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Date: 20011127

Dossier: 2000-5063-IT-I

ENTRE :

C.J. BOUCHARD RÉPARATION LTÉE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

P.R. Dussault, J.C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels de cotisations concernant les années d'imposition de l'appelante se terminant le 31 octobre 1993, le 31 octobre 1994 et le 17 août 1995.

[2]            La cotisation pour l'année d'imposition se terminant le 31 octobre 1993 n'est plus en litige.

[3]            Par les cotisations pour les années d'imposition se terminant le 31 octobre 1994 et le 17 août 1995, le ministre du Revenu national (le " Ministre ") a refusé à l'appelante le report de pertes autres qu'en capital de 48 391 $ et de 68 925 $ pour chacune des années respectivement. La perte, pour un montant total de 117 316 $ a été déclarée par l'appelante pour son année d'imposition se terminant le 30 octobre 1996 et résulterait d'une déduction pour amortissement réclamée à l'égard d'un navire, le " NM Cavalier Maxim " dont elle était propriétaire. Le navire était loué " coque-nue " à la société " Les Investissements Navimex Inc. " au cours des années en cause.

[4]            Le Ministre a refusé à l'appelante la déduction pour amortissement pour l'année d'imposition se terminant le 30 octobre 1996 en invoquant l'application du paragraphe 1100(15) du Règlement de l'impôt sur le revenu (" Règlement ") et en soutenant que l'appelante ne pouvait se prévaloir du paragraphe 1100(16) du Règlement puisque la source de son revenu au cours de cette année n'était pas une entreprise mais plutôt un bien. L'appelante prétend le contraire.

[5]            Pour établir les nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national a tenu notamment pour acquis les faits énoncés aux alinéas a) à u) du paragraphe 15 de la Réponse à l'avis d'appel. Ces alinéas se lisent :

a)              " C. J. Bouchard Réparation Ltée " (ci-après, " la société ") a été constituée en vertu de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes le 19 mars 1991;

b)             durant les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 (se terminant le 17 août 1995), Guy Gagnon détenait 85% des actions avec droit de vote de l'appelante et Cyril Bouchard en détenait 15%;

c)              le 18 août 1995, la société " Voyages AML Inc. " a acquis 100% des actions de l'appelante ainsi que les actions de la société " Les Investissements Navimex Inc. ";

d)             le 31 octobre 1996, la société s'est fusionnée avec la société " Les Investissements Navimex Inc. ", et la nouvelle société porte le nom de " Les Investissements Navimex Inc. ";

e)              durant les années d'imposition se terminant le 31 octobre 1993 et 1994, le seul actif dans le compte " Immobilisation " de l'appelante était un navire nommé le " NM Cavalier Maxim ", inscrit aux états financiers au coût de 595 400 $;

f)              pour l'exercice financier se terminant le 31 octobre 1995, après l'acquisition du contrôle de l'appelante par la société " Voyages AML Inc. ", le coût de ce navire est de 1 407 766 $, tel qu'inscrit aux états financiers de l'appelante pour cette année d'imposition;

g)             selon un contrat signé le 14 novembre 1992 et libellé " Addendum à la Charte-Partie ", l'appelante loue ce navire " coque nue " à " Les Investissements Navimex Inc. " (ci-après, " Navimex ", affréteur dudit navire;

h)             Navimex possède aussi d'autres navires et fait des croisières sur le fleuve;

i)               ce contrat établissait le coût du loyer, diverses modalités, et déterminait sa durée, soit du 1er mai 1993 au 30 avril 2002;

j)               le coût du loyer fut alors établi à 270 000 $ pour les années 1993 et 1994, à 410 000 $ pour les autres années jusqu'en 1999 et à 140 000 $ pour les années 2000 et 2001;

k)              selon ce contrat, Navimex bénéficiait d'une option d'achat sur le navire pouvant être exercée le 30 octobre 1996 au prix de UN MILLION SIX CENT CINQUANTE MILLE DOLLARS (1 650 000,00 $);

