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Date: 20020111

Dossier: 2000-4926-IT-I

ENTRE :

GUY LESSARD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel selon la procédure informelle concernant l'année d'imposition 1999. La question en litige est de savoir si l'appelant peut bénéficier des dispositions concernant les paiements forfaitaires que l'on retrouve aux articles 110.2 et 120.31 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") et plus spécifiquement de savoir si un paiement forfaitaire reçu en 1999 concerne une année civile au cours de laquelle l'appelant a fait faillite au sens de la définition " d'année d'imposition admissible " au paragraphe 110.21(1) de la Loi.

[2]            Les faits ne sont pas vraiment contestés. Je reproduis les alinéas pertinents du paragraphe 10 de la Réponse amendée à l'avis d'appel (la " Réponse ") qui décrivent les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le " Ministre ") s'est fondé pour établir sa nouvelle cotisation :

a)              l'appelant a déclaré faillite le 17 février 1998;

b)             le ministère du Développement des ressources humaines Canada a émis un avis de violation contre l'appelant, le 30 juin 1997 suite à une demande pour des prestations d'assurance-emploi qu'il aurait faite soit-disant frauduleusement;

c)              le 24 février 1999, une décision du Conseil arbitral du Développement des ressources humaines Canada a été rendue en faveur de l'appelant;

d)             à la suite de la décision du Conseil arbitral survenue le 24 février 1999, l'appelant a reçu durant l'année d'imposition 1999, un montant forfaitaire de 13 259 $ à titre de prestations d'assurance-emploi;

...

f)              " Développement des ressources humaines Canada " a émis à l'appelant, un relevé T4E, confirmant que la somme de 13 259 $ avait été versée à l'appelant en 1999, à titre de prestations régulières et autres prestations d'assurance-emploi;

g)             le 16 mars 2000, l'appelant a fait une demande auprès de l'Agence des douanes et du Revenu du Canada (ci-après, " ADRC "), de reporter rétroactivement à l'année d'imposition 1998, le montant de 13 259 $ qu'il avait déclaré dans ses revenus pour l'année d'imposition 1999;

...

[3]            Les faits exposés dans l'Avis d'appel sont les suivants :

1.-             Vers le mois de janvier 1998, l'appelant a fait une demande d'assurance-emploi;

2.-             Cette demande lui a été refusée pour la raison qu'il n'avait pas 1,400 heures assurables pour se rendre admissible aux prestations;

3.-             Bien qu'un prestataire dans la situation de l'appelant aurait dû se qualifier avec 510 heures assurables, la présence d'un avis de violation à son dossier le pénalisait en lui exigeant 1,400 heures pour se qualifier;

4.-             L'avis de violation avait été porté en appel au conseil arbitral, le 8 octobre 1997, qui avait rejeté les prétentions de l'appelant;

5.-             Cette décision, rendue par le conseil arbitral, avait été porté en appel au juge-arbitre, qui a accueillit l'appel de l'appelant et qui a retourné le dossier au conseil arbitral;

6.-             Le 24 février 1999, un nouveau conseil arbitral accueil l'appel de l'appelant et annule l'avis de violation;

7.-             Le 23 juillet 1999, l'appelant a demandé une reconsidération, sur la base de la nouvelle décision du conseil arbitral, pour qu'on lui paie des prestations et ce, suite à sa demande de janvier 1998;

8.-             Le Développement des ressources humaines Canada a accepté de reconsidérer la demande de janvier 1998 et lui a payé rétroactivement 13 259 $;

9.-             En 1999, Revenu Canada a imposé l'appelant pour ces sommes qui lui ont été payées pour l'année 1998, d'où le présent litige.

[4]            L'appelant a témoigné. Il se décrit comme étant contremaître, charpentier et menuisier. Il a fait faillite le 17 février 1998 parce que, selon lui, il n'avait pas reçu les prestations d'assurance-emploi auxquelles il avait droit. Il a relaté qu'il avait perdu sa maison et sa voiture. L'appelant a été libéré le 26 novembre 1998.

