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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

98-2788(GST)G

ENTRE :

YUET NAM CHOW,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 16 janvier 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge T. E. Margeson

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Jack L. Lee

Avocate de l'intimée :                           Me Lisa Macdonell

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 20 novembre 1996 et qui porte le numéro 20786, est rejeté.


Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2001.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de mars 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011010

Dossier: 98-2788(GST)G

ENTRE :

YUET NAM CHOW,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Margeson, C.C.I.

[1]      Cet appel est interjeté à l'encontre d'une cotisation du ministre du Revenu national (le « ministre » ), cotisation dont l'avis est daté du 20 novembre 1996 et qui porte le numéro 20786. Par cette cotisation, le ministre a fixé à l'appelant 42 231,27 $ de taxe sur les produits et services ( « TPS » ), 3 808,51 $ d'intérêts et 4 348,38 $ de pénalités conformément au paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ), au titre de la TPS impayée nette, des intérêts et des pénalités payables par 362900 B.C. Ltd. (la « société » ) en vertu du paragraphe 228(2) de la Loi.

[2]      L'appelant a déposé un avis d'opposition le 17 janvier 1997, le ministre a ratifié la cotisation par voie d'avis en date du 20 juillet 1998, et l'appelant a déposé un avis d'appel le 8 octobre 1998, avis qu'il a signifié au ministre le 3 novembre 1998. L'appelant était l'un des deux administrateurs de la société.

Preuve

[3]      L'appelant, Yuet Nam Chow, également connu sous le nom de Freddie Chow, était un propriétaire-exploitant de restaurant. Il habite à Vancouver (Colombie-Britannique). Durant toute la période pertinente, lui et Charles Edward Stewart (également connu sous le nom de Bud Stewart) étaient les administrateurs de la société, qui a été constituée le 4 avril 1989. Les actionnaires inscrits de la société étaient :

                             Ming Wah Gin                   10 %

                             Wah Quan Lee                     5 %

                             Barry Tsang                       10 %

                             Tommy Tsang                   10 %

                             Harvey Tsang                    10 %

                             Austin Hui                           5 %

                             Yuet Nam Chow                 25%

                             Bud Stewart                        25%

[4]      La société était propriétaire-exploitante de l'entreprise de restauration Mustard's Restaurant, située à Burnaby (Colombie-Britannique). Cette société a été un inscrit aux fins de la TPS à partir du 1er janvier 1991. L'entreprise de restauration était gérée par Bud Stewart conformément à un contrat écrit de gestion, daté du 5 avril 1989, en vertu duquel M. Stewart devait assurer quotidiennement la gestion de l'entreprise et s'occuper de temps en temps de payer les comptes de celle-ci. M. Stewart recevait un salaire mensuel de 1 000 $. Freddie Chow gérait la cuisine et ne recevait aucun salaire. Les seuls actionnaires qui étaient des employés payés de l'entreprise étaient Barry Tsang, Tommy Tsang et Harvey Tsang. La société retenait les services professionnels du cabinet d'experts-comptables Steven D. Pettigrew Ltd. et du cabinet d'avocats Epstein Wood Logie Wexler & Maerov. L'entreprise a cessé d'être d'exploitée le 23 juillet 1994.

[5]      La société a été dissoute le 2 décembre 1994 conformément à la loi de la Colombie-Britannique intitulée Company Act. L'ordonnance de séquestre indiquant que la société était en faillite a été rendue le 13 janvier 1995, et la société Campbell Saunders Ltd. a été nommée syndic. Le ministre a déposé une preuve de réclamation d'un montant de 51 385,03 $ le 8 juin 1995. Le 15 septembre 1995, le ministre a été avisé par le syndic que l'administration de la faillite de la société était terminée. Le ministre n'a reçu aucun dividende par suite de l'administration de la faillite.

[6]      Par un avis de cotisation à la tierce partie daté du 20 novembre 1996 et portant le numéro 20786, le ministre a fixé à l'appelant 42 231,27 $ de taxe, 3 808,51 $ d'intérêts et 4 348,38 $ de pénalités, conformément au paragraphe 323(1) de la Loi.

[7]      Par l'intermédiaire d'un interprète, l'appelant a dit à la Cour que Bud Stewart dirigeait un restaurant au centre commercial Coquitlam, à Coquitlam, ainsi qu'un restaurant au centre commercial Lansdowne. L'appelant avait embauché un gestionnaire anglophone. L'appelant était un ami de Bud Stewart. Ils parlaient affaires. L'appelant s'était fait dire qu'il y avait à l'Eaton Centre un restaurant qu'ils pourraient acquérir s'il pouvait fournir un investissement important. Il avait été informé qu'un restaurant semblable à celui que Bud Stewart dirigeait à Coquitlam pourrait être ouvert, et c'est ainsi qu'il est devenu un actionnaire de la société, dont il détenait 25 p. 100 des actions.

[8]      L'appelant a reconnu que la section 38 de la pièce A-2 était le contrat de gestion entre Charles Stewart et la société, mais il a dit qu'il n'avait pas vu ce document. Il ne savait pas comment ce document avait vu le jour. Il a déclaré que Bud Stewart était le seul salarié dans le restaurant. M. Stewart surveillait tout. C'était lui qui émettait tous les chèques, qui effectuait tous les dépôts et qui retenait les services des avocats et des comptables.

[9]      L'appelant avait son propre restaurant. Un an après l'ouverture, l'entreprise était en train de sombrer, personne ne travaillait, et trois des actionnaires ont alors été embauchés pour travailler là jusqu'à la fermeture définitive. L'appelant était un cuisinier et un gérant de la cuisine dans son propre restaurant. Ses affaires de TPS étaient prises en charge par le comptable à qui il faisait appel pour son restaurant. Il lui avait fallu ouvrir un compte distinct aux fins de la TPS. Il s'en remettait entièrement à son comptable, mais les documents nécessaires lui étaient présentés, pour qu'il les signe, avant d'être envoyés à Revenu Canada. En raison de cette façon de procéder, il avait l'impression que la nouvelle entreprise traiterait la TPS de la même manière.

[10]     De 1970 à 1995, l'appelant a eu une autre entreprise, qui était également un restaurant. Il a eu deux associés. L'autre associé s'occupait de la tenue des livres, et l'appelant gérait la cuisine. L'appelant n'a eu aucun problème avec cette entreprise.

[11]     Pour ce qui est de son instruction, l'appelant avait fréquenté une école secondaire de premier cycle en Chine.

[12]     On a demandé à l'appelant si la société en cause tenait régulièrement des assemblées des actionnaires, et il a répondu que non, mais il a dit qu'ils se réunissaient s'il y avait des problèmes. Le principal problème était l'argent. Si un problème se posait, ils se retrouvaient au restaurant et ils en discutaient en prenant un café. Il n'y avait pas de réunions au bureau de l'avocat ou au bureau du comptable. Il n'y a pas eu plus de dix assemblées du début à la fin.

[13]     Les discussions d'ordre pécuniaire tournaient autour du fait que l'entreprise n'avait pas assez d'argent pour payer le loyer et les autres sommes exigibles. Les associés se faisaient demander plus d'argent et ils en fournissaient. Ils se faisaient demander cela par Bud Stewart, car c'était lui qui s'occupait des livres. Cet argent était destiné à couvrir les dépenses quotidiennes, les impôts, les approvisionnements et les salaires. L'appelant s'était fait dire que quelqu'un allait acheter l'entreprise et que les associés recouvreraient leur argent. C'est pourquoi il donnait l'argent à l'entreprise. Un des associés avait accordé une hypothèque de 110 000 $ sur sa maison pour aider à payer les factures. L'appelant voulait vendre l'entreprise. Il perdait de l'argent dans cette entreprise, ce qui n'avait jamais été le cas dans ses autres entreprises. Son comptable s'occupait toujours de ses factures. Après la fermeture de l'entreprise, l'appelant s'était fait dire que l'entreprise devait de l'argent, et les associés payaient encore les factures. Chaque actionnaire payait 300 $ par mois à cet égard. Bud Stewart disait à l'appelant de fournir l'argent et il lui disait qu'il apporterait l'argent à l'avocat et que tout irait bien.

[14]     Payer l'État ne faisait pas problème à l'appelant, mais il disait : « Pourquoi devrais-je payer tout l'impôt? Je n'ai jamais touché l'argent provenant de l'entreprise et je n'avais aucun pouvoir de signature. Je sais que j'ai tort. Bud Stewart payait tout avant les impôts. »

[15]     Deux mois plus tard, l'appelant a reçu une lettre de Revenu Canada au sujet de la TPS et il ne savait pas ce qui se passait. La somme de 11 000 $ avait été payée par les actionnaires. L'appelant a fait référence à la section 62 de la pièce A-2, à savoir des chèques qu'il avait faits au restaurant. Il ne voyait pas les états financiers chaque mois. On lui disait que l'entreprise avait un état mensuel, mais il ne voyait rien. Il peut ou non avoir vu les documents figurant à la section 39 de la pièce A-2. Même s'il les avait reçus, il ne les aurait pas compris. Il a répété que, dans ses autres entreprises, son comptable lui expliquait tout cela.

[16]     Le centre commercial a fait fermer l'entreprise d'après Bud Stewart, et quelqu'un des États-Unis essayait de conclure un marché relativement à l'entreprise.

[17]     Après avoir reçu l'avis, l'appelant était allé voir les fonctionnaires de la TPS et avait expliqué ce qu'il en était. On lui avait dit d'attendre. Il n'avait pas parlé de ce problème à Bud Stewart parce que celui-ci n'était plus son ami ni son associé. Bud Stewart lui avait dit que, lorsque les factures seraient payées, il n'y aurait aucun problème. Les paiements de 500 $ par mois des associés concernant les factures de l'entreprise étaient au nom de l'avocat.

[18]     Au cours du contre-interrogatoire, l'appelant a dit que, entre 1987 et 1994, il a dirigé un restaurant de poissons et fruits de mer à Coquitlam (C.-B.). Il a en outre exploité entre 1986 et 1994 une entreprise appelée Lee's Kitchen. Il a vendu à son neveu l'entreprise appelée Lee's Seafood Restaurant. Lee's Kitchen était dirigée par Chin and Chow's Enterprises Ltd. L'appelant en était un actionnaire, mais il n'était pas certain quant à savoir s'il en était un administrateur. Il y avait deux autres actionnaires. Chacun des actionnaires avait 33 p. 100 des actions. Lee's Seafood Restaurant n'était pas une entreprise constituée en société. L'appelant en était le seul propriétaire depuis 1989.

[19]     On a fait remarquer à l'appelant que, comme propriétaire et actionnaire, il savait qu'il lui fallait remettre des paiements pour ses employés. Il a dit qu'il le savait, mais que son comptable était un Chinois et pouvait lui parler de ces questions.

