Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date:20011109

Dossier: 2001-835-EI

ENTRE :

BINGO POINTE-AUX-TREMBLES INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifsdu jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1]            Cet appel a été entendu à Montréal (Québec) le 9 novembre 2001.

[2]            Par lettre en date du 24 novembre 2000, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) informa l'appelante de sa décision selon laquelle la cotisation du 7 janvier 2000 relativement à l'année 1998 était modifiée et que les cotisations impayées d'assurance-emploi étaient réduites à 2 934,47 $.

[3]            Le Ministre soutient que les travailleurs occupaient auprès de l'appelante un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ), pendant l'année 1998 puisque l'appelante et les travailleurs étaient liés par un contrat de louage de services au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi.

[4]            Le paragraphe 5(1)a) de la Loi se lit comme suit :

                5(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a)       un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

[5]            Le fardeau de la preuve incombe à l'appelante. Cette dernière se doit d'établir selon la prépondérance de la preuve que la décision du Ministre est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[6]            Pour rendre sa décision, le Ministre s'est fondé sur les présomptions de fait suivantes :

a)              l'appelante a été constituée le 28 octobre 1996; (admis)

b)             les actionnaires de l'appelante sont MM. Jean-François Clément et Pierre Bougie; (admis)

c)              au cours de la période en litige, l'entreprise exploitait une salle de Bingo et un snack bar situé sur la rue Sherbrooke à Pointe-aux-Trembles; (admis)

d)             l'appelante organisait des Bingo au bénéfice d'organismes à but non-lucratif; (nié)

e)              les tâches des travailleurs consistaient à vendre les cartes de Bingo, à annoncer les numéros et à vérifier les cartes des gagnants; (admis)

f)              lorsqu'en fonction, les travailleurs qui vendaient les cartes de Bingo devaient porter un chandail les identifiant comme étant des employés de l'appelante; (nié)

g)             les horaires de travail des travailleurs étaient déterminés par l'appelante; (nié)

h)             les travailleurs étaient contrôlés et supervisés par l'appelante; (nié)

i)               au cours de la période en litige, les travailleurs étaient rémunérés en argent comptant par le représentant de l'appelante à la fin de chaque soirée; (nié)

j)               durant l'année en litige, l'appelante n'a effectué, à l'égard des travailleurs, aucune retenue à la source relativement aux cotisations d'assurance-emploi ni n'a versé à l'intimé de telles cotisations. (admis)

[7]            Pierre Bougie, l'un des actionnaires de l'appelante, a témoigné que l'appelante a été incorporée le 28 octobre 1996 et que les actionnaires étaient Jean-François Clément et lui-même.

[8]            Au cours de la période en litige, l'appelante a exploité une salle de Bingo et un snack bar situé sur la rue Sherbrooke à Pointe-aux-Trembles; de fait l'appelante avait plusieurs salles.

[9]            Selon ce témoin, l'appelante aurait acheté de l'équipement et accessoires pour un casse-croûte à Pointe-aux-Trembles. Avec ces actifs, l'appelante louait les locaux et les équipements à des organismes à but non-lucratif.

[10]          Un exemple de contrat de sous-location - concernant les locaux situés au 11980 Sherbrooke est, Montréal (Québec) - pour les bingos a été déposé sous la cote A-2. Toujours selon ce témoin, l'appelante aurait signé 10 baux pendant l'année 1998.

[11]          Le paragraphe 1.01 du contrat de sous-loction se lit comme suit :

BINGO P.A.T. loue les présentes au LOCATAIRE les lieux situés au 11980 Sherbrooke Est, en la Ville de Montréal, province de Québec.

[12]          De plus, l'appelante louait des équipements.

[13]          Le paragraphe 3.01 dudit contrat se lit comme suit :

Le LOCATEUR loue également par les présentes au LOCATAIRE les équipements suivants :

.                Ameublements (tables, chaises)

.                Matériel de bureau

.                Entreposage des équipements de bingo

.                Local (bureau organismes)

.                Équipements de bingo : tableaux, caméra, télévisions, écrans, boulier, vérificateur, etc.

.                Équipements; système de son général, mini-système, communication interne

.                Assurances générales

.                Coffre-fort et système de dépôts Sécur Inc.

.                Téléphones

.                Entretien et fournitures d'entretien ( « Container » , sacs, etc ...)

.                Alarme reliée à la police.

[14]          Selon ce contrat, le locataire (l'organisme) devait produire sa licence obtenue de la Régie des alcools, des courses et des jeux. Le locataire s'engageait à respecter et à exploiter sa licence en conformité avec toutes les lois, les règlements ou les règles imposées par les autorités compétentes concernant la tenue d'événements de bingo et notamment par la Régie des alcools des courses et des jeux.