Arguments

[5]            L'avocat de l'appelant fait valoir qu'en vertu de la Loi sur la faillite, le montant reçu par l'appelant aurait dû être inclus dans les biens de la faillite et que par conséquent, il ne faudrait pas en tenir compte dans le revenu de l'appelant pour l'année 1999. Il se réfère, à cet égard, à la décision de la Cour suprême du Canada dans Marzetti c. Marzetti, [1994] 2 R.C.S., 765. Il se réfère plus particulièrement au passage suivant à la page 786 :

Pour ces motifs, l'intérêt que possède le failli dans un remboursement post faillite d'impôt sur le revenu peut être considéré comme un " bien " aux fins de l'al. 67c) de la Loi sur la faillite. De plus, il peut être considéré comme un des biens " constituant le patrimoine attribué [aux] créanciers [du failli] " aux fins de l'art. 67 dans son ensemble, étant donné que l'al. 67d) ne restreint d'aucune façon l'application de l'al. 67c). Telle est donc ma première conclusion.

[6]            Il se rapporte aussi à l'article 128 de la Loi et fait valoir que le montant forfaitaire de 13 259 $, reçu par l'appelant en 1999, devrait être inclus dans la déclaration de revenu faite par le syndic en conformité avec le susdit article.

[7]            L'avocat de l'intimée se réfère à l'alinéa 56(1)a) et à l'article 110.2 de la Loi. Il fait valoir que c'est dans l'année de réception du montant payé qu'il doit être inclus dans le calcul du revenu de l'année, même s'il s'agit de paiements faits en vertu d'obligations antérieures. Il se réfère à cet égard à des décisions que j'ai rendues dans Lacombe c. Canada, [2000] A.C.I. no 15 (QL) et Poulin c. Canada, [1998] A.C.I. no 36 (QL). Il cite le paragraphe 15 de cette dernière décision :

15             La notion de la réception d'une somme et de l'année d'imposition pertinente a déjà été étudiée dans la jurisprudence et je me réfère notamment à Vegso c. M.R.N., 56 DTC 173, M.R.N. c. Claude Rousseau, 60 DTC 1236 et à la décision citée par le représentant de l'intimée soit Archambault c. M.R.N., 88 DTC 1714. La jurisprudence est constante. Quand la législation prévoit qu'une somme reçue doit être incluse dans le calcul du revenu de l'année, c'est dans l'année de la réception de la somme qu'elle doit l'être et non dans les années pour lesquelles elle est versée.

[8]            L'avocat de l'intimée ajoute que la Loi prévoit par ailleurs un certain allégement fiscal pour les paiements forfaitaires reçus par un particulier après 1994. On retrouve ces dispositions aux articles 110.2 et 120.31 de la Loi. L'article 110.2 prévoit les conditions de la déduction de montants reçus par le particulier dans une année d'imposition lorsqu'ils sont des montants que le particulier était en droit de recevoir dans une année qui se termine après 1977 et avant l'année au cours de laquelle il y a eu réception du montant.

[9]            L'avocat de l'intimée se rapporte à l'article 110.2 de la Loi. Il confirme que l'appelant se qualifierait au sens de " montant admissible ". Ce sens comprend une prestation versée en vertu des parties I, VIII ou VIII.I de la Loi sur l'assurance-emploi. Il ne se qualifierait pas toutefois au sens de la " partie déterminée " d'un montant admissible puisque cette partie doit se rapporter à une année d'imposition admissible. " Année d'imposition admissible " est définie comme étant une année qui se termine après 1977 et avant l'année au cours de laquelle le particulier a reçu le montant admissible et ne s'étant pas terminée dans une année civile au cours de laquelle le particulier a fait faillite. Or, l'appelant a fait faillite en 1998.

