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Date: 20011121

Dossier: 2000-431-IT-I

ENTRE :

JOSEPH LABONTÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel par voie de la procédure informelle concernant l'année d'imposition 1998.

[2]            La question en litige est de savoir si un montant de 34 804,74 $, reçu de l'ancien employeur de l'appelant en compensation d'un congédiement sans cause juste et suffisante, doit être inclus dans le revenu de l'appelant.

[3]            Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le " Ministre ") s'est appuyé pour établir sa nouvelle cotisation sont décrits au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel (la " Réponse ") comme suit :

a)              l'appelant a produit sa déclaration de revenus et de prestations (T1), pour l'année d'imposition 1998, dans le délai prescrit par la Loi de l'impôt sur le revenu (ci-après la " Loi ");

b)             l'appelant a déclaré pour l'année d'imposition 1998, un revenu d'emploi de 34 804,74 $ conformément à un T4 émis par son ancien employeur " Ornements St-Michel Inc. " (ci-après " l'employeur ") qu'il a joint à sa déclaration de revenus et prestations, T1, pour l'année en litige;

c)              selon les renseignements inscrits sur ce T4, un montant de 34 804,74 $ est inscrit à la case 14 comme revenus d'emploi et une retenue d'impôt de 5 220,71 $ est inscrite à la case 22;

d)             l'appelant est né le 25 novembre 1921 et, à cause de son âge (77 ans en 1998), il ne pouvait pas contribuer à un régime de retraite enregistré, tel que mentionné;

e)              l'appelant a encouru des frais juridiques de 8 386 $ pour récupérer un montant de 34 804,74 $ que son ancien employeur lui devait;

[4]            L'Avis d'appel faisait valoir que le montant payé n'était pas en compensation pour des heures de travail mais un montant payé pour mettre fin à un procès en l'encontre de l'employeur. Il s'agirait d'un montant payé en compensation de dommages.

[5]            À la suite de l'audience, l'appelant a fait parvenir à la Cour la décision de la Commissaire du travail, Andrée St-Georges, rendue sur la plainte de l'appelant déposée selon l'article 124 de la Loi sur les normes du travail. La plainte alléguait que l'employeur de l'appelant, Ornements St-Michel Inc. avait congédié ce dernier sans cause juste et suffisante le 11 octobre 1996. La Commissaire termine les motifs de sa décision en ces termes :

...

Son seuil de tolérance à lui [l'employeur] était peut-être atteint, vu ce qu'il endurait depuis des années. Il n'en demeure pas moins qu'il aurait dû soit en aviser le plaignant au fur et à mesure soit choisir une première mesure moins sévère que le congédiement, le 11 octobre 1996.

Pour cette simple raison, je dois accueillir la plainte de monsieur Labonté.

Cela étant, à quelle compensation celui-ci a-t-il droit? Sa réintégration est impossible et il réclame deux ans de salaire.

Compte tenu de son âge et donc, de son expectative de vie professionnelle, compte tenu également de sa faute contributoire, dans le sens où celui-ci n'est pas blanc comme neige tout de même, compte tenu, par ailleurs de ses 20 ans de service, je suis d'avis qu'une compensation équivalant à un an de salaire s'avère juste et suffisante d'autant plus que monsieur Labonté a déjà reçu un préavis de huit semaines.

Aucune preuve n'a été administrée quant aux dommages qu'aurait par ailleurs subis monsieur Labonté. Je ne peux donc les octroyer. Quant au remboursement des frais d'avocat, il ne m'apparaît pas justifié, l'intimé n'ayant pas agi, à mon avis, de façon à allonger indûment les procédures. Il ne m'apparaît pas non plus qu'en congédiant le plaignant, celui-ci ait fait preuve de mauvaise foi.

...

ORDONNE                            à ORNEMENTS ST-MICHEL INC. de verser à JOSEPH LABONTÉ un montant équivalent à un an de salaire plus les intérêts courus à compter de la date du dépôt de la plainte;

[6]            Dans ses observations écrites, l'avocate de l'intimée fait valoir ce qui suit :

Le droit

La lecture du jugement de la Commission des normes du travail soumis par l'appelant nous apprend que le montant de 34 804 $ représente une indemnité pour congédiement injustifié. En effet, il a été mis à pied par son ancien employeur, les Ornements St-Michel Inc., le 11 octobre 1996. Le droit civil québécois reconnaît le droit d'un travailleur de se voir offrir un délai congé suffisant en cas de mise à pied. L'appelant n'en ayant pas bénéficié, la Commission lui accorde l'équivalent d'un an de salaire à titre d'indemnité, plus les intérêts courus depuis la date du dépôt de la plainte à la Commission. D'où le T-4 émis par l'employeur pour 34 804 $.

