17 h. Si M. Marschall terminait le travail plus tôt, il appelait l'appelante pour l'informer qu'il s'en allait chez lui. Sa journée de travail prenait fin dès la dernière installation achevée. M. Marschall a pris « quelques jours » de congé au cours de la période où il a travaillé pour l'appelante. Au cours d'une période de deux semaines en particulier, il n'a travaillé que deux jours.

[36]          M. Marschall a témoigné aussi que le t-shirt que M. Rosenberg lui avait remis était le haut à porter « de préférence » , surtout lorsqu'il s'agissait d'une installation haut de gamme ou commerciale, « pour que les gens sachent qui nous étions » . Il a expliqué également que l'appelante offrait deux types d'installations, l'une appelée Accurate Alarm et l'autre, Standard Alarm. Pour le premier type d'installation, les fils étaient dissimulés derrière le mur alors que, pour la seconde, l'appelante « ne se souciait pas trop de l'endroit où les fils étaient posés » . La commande indiquait le type d'installation souhaitée.

[37]          M. Marschall n'a jamais été responsable d'un travail mal effectué, cette responsabilité incombant à l'installateur qu'il aidait.

[38]          M. Marschall a quitté l'appelante sans préavis, apparemment après avoir informé le technicien avec qui il devait travailler ce jour-là, Chris Rankin, qu'il en avait assez et « s'en allait au bureau d'assurance-emploi » .

[39]          M. Vissarra a contesté lui aussi les témoignages de MM. Rosenberg et Schulz. Il avait travaillé comme technicien en téléphonie aux Philippines pendant 15 ans, avant d'immigrer au Canada en 1999. Il a passé une entrevue avec M. Rosenberg, qui l'a interrogé sur son expérience dans le domaine de l'installation et de l'entretien de matériel téléphonique. M. Vissarra a d'abord touché 8,50 $ l'heure et, après deux mois chez l'appelante, sa rémunération est passée à 10 $ l'heure. M. Vissarra a déclaré qu'il n'avait pas demandé de hausse, mais qu'il s'attendait à en recevoir une.

[40]          M. Vissarra a témoigné qu'il travaillait du lundi au vendredi. Il se présentait au bureau de l'appelante à 8 h et travaillait jusqu'à ce qu'il termine les commandes de la journée. M. Rosenberg, a-t-il témoigné, lui avait dit de se présenter au bureau de l'appelante tous les matins à 8 h. Il devait également appeler l'appelante chaque fois qu'il terminait un travail. En cas de maladie, il appelait le bureau de l'appelante, ainsi que le lui avait ordonné M. Rosenberg. Ce dernier lui avait dit également de l'informer à l'avance s'il voulait prendre congé.

[41]          M. Vissarra effectuait avec un « partenaire » chaque installation qui lui était confiée car il était en période de formation. Il a travaillé pendant 10 mois chez l'appelante, toujours à titre de travailleur en formation, a-t-il déclaré, même après que la période de formation eut été terminée. Il n'a installé aucun système seul, sauf pour ce qui était d'effectuer la pose des fils dans les maisons en cours de construction. Normalement, il travaillait au sous-sol et son « partenaire » travaillait à l'étage. C'est son « partenaire » , ou « chef d'équipe » , qui était responsable. Toutefois, pendant plusieurs jours avant de quitter l'appelante, M. Vissarra a été « chef d'équipe » . D'après M. Vissarra, après un mois et demi, il était formé et « n'avait plus besoin qu'on lui dise quoi faire » .

[42]          Il est tout à fait évident que, lorsque les travailleurs étaient des « travailleurs en période de formation » ou des « assistants » , ou qu'ils étaient jumelés à un autre installateur (comme le fut M. Vissarra par exemple), ils étaient des employés de l'appelante. À titre de travailleurs en formation ou d'assistants, ils n'avaient pas les compétences requises pour exploiter une entreprise pouvant raisonnablement attirer des clients. L'appelante leur indiquait la façon d'installer un système de sécurité conformément à ses procédures. Au cours de cette période, à tout le moins, les travailleurs n'exploitaient pas leur propre entreprise, mais ils dépendaient de l'appelante et travaillaient sous sa supervision.

[43]          À l'exception des témoins qui ont été entendus au procès, aucune preuve n'a été produite au sujet des périodes au cours desquelles les autres installateurs étaient des travailleurs en formation et des assistants, et de la date à laquelle ils ont cessé de l'être et ont commencé à travailler sans supervision. Cependant, malgré le fait que les installateurs ont pu cesser d'être des assistants ou des travailleurs en formation pour commencer à travailler seuls, je ne suis pas du tout convaincu qu'ils étaient des entrepreneurs autonomes.

[44]          L'avocate de l'appelante a fait valoir que les travailleurs ne travaillaient pas comme le font normalement des employés. Ils effectuaient des heures irrégulières, n'étaient pas tenus de commencer ou d'arrêter à la même heure chaque jour, et la pause du midi ne se prenait pas toujours à la même heure. Habituellement, l'employeur exige que les feuilles de travail soient remises plus souvent que toutes les deux semaines. Les travailleurs se rendaient au bureau de l'appelante tous les jours, non pas pour « faire inscrire leur présence » , a-t-elle déclaré, mais pour connaître leur travail de la journée.