l)               selon les états financiers pour les années d'imposition se terminant le 31 octobre 1995 et le 30 octobre 1996, les seuls revenus déclarés par l'appelante proviennent de la location dudit navire, soit respectivement 410 000 $ et 115 000 $;

m)             Guy Gagnon, actionnaire majoritaire, était le seul employé de l'appelante pour les années d'imposition 1994 et 1995 (se terminant le 17 août 1995), et travaillait comme directeur des ventes et du marketing pour Navimex;

n)             M. Guy Gagnon n'est plus au service de l'appelante depuis le 1 novembre 1995, date à laquelle il devint un employé du " Groupe AML Inc. ";

o)             l'appelante a versé des honoraires de gestion de 60 500 $ à la société " Groupe AML Inc. " pour l'exercice financier se terminant le 31 octobre 1995;

p)             les dettes à long terme servent à financer le seul bien de l'appelante, soit le navire ci-haut mentionné;

q)             le salaire de l'équipage, les assurances, les frais d'animation et le coût des traiteurs sont payés par Navimex durant les années en litige;

r)              le Ministre a considéré que l'appelante opérait une entreprise durant l'exercice financier se terminant le 31 octobre 1995, car en plus de la location du navire, elle offrait à Navimex, par l'entremise de son seul employé, Guy Gagnon, le service de mise en marché des croisières;

s)              le coût de ce service était inclus dans le prix de location du navire, soit 410 000 $ pour l'exercice financier se terminant le 31 octobre 1995;

t)              le Ministre considère que le revenu de l'appelante pour l'année d'imposition se terminant le 30 octobre 1996 provient d'un bien et non d'une entreprise;

u)             le Ministre a donc maintenu sa décision à l'effet que l'appelante ne pouvait pas créer une perte nette aux fins de l'impôt fédéral du revenu en réclamant une déduction pour amortissement;

[6]            Le seul témoin a été monsieur Bruno Paradis, comptable et représentant de l'appelante. Monsieur Paradis s'est dit en désaccord avec les faits énoncés à l'alinéa 15 q) de la Réponse à l'avis d'appel en ce sens que les mêmes conditions ont toujours prévalu tant avant, pendant et après les années en litige. Évidemment, il s'est aussi dit en désaccord avec les conclusions énoncées aux alinéas 15 t) et u) de cette même Réponse. Il prétend que l'appelante a toujours eu une entreprise et que ce fait a été reconnu par le Ministre pour les années d'imposition antérieures à l'année d'imposition terminée le 30 octobre 1996 pour lesquelles il lui a effectivement accordé la déduction pour amortissement réclamée.

[7]            Les paragraphes 1100(15) et (16) du Règlement prévoient ce qui suit :

                (15) Par dérogation au paragraphe (1), le total des déductions qu'un contribuable peut faire en vertu de ce paragraphe dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition, à l'égard de biens d'une catégorie prescrite qui sont des biens donnés en location à bail qui lui appartiennent, ne peut dépasser la fraction éventuelle

                                a) du total des sommes dont chacune représente

                (i) son revenu pour l'année tiré de la location, à bail ou non, ou de redevances d'un bien donné en location à bail, ou d'un bien qui serait un bien donné en location à bail, si ce n'était du paragraphe (18), (19) ou (20), lorsqu'il possède un tel bien, calculé en faisant abstraction de l'alinéa 20(1)a) de la Loi, ou

(ii) le revenu d'une société pour l'année tiré de la location, à bail ou non, ou de redevances d'un bien donné en location à bail, ou d'un bien qui serait un bien donné en location à bail, si ce n'était du paragraphe (18), (19) ou (20), lorsqu'elle possède un tel bien, dans la mesure de la contribution du contribuable à un tel revenu,

qui est en sus

                                b) du total des sommes dont chacune représente

      (i) sa perte de location, à bail ou non, ou de redevances pour l'année, relative à un bien visé au sous-alinéa a)(i), calculée en faisant abstraction de l'alinéa 20(1)a) de la Loi, ou

(ii) la perte de location, à bail ou non, ou de redevances subies par une société pour l'année, relative à un bien visé au sous-alinéa a)(ii), dans la mesure de la participation du contribuable à une telle perte.