Ce montant est une allocation de retraite du point de vue fiscal, car il représente une somme reçue par un contribuable à l'égard de la perte par le contribuable d'une charge ou d'un emploi, qu'elle ait été reçue ou non à titre de dommages ou conformément à une ordonnance ou sur un jugement d'un tribunal (art. 248(1) LIR). Or, cette allocation de retraite est imposable (art. 56(1)a) LIR). Les frais juridiques encourus pour faire établir un droit à celle-ci sont déductibles (art. 60(o.1) LIR) le Ministre a accordé la déduction sur la foi du document fourni par l'appelant qui provient du cabinet Bastien Champagne.

En ce qui concerne le droit de cotiser à un Régime Enregistré d'Épargne Retraite (REER), nous soumettons qu'en raison de son âge en 1998, soit 77 ans, le contribuable ne pouvait souscrire à un REER. En effet, un régime d'épargne-retraite ne peut-être enregistré lorsqu'il prévoit, entre autres, une échéance au-delà des 69 ans du cotisant (art. 146(2)b.4), ce qui évidemment serait le cas ici.

Conclusion

[7]            Commençons par la question de la contribution à un régime enregistré d'épargne-retraite REER. L'article 146(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") se lit comme suit :

                (2) Acceptation du régime aux fins d'enregistrement. Le ministre n'accepte pas aux fins d'enregistrement pour l'application de la présente Loi un régime d'épargne-retraite, à moins que, à son avis, il ne réponde aux conditions suivantes :

...

b.4)          il ne prévoit pas d'échéance postérieure à la fin de l'année au cours de laquelle le rentier atteint 69 ans;

...

[8]            Un REER doit venir à échéance au plus tard à la fin de l'année où le rentier atteint l'âge de 69 ans. Aucune prime ne peut être versée après l'échéance. Tel que mentionné par l'avocate de l'intimée, l'appelant âgé de 77 ans ne pouvait souscrire à un REER, puisqu'il n'y avait pas de REER le concernant selon la Loi.

[9]            En ce qui concerne le point principal de ce litige c'est-à-dire l'inclusion ou non d'un montant reçu en compensation d'un congédiement sans cause juste et suffisante, il faut se reporter à la définition d'allocation de retraite que l'on retrouve au paragraphe 248(1) de la Loi :

" Allocation de retraite " Somme, sauf une prestation de retraite ou de pension, une somme reçue en raison du décès d'un employé ou un avantage visé au sous-alinéa 6(1)a)(iv), reçue par un contribuable ou, après son décès, par une personne qui était à sa charge ou qui lui était apparentée, ou par un représentant légal du contribuable :

a)             soit en reconnaissance de longs états de service du contribuable au moment où il prend sa retraite d'une charge ou d'un emploi ou par la suite;

b)             soit à l'égard de la perte par le contribuable d'une charge ou d'un emploi, qu'elle ait été reçue ou non à titre de dommages ou conformément à une ordonnance ou sur jugement d'un tribunal compétent.

                                                                                                                (Le souligné est de moi)

[10]          Le montant en question a été payé et reçu conformément à la décision de la Commissaire du Travail. Ce montant avait été accordé à l'appelant en fonction de son congédiement sans cause juste et suffisante. Il s'agit donc d'une somme reçue à l'égard de la perte de son emploi par l'appelant et ce dernier a reçu cette somme conformément à une décision d'un tribunal compétent. Dans ces circonstances, je suis d'avis que le montant en litige reçu par l'appelant est une allocation de retraite au sens de la définition ci-dessus. Je me réfère aussi à la jurisprudence de cette Cour et à celle de la Cour d'appel fédérale qui dans des circonstances similaires en sont arrivées à des conclusions identiques : Clavet c. La Reine, [1996] A.C.I. no 86 (C.C.I.) (Q.L.), [1997] A.C.F. no 212 (C.A.F.) (Q.L.); Anderson c. Canada, [1997] A.C.I. no 1137 (Q.L.), 98 DTC 1190 (C.C.I.); Jolivet c. Canada, [2000] A.C.I. no 48 (C.C.I.) (Q.L.); Graham v. The Queen, [2001] T.C.J. no 461 (C.C.I.) (Q.L.).

[11]          En conséquence l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de novembre 2001.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :                        2000-431(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Joseph Labonté et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Ottawa (Canada)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    le 18 juillet 2001

(par conférence téléphonique)

SOUMISSIONS ÉCRITES REÇUES :                 le 26 août 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         l'Hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                                      le 21 novembre 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                     l'appelant lui-même

Pour l'intimée :                                       Me Stéphanie Côté

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                Ottawa, Canada

2000-431(IT)I

ENTRE :

JOSEPH LABONTÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu par conférence téléphonique le 18 juillet 2001

et soumissions écrites reçues le 21 août 2001 à Ottawa (Canada) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelant :                                            L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                                    Me Stéphanie Côté

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de novembre 2001.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.


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