[45]          De l'avis de l'avocate de l'appelante, la situation de M. Marschall différait de celle des autres travailleurs. Il avait de l'expérience dans le domaine de l'électronique et il était capable d'évaluer le coût des contrats qui lui étaient confiés. Il voulait davantage d'argent. De fait, a-t-elle déclaré, M. Marschall a accepté, lorsqu'il a été engagé, de travailler comme entrepreneur autonome. Il a par la suite changé d'idée.

[46]          La Cour d'appel fédérale a dicté l'approche que le juge de première instance doit adopter pour déterminer si un travailleur est un employé ou un entrepreneur autonome : Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N.[2]. Il doit analyser, entre autres choses, collectivement et non séparément, le degré de contrôle exercé par l'employeur sur la façon dont le travail doit être effectué, la propriété des outils et de l'équipement, ainsi que les chances de profit du travailleur et ses risques de perte. La mesure dans laquelle le travailleur est intégré à l'entreprise de l'employeur est importante. La question de savoir si le travailleur a le pouvoir d'engager quelqu'un pour effectuer le travail ou s'il doit effectuer le travail lui-même doit être prise en considération également. En fin de compte, le juge de première instance soupèse tous les facteurs, accordant à chacun le poids qui lui convient, et en arrive à une conclusion fondée sur la force de la preuve.

[47]          Le fait qu'un travailleur, comme M. Schulz par exemple, ait pu exploiter une entreprise semblable à celle de l'appelante durant la période où il travaillait pour celle-ci, ou que les outils requis aux fins de la plupart des installations étaient la propriété des travailleurs, ou encore que ceux-ci fournissaient leur propre véhicule pour se rendre aux chantiers, pèse moins lourd que la preuve indiquant que les travailleurs étaient des employés. Les travailleurs n'avaient de chance de réaliser un profit que s'ils pouvaient augmenter le nombre d'installations exécutées; cela n'est pas le propre des entrepreneurs autonomes. Les employés peuvent augmenter leur salaire en travaillant plus longtemps, à condition qu'il y ait du travail.

[48]          En 1999, les travailleurs étaient des employés de l'appelante. La plupart d'entre eux ont été formés par l'appelante pour effectuer le travail conformément à ses pratiques et procédures. Ils ne pouvaient décider d'effectuer le travail suivant des pratiques et procédures différentes. L'appelante exerçait un important contrôle sur la façon dont le travail était effectué, de façon directe au début, c'est-à-dire lorsque les travailleurs étaient en formation ou qu'ils étaient des assistants, et de façon indirecte par la suite.

[49]          Je conclus que les travailleurs étaient tenus de se présenter au bureau de l'appelante chaque matin afin d'y recevoir leurs instructions et d'être supervisés, et non pas simplement pour voir ce qui se trouvait dans leur bac. Étant donné ce que j'ai pu observer chez les témoins, je préfère le témoignage de M. Marschall et celui de M. Vissarra, selon lesquels les installateurs étaient soumis à une supervision étroite pendant le travail au moyen de la radio et du téléphone, et du fait qu'ils devaient se présenter quotidiennement au bureau de l'appelante.

[50]          Les installateurs et leur travail étaient intégrés à l'entreprise de l'appelante. Les travailleurs ne s'engageaient pas à accomplir ces tâches en tant que personnes dans les affaires à leur compte[3].

[51]          Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'avril 2001.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 3e jour de décembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-729(EI)

2000-2833(EI)

ENTRE :

WHILE-AWAY SECURITY SERVICES INC.

S/N ACCURATE ALARM,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de While Away Security Services Inc., s/n Accurate Alarm (2000-730(CPP)) et (2000-2834(CPP))

le 30 janvier 2001 à Winnipeg (Manitoba), par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Avocate de l'appelante :              Me Barbara Shields

Avocate de l'intimé :                   Me Tracy Harwood-Jones

JUGEMENT

          L'appel interjeté conformément au paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi pour la période entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 1999 est rejeté, et la décision du ministre est confirmée.


Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'avril 2001.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de décembre 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-730(CPP)

2000-2834(CPP)

ENTRE :

WHILE-AWAY SECURITY SERVICES INC.

S/N ACCURATE ALARM,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de While-Away Security Services Inc., s/n Accurate Alarm (2000-729(EI)) et (2000-2833(EI))

le 30 janvier 2001 à Winnipeg (Manitoba), par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Avocate de l'appelante :              Me Barbara Shields

Avocate de l'intimé :                   Me Tracy Harwood-Jones

JUGEMENT

          Les appels valides aux fins du paragraphe 28 du Régime de pensions du Canada sont rejetés et le règlement que le ministre du Revenu national a rendu par suite de la demande qui lui avait été présentée en vertu de l'article 27 du même régime est confirmé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'avril 2001.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de décembre 2001.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               Ainsi qu'il sera indiqué plus loin dans les présents motifs, certains installateurs figuraient sur la feuille de paie de l'appelante à titre d'employés. Ces installateurs ne sont pas visés par le présent litige.

[2]               [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025).

[3]               Voir Market Investigations Ltd. v. Minister of Social Security, [1968], 3 All E.R. 732, aux pages 738 et 739, le juge Cook, cité dans l'arrêt Wiebe Door, précité, à la page 564 (DTC : à la page 5030).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.