[20]     En 1991, les deux entreprises étaient des inscrits aux fins de la TPS et l'appelant savait qu'il fallait verser de la TPS sur des ventes de nourriture. Il avait ouvert un compte distinct aux fins de la TPS dans le cas de ses autres entreprises, mais pas dans le cas de Chin and Chow's Enterprises Ltd. Il ne savait pas comment celle-ci avait procédé. Il avait connu Bud Stewart dans le cadre de ses relations sociales. M. Stewart était allé deux fois au restaurant de l'appelant, et ce dernier était également allé deux fois au restaurant de M. Stewart. C'était ainsi qu'ils s'étaient rencontrés. Le gérant de l'appelant connaissait également Bud Stewart. L'appelant savait que M. Stewart était né et avait été élevé à Hong Kong et il a dit qu'il l'avait appris après qu'ils se furent rencontrés et que c'était en raison de cela qu'ils s'étaient lancés en affaires. Il parlait en cantonnais environ le tiers du temps.

[21]     On a fait remarquer à l'appelant que, lorsqu'il avait été nommé administrateur de la société, il avait demandé des conseils sur ses fonctions à Jack Lee, son avocat. Il a affirmé que non. On l'a renvoyé à la page 4 de la section 45 de la pièce A-2, à savoir un questionnaire, portant sa signature, que son neveu l'avait aidé à remplir. À la question 6, figurant à la page 3, il avait répondu par l'affirmative et il disait qu'il comprenait la responsabilité en cause. On lui a fait remarquer que ses réponses au questionnaire indiquaient que, lorsqu'il avait été nommé, il avait demandé des conseils à Jack Lee. Quand le questionnaire avait été rempli pour lui, on ne lui avait pas présenté les choses de la même manière. Il a dit : « Cela fait trop longtemps de toute façon. Peut-être que je l'ai fait. » Puis il a dit qu'il pouvait avoir demandé des conseils à Jack Lee au sujet de sa participation.

[22]     Il n'était pas sûr quant à savoir quand il était pour la première fois devenu au courant des problèmes. Il traitait avec Bud Stewart. Les trois Tsang - trois frères - étaient ses beaux-frères à l'époque. Tous les autres, sauf Bud Stewart, étaient des amis ou des parents, et c'était l'appelant qui les avait intéressés dans cette entreprise comme investisseurs. L'appelant a admis qu'il avait été nommé administrateur pour représenter les intérêts de six investisseurs ou, à tout le moins, de certains d'entre eux. Il était allé retrouver Bud Stewart pour obtenir le permis d'alcool. Il était tenu de signer et il l'a fait. Il a signé la demande de permis avec Bud Stewart.

[23]     Lorsque de l'argent avait été investi dans la société, chacun des actionnaires détenant 10 p. 100 des actions avait versé 100 000 $, et chacun des actionnaires détenant 5 p. 100 des actions avait versé 50 000 $. L'appelant et Bud Stewart n'avaient pas versé d'argent. Au total, 500 000 $ avaient été versés.

[24]     L'appelant ne savait pas que la société avait des problèmes avant l'ouverture de l'entreprise. L'avenir semblait souriant. L'appelant savait bel et bien que l'on avait dépassé le budget pour les rénovations. D'autres problèmes se sont posés après cela. Le centre commercial avait fait enregistrer un privilège à l'égard du restaurant. Peu après l'ouverture, l'appelant a signé une garantie personnelle pour que la société reste en exploitation. Bud Stewart lui disait que, s'il ne le faisait pas, ce serait la fin. L'appelant n'était pas au courant que Bud Stewart avait dit qu'il avait quelqu'un d'intéressé à acheter le restaurant avant l'ouverture. En 1992 et en 1993, alors que l'entreprise était en exploitation, il savait qu'il perdait de l'argent. Au milieu de l'année 1992, Bud Stewart lui avait dit qu'ils étaient en retard dans le paiement de la TPS, du loyer et des approvisionnements. C'est pourquoi un des actionnaires avait effectué un emprunt hypothécaire de 110 000 $. On a fait remarquer à l'appelant qu'il s'était fait dire expressément que la société était en retard dans les versements de TPS, et il a dit qu'il ne comprenait pas très bien cela avant la réunion.

[25]     On a renvoyé l'appelant à la section 25 de la pièce A-2, à savoir des résolutions de la société, et il a déclaré qu'il les avait signées. Bud Stewart lui avait dit que la société avait besoin d'argent pour payer des frais. Par la suite, ils avaient eu une réunion et avaient décidé d'emprunter 110 000 $ à Ming Wah Gin pour couvrir les opérations quotidiennes. On ne lui avait pas expressément dit que cela devait servir à payer de la TPS. Il ne savait pas qu'ils étaient en retard de deux à trois mois dans les déclarations de TPS. Il ignorait que Steve Pettigrew était le comptable de la société. Il avait personnellement garanti le remboursement de l'emprunt fait à Ming Wah Gin. Il était au courant que la société avait un comptable, mais il ne savait pas de qui il s'agissait. Il a dit qu'il voyait des états financiers.

[26]     Les trois Tsang travaillaient comme cuisiniers au Mustard's Restaurant, et l'appelant était en contact avec eux régulièrement. Il se rendait au restaurant deux à trois fois par mois. Il y avait un bureau près de la cuisine. Il n'y entrait jamais pour examiner les livres et il ne vérifiait pas les factures ou les chèques payés.

[27]     Entre le début de l'entreprise en 1989 et la fermeture de celle-ci en juin ou juillet 1994, Bud Stewart a tenu dix assemblées des actionnaires. Les actionnaires se sont en outre réunis pour prendre un café peut-être 50 fois. Ils ne parlaient pas de l'entreprise tout le temps.

[28]     Parfois, mais pas toujours, M. Stewart fournissait les états financiers mensuels. Il n'avait pas dit à l'appelant que ce dernier pouvait signer des chèques. L'appelant ne croyait pas être allé à la banque pour signer des documents, ne serait-ce que la carte spécimen, de manière à pouvoir signer des chèques si quelque chose arrivait à Bud Stewart. Il n'avait pas demandé à Bud Stewart le nom de son comptable et il ne vérifiait pas auprès de Revenu Canada pour voir si la TPS était versée ou non. Il ne vérifiait pas les relevés bancaires ou les chèques oblitérés pour voir si la TPS était payée.

[29]     Au cours du réinterrogatoire principal, l'appelant a dit qu'il parlait à Bud Stewart en chinois. Après que les problèmes se furent posés, il avait versé sa part de 25 p. 100. On avait dépassé le budget pour les rénovations et, dès l'ouverture du restaurant, les affaires allaient mal. Il n'y avait pas de clients dans les centres commerciaux, et la TPS a été introduite. Les gens ont commencé à magasiner aux États-Unis.

[30]     Des réunions étaient tenues, mais pas nécessairement au bureau. Tous les actionnaires étaient là. L'appelant ne contactait pas Revenu Canada parce que Bud Stewart lui disait que tout irait bien une fois l'entreprise vendue.

[31]     En réponse à une question de la Cour, l'appelant a dit qu'il savait que de l'argent était utilisé pour payer les impôts. Il ne faisait rien pour s'assurer que l'argent était utilisé pour payer la TPS. Il disait à ses associés qu'il comptait sur Bud Stewart et sur d'autres personnes.

[32]     L'appelant a bel et bien dit savoir qu'il était responsable du paiement des impôts, ajoutant toutefois que d'autres l'étaient également.

[33]     À la suite de questions posées par la Cour, il a dit que de l'argent était donné à Bud Stewart pour qu'il le remette à l'avocat. L'appelant ne pouvait vérifier si les paiements étaient effectués, car c'était Bud Stewart qui s'occupait de cela. Ils avaient confiance en ce dernier.

[34]     Wah Quan Lee était un actionnaire de la société, dont il détenait 5 p. 100 des actions. Il était également un actionnaire de Mustard's Restaurant. Il n'en était pas un employé. Il connaissait Bud Stewart et l'appelant. Il savait que ces derniers étaient membres du conseil d'administration. L'entreprise de restauration avait été lancée en 1989, et il en était un actionnaire. Il n'arrivait pas à se rappeler quand le restaurant avait fermé ses portes.

[35]     Il s'était rendu au restaurant plusieurs fois et s'était entretenu avec Bud Stewart. On ne lui avait pas montré d'états financiers et personne ne lui en avait envoyé. Il se souvenait que Bud Stewart parlait de vendre l'entreprise. Il était d'accord pour vendre. Il ignorait si un acheteur avait été trouvé. Il savait que l'entreprise était en difficulté financière et que de la TPS était due. On lui demandait de fournir de l'argent de temps en temps pour payer les éléments d'inventaire, les impôts et d'autres sommes exigibles.

[36]     Lors du contre-interrogatoire, il a dit qu'il est le beau-frère de l'appelant. Il s'entretenait avec Bud Stewart lors de réunions. Il ne voyait pas d'états financiers à ces réunions. Il ne voyait pas grand-chose. Il donnait l'impression que les états financiers pouvaient être disponibles, mais qu'il ne les examinait pas. On n'avait pas discuté de la vente avant l'ouverture.

[37]     Ming Wah Gin a témoigné qu'il était un actionnaire de Mustard's Restaurant. Il en était un des 16 actionnaires. Il n'en était pas un administrateur. Il n'en était pas un employé non plus. Il connaissait Bud Stewart. Il connaissait aussi l'appelant. Il avait discuté de l'entreprise, mais pas tellement, avec M. Stewart et l'appelant. Il n'avait jamais vu les états financiers.

[38]     Après l'ouverture de l'entreprise, il ne s'est jamais réuni avec eux. Il n'a jamais discuté avec eux de l'entreprise de restauration après l'ouverture de celle-ci. Bud Stewart lui téléphonait s'il avait besoin d'argent. Ils ne lui ont jamais parlé de vendre l'entreprise.

[39]     Au cours du contre-interrogatoire, il a dit qu'ils avaient prêté à la société 110 000 $ en 1992 pour couvrir les frais d'exploitation. Il avait hypothéqué sa maison. Il ne savait pas si l'entreprise perdait de l'argent, mais elle avait besoin d'argent. Tous acceptaient de fournir de l'argent et ils signaient des garanties au bureau de l'avocat. Il était en droit de les poursuivre s'il n'était pas remboursé. Il a été remboursé par tous, sauf par Bud Stewart.

[40]     On lui a demandé s'il ne se préoccupait pas de ce que la société perdait de l'argent et il a dit qu'il avait confiance en eux. Il ne savait pas comment ils s'occupaient du financement. Il n'avait pas demandé une reddition de comptes. Il avait demandé à voir les états, mais on ne les lui avait pas fournis. Il avait demandé cela à Bud Stewart, car c'était ce dernier qui s'occupait de tout. Aucun des autres actionnaires ne s'occupait de quoi que ce soit. M. Chow n'avait pas le temps de s'occuper de ces choses-là; c'était Bud Stewart qui le faisait. Il ne savait pas comment ils attribuaient le travail ou les responsabilités.

[41]     Barry Tsang a témoigné qu'il était un actionnaire de Mustard's quand l'entreprise en question a démarré. Il en était un employé à cette époque. Il était un beau-frère de l'appelant. Il connaissait Bud Stewart. Il était cuisinier au restaurant. Celui-ci a fermé ses portes en juillet 1994. M. Stewart était là tous les jours. Barry Tsang ne s'occupait pas de l'administration du restaurant. M. Stewart lui avait dit qu'ils devaient de la TPS et qu'ils devaient de l'argent à des fournisseurs; on leur demandait de fournir de l'argent, et ils en fournissaient comme les autres actionnaires, sauf Bud Stewart. Barry Tsang avait fait un chèque à l'ordre de la société après la fermeture de l'entreprise et il avait fait les chèques aux avocats, c'est-à-dire huit chèques de 500 $ chacun qu'il avait donnés à M. Stewart. Ils avaient discuté de la vente de l'entreprise, mais pas avant l'ouverture de celle-ci. Il était bel et bien d'accord pour vendre l'entreprise. Bud Stewart lui avait dit qu'il y avait eu une offre, mais que celle-ci n'avait abouti à rien.