(16) Le paragraphe (15) ne s'applique pas à l'égard d'une année d'imposition d'un contribuable qui était, tout au long de l'année,

a)une société dont la principale entreprise était

(i) la location, à bail ou non, de biens donnés en location à bail ou de biens susceptibles d'être des biens donnés en location à bail, exception faite des biens mentionnés au paragraphe (18), (19) ou (20), ou

(ii) la location, à bail ou non, de biens visés au sous-alinéa (i) ainsi que la vente et l'aménagement de biens du même type et de la même description,

si le revenu brut de la société, pour l'année, tiré de cette entreprise principale n'était pas inférieur à 90 pour cent du revenu brut de toutes provenances de la société pour l'année; ou

b)une société de personnes dont chaque associé était une société décrite à l'alinéa a).

(Le soulignement est de moi.)

Position de l'appelante

[8]            Le représentant de l'appelante a soumis des observations écrites. D'abord, il soutient que la source du revenu de l'appelante est une entreprise et non un bien et même que celle-ci avait en réalité deux entreprises plutôt qu'une, soit d'une part, la location du navire et d'autre part, le service de mise en marché des croisières par l'entremise de monsieur Guy Gagnon, qui en était le seul employé jusqu'à la fin octobre 1995.

[9]            Le représentant de l'appelante se réfère au 3ième alinéa de l'article 1525 du Code civil du Québec qui prévoit ce qui suit :

                Constitue l'exploitation d'une entreprise l'exercice, par une ou plusieurs personnes, d'une activité économique organisée, qu'elle soit ou non à caractère commercial, consistant dans la production ou la réalisation de biens, leur administration ou leur aliénation, ou dans la prestation de services.

Compte tenu de cette définition, il soutient que l'appelante exploite une entreprise en rapport avec le navire dont elle est propriétaire et qu'elle donne en location puisqu'elle administre ou gère ce bien en négociant notamment le contrat de location et en offrant un service de location.

[10]          Le représentant de l'appelante souligne également que le concept d'entreprise que l'on retrouve au paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") est général et très large puisqu'il comprend des " activités de quelque genre que ce soit. " À son avis, la location d'un navire est une activité et donc une entreprise au sens de cette disposition.

[11]          Le représentant de l'appelante rappelle la distinction existant entre revenu d'entreprise et revenu de bien. Il se réfère, à cet égard, à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Canadian Marconi Company c. Sa Majesté La Reine [1986] 2 R.C.S. 522 dans laquelle, selon lui, il a été établi qu'" une société est constituée pour exploiter une entreprise " et que " les revenus gagnés conformément aux objectifs établis lors de la constitution de la société sont présumés, jusqu'à preuve du contraire, être du revenu d'entreprise. " Il souligne que cette présomption a d'ailleurs été reconnue par Revenu Canada (maintenant l'Agence des douanes et du revenu du Canada (" ADRC ") notamment au paragraphe 8 du bulletin d'interprétation IT-73R5 dans les termes suivants :

                Si une société a été constituée en vue de tirer un revenu de l'exploitation d'entreprises, il est présumé, jusqu'à preuve du contraire, que les bénéfices qu'elle tire de ses activités proviennent de l'exploitation d'une entreprise (ou d'entreprises distinctes), comme l'explique la dernière version du bulletin IT-206, Entreprises distinctes. Ainsi, dans la période allant du début des activités envisagées (voir la dernière version du bulletin IT-364, Début de l'exploitation d'une entreprise) jusqu'à la cessation définitive de ces activités, la plupart des sociétés exploitent une ou plusieurs entreprises différentes. Toutefois, dans certaines circonstances, tous les bénéfices d'une société peuvent être considérés comme un revenu provenant de biens, comme dans le cas où la société est formée à la seule fin de détenir des actions d'une seconde société ou encore de détenir un bien à donner en location en n'assumant que des responsabilités restreintes à titre de propriétaire [...]