[10]          L'avocat de l'intimée fait valoir que la partie appelante elle-même a toujours affirmé que l'année admissible applicable serait l'année 1998. C'est l'année à laquelle se rapporte le paiement des prestations d'assurance-emploi. L'avis d'appel mentionne que c'est vers le mois de janvier 1998 que l'appelant a fait une demande d'assurance-emploi et que cette demande lui a été refusée. C'est cette demande de janvier 1998 qui a été reconsidérée et à la suite de laquelle les prestations d'assurance-emploi ont été payées en 1999.

Conclusion

[11]          Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

56            Sommes à inclure dans le revenu de l'année

(1)            Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

a)             Pensions, prestations d'assurance-chômage, etc. — toute somme reçue par le contribuable au cours de l'année au titre, ou en paiement intégral ou partiel :

...

(iv)           d'une prestation versée en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage, à l'exception d'un versement lié à un cours ou un programme destiné à faciliter le retour d'un prestataire sur le marché du travail aux termes de cette loi, ou d'une prestation versée en vertu des parties I, VIII ou VIII.1 de la Loi sur l'assurance-emploi,

110.2       Définitions

(1)            Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 120.31.

" année d'imposition admissible " Quant à un montant admissible reçu par un particulier, l'année d'imposition qui remplit les conditions suivantes :

a)             elle s'est terminée après 1977 et avant l'année au cours de laquelle le particulier a reçu le montant admissible;

....

c)              elle ne s'est pas terminée dans une année civile au cours de laquelle le particulier a fait faillite;

d)             ....

" montant admissible " Montant reçu par un particulier au cours d'une année d'imposition (sauf la partie du montant qu'il est raisonnable de considérer comme étant reçue à titre ou en paiement intégral ou partiel d'intérêts) qui est inclus dans le calcul de son revenu pour l'année et qui représente l'un des montants suivants, sauf dans la mesure où le particulier peut déduire pour l'année, en application des alinéas 8(1)b), n) ou n.1), 60n) ou o.1) ou 110(1)f), un montant relatif au montant ainsi inclus :

a)             un montant qui, à la fois :

(i)             est reçu en exécution d'une ordonnance ou d'un jugement d'un tribunal compétent, d'une sentence arbitrale ou d'un contrat par lequel le payeur et le particulier mettent fin à une procédure judiciaire,

(ii)            est :

(A)           soit inclus dans le calcul du revenu du particulier tiré d'une charge ou d'un emploi,

(B)            soit reçu à titre ou en règlement total ou partiel de dommages-intérêts pour la perte d'une charge ou d'un emploi du particulier;

b)             une prestation de retraite ou de pension (sauf une prestation visée à la division 56(1)a)(i)(B)) reçue au titre ou en paiement intégral ou partiel d'une série de paiements périodiques (à l'exclusion de paiements qui auraient autrement été effectués au cours de l'année ou d'une année d'imposition postérieure);

c)              un montant visé à l'alinéa 6(1)f), au sous-alinéa 56(1)a)(iv) ou à l'alinéa 56(1)b);

d)             un montant ou une prestation visés par règlement.

" partie déterminée " Quant à une année d'imposition admissible, la partie d'un montant admissible reçu par un particulier qui se rapporte à l'année, dans la mesure où le particulier était en droit, au cours de l'année, de la recevoir.

110.2(2)Déduction pour paiements forfaitaires — Peut être déduit dans le calcul du revenu imposable d'un particulier (sauf une fiducie) pour une année d'imposition le total des montants représentant chacun la partie déterminée d'un montant admissible qu'il a reçu au cours de l'année, si ce total s'établit à 3 000 $ ou plus.

120.31    Paiements forfaitaires[étalement] —

(1)            Définitions— Les définitions figurant au paragraphe 110.2(1) s'appliquent au présent article.

(2)            Montant ajouté à l'impôt payable— Est ajouté dans le calcul de l'impôt payable en vertu de la présente partie par un particulier pour une année d'imposition donnée le total des montants représentant chacun l'excédent éventuel du montant visé à l'alinéa a) sur le montant visé à l'alinéa b) :

a)             l'impôt hypothétique payable par le particulier pour une année d'imposition admissible à laquelle se rapporte une partie déterminée d'un montant admissible qu'il a reçu et à l'égard de laquelle un montant est déduit en application de l'article 110.2 dans le calcul de son revenu imposable pour l'année donnée;

b)             l'impôt payable en vertu de la présente partie par le particulier pour l'année d'imposition admissible.