[42]     Lors du contre-interrogatoire, il a dit que l'entreprise avait démarré dans l'année suivant l'introduction de la TPS en janvier 1991. Il avait commencé à travailler là en avril ou mai 1993 et y était resté plus d'un an. Il y avait là un bureau. Il y entrait de temps en temps. Il n'examinait pas les registres. Il savait que le restaurant avait un arriéré à payer. Il ne savait pas pourquoi on avait fermé le restaurant.

[43]     Il avait initialement investi 50 000 $ dans l'entreprise et avait aussi versé de l'argent au cours de l'exploitation. Il peut avoir parfois donné quelques chèques de 2 000 $ ou 3 000 $. Il ne vérifiait pas son compte bancaire. Après la fermeture, il a donné huit chèques de 500 $ chacun. Il a toujours su que la société perdait de l'argent, mais il espérait recouvrer son argent un jour. Il ne demandait jamais de l'information au comptable et il ne vérifiait pas les états.

[44]     Lors du réinterrogatoire principal, il a dit que M. Stewart lui avait fourni certains chiffres qui provenaient de ce dernier et non d'un comptable. On l'a renvoyé aux sections 19 et 39 de la pièce A-2. Il a dit qu'il avait vu un seul de ces documents. Il s'agissait d'états de fin d'exercice. Bud Stewart ne lui en avait jamais remis pour qu'il les emporte avec lui. On l'a renvoyé à la section I de la pièce A-1, et il a dit qu'il s'agissait d'un état manuscrit qui lui avait été donné.

[45]     Tommy Tsang était un actionnaire de Mustard's et y était employé comme cuisinier. Il connaissait Bud Stewart et l'appelant. Il était un beau-frère de l'appelant. Le restaurant a fermé ses portes en 1994. Au début, il n'était pas là quotidiennement.

[46]     Il se réunissait très rarement avec M. Stewart pour parler de l'entreprise, malgré le fait qu'il le voyait quotidiennement. Il discutait de problèmes aux réunions avec les autres, mais pas régulièrement. M. Stewart parlait de la situation courante, ainsi que de la question de savoir comment allait l'entreprise. Tommy Tsang n'avait pas vu d'états financiers établis par un comptable, mais il avait vu des chiffres approximatifs établis pour lui par Bud Stewart. On l'a renvoyé à la section I de la pièce A-1 et il a dit qu'il avait vu ce document. On l'a renvoyé à la section 39 de la pièce A-2 et il a dit qu'il n'avait jamais vu ces documents. Il se faisait demander de l'argent par Bud Stewart. On leur disait que c'était pour l'entreprise. Il savait que la société devait être vendue. Après l'ouverture, Bud Stewart avait demandé à un agent immobilier de venir examiner l'entreprise.

[47]     Lors du contre-interrogatoire, Tommy Tsang a déclaré que M. Stewart lui avait dit que la société perdait de l'argent et avait besoin de fonds des actionnaires. Il ne savait pas à quoi ces fonds étaient destinés. Il a injecté 60 000 $ à 65 000 $ au total. Il avait demandé une reddition de comptes à M. Stewart, mais celui-ci ne lui avait pas donné les états financiers figurant dans la pièce consignée en preuve. M. Stewart lui avait donné des états indiquant que la société était redevable de cette somme et avait besoin de plus d'argent pour payer les factures.

[48]     Harvey Tsang a témoigné qu'il a été un actionnaire de Mustard's Restaurant à partir de l'ouverture. Il y a ensuite été un cuisinier également. Il connaissait Bud Stewart. Il le voyait presque tous les jours. L'appelant est son ancien beau-frère. Parfois, l'appelant se rendait au restaurant pour discuter. Bud Stewart ne parlait pas de l'entreprise. Il parlait parfois de difficultés financières, ainsi que du fait que de l'argent était dû au titre de la TPS. Il avait demandé de l'argent à ce témoin. Ce dernier l'avait versé. Bud Stewart disait que c'était pour payer la TPS et les dettes. Ils pensaient qu'ils remboursaient complètement les dettes. Harvey Tsang a donné de l'argent deux ou trois fois. Il n'a jamais reçu d'états financiers de la part de Bud Stewart. Quand on l'a renvoyé à la section 39 de la pièce A-2, il a dit qu'il n'avait jamais vu ces documents. Il n'avait jamais su qui était le comptable.

[49]     Au cours du contre-interrogatoire, il a dit qu'il avait initialement investi 50 000 $ dans l'entreprise. Après cela, il avait en outre versé environ 20 000 $. Il était préoccupé, mais il n'examinait pas les états financiers pour voir quelle était la cause des difficultés. Il n'a pas essayé de découvrir qui était le comptable et ne s'est pas renseigné auprès de Revenu Canada.

[50]     L'appelant a été rappelé à la barre et on l'a renvoyé aux sections C et D de la pièce A-1. En ce qui a trait à la section C, il a reconnu que c'était de l'avocat de la société qu'il s'agissait et il a dit que la page 3 était exacte. Pour ce qui est de la section D, il a reconnu ces documents et a reconnu qu'on leur avait dit qu'ils devaient de la TPS.

[51]     Lors du contre-interrogatoire, l'appelant a dit que, après la fermeture du restaurant, ils avaient versé de l'argent pour le remboursement des dettes. À sa connaissance, ces documents indiquent comment a été affecté cet argent. Jamais il n'avait contacté l'avocat personnellement. Il a fait remarquer que l'argent était donné pour que toutes les factures soient payées et qu'il s'attendait que cela soit fait.

[52]     L'intimée a appelé à la barre Charles E. Stewart, également connu sous le nom de Bud Stewart. M. Stewart a été élevé à Hong Kong et y a étudié jusqu'en dixième année. Il est venu au Canada en 1954. Il parle cantonnais. Dans les années 1950, il s'est engagé dans la Marine royale du Canada pour trois ans, puis il a travaillé à Toronto pour une société appelée High Grade Containers. Il est ensuite retourné dans l'Ouest, car sa mère, de Hong Kong, y déménageait. Il travaillait pour la Banque Royale du Canada le soir et pour Rainbird Sprinklers le jour. Il a oeuvré dans le domaine de la restauration à partir de 1976. Il a travaillé au Trolls' Pub de Horseshoe Bay, puis au Troll's Restaurant de North Vancouver, comme gérant. Puis, pendant dix ans, il a joué un rôle au Troll's Restaurant du Coquitlam Centre. Toutes ces entreprises ont eu du succès. Ils sont allés au centre commercial Metrotown de Burnaby pour l'entreprise en cause. C'est le plus gros centre commercial de la Colombie-Britannique.

[53]     Mustard's Restaurant, dont l'ouverture remonte à 1991, appartenait à la 362900 B.C. Ltd. M. Stewart avait retenu les services de l'avocat, Byron Woods, qui a fait enregistrer la société. Celle-ci avait en outre un comptable. M. Stewart a dit qu'il n'en était pas un actionnaire. Son épouse avait 25 actions. Il a ensuite dit qu'il peut en avoir été un actionnaire au début. Il en était un administrateur avec l'appelant. Il en était le président et M. Chow en était le secrétaire. M. Stewart en a été le gestionnaire et le surveillant, puis il a embauché quelqu'un comme gestionnaire. Il essayait de faire en sorte que l'entreprise de restauration démarre. La cuisine commandait les provisions. Ils offraient des aliments divers et essayaient principalement d'obtenir la clientèle du midi.

[54]     M. Stewart se réunissait avec M. Chow à son restaurant et M. Chow se rendait à Mustard's quand il magasinait dans le centre commercial. M. Stewart avait dit à l'appelant que c'était une belle occasion. Le locateur avait fourni de l'argent pour les améliorations locatives. Quand il s'entretenait avec M. Chow, c'était principalement en anglais.

[55]     Mustard's Restaurant était un inscrit aux fins de la TPS. Le comptable était Steven Pettigrew. Ses services avaient été retenus par M. Stewart. Les livres étaient gardés dans un cubicule situé près de la cuisine. Les reçus de caisse mensuels y étaient disponibles. Le soir, M. Stewart fermait à clé les portes coulissantes, mais, le jour, le cubicule était ouvert.

[56]     Il y avait eu un différend au sujet des rénovations. Le locateur avait retenu 90 000 $ à 95 000 $ avant l'ouverture. L'impact sur le démarrage du restaurant avait été terrible. Le constructeur avait fait enregistrer un privilège à l'égard du restaurant. Ce privilège avait été supprimé lorsque les deux avaient signé des garanties personnelles. Le midi, ça allait, mais, le soir, la situation était « catastrophique » . Les heures d'ouverture du centre commercial avaient une incidence sur leur entreprise, et la densité de la circulation créait également un problème. On évitait l'entreprise à cause de la densité de la circulation. Les rentrées d'argent étaient insuffisantes. Les ventes étaient sous la normale. « On était dans une situation désavantageuse. » Tous les actionnaires étaient au courant de cela. Plusieurs des actionnaires travaillaient aussi au restaurant. Ils avaient des états mensuels et tenaient mensuellement des réunions.

[57]     En 1991 et en 1992, les revenus ne leur permettaient pas de régler en temps opportun les comptes relatifs aux approvisionnements et le reste des factures. Il a fallu que les investisseurs injectent de l'argent du début à la fin. Ils tenaient une réunion, dressaient la liste de tous les créanciers et déterminaient combien d'argent était nécessaire. M. Stewart ne demandait pas une somme précise. M. Gin fournissait l'argent et tous les autres signaient des garanties. L'argent était versé aux créanciers les plus insistants. Il s'agissait du locateur et de B.C. Hydro. C'était M. Stewart qui avait décidé de payer ces comptes.

[58]     L'appelant n'avait pas dit à M. Stewart de payer d'abord la TPS. M. Chow était là deux fois par semaine. D'autres actionnaires ont commencé à travailler à cet endroit pour le préparer pour l'ouverture. Les actionnaires ont été des employés dès le début. Les trois frères Tsang étaient des employés. Ils étaient des beaux-frères de M. Chow.

[59]     Mme Chow a travaillé au restaurant quand celui-ci a été ouvert. Le restaurant a fermé ses portes en 1994. M. Chow avait accès aux états financiers; des copies des états étaient remises à chacun des actionnaires. Ils examinaient les états au bureau et les y laissaient. Ils avaient des réunions une fois par mois.