[12]          Le représentant de l'appelante soutient à cet égard que celle-ci a été constituée dans le but de tirer un revenu de l'exploitation d'une ou de plusieurs entreprises, que ce fait n'est pas contesté par l'intimée puisque l'on a considéré que l'appelante opérait une entreprise durant l'exercice financier se terminant le 31 octobre 1995, tel qu'indiqué à l'alinéa 15 r) de la Réponse à l'avis d'appel. Ainsi, selon lui, le revenu de location devrait être considéré comme du revenu d'entreprise puisque l'appelante n'a pas été constituée " à la seule fin de détenir un bien à donner en location en n'assumant que des responsabilités restreintes à titre de propriétaire puisqu'elle a offert d'autres services dans le passé. "

[13]          Le représentant de l'appelante se réfère également au paragraphe 7 du bulletin d'interprétation IT-177R2 dans lequel on peut lire ce qui suit :

                En général, toutefois, sous réserve des observations que renferme la dernière version du bulletin IT-420, Non-résidents - Revenu gagné au Canada, le revenu de location d'une société est considéré comme un revenu d'entreprise.

[14]          À cet égard, il souligne l'exclusion du revenu de location de biens autres que des biens immeubles aux fins de la définition d'" entreprise de placement déterminé " au paragraphe 125(7) de la Loi. À ce même paragraphe, le " revenu [...] provenant d'une entreprise exploitée activement " est défini comme comprenant le revenu " qui se rapporte directement ou accessoirement à cette entreprise mais à l'exclusion du revenu, au sens du paragraphe 129(4) [...] tiré d'une source au Canada qui est un bien. " Comme cette dernière disposition prévoit que le revenu d'une société tiré d'une source qui est un bien " comprend le revenu tiré d'une entreprise de placement déterminé qu'elle exploite au Canada ", le représentant de l'appelante conclu que le revenu de location d'un bien meuble ne constitue pas le revenu tiré d'un bien mais plutôt un revenu tiré d'une entreprise.

[15]          Enfin, le représentant de l'appelante rappelle qu'au paragraphe 9 du bulletin d'interprétation IT-371, on se réfère au bulletin d'interprétation IT-72R2 " Sens de l'expression "entreprise exploitée activement" " " qui indique l'opinion du Ministère selon laquelle une corporation tirant un revenu de locations exploite une entreprise de location et satisfait donc à l'un des critères du Règlement 1100(12). "

Position de l'intimée

[16]          Pour sa part, l'avocat de l'intimée soutient que l'exception du paragraphe 1100(16) du Règlement n'est applicable que dans la mesure où le revenu d'une société provient d'une entreprise et non d'un bien. Il s'appuie également sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Marconi (précitée) qui reconnaît cette distinction même dans le cas d'une société bien qu'on y confirme l'existence d'une présomption réfutable voulant que le revenu d'une société constituée pour exploiter une entreprise soit au premier abord considéré comme du revenu d'entreprise.

[17]          Selon l'avocat de l'intimée, l'analyse de la situation durant l'année d'imposition en litige démontre qu'il n'y a eu aucune activité de la part de l'appelante contrairement à ce qui s'était passé durant les années d'imposition antérieures alors que l'apport de monsieur Gagnon faisait en sorte que l'on pouvait considérer que l'appelante avait alors une entreprise. Ainsi, selon lui, l'appelante n'avait pas d'entreprise au cours de l'année d'imposition en litige et sa source de revenu était simplement un bien.