(3)            Impôt hypothétique payable— Pour l'application du paragraphe (2), l'impôt hypothétique payable par un particulier pour une année d'imposition admissible, déterminé aux fins du calcul de son impôt payable en vertu de la présente partie pour une année d'imposition (appelée " année de réception " au présent paragraphe) au cours de laquelle il a reçu un montant admissible, correspond à la somme des montants suivants :

a)             l'excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le total visé au sous-alinéa (ii) :

(i)             le montant qui correspondrait à l'impôt payable en vertu de la présente partie par le particulier pour l'année d'imposition admissible si le total des montants, représentant chacun la partie déterminée relative à cette année d'un montant admissible reçu par le particulier avant la fin de l'année de réception, était pris en compte dans le calcul de son revenu imposable pour l'année d'imposition admissible,

(ii)            le total des montants représentant chacun un montant, relatif à un montant admissible reçu par le particulier avant l'année de réception, qui a été inclus par l'effet du présent alinéa dans le calcul de l'impôt hypothétique payable en vertu de la présente partie par le particulier pour l'année d'imposition admissible;

b)             si l'année d'imposition admissible s'est terminée avant l'année d'imposition précédant l'année de réception, un montant égal au montant qui serait calculé à titre d'intérêts payables sur le montant déterminé selon l'alinéa a) s'il était ainsi calculé, à la fois :

(i)             pour la période ayant commencé le 1er mai de l'année suivant l'année d'imposition admissible et s'étant terminée immédiatement avant l'année de réception,

(ii)            au taux prescrit qui est applicable dans le cadre du paragraphe 164(3) pour la période.

[12]          La proposition de l'avocat de l'appelant voulant que le montant forfaitaire de 13 259 $ fasse partie des biens du failli en vertu des articles 67 ou 68 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité n'est pas pertinente au présent litige. Elle n'est pas présentée par la personne qui a un intérêt ni devant le tribunal compétent. Je n'ai pas à déterminer si le syndic avait droit ou non au montant en question car c'est à ce dernier à le réclamer s'il le juge approprié et devant le tribunal qui a juridiction.

[13]          Selon les faits, ce n'est pas le syndic mais l'appelant qui a reçu le paiement de ce montant, et selon la Loi, il est celui qui doit en rendre compte dans la déclaration de revenu. Le paragraphe 56(1) de la Loi est bien clair : toute somme reçue par le contribuable au cours de l'année au titre ou en paiement intégral ou partiel d'une prestation d'assurance-chômage doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable pour cette année d'imposition. C'est à l'appelant à en tenir compte puisqu'il a accepté le paiement.

[14]          Ce montant ne peut pas être déduit de son revenu pour l'année d'imposition 1999, car l'allégement fiscal prévu à l'article 110.2 ne peut pas s'appliquer. L'appelant n'y a pas droit vu que dans l'année où l'appelant était en droit de recevoir les prestations d'assurance-emploi il a fait faillite. L'année 1998 n'est donc pas une " année d'imposition admissible " aux fins de l'application de l'article 110.2 de la Loi.

[15]          L'appel doit être rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de janvier 2002.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-4926(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Guy Lessard et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 27 novembre 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                      le 11 janvier 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                    Me Reynald Auger

Pour l'intimée :                       Me Dany Leduc

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :       Me Reynald Auger

                                Étude :     Kronstrom Desjardins

                                                                                Sainte-Foy (Québec)

Pour l'intimée :                       Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

2000-4926(IT)I

ENTRE :

GUY LESSARD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 27 novembre 2001 à Québec (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Avocat de l'appelant :                                   Me Reynald Auger

Avocat de l'intimée :                                     Me Dany Leduc

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de janvier 2002.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.


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