[60]     On a renvoyé M. Stewart à la section 61 de la pièce A-2, et il a dit qu'il connaissait bien ces documents. Il s'agissait des états financiers qu'il apportait aux réunions des actionnaires. Ces documents étaient établis par M. Pettigrew. La page 3 indiquait qu'il y avait eu une perte de 31 799,49 $ sur une période de deux mois. La page 9 indiquait que, pour les trois mois se terminant le 30 juin 1991, il y avait eu une perte de 51 801,73 $. À la page 15, l'état montrait que, pour les quatre mois se terminant le 31 juillet 1991, la perte avait été de 76 395 $, ce qui était exact. À la page 21, il était indiqué que, pour la période de cinq mois se terminant le 31 août 1991, la perte avait été de 91 656,14 $, ce qui était exact. La société avait produit des déclarations de revenus. Celles-ci ont été admises en preuve sous la cote A-2, section 59. Il s'agissait des déclarations de revenus de la société pour la période allant du 1er avril 1991 au 31 mars 1992. La page 13 faisait état d'une perte de 162 223 $. La section 60 de la pièce consignée en preuve était également une déclaration de revenus. Cette déclaration pour l'année 1993 indiquait une perte de 309 915 $.

[61]     Le témoin a dit que tous les actionnaires avaient accès à ces documents. Les actionnaires avaient des réunions mensuelles et cette déclaration y était accessible à tous. M. Chow - l'appelant - était un dirigeant, et son nom figurait dans les documents à signer. M. Stewart ne savait pas si M. Chow lisait les documents, mais ceux-ci étaient toujours disponibles.

[62]     Des tentatives pour vendre l'entreprise avaient été faites en 1992 et en 1993. Vers la fin, certaines personnes s'étaient présentées et avaient examiné les lieux. Ils avaient reçu une offre et le centre commercial leur avait signifié un avis. De la TPS avait été perçue. Cela était indiqué dans les états mensuels.

[63]     On a demandé à M. Stewart quel système avait été établi pour le paiement de la TPS. Il a dit qu'un compte distinct n'était pas tenu aux fins de la TPS et que l'argent allait dans le compte d'exploitation.

[64]     Les fonctionnaires de Revenu Canada s'étaient présentés deux fois et M. Stewart leur avait dit que le compte pourrait être payé lorsque l'entreprise serait vendue. Ils avaient accepté cela. C'était en 1992 ou en 1993. M. Chow était là. Les fonctionnaires de la TPS voulaient se réunir avec les administrateurs. Le témoin a dit que M. Chow s'était réuni avec un représentant de Revenu Canada. Sa position était que M. Chow avait 75 p. 100 des actions, non pas à son nom, mais indirectement. Les 50 p. 100 étaient répartis entre six personnes. Il s'agissait d'actionnaires officiels.

[65]     M. Stewart a reconnu la section 53 de la pièce consignée en preuve, à savoir les comptes des prêts des actionnaires, qui avaient été établis par Steve Pettigrew. La section 34 était un document montrant que la société avait été acculée à la faillite par le centre commercial. Rien n'avait été payé à qui que ce soit. Après la fermeture de l'entreprise, l'appelant a payé certains créanciers. Il dirigeait le restaurant Mulvaney's à l'époque. Il a payé des créanciers avec son propre argent. Les autres actionnaires n'ont rien versé. On a renvoyé M. Stewart à la section C de la pièce A-1, qui faisait état de dépôts effectués pour payer des comptes d'avocats et de créanciers, mais le compte de TPS n'était pas un des comptes qui avaient été payés. M. Chow n'avait pas dit à M. Stewart de payer la TPS.

[66]     Au cours du contre-interrogatoire, M. Stewart a dit que M. Chow savait que les actions étaient au nom de son épouse. M. Chow avait dit à M. Stewart qu'il allait fournir de l'argent et qu'ils devraient avoir chacun 25 p. 100 des actions pour avoir mis sur pied l'entreprise. M. Stewart était très enthousiaste à l'idée d'avoir des investisseurs. C'était après que M. Stewart le lui a demandé que l'avocat avait fait inscrire la société aux fins de la TPS. Le centre commercial avait retenu des fonds sans lui en parler. Chacun des actionnaires avait une copie des états. Les états financiers figurant à la section 39 de la pièce consignée en preuve n'incluaient pas de TPS, mais il ne savait pas pourquoi. Les choses allaient mal. Il avait produit certaines déclarations et n'avait pas demandé au comptable pourquoi la TPS n'était pas incluse. Il avait retenu les services d'un avocat, Byron Woods, pour que ce dernier travaille avec le comptable au remboursement des dettes de la société. Il avait payé le compte relatif aux enseignes au néon. Il était un garant, tout comme M. Chow. Il n'avait pas couru après M. Chow concernant ce paiement.

[67]     Les sections F et G de la pièce A-1 ont été admises en preuve. La section F se rapportait à l'un des fournisseurs. Ce compte avait été réglé. La lettre du 17 novembre 1994 a également été admise en preuve. La section H a été admise en preuve, sauf la dernière page. Pour ce qui est de la section I, le témoin a dit qu'il avait rédigé ce document, pour les réunions des actionnaires, et que ce document indiquait qui étaient les créanciers. Dans le cas de la plupart des réunions, les états du comptable étaient là. La section I a été admise en preuve, ainsi que la section J.

[68]     On a demandé au témoin pourquoi ils ne payaient pas la TPS. Il a dit que c'était parce que les fonctionnaires de la TPS ne faisaient pas pression sur eux à cette époque et ne menaçaient pas de prendre des mesures.

[69]     On a renvoyé M. Stewart à la section F de la pièce A-1, et il a dit que tous étaient au courant que de la TPS était due. Toutefois, ils payaient seulement les créanciers qui faisaient pression sur eux à cette époque. Il avait remis à Thorsteinssons la sommation relative à la TPS. Il a fait référence à la section D de la pièce et a dit qu'il connaissait bien ces documents. Il s'agissait de factures afférentes à des travaux accomplis par son avocat, Byron Woods. Il n'arrivait pas à se souvenir des instructions.

[70]     Il était responsable du démarrage de la société. Cela ne s'était pas bien passé. Ils étaient à court d'argent. Il devait faire les chèques, verser les salaires, effectuer les opérations bancaires et s'occuper de toutes les questions financières. Il y avait un contrat de gestion. La section D de la pièce a été admise en preuve par consentement.

[71]     Il a reconnu le contrat de gestion figurant à la section 38 de la pièce A-2. C'était Byron Woods qui avait suggéré que ce document soit établi. Les actionnaires étaient au courant de cela. Ils se parlaient hebdomadairement. M. Stewart devait payer l'impôt sur le revenu et produire les déclarations de revenus.

[72]     Ce témoin avait retenu les services du comptable, M. Pettigrew. Il lui avait parlé de la TPS et lui avait dit qu'il y avait un arriéré. Il disait qu'ils devraient rencontrer les fonctionnaires de la TPS. Des états avaient été fournis mensuellement, puis bimestriellement. Il donnait ces états aux actionnaires lors des réunions à tous les deux ou trois mois. Ils discutaient des problèmes quotidiennement. M. Stewart parlait aux actionnaires et parlait à M. Gin et à M. Chow plusieurs fois par semaine. Il avait vu les états financiers figurant à la section 39 de la pièce A-2. Ils les recevaient. Il n'était pas fait mention de la TPS dans les états, a-t-il dit, mais ils en discutaient souvent. La section 39 de la pièce A-2 a été admise en preuve. On a renvoyé M. Stewart à la section 61 de la pièce A-2 et on lui a fait remarquer qu'aucun de ces documents ne faisait état de la TPS, mais il a dit qu'ils en discutaient. Ces documents ont été admis en preuve. Il y avait également d'autres états qui étaient disponibles aux réunions. Il payait les comptes après coup, car il avait des garanties personnelles. Lorsque des comptes étaient en souffrance, il donnait une liste des créanciers aux actionnaires, et ils payaient ce qu'ils pouvaient. Ils effectuaient des paiements suffisants pour tenir les créanciers à distance. Tous les gros fournisseurs avaient des garanties des actionnaires.

[73]     On a renvoyé M. Stewart à l'avis de cotisation figurant à la section 2 de la pièce, à savoir une cotisation trimestrielle de 8 000 $ à 10 000 $. Il discutait des états financiers avec tous les actionnaires. On l'a renvoyé à la section 53 de la pièce, à savoir les comptes des actionnaires, et il a dit qu'il n'était pas un actionnaire, mais que son nom était là parce qu'il travaillait pour la société.

[74]     Avant l'ouverture du restaurant, ils avaient eu une offre d'achat, qui avait été rejetée par certains des actionnaires. Ultérieurement, le prix qu'ils demandaient pour l'entreprise était trop élevé. L'offre avait été transmise aux actionnaires. M. Stewart et l'appelant étaient allés à Horseshoe Bay en voiture et avaient parlé de l'offre. C'était une offre de 600 000 $ à 700 000 $ d'un monsieur d'origine chinoise. L'offre était bien supérieure à ce qu'ils avaient investi. Elle avait été rejetée parce qu'ils pensaient tous que l'entreprise serait prospère. Après l'ouverture, il n'y a pas eu d'offre d'achat.

[75]     L'emprunt des 110 000 $ à M. Gin n'avait pas été demandé par M. Stewart. Cet argent devait être utilisé pour rembourser les créanciers. La société s'en est servi pour payer les factures. On a renvoyé M. Stewart à la section 13 de la pièce A-2 et il a dit qu'il avait payé sa part proportionnelle à M. Gin. Il a des chèques oblitérés pour corroborer cela. Tous les chèques de Mustard's Restaurant étaient signés par lui. Personne n'a été remboursé pour ce qui est des prêts des actionnaires. M. Chow était là quand ils avaient discuté de l'offre d'achat. Les trois frères étaient contre cette offre. Six mois à un an après l'ouverture, le restaurant a été mis en vente par l'intermédiaire de différents agents. Une connaissance de M. Stewart avait inscrit un montant sur un bout de papier représentant une offre d'achat. M. Stewart estimait que cette personne « cherchait simplement à en savoir plus long » . Il n'était pas au courant que M. Hui avait transféré ses actions.

[76]     Il a répété qu'ils incorporaient l'argent de la TPS dans le compte général et le dépensaient. Il n'y avait jamais assez d'argent pour régler les comptes. Tout ce qu'ils pouvaient faire était de tenir les créanciers à distance. Si les fonctionnaires de la TPS les avaient menacés de prendre des mesures, ils auraient probablement réglé le compte. Ils entendaient payer la TPS une fois l'entreprise vendue. Ils l'avaient dit aux fonctionnaires de la TPS.

[77]     Ce témoin a dit que tous les actionnaires avaient accès aux chèques oblitérés et aux états. Ces documents n'étaient jamais sous clé. Tous les actionnaires avaient des clés pour accéder aux locaux de l'entreprise et avaient accès à la pièce où les registres étaient gardés. Tous les actionnaires savaient que la TPS était impayée. Ils parlaient tout le temps de la question de savoir qui étaient les créanciers. Ils savaient qui étaient les créanciers qu'il était urgent de payer. M. Chow était là quand le fonctionnaire de la TPS s'était présenté. Le fait qu'ils ne paieraient la TPS qu'après la vente n'avait jamais été contesté.

[78]     Lors du réinterrogatoire principal, le témoin a fait référence à la section 17 de la pièce A-2. Il s'agissait d'un document sur du papier à en-tête de M. Pettigrew. Il avait pris des arrangements pour verser une certaine somme à Revenu Canada. La section 35 de la pièce A-2 se rapportait aux déclarations de TPS finales. Ce témoin a dit qu'il ne se souvenait pas de la date à laquelle ces documents lui avaient été envoyés.