Analyse

[18]          La présomption réfutable selon laquelle le revenu d'une société provient d'une entreprise, reconnue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Marconi (précitée), a de nouveau été invoquée notamment dans l'affaire Hickman Motors Ltd. c. Canada [1997] 2 R.C.S. 336. Dans ses motifs, à la page 358, madame la juge L'Heureux-Dubé, tout en reconnaissant que la présomption pouvait être repoussée par une preuve à l'effet contraire, estimait qu'aucun élément de preuve n'avait été apporté à cet égard. Par ailleurs, le juge Iacobucci, bien que dissident, y rappelait la distinction fondamentale entre le revenu tiré d'une entreprise et le revenu tiré d'un bien aux fins fiscales et il se référait d'ailleurs à ce sujet à un certain nombre d'ouvrages de doctrine. À la page 396, le juge Iacobucci s'exprimait de la façon suivante :

[...] Comme le fait remarquer le professeur Vern Krishna dans The Fundamentals of Canadian Income Tax (5e éd. 1995), un revenu, par exemple un loyer, peut être un revenu tiré d'un bien ou un revenu tiré d'une entreprise. Il établit une distinction entre les deux types de revenu sur le fondement que le terme " entreprise " comporte l'idée d'une certaine activité (à la p. 260) :

[TRADUCTION] [. . .] " entreprise " renvoie à une activité économique, industrielle, commerciale ou financière et nécessite davantage que la simple propriété passive d'un bien. [En italique dans l'original.]

Dans la même veine, Harris, op. cit., affirme, à la p. 143 :

               [TRADUCTION] Le revenu passif tiré du simple fait de détenir un bien est considéré comme un revenu tiré d'un bien et non comme un revenu tiré d'une entreprise.

En outre, Peter W. Hogg et Joanne E. Magee disent dans Principles of Canadian Income Tax Law (1995), à la p. 195 :

[TRADUCTION] Un profit acquis sans effort systématique ne constitue pas un revenu tiré d'une entreprise. Il peut constituer un revenu tiré d'un bien, comme le loyer, l'intérêt ou les dividendes.

Sauf si le contribuable utilise réellement l'actif [TRADUCTION] " comme une partie d'un ensemble qui regroupe travail et capital " (Krishna, op. cit., à la p. 276), un revenu tiré de cet actif ne constitue pas un revenu tiré d'une entreprise, mais se classe plutôt dans la catégorie des revenus tirés d'un bien. [...]

[19]          Rappelons que le paragraphe 15(1) de la Loi canadienne sur les Sociétés par actions précise ce qui suit :

                La société a, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, la capacité d'une personne physique.

[20]          Ainsi, une société peut, tout comme une personne physique, être simplement propriétaire d'un bien loué à une autre personne, sans plus. Ceci est vrai que le bien soit meuble ou immeuble. Dans le cas où un bail à long terme n'implique aucune activité de la part du propriétaire qui se contente de recevoir le loyer, j'estime que l'on peut, à juste titre, conclure que la source du revenu est le bien lui-même et non une entreprise que l'on exerce à son égard. C'est l'activité nécessaire pour générer un revenu d'entreprise, bien qu'elle puisse être minimale dans certains cas, qui distingue cette source de celle qui est simplement un bien. La distinction fondée sur le degré d'activité et reconnue tant par la doctrine que par la jurisprudence est d'ailleurs reflétée dans la dernière partie du paragraphe 8 du bulletin d'interprétation IT-73R5 reproduit au paragraphe 11 des présents motifs de jugement.

[21]          Dans le cas présent, le Ministre a tenu pour acquis que l'appelante n'a eu aucune activité au cours de l'année en litige. Celle-ci n'a pas apporté de preuve d'une activité quelconque en rapport avec la location du navire. Au contraire, le représentant de l'appelante a simplement soutenu dans ses observations écrites que celle-ci avait signé un bail et offrait un service de location. D'une part, la signature d'un bail à long terme en 1992 n'est pas une activité qui puisse permettre de conclure que l'appelante avait une entreprise en 1995. D'autre part, l'appelante n'offrait pas un " service de location " durant cette année précisément parce qu'elle avait donné le navire en location à bail coque-nue plusieurs années auparavant. La seule conclusion possible est que la présomption voulant que l'appelante ait tiré un revenu d'entreprise plutôt qu'un revenu de bien a été renversée.