[15]          Les tâches des travailleurs consistaient à vendre les cartes de bingo, à annoncer les numéros et à vérifier les cartes des gagnants. Pierre Bougie a témoigné que l'organisme vendait les cartes de bingo, annonçait les numéros et vérifiait les cartes des gagnants. Ces travailleurs étaient payés par l'organisme. La liste des organismes a été produit sous la cote I-1 et la liste des travailleurs sous la cote A-4.

[16]          La Loi sur les loteries et ses règles imposent des obligations au titulaire de la licence de bingo.

[17]          L'article 58 des règles de cette Loi apparaissant dans la Gazette officielle du Québec (pièce A-1), en date du 8 octobre 1997, (129e année no 42), se lit comme suit :

                Le titulaire de la licence de bingo en salle est responsable de la mise sur pied et de l'exploitation d'un bingo et, lorsque sa licence l'autorise, de la vente de billets-surprise.

[18]          L'article 61 se lit ainsi :

                Les revenus nets provenant d'un événement de bingo mis sur pied et exploité en vertu d'une licence de bingo en salle doivent être établis en déduisant du montant correspondant aux ventes totales du papier de bingo la valeur des prix offerts, les coûts des services de la salle, les coûts du papier de bingo et des salaires du personnel directement lié à la mise sur pied et à l'exploitation du bingo, ainsi que les coûts de l'équipement de bingo si ceux-ci sont à la charge du titulaire de licence de bingo.

[19]          Selon Pierre Bougie, l'organisme exploitait l'événement de la soirée en vertu d'une licence de bingo. Cet organisme devait respecter les règles établies en vertu de la Loi sur les loteries.

[20]          Selon le contrat de sous-location le loyer était établi de la façon suivante (pièce A-2) :

4.01          Le présent contrat de sous-location des lieux et des équipements loués est fait en considération d'un loyer hebdomadaire maximum de QUATORZE POUR CENT (14 %) des ventes totales, taxes incluses, jusqu'à un maximum de $1,000.00 par événement taxes incluses pour la location des lieux et des équipements, ceci tel que prescrit par l'article 62 des règlements de la R.A.C.J.

                Une annexe de tarification en pourcentage des ventes détermine avec exactitude le loyer hebdomadaire.

[21]          Selon ce témoin, les employés de l'appelante qui exploitaient le casse-croûte étaient identifiés par un chandail avec l'inscription Bingo Pointe-aux-Trembles.

[22]          L'appelante a donné aux organismes des chandails différents avec l'inscription Bingo Pointe-aux-Trembles. Selon le témoignage de Benoit Bougie, un employé de l'appelante, cette dernière a fourni un chandail aux employés des organismes seulement en 1999 et non en 1998.

[23]          Selon Pierre Bougie, l'appelante a mis à la disposition des organismes un gérant payé par ces derniers.

[24]          Ce gérant s'occupait de la salle et voyait au bon fonctionnement de l'événement. L'organisme déterminait les horaires. Le gérant trouvait un vendeur selon la liste fournie par l'organisme pour remplacer celui qui était dans l'impossibilité de se présenter à une soirée quelconque.

[25]          Benoit Bougie déclare que l'appelante n'avait pas l'autorité de congédier un vendeur ou un animateur.

[26]          Les témoignages de Pierre Bougie et Benoit Bougie sont sensiblement les mêmes.

[27]          Elaine Ruet directrice administratrive à l'emploi de la Compagnie 900-227 Québec Inc. faisait la comptabilité de l'appelante en 1998. Elle a déclaré qu'il n'y avait pas de paie pour les vendeurs et animateurs qui s'occupaient du déroulement du bingo.

[28]          Michelle Douville dont le nom apparaît sur la liste des travailleurs (pièce A-4) déclare qu'elle a été engagée en 1998 par l'organisme et que son travail consistait à vendre des cartes de bingo.

[29]          Elle déclare que le gérant André Mercier lui donnait son horaire de travail et que s'il y avait un problème elle s'adressait à ce dernier. Elle déclare également que le gérant lui trouvait un remplaçant quand elle s'absentait et ajoute que le représentant de l'organisme et le gérant s'occupaient de l'événement.

[30]          La preuve a démontré que les travailleurs dont les noms apparaissent sur la liste des travailleurs sont des employés au sens de la Loi. Il s'agit de déterminer qui était l'employeur.