Réfutation

[79]     Dans sa réplique, l'appelant disait qu'il ne recevait pas les états tout le temps. Il n'allait pas toujours aux réunions. Il lui arrivait d'y aller une ou deux fois par mois. Les trois autres actionnaires n'étaient pas là. Ils étaient à MacKenzie, de sorte qu'on ne leur avait pas parlé de l'offre de 650 000 $.

Arguments de l'appelant

[80]     Dans son argumentation, l'avocat de l'appelant a fait référence à l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, disant que cet article impose une responsabilité objective aux administrateurs en cas de défaut de versement, mais que le paragraphe 227.1(3) prévoit une défense de diligence raisonnable. « Essentiellement, cette défense permet à l'administrateur de ne pas encourir de responsabilité si, pour prévenir le manquement (à l'obligation de déduire ou remettre une somme), il a agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables. »

[81]     L'avocat a renvoyé à l'affaire Soper c. Canada (C.A.), [1998] 1 C.F. 124 (97 DTC 5407) et il a fait valoir que quatre principes ont été établis dans cette affaire, à savoir : 1) il ne faut pas assimiler les administrateurs à des fiduciaires; 2) l'administrateur n'a pas besoin de manifester, dans l'exercice de ses fonctions, un degré de compétence et de soin supérieur à ce qu'on peut attendre d'une personne ayant ses connaissances et son expérience; 3) l'administrateur n'est pas obligé de consacrer son attention en permanence aux affaires de la société, et il n'est même pas tenu d'assister à toutes les réunions du conseil; 4) l'administrateur peut à juste titre compter sur les dirigeants de la société pour s'acquitter avec intégrité des fonctions qui leur ont été régulièrement déléguées, sauf s'il a des motifs d'avoir des soupçons.

[82]     L'avocat soutenait que la norme de diligence établie en vertu du paragraphe 227.1(3) est intrinsèquement flexible. Elle varie selon les circonstances. Il ne s'agit pas nécessairement d'une norme professionnelle.

[83]     Pour qu'il soit satisfait à la disposition relative à la diligence raisonnable, il est permis qu'un administrateur ait compté sur le gestionnaire des opérations quotidiennes pour le paiement des dettes. Une obligation de faire se pose lorsqu'un administrateur obtient des renseignements ou devient au courant de faits qui indiquent un problème potentiel de versement. En l'espèce, l'appelant n'est devenu au courant que la société avait des dettes, y compris en matière de TPS, que lorsque M. Stewart a convoqué une réunion pour obtenir plus d'argent. L'appelant a recueilli des fonds auprès des actionnaires et M. Stewart lui a assuré que l'argent serait utilisé pour payer les dettes de la société, y compris en matière de TPS. L'appelant se fiait entièrement à M. Stewart, ce qui s'est révélé une erreur de jugement. Un administrateur ne doit toutefois pas être tenu pour responsable en raison de simples erreurs de jugement, comme l'a indiqué la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Soper, précité, où elle a fait référence - à la page 142 (DTC : à la page 5412) - à l'affaire Lagunas Nitrate Co. v. Lagunas Syndicate.

[84]     L'avocat a également renvoyé à l'affaire Davies c. M.R.N. - C.C.I., nos 92-2024(IT)G, 92-2027(IT)G et 92-2026(IT)G, 23 mars 1994 (94 DTC 1716), citée à la page 161 (DTC : à la page 5419) de l'arrêt Soper, précité - dans laquelle l'administrateur a échappé à la responsabilité sur la foi des faits suivants : aucun des administrateurs n'était versé dans la gestion financière quotidienne de la société. Les administrateurs comptaient sur les agents financiers internes compétents de la société; il n'y avait aucune raison de soupçonner l'existence d'un problème en matière de retenues à la source.

[85]     En l'espèce, l'avocat avance que l'appelant n'avait pour ainsi dire aucune expérience commerciale ou financière et que la langue anglaise ne lui était pas familière. L'appelant comptait sur M. Stewart, en qui il avait entièrement confiance. Il n'y avait aucune raison de soupçonner l'existence d'un problème en matière de retenues à la source, car l'appelant parvenait à réunir des fonds chaque fois qu'on lui demandait de le faire. M. Stewart lui assurait chaque fois que les dettes, y compris en matière de TPS, seraient payées.

[86]     L'avocat a invoqué l'affaire Golfman c. M.R.N., C.C.I., no 88-162(IT), 20 août 1990 (90 DTC 1863), dans laquelle l'administrateur, qui était conseiller juridique et avocat, examinait les états financiers de temps en temps et se faisait dire par d'autres administrateurs que tout était en règle. En l'espèce, l'appelant n'était qu'un gérant de cuisine ayant une expérience commerciale ou financière limitée. Il a admis qu'il avait reçu et examiné des états de temps en temps, mais, avec sa connaissance limitée de l'anglais, il ne comprenait pas ces documents. De toute façon, ces états ne contenaient pas de renseignements sur la TPS, quoique M. Stewart ait dit que la TPS était incluse dans le compte général et que l'appelant et tous les actionnaires le savaient. L'avocat arguait que M. Stewart était la seule personne qui ait été au courant de cela et que, mis à part le témoignage de M. Stewart, rien ne prouve que ces renseignements aient été communiqués à l'appelant ou aux actionnaires.

[87]     L'avocat disait que l'appelant était très sincère tout au long de son témoignage et n'essayait pas de cacher quoi que ce soit. Au sujet du fait que l'appelant a répondu par l'affirmative à une question de la Cour quant à savoir s'il estimait que d'autres actionnaires devaient partager la responsabilité, l'avocat a émis l'opinion que l'appelant parlait en fait non pas d'une responsabilité d'administrateur envers le ministre, mais plutôt de la responsabilité des autres actionnaires de fournir leur part relativement au déficit. De plus, l'avocat attribuait une partie du problème à l'état d'esprit de l'appelant, c'est-à-dire au fait que, tout au long de la période pertinente, l'appelant avait une connaissance limitée de l'anglais et une expérience limitée des affaires et se fiait beaucoup à M. Stewart. Il ne lui faisait pas aveuglément confiance pour éviter une responsabilité, mais il était en droit de compter sur M. Stewart comme il l'avait fait par le passé quand on lui assurait que l'argent qu'il donnait à la société servirait à payer la TPS et les autres dettes.

[88]     En outre, l'avocat arguait qu'il était raisonnable que l'appelant s'attende que les dettes soient payées régulièrement, y compris la TPS. L'appelant a témoigné qu'il n'avait su que de la TPS était due que lorsqu'il avait reçu l'avis à la tierce partie et il a témoigné qu'il avait alors vérifié auprès du bureau de la TPS et qu'on lui avait dit d'attendre et de rester en contact. On leur avait alors assuré que ce n'était pas urgent, car la dette allait être payée une fois l'entreprise vendue, et la situation n'est apparue sous un autre jour que lorsque le bureau de la TPS a été avisé par le syndic de faillite qu'il n'obtiendrait pas d'argent.

[89]     L'avocat soutenait que le témoignage de Bud Stewart n'était pas sincère ou conforme à la vérité et que M. Stewart avait fait preuve d'une mémoire sélective. L'avocat mettait en doute le témoignage de M. Stewart selon lequel tout le monde savait tout le temps ce qui se passait. L'appelant et les autres actionnaires ont nié cette affirmation. Ils ont seulement admis qu'ils savaient que la société était en difficulté financière. M. Stewart les avait assurés pourtant que les sommes recueillies étaient utilisées pour payer les dettes de la société, y compris en matière de TPS.

[90]     Pourquoi M. Stewart n'avait-il pas demandé au comptable pour quelle raison les détails relatifs à la TPS n'étaient pas inclus dans les états financiers? Comment l'appelant et les autres actionnaires pouvaient-ils être au courant de la TPS impayée dans la mesure où cela n'était pas expressément mentionné dans les états financiers? L'avocat mettait en doute le témoignage de M. Stewart quant à la disponibilité des états financiers à toutes les réunions et il disait que les seuls états financiers produits aux réunions étaient des notes comme celle qui figure à la section 1 de la pièce A-1.

[91]     L'appelant avait une certaine expérience des affaires et était au courant de la TPS, ainsi que de la façon de procéder à cet égard. Il s'en occupait correctement dans son autre entreprise, relativement à laquelle il avait un compte distinct aux fins de la TPS. Il s'attendait que M. Stewart procède de la même manière pour diriger l'entreprise et payer le compte de TPS en cause dans la présente espèce.

[92]     L'appelant a dit qu'il n'avait fait aucun effort pour s'assurer que les impôts étaient payés et n'avait pas vérifié auprès de Revenu Canada parce qu'il ne s'y connaissait nullement en matière comptable ou bancaire et qu'il comptait simplement sur M. Stewart pour s'occuper de tout. L'appelant et les autres actionnaires contestent la preuve présentée par M. Stewart concernant les réunions des actionnaires, l'objet des sommes réunies, les états financiers et la vente de l'entreprise. Ces incohérences, d'après l'avocat, sont évidentes dans certains passages de la transcription des délibérations auxquels il a fait référence par numéros de page.

[93]     En conclusion, l'avocat arguait que, sur la foi de l'analyse du droit effectuée dans l'affaire Soper, précitée, l'appelant a démontré que, pour prévenir l'omission de la société de verser une taxe nette comme l'exige l'article 228 de la Loi, il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances, au sens du paragraphe 323(3) de la Loi. Quand on considère les quatre principes énoncés dans l'affaire Soper et comme la Cour estime qu'il ne s'agit pas d'une norme professionnelle à laquelle il doit être satisfait par la partie appelante, l'avocat soutient que l'appelant était en droit de se fier à M. Stewart et de se fier à ce que dernier disait, à savoir que les dettes seraient payées, y compris la TPS.

[94]     L'appel devrait être accueilli, avec dépens.

Thèse de l'intimée

[95]     L'avocate de l'intimée a argué que l'article 323 de la Loi impose une responsabilité personnelle à un administrateur à l'égard des dettes d'une société qui omet de verser une TPS nette comme l'exige la Loi. L'administrateur n'encourt pas de responsabilité lorsqu'il peut démontrer qu'il a fait preuve d'une diligence raisonnable dans ses tentatives pour prévenir l'omission de versement de la société.

[96]     En l'espèce, l'appelant n'a pas démontré qu'il avait exercé la diligence raisonnable exigée, dans les circonstances, d'un administrateur ayant ses connaissances et son expérience. L'intimée soutenait que l'appelant, en tant qu'administrateur interne, savait ou aurait dû savoir que la société omettait d'effectuer les versements de TPS requis et l'intimée soutenait en outre que l'appelant n'avait rien fait pour prévenir cette omission.

[97]     L'avocate a argué que, si la Cour conclut que l'appelant était un administrateur externe, comme le soutient l'appelant, et vu les circonstances financières de la société, l'appelant aurait dû être conscient que, possiblement, les versements de TPS étaient insuffisants, il aurait dû demander les renseignements appropriés pour vérifier si tel était le cas et, dans l'affirmative, il aurait dû prendre des mesures déterminantes pour remédier à la situation.