[22]          Il est intéressant de noter que l'article 2007 du Code civil du Québec donne la définition suivante de l'affrètement coque-nue :

                L'affrètement coque-nue est le contrat par lequel le fréteur met, pour un temps défini, un navire sans armement ni équipement, ou avec un armement et un équipement incomplets, à la disposition de l'affréteur et lui transfère la gestion nautique et la gestion commerciale du navire.

Cette définition est complétée par l'article 2010 du même Code qui prévoit ce qui suit :

                L'affréteur a l'usage du matériel et de l'équipement de bord du navire.

                Il assure le navire et en supporte tous les frais d'exploitation. Il recrute l'équipage et assume toutes les dépenses liées à l'entretien de celui-ci.

[23]          Selon le commentaire du ministre de la Justice, cet article " confirme la règle voulant que l'affréteur ait, à la fois, la gestion nautique et commerciale du navire "[1].

[24]          Comme l'a d'ailleurs reconnu le représentant de l'appelante, le bail coque-nue d'un navire, bien meuble, est comparable à un bail net net net portant sur un immeuble. Dans le cas présent, le navire NM Cavalier Maxim a fait l'objet d'un bail ou d'un contrat d'affrètement coque-nue en 1992 et ce, pour une durée de huit ans. Le loyer a été fixé à l'avance pour chacune des années. Même si certaines activités ont pu être considérées par Revenu Canada comme indicatives que l'appelante avait ou exploitait une entreprise au cours d'années antérieures à cause des activités de monsieur Gagnon en relation avec la mise en marché des croisières, la preuve apportée permet d'affirmer qu'elle n'a exercé aucune activité durant l'année d'imposition se terminant le 31 octobre 1995, monsieur Gagnon n'étant plus à son emploi. Dans les circonstances, la seule conclusion qui s'impose est que l'appelante a tiré, sous forme de loyer, un revenu d'un bien et non un revenu d'entreprise au cours de cette même année. Ceci étant, l'exception du paragraphe 1100(16) du Règlement n'est pas applicable en l'espèce. C'est la règle du paragraphe 1100(15) qui doit recevoir application.

[25]          En conséquence de ce qui précède, les appels sont rejetés.

Signé à Montréal (Québec), ce 27e jour de novembre 2001.

" P.R. Dussault "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :                        2000-5063(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 C.J. BOUCHARD RÉPARATION LTÉE

                                                                                et Sa Majesté La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Québec (Québec)                 

DATE DE L'AUDIENCE :                                    18 octobre 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         l'honorable juge P.R. Dussault

DATE DU JUGEMENT :                                      le 27 novembre 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                    Bruno Paradis

Pour l'intimée :                                       Me Simon-Nicolas Crépin

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé(e) :                                    Morris Rosenberg

                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                Ottawa, Canada

2000-5063(IT)I

ENTRE :

C.J. BOUCHARD RÉPARATION LTÉE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 18 octobre 2001 à Québec (Québec) par

l'honorable juge P.R. Dussault

Comparutions

Représentant de l'appelante :                         Bruno Paradis

Avocat de l'intimée :                                     Me Simon-Nicolas Crépin

JUGEMENT

Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu concernant les années d'imposition se terminant le 31 octobre 1993, le 31 octobre 1994 et le 17 août 1995 sont rejetés.

Le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Montréal (Québec), ce 27e jour de novembre 2001.

" P.R. Dussault "

J.C.C.I.




[1] Le Code civil du Québec, Commentaires du ministre de la Justice, les Publications du Québec, Tome II, page 1264.

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