[31]          Le Ministre allègue que l'appelante est l'employeur alors que les témoins de l'appelante affirment que l'organisme à chaque événement est l'employeur.

[32]          La preuve des parties aurait pu être plus complète, cependant la Cour se prononce sur les faits tels que relatés.

[33]          L'appelante avait le fardeau de la preuve. Les faits sur lesquels le Ministre a fondé sa décision doivent être tenus pour avérés aussi longtemps que l'appelante n'en a pas prouvé la fausseté.

[34]          Les témoins de l'appelante sont crédibles. Il n'y a pas lieu de mettre en droit la véracité des faits. Les témoignages des principaux témoins de l'appelante, Pierre Bougie et Benoit Bougie, sont sensiblement les mêmes.

[35]          Selon ces deux témoins, André Mercier, gérant et employé de l'appelante, a été mis à la disposition des organismes afin d'assurer le bon fonctionnement de l'événement. Selon Benoit Bougie, le gérant n'avait pas l'autorité de congédier les travailleurs et ne déterminait pas l'horaire des travailleurs. Le gérant pouvait rendre service en trouvant un remplaçant à un travailleur qui s'absentait. De ce fait on ne peut conclure qu'en rendant un service à l'organisme l'appelante avait contrôle sur les travailleurs. Le gérant était seulement le représentant de l'appelante était au service des organismes et celui qui devait s'assurer du bon fonctionnement de l'événement.

[36]          Elaine Ruet qui s'occupait de la comptabilité a affirmé qu'il n'y avait pas de paie pour les vendeurs et animateurs.

[37]          Michelle Douville, seule témoin du Ministre, a affirmé qu'elle a travaillé comme vendeuse de cartes de bingo et qu'elle a été engagée par l'organisme. Elle a déclaré qu'elle s'adressait au gérant de l'appelante s'il y avait un problème; cependant on ne peut conclure par son explication que le gérant avait un contrôle sur la qualité du travail de cette vendeuse.

[38]          En 1998, l'appelante n'a pas fourni de chandails aux travailleurs.

[39]          L'organisme louait la salle et l'équipement de l'appelante. Le prix de la location était déterminé par un pourcentage moins les dépenses.

[40]          L'organisme, titulaire d'une licence de bingo, qui conduit et administre l'événement dans un commercial loué ne doit en aucune façon engager le locateur.

[41]          L'article 58 sur les règles en vertu de la Loi sur les loteries stipule que « le titulaire de la licence de bingo en salle est responsable de la mise sur pied et de l'exploitation d'un bingo et, lorsque sa licence l'autorise, de la vente de billets-surprise » .

[42]          Si l'organisme exploite le bingo, il est normal que les vendeurs et administrateurs soient engagés par lui.

[43]          L'article 61 de ces mêmes règles détermine les revenus nets provenant d'un événement de bingo mis sur pied et exploité en vertu d'une licence de bingo en déduisant les dépenses inhérentes incluant les salaires du personnel directement lié à la mise sur pied et à l'exploitation du bingo.

[44]          Le titulaire de la licence exploite l'événement du bingo. Pour l'exploitation de cet événement il faut engager des travailleurs. Ce fait est corroboré par Michelle Douville témoin du Ministre qui a affirmé qu'elle a été engagée par l'organisme.

[45]          La prépondérance de la preuve indique que l'organisme exploitant l'événement du bingo est le véritable employeur des travailleurs.

[46]          Compte tenu de toutes les circonstances, l'appelante et les travailleurs n'étaient pas liés par un contrat de louage de services au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi.

[47]          L'appel est admis et la cotisation du Ministre est annulée.

Signé à Ottawa (Canada), ce 22 jour de novembre 2001.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2001-835(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Bingo Pointe-Aux-Trembles Inc. et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 9 novembre 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge suppléant J.F. Somers

DATE DU JUGEMENT :                      le 22 novembre 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                                  Me Jasmin Picard

Pour l'intimé :                                         Nancy Dagenais (stagiaire en droit)

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelante :                                 

                                Nom :                       Me Jasmin Picard

                                Étude :                     Picard Gauthier

                                                                                Terrebonne (Québec)

Pour l'intimé :                                         Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2001-835(EI)

ENTRE :

BINGO POINTE-AUX-TREMBLES INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 9 novembre 2001 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge suppléant J.F. Somers

Comparutions

Avocat de l'appelante :                        Me Jasmin Picard

Pour l'intimé :                                      Nancy Dagenais (stagiaire en droit)

JUGEMENT

          L'appel est admis et la cotisation est annulée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa (Canada), ce 22 jour de novembre 2001.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.