[98]     L'avocate n'a guère contesté l'exposé des faits de l'appelant, sauf que Charles Stewart avait transféré à sa conjointe, Marlene Stewart, les 25 p. 100 d'actions qu'il détenait. Rien d'important ne repose là-dessus.

[99]     L'avocate se fondait sur les faits énoncés au paragraphe 10 et à l'annexe A de la réponse à l'avis d'appel, qui n'ont pas été réfutés par l'appelant, disait-elle. Elle contestait l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel M. Chow n'avait pour ainsi dire aucune expérience commerciale ou financière. Elle considérait que M. Chow avait de l'expérience comme homme d'affaires et propriétaire de restaurant. Malgré le fait que l'appelant comptait sur l'aide de spécialistes pour l'aspect financier de son entreprise, il connaissait bien l'obligation de verser les retenues salariales et la TPS, en raison de son expérience commerciale relative à plusieurs entreprises. Il a lui-même témoigné qu'il tenait un compte distinct aux fins de la TPS pour ces entreprises. Contrairement à l'allégation qui figure à la page 6 des observations de l'appelant et selon laquelle c'était l'associé de l'appelant qui s'occupait des comptes de TPS, l'appelant lui-même a témoigné que c'était lui qui s'occupait des questions fiscales pour son entreprise individuelle, comme l'indiquent les extraits de transcription de délibérations de l'intimée figurant à la section 2 de la pièce consignée en preuve, aux lignes 24 et 25 de la page 40 et aux lignes 12 à 14 de la page 42.

[100] L'avocate faisait également valoir que, d'après la réponse à la question 6 du questionnaire figurant à la section 45 de la pièce A-2, l'appelant avait, avant de devenir administrateur de la société, demandé des conseils juridiques à l'avocat Jack Lee sur ses fonctions et responsabilités comme administrateur. En outre, la preuve que l'appelant a présentée indique clairement que ce dernier comprenait ses responsabilités en tant qu'administrateur.

[101] L'appelant avait été chargé de trouver les investisseurs de manière à obtenir un montant de 500 000 $ comme capital de démarrage; l'appelant avait été nommé administrateur de la société pour représenter les intérêts de cinq des actionnaires, y compris lui-même, et ils détenaient 75 p. 100 des actions de la société; l'appelant avait, avec M. Stewart, fait une demande de permis d'alcool pour la société; l'appelant se rendait au restaurant au moins une ou deux fois par semaine d'après le témoignage de M. Stewart, qui a toutefois été contesté par l'appelant lui-même; l'appelant était en contact avec les trois frères Tsang, qui avaient commencé à travailler régulièrement au restaurant en 1992; l'appelant avait signé une garantie personnelle pour faire supprimer un privilège du constructeur à l'égard d'améliorations locatives; l'appelant était autorisé à être signataire relativement aux comptes bancaires de la société, malgré le fait qu'il n'était pas allé à la banque pour signer les cartes spécimens; l'appelant avait participé à des réunions au bureau de Revenu Canada, car il représentait les intérêts d'actionnaires (y compris lui-même) qui détenaient 75 p. 100 des actions de la société.

[102] Il semble que l'appelant ait négocié une somme avec au moins un des créanciers de la société d'après la lettre du 17 novembre 1994 figurant à la section F de la pièce A-1. L'appelant était au courant que la société perdait de l'argent en 1992 et en 1993 et, au milieu de l'année 1992, l'autre administrateur de la société, M. Stewart, avait informé l'appelant que la société était en retard dans ses paiements de loyer, d'approvisionnements et de TPS, notamment. Par suite des problèmes financiers de la société, dont l'appelant était au courant, les administrateurs et les actionnaires avaient convenu que la société emprunterait 110 000 $ à un actionnaire, Ming Wah Gin, pour financer les activités quotidiennes du restaurant. L'appelant n'avait pas chargé M. Stewart de veiller à ce qu'une partie de ces fonds soit affectée à la TPS impayée.

[103] L'appelant a admis avoir vu les états financiers de la société et y avoir eu accès. Tous les états financiers de la société qui ont été consignés en preuve montraient clairement que la société perdait progressivement de l'argent. Malgré le fait que les états financiers annuels de la société n'indiquaient pas que de la TPS était due et malgré le fait que M. Stewart a témoigné que ce montant était inclus dans les comptes créditeurs dans lesquels les montants n'étaient pas ventilés, les états financiers mensuels figurant à la section 61 de la pièce A-2 indiquaient en fait bel et bien, sous la rubrique du passif à court terme, que le montant de la TPS à payer augmentait mensuellement, passant de 14 602,39 $ qu'il était le 31 mai 1991 à 47 250,22 $ au 31 janvier 1992.

[104] La capacité de l'appelant de lire et comprendre l'anglais était quelque peu limitée, mais la preuve indiquait en outre que l'appelant n'était pas tout à fait incapable de comprendre les documents en anglais comportant des chiffres. Quoi qu'il en soit, l'appelant aurait pu apporter des copies des états financiers mensuels à un spécialiste de son choix pour en faire l'examen. Il aurait également pu demander à un de ses beaux-frères qui comprennent bien l'anglais de traduire les documents pour lui.

[105] L'appelant a pu reconnaître à l'audience au moins un document figurant à la section I de la pièce A-1 qui indiquait clairement que de la TPS était due. L'appelant et M. Stewart se sont rencontrés en société ou se sont réunis pour affaires environ 50 fois entre 1989 et juin-juillet 1994. Ils parlaient alors de l'entreprise de la société, du moins selon la preuve présentée par M. Stewart.

[106] L'appelant n'avait aucune difficulté à communiquer avec M. Stewart, car ce dernier parlait chinois. M. Stewart a été élevé et a étudié à Hong Kong, il parlait cantonnais et, d'après le témoignage de l'appelant, il y a eu au moins dix réunions officielles avec M. Stewart et les autres actionnaires, réunions au cours desquelles M. Stewart fournissait parfois des copies d'états financiers mensuels. Si la preuve présentée par M. Stewart est acceptée, ces réunions se tenaient à tous les deux à trois mois.

[107] Tous ces points étayent la position de l'intimée selon laquelle l'appelant était en fait un administrateur interne.

[108] Pour ce qui est de la question de la diligence raisonnable, la preuve présentée par l'appelant était que ce dernier n'entrait jamais dans le bureau situé dans les locaux du restaurant pour vérifier les livres et registres de la société, les relevés bancaires ou les chèques oblitérés de la société. L'appelant n'avait pas demandé à M. Stewart qui était le comptable de la société, ce qui aurait pu faciliter des demandes de renseignements supplémentaires. Il ne contactait pas Revenu Canada pour s'assurer que la société versait la TPS, même si M. Stewart lui assurait que tel était le cas. Il ressort clairement des questions que l'appelant s'est fait poser quand il était à la barre qu'il était au courant que la société était en retard dans tous les paiements, y compris dans le paiement de la TPS, mais qu'il n'a rien fait pour s'assurer que les fonds injectés par les actionnaires de la société étaient affectés au paiement de la TPS.

[109] Il ressortait clairement de la preuve présentée par M. Stewart que tous les actionnaires savaient que l'argent qui était investi dans la société irait aux créanciers qui insistaient le plus pour être payés. Ces fournisseurs commençaient à acculer l'entreprise à la faillite. Les actionnaires et Bud Stewart ne considéraient pas le compte de TPS comme un de ces comptes qu'il était urgent de régler.

[110] La preuve présentée par M. Stewart montre clairement que l'appelant n'a pas agi avec une diligence raisonnable et qu'il n'est pas satisfait au critère de diligence raisonnable.

[111] En ce qui a trait à la crédibilité de l'appelant et de Bud Stewart, l'avocate reconnaissait qu'il y avait une certaine contradiction dans la preuve, mais elle considérait qu'il n'y avait probablement rien qui reposait sur ces incohérences. Si quelque chose repose sur ces incohérences, l'avocate demandait à la Cour de privilégier le témoignage de M. Stewart sur celui de l'appelant parce que M. Stewart était un témoin beaucoup plus crédible.

[112] À ce sujet, l'avocate a renvoyé à divers extraits de la transcription qui indiquent d'après elle que l'appelant n'a pas répondu de façon directe à plusieurs questions qui lui ont été posées lors du contre-interrogatoire, lesquels extraits indiquent en outre que, souvent, il a fallu répéter les questions. Par contre, M. Stewart a témoigné d'une manière claire et directe. Il a sincèrement témoigné que c'était lui qui était chargé d'effectuer les versements.

[113] Certains aspects du témoignage de M. Stewart, par exemple le fait que ce dernier arrivait à se souvenir de détails esthétiques, montraient la crédibilité de M. Stewart. Dans l'ensemble, la capacité de M. Stewart de se souvenir des événements était impressionnante, compte tenu du fait que, à l'époque du procès, il y avait environ six à dix ans que ces événements s'étaient passés. Contrairement à ce qui est allégué à la page 6 des observations de l'appelant, M. Stewart n'a pas témoigné que son souvenir était très vague au sujet d'affaires relatives au compte de TPS en général. Il a dit que ses idées étaient bien vagues quant à la question précise de savoir si le comptable, M. Pettigrew, avait pris des arrangements pour faire transférer des fonds pour payer la TPS après la fermeture de l'entreprise. Par ailleurs, rien n'indiquait qu'il avait fait preuve d'une mémoire sélective ou qu'il était incapable de se souvenir d'événements importants. De telles allégations n'étaient pas fondées.

[114] En outre, rien n'indiquait que M. Stewart avait embelli ou fabriqué son témoignage pour veiller à ce que l'appelant n'ait pas gain de cause en l'espèce. Lors du contre-interrogatoire auquel M. Stewart a été soumis, l'avocat de l'appelant n'a jamais laissé entendre à M. Stewart qu'il était dans l'intérêt de ce dernier de présenter des éléments de preuve inexacts ou non conformes à la vérité, et aucun élément de la preuve qui a été présentée n'indiquait de toute façon que, si l'appelant n'avait pas gain de cause, M. Stewart en bénéficierait. L'allégation qui figure à la page 6 des observations de l'appelant, selon laquelle M. Stewart a menti pour que l'appelant et les autres actionnaires endossent la responsabilité envers le ministre, n'est absolument pas étayée par les faits.

[115] L'avocate a argué que la preuve présentée par au moins quatre des cinq actionnaires qui ont témoigné et qui étaient tous des amis et des parents de l'appelant corroborait la preuve qui a été présentée par M. Stewart au sujet des réunions des actionnaires et selon laquelle les actionnaires étaient informés que la société perdait de l'argent et était en retard dans divers paiements, y compris dans le paiement de la TPS. Bien que ces témoins aient déclaré qu'ils n'avaient pas vu les états financiers annuels figurant à la section 39 de la pièce A-2, ils ont dit que M. Stewart avait bel et bien fourni de la documentation indiquant la situation financière de la société.

[116] La preuve présentée par Wah Quan Lee indique que ce dernier s'était rendu au restaurant plusieurs fois et avait alors rencontré M. Stewart et les autres actionnaires. Le témoignage de Wah Quan Lee semble indiquer que, bien que ce dernier n'ait pas examiné les états financiers, ceux-ci étaient disponibles.

[117] Barry Tsang a témoigné que M. Stewart lui avait dit que la société était en difficulté financière, qu'elle devait de la TPS et qu'elle devait de l'argent à des fournisseurs. Il n'arrivait pas à se souvenir du montant de son investissement, mais il se rappelait bel et bien que des réunions se tenaient au restaurant et il a témoigné qu'il pouvait avoir vu un des états financiers.

[118] Tommy Tsang a confirmé que des réunions des actionnaires étaient tenues, mais pas régulièrement, a-t-il dit. Il a répété qu'il n'avait pas vu d'états financiers, alors que cette question ne lui était pas posée. Cela diminue la crédibilité générale de ce témoin et semblerait indiquer que ce dernier avait préparé ce qu'il allait dire au cours de son témoignage. Cependant, même lui a reconnu que, malgré le fait qu'il n'avait pas vu les états financiers annuels de la société, M. Stewart avait fourni des rapports écrits sur la situation financière de la société lors de réunions.

[119] Harvey Tsang a également reconnu que l'appelant se rendait au restaurant et lui parlait. Il a en outre reconnu que M. Stewart discutait de l'entreprise avec lui et l'avait informé que la société avait des difficultés financières et devait de l'argent au titre de la TPS. Son témoignage relatif aux états financiers n'était pas crédible. Il a dit qu'il n'avait jamais vu les états financiers annuels de la société, mais il a également dit qu'il était préoccupé au sujet de la situation financière de la société. Il a déclaré que M. Stewart ne lui laissait pas voir les états financiers. Il a témoigné qu'il n'avait rien fait d'autre pour obtenir les états financiers, bien qu'ayant investi environ 70 000 $ dans la société. Il travaillait au restaurant et aurait eu facilement accès au bureau de la société situé dans les locaux du restaurant. Vu cet investissement considérable et cet accès au bureau, ses allégations selon lesquelles M. Stewart l'empêchait de voir les états financiers ne sonnent simplement pas justes.

[120] Lors du contre-interrogatoire auquel il a été soumis, Ming Wah Gin a répondu à des questions d'une manière vague et évasive. Par exemple, il a été interrogé au sujet du prêt de 110 000 $, mais il niait fondamentalement avoir su pourquoi la société avait besoin d'une somme aussi importante ou à quoi servait cette somme. Cela semble incroyable de la part de M. Gin, qui avait accordé une hypothèque importante sur sa maison pour appuyer une entreprise commerciale dirigée par une personne qu'il connaissait à peine à ce qu'il prétend. Cette personne était pourtant familièrement appelée « Bud » par M. Gin.

[121] La crédibilité de ce témoin devrait également être mise en doute étant donné que, quand on lui a fait remarquer que l'appelant avait été nommé administrateur pour représenter ses intérêts, il a dit que l'appelant n'avait pas le temps de s'occuper de cela. Il n'était nullement au courant de la répartition des responsabilités dans la société. M. Stewart ne fournissait pas les états financiers demandés par M. Gin. Cela est contredit par la preuve présentée par d'autres actionnaires, qui ont à tout le moins fait remarquer que M. Stewart fournissait une certaine forme de reddition de comptes financiers, et l'appelant lui-même disait qu'il avait vu des états financiers.

[122] Ce témoin était résolu à tenir M. Stewart pour responsable de tout. L'avocate soutenait que ce témoin semblait en vouloir à M. Stewart, le seul des garants à n'avoir pas remboursé sa part du prêt de M. Gin, disait ce dernier.

[123] Dans l'ensemble, la preuve présentée par ce témoin manque de crédibilité. Vu le lien étroit entre ce témoin et l'appelant, il y a une animosité évidente à l'égard du témoin de l'intimée. La preuve présentée par ce témoin n'est pas convaincante et la Cour ne devrait guère y accorder de poids, voire pas du tout.

[124] Au sujet de l'affaire Soper, précitée, l'avocate a fait valoir que la norme de diligence relative à un administrateur n'est ni purement objective ni purement subjective, mais est une combinaison des deux : il s'agit de la personne « raisonnable » ayant une expérience et des compétences comparables.

[125] Le fardeau de la preuve est plus lourd dans le cas de l'administrateur interne qui a une influence sur la gestion quotidienne de la société et sur la conduite des affaires de l'entreprise. L'appelant en l'espèce était un administrateur interne. Malgré le fait qu'il n'était pas tous les jours physiquement présent dans les locaux de l'entreprise, il s'y rendait une ou deux fois par semaine et parlait souvent à ses beaux-frères qui travaillaient dans la cuisine située près du bureau de l'entreprise. La participation à l'entreprise et la capacité d'exercer une influence sur celle-ci étaient importantes, comme cela a été mentionné précédemment, et l'appelant devrait être considéré comme ayant été un administrateur interne.

[126] L'avocate a fait référence à l'affaire Stein c. La Reine, C.C.I., no 97-1180(GST)G, 22 juin 1999 ([1999] GSTC 64), dans laquelle la Cour a conclu que l'administratrice était une administratrice interne parce que, malgré le fait qu'elle ne participait pas à la gestion quotidienne de l'entreprise, elle avait garanti la ligne de crédit de l'entreprise et était le seul autre administrateur autorisé à signer des chèques. La Cour a conclu que l'administratrice en cause avait une influence sur la conduite des affaires commerciales de la société. De même, l'appelant en l'espèce devrait être considéré comme ayant été un administrateur interne en raison de sa participation à l'entreprise et de son influence sur la conduite des affaires de la société.

[127] Même si la Cour devait conclure que l'appelant n'était pas un administrateur interne, il reste que l'appelant était devenu au courant de faits qui auraient dû l'inciter à agir pour prévenir l'omission de versement de TPS de la société tôt dans l'exploitation de l'entreprise. Il est clair que l'appelant entre ainsi dans le cadre de ce qui est dit dans l'affaire Soper, précitée, aux pages 160 et 161 (DTC : à la page 5418). Les faits dont l'appelant était devenu au courant auraient amené une personne raisonnable à conclure qu'il y avait ou pouvait raisonnablement y avoir un problème potentiel en matière de versements. Il s'agit clairement d'un cas dans lequel la société connaissait des difficultés financières et qui correspond à la situation mentionnée dans l'affaire Soper, précitée.

[128] L'appelant savait à tout le moins que la société était en difficulté financière en 1992, quand elle a emprunté 110 000 $ à Ming Wah Gin. Sachant cela, l'appelant n'était pas en droit de fermer les yeux sur la situation financière de la société à partir de ce moment-là et n'était pas en droit non plus de compter sur d'autres pour s'assurer que la TPS était versée conformément aux exigences.

[129] Les faits de l'espèce peuvent être distingués de ce qu'il en était dans l'affaire Golfman, précitée, dans laquelle on ne pouvait raisonnablement s'attendre que l'administrateur conclue qu'il pouvait y avoir un problème en matière de versements. En l'espèce, non seulement les circonstances indiquaient qu'il y avait des problèmes potentiels en matière de versements, mais l'appelant savait en fait qu'il y avait un tel problème.

[130] L'affaire Davies, précitée, peut également être distinguée de la présente espèce. Dans l'affaire Davies, les administrateurs n'avaient aucune expérience concernant la gestion financière quotidienne de la société. En l'espèce, toutefois, l'appelant avait de l'expérience dans l'exploitation de deux entreprises de restauration, dont l'une était sa propre entreprise individuelle, et l'autre, l'entreprise d'une société dont il détenait le tiers des actions. Dans l'affaire Davies, précitée, l'administrateur avait été induit en erreur par des rapports financiers donnant une image positive de la situation financière, tandis que, en l'espèce, l'appelant était manifestement au courant que la société avait de graves difficultés financières et il avait accès à des états financiers indiquant que la société subissait des pertes sans cesse croissantes.

[131] L'avocate était disposée à concéder que des administrateurs externes sont en droit de compter sur des professionnels qualifiés pour diriger la société et pour s'assurer que les retenues à la source et la TPS sont versées au ministre. Cependant, une fois qu'ils ont une raison de soupçonner que la société est en difficulté financière, comme dans le cas de l'appelant en l'espèce, ils sont tenus de prendre des mesures. La diligence raisonnable dont l'appelant a fait preuve après être devenu au courant des problèmes financiers de la société en matière de versements a consisté à faire en sorte que la société reçoive des prêts d'actionnaire. L'appelant a admis lors du contre-interrogatoire qu'il n'avait pas chargé l'administrateur-gestionnaire, M. Stewart, de s'assurer que cet argent était utilisé pour payer la TPS exigible. M. Stewart a témoigné que l'appelant avait compris que les fonds injectés allaient être utilisés pour financer les opérations quotidiennes de l'entreprise et seraient versés aux créanciers qui menaçaient le plus de prendre des mesures.

[132] Même si la Cour accepte l'argument de l'appelant selon lequel ce dernier présumait que les prêts d'actionnaire allaient être utilisés pour payer l'arriéré de TPS, l'appelant n'a rien fait d'autre pour s'assurer que les versements de TPS étaient en fait effectués. Il n'aurait pas dû se contenter d'espérer que l'on versait la TPS sans s'informer davantage, par exemple en demandant une reddition de comptes à M. Stewart, en se renseignant auprès du comptable, en examinant les chèques oblitérés et les relevés bancaires et en contactant directement Revenu Canada. Il y avait bien des choses que l'appelant aurait pu faire, mais il n'a rien fait.

[133] Une situation semblable a été examinée dans l'affaire Bains c. La Reine, C.C.I., no 97-3248(GST)I, 19 août 1999 ([1999] GSTC 75), dans laquelle l'administrateur en cause avait pressé l'administrateur-gérant d'effectuer les versements et dans laquelle la Cour a conclu que l'administrateur en cause n'était pas responsable concernant la première période, pour laquelle il n'avait appris qu'après coup les difficultés financières de la société et l'arriéré de versements et pour laquelle il avait ensuite immédiatement avancé des fonds afin de payer la TPS. La Cour a toutefois conclu que, une fois devenu conscient du problème de TPS, il aurait dû faire plus que simplement présumer que des fonds étaient versés au ministre. Il aurait dû prendre des mesures pour veiller à ce qu'un système approprié soit établi et à ce que la personne chargée de verser la TPS fournisse l'information nécessaire en temps opportun. L'administrateur en l'espèce ne l'a pas fait non plus.

[134] L'appelant a appris l'existence des problèmes financiers en matière de versements bien avant la première période en cause, à savoir la période se terminant le 30 septembre 1992, à l'égard de laquelle un versement était exigible pour le 31 octobre 1992. L'intimée soutenait que l'appelant aurait dû agir de manière à prévenir l'omission d'effectuer les versements pour les périodes en cause, car il était devenu au courant des problèmes financiers en matière de versements au plus tard quelques mois avant.

[135] Enfin, l'avocate soutenait que l'appelant n'était pas en droit de présumer que la vente du restaurant permettrait de rembourser la dette de TPS de la société et de présumer que cela équivalait à une diligence raisonnable. La défense de diligence raisonnable s'applique aux personnes qui ont pris des mesures dans une tentative pour prévenir l'omission d'effectuer des versements. Elle ne s'applique pas aux personnes qui ont simplement cherché à résoudre le problème après coup.

[136] L'avocate soutenait que l'appel devrait être rejeté, avec dépens.

Réplique de l'appelant aux observations de l'intimée

[137] L'avocat a répété que l'appelant a démontré qu'il a fait preuve de la diligence raisonnable exigée d'un administrateur. L'appelant n'a su que la société avait omis de verser de la TPS que lorsqu'il a reçu l'avis de cotisation de Revenu Canada, en tant qu'administrateur. De plus, il n'avait aucune raison de soupçonner que la TPS n'était pas versée chaque fois que M. Stewart demandait que des fonds soient réunis. Des fonds étaient recueillis et l'argent était remis à M. Stewart.

[138] Ultérieurement, l'appelant a été conscient du manque potentiel concernant le paiement de la TPS et d'autres dettes et il a agi d'une façon déterminante en réunissant des fonds. Il était en droit de faire confiance à M. Stewart.

[139] La preuve indique que l'appelant était seulement cuisinier et gérant de la cuisine. Il ne comprenait pas les registres financiers comme il aurait dû parce que, dans ses entreprises précédentes, il avait compté sur son comptable pour s'occuper des finances et ouvrir le compte de TPS. Il était en droit de croire que M. Stewart s'occuperait de la même manière du compte de TPS.

[140] Le questionnaire avait posé une certaine difficulté à l'appelant, mais, en fin de compte, l'appelant a admis au cours de son témoignage qu'il avait bel et bien demandé des conseils juridiques et qu'on lui avait dit quelles étaient ses responsabilités. Il a toujours admis ses responsabilités en tant qu'administrateur et il compte sur la Cour pour conclure qu'il a démontré dans la preuve qu'il a présentée que, compte tenu de l'ensemble des circonstances, il a fait preuve de la diligence raisonnable exigée d'un administrateur.

[141] L'appelant avait été nommé administrateur sous la direction de M. Stewart aux fins d'une demande de permis d'alcool. Il niait s'être rendu au restaurant une ou deux fois par semaine, mais il a reconnu qu'il y allait périodiquement.

[142] L'appelant devrait être considéré comme un administrateur externe du point de vue des finances et de la comptabilité de la société et comme un administrateur interne par rapport au fait qu'il était cuisinier au restaurant et gérant de la cuisine.

[143] L'appelant avait pris l'initiative de rencontrer des fonctionnaires de Revenu Canada non pas parce qu'on lui avait demandé de représenter les intérêts des actionnaires, mais parce qu'il avait reçu un avis de Revenu Canada au sujet de la TPS non versée et qu'il était devenu préoccupé. Un fonctionnaire de Revenu Canada lui avait dit de ne pas s'inquiéter. Il n'avait pas négocié un règlement ni même rencontré Barry Woods au sujet du règlement de dettes de la société. L'appelant n'avait aucune raison de croire que les fonds recueillis ne servaient pas à payer la TPS. Certes, il n'avait pas demandé à M. Stewart de s'assurer que les paiements étaient effectués, mais il n'avait aucune raison de soupçonner que M. Stewart ne s'occuperait pas du compte de TPS de la même manière qu'il l'avait fait dans ses autres entreprises. L'appelant faisait confiance à M. Stewart et n'avait donc pas sollicité l'avis d'autres spécialistes au sujet des états.

[144] M. Stewart avait rencontré l'appelant en maintes occasions, mais, au cours d'un bon nombre de ces réunions, il n'avait pas discuté en détail des problèmes financiers de la société. Il s'agissait de réunions informelles. L'appelant ne reconnaissait pas qu'il était clairement entendu entre les actionnaires que les créanciers les plus insistants seraient les premiers à être remboursés.

[145] L'avocat a admis que l'appelant acceptait ses responsabilités en tant qu'administrateur et que l'appelant souhaitait transférer cette responsabilité à M. Stewart en s'attendant que ce dernier ouvre un compte distinct aux fins de la TPS.

[146] Les témoins de la partie appelante étaient crédibles et répondaient simplement aux questions le plus honnêtement qu'ils pouvaient. Cela vaut pour Ming Wah Gin. Comment peut-on dire que M. Gin en voulait à M. Stewart? L'avocat a en outre affirmé qu'il était dans l'intérêt de M. Stewart de lui présenter des éléments de preuve inexacts ou non conformes à la vérité, car il avait également une responsabilité relativement à la taxe.

[147] Le simple fait que les autres témoins étaient des amis ou des parents de l'appelant n'est pas une raison pour rejeter leurs dépositions. Aucun élément de preuve ne permet d'affirmer que leurs témoignages étaient des dépositions fausses ou fabriquées.

[148] L'avocat de l'appelant a établi une distinction entre la présente espèce et l'affaire Stein, précitée, et il a fait remarquer qu'en l'espèce, tout comme dans l'affaire Soper, précitée, quand on considère l'état d'esprit de l'appelant, il convient de conclure que l'appelant n'a pas fermé les yeux sur la situation financière de la société, mais a pris les arrangements nécessaires pour réunir des fonds au besoin. Malgré le fait qu'il avait de l'expérience dans l'exploitation de deux entreprises de restauration, aucun élément de preuve n'indiquait qu'il avait de l'expérience dans la gestion financière quotidienne d'une entreprise.

[149] Chaque fois que l'appelant était devenu au courant des problèmes financiers et des problèmes de versement de la société, il avait aidé à réunir des fonds, et il n'y avait aucune raison de croire que M. Stewart n'utiliserait pas l'argent pour payer la TPS. L'appelant a cherché à prévenir l'omission de versement en réunissant des fonds conformément aux demandes de M. Stewart et en comptant sur ce dernier pour verser la TPS. Il a ainsi fait preuve d'une diligence raisonnable à tout le moins.

[150] L'avocat a réitéré les principes énoncés dans l'affaire Soper, précitée, faisant valoir que l'appelant avait satisfait au critère de diligence raisonnable et que l'appel devrait être accueilli avec dépens.

Analyse et décision

[151] La Cour a examiné non seulement la preuve présentée par tous les témoins en l'espèce, mais aussi la manière dont cette preuve a été présentée. Souvent, ce que dit un témoin n'est pas aussi important que la façon dont il le dit. Dans la présente espèce, tous les témoins autres que Bud Stewart avaient manifestement une prédilection pour la thèse de l'appelant, c'est-à-dire qu'ils privilégiaient la position de l'appelant sur celle de M. Stewart. Cela est ressorti clairement de la façon dont ils ont témoigné et dont ils ont répondu aux questions, ainsi que de l'hésitation de certains d'entre eux à témoigner aussi ouvertement qu'ils l'auraient pu et de leur réticence à admettre des faits qui pourraient avoir corroboré la position adoptée par Bud Stewart.

[152] La Cour est toutefois convaincue que, malgré cette prédilection, aucun témoin n'a délibérément cherché à induire la Cour en erreur ou n'a délibérément déclaré quelque chose qui était manifestement faux. Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas d'incohérences dans le témoignage de Bud Stewart et dans les dépositions des autres témoins. Globalement, ces incohérences étaient toutefois mineures, et la Cour est convaincue qu'elles n'ont aucune incidence sur quoi que ce soit d'important.

[153] L'avocat de l'appelant soutenait « que le témoignage de Bud Stewart n'était pas sincère ou conforme à la vérité et que M. Stewart avait fait preuve d'une mémoire sélective » , de sorte que la Cour ne devrait pas ajouter foi à ce témoignage. Il a en outre posé les questions suivantes : « Pourquoi M. Stewart ne demandait pas au comptable pour quelle raison les détails relatifs à la TPS n'étaient pas inclus dans les états financiers? Comment l'appelant et les autres actionnaires pouvaient-ils être au courant de la TPS impayée dans la mesure où cela n'était pas expressément mentionné dans les états financiers? » De plus, l'avocat mettait en doute le témoignage de M. Stewart quant à la disponibilité des états financiers aux diverses réunions.

[154] La seule chose qui préoccupait la Cour jusqu'à un certain point tenait au fait qu'il n'y avait pas eu d'explication véritable quant à savoir pourquoi la TPS impayée n'était pas expressément mentionnée dans les états financiers. On aurait pensé qu'un expert-comptable établissant les états aurait indiqué de tels montants à part dans les états et qu'une lecture attentive des états aurait permis de voir les montants impayés au titre de la TPS. Ce fait, qui préoccupait la Cour jusqu'à un certain point, l'a obligé à se tourner vers d'autres aspects de la preuve de sorte que, dans l'examen de l'ensemble de la preuve, la question relative à cette anomalie apparente puisse être réglée.

[155] M. Stewart a bel et bien témoigné que ce montant était inclus dans les comptes créditeurs dans lesquels les montants n'étaient pas ventilés, que les montants relatifs à la TPS étaient indiqués dans les états financiers figurant à la section 61 de la pièce A-2 et que les versements de TPS à effectuer étaient indiqués dans le passif à court terme. Il ressort en outre clairement de cet élément de preuve que le montant de la TPS exigible a augmenté mensuellement, passant de 14 602,39 $ qu'il était le 31 mai 1991 à 47 250,22 $ au 31 janvier 1992.

[156] Après avoir examiné l'ensemble de la preuve, la Cour est convaincue que tous les actionnaires, y compris l'appelant, ont su très tôt qu'il y avait un retard dans les versements de TPS et que ceux-ci n'étaient pas effectués régulièrement et la Cour est convaincue qu'aucun des actionnaires, y compris l'appelant, ne s'est renseigné pour savoir pourquoi on était en retard dans ces versements et pourquoi ce compte n'était pas mis à jour.

[157] La Cour est convaincue que le témoignage de M. Stewart était crédible et que, à des égards importants, ce témoignage a en fait été largement corroboré par les dépositions des autres témoins. Malgré l'attitude problématique des témoins en l'espèce, la Cour est convaincue que tous les témoins étaient au courant des difficultés relatives au compte de TPS, qu'aucun d'eux ne s'est renseigné à ce sujet, qu'aucun d'eux n'a fait quoi que ce soit à cet égard et que tous espéraient simplement que ces difficultés disparaîtraient ou que l'entreprise serait vendue en temps opportun et que la TPS serait payée. Aucun d'eux n'a à quelque moment que ce soit fait l'effort conscient d'insister pour que le compte de TPS soit payé, quoique divers efforts aient été faits pour obtenir des fonds supplémentaires qui ont fini par être utilisés pour effectuer les paiements considérés comme étant les plus urgents.

[158] Malgré de légères incohérences dans les dépositions des divers témoins concernant la présentation d'états financiers aux diverses réunions informelles, la fréquence de ces réunions, la disponibilité des états dans le bureau situé au restaurant et la manière dont les fonds allaient être utilisés, la Cour est convaincue que tous les actionnaires et administrateurs étaient au courant du problème de TPS. Ils étaient au courant que des sommes étaient empruntées pour payer certains des comptes de la société. Ils ont tous injecté des fonds dans la société à de telles fins, ils n'ont pas précisé à M. Stewart quels comptes devaient être payés en premier, ils n'ont pas insisté pour que l'argent soit utilisé pour payer l'arriéré de TPS et ils n'ont même pas en fait proposé que le compte de TPS soit mis à jour. La Cour est convaincue que l'appelant et tous les autres actionnaires ne demandaient pas mieux que de se reposer sur la décision de M. Stewart de payer les comptes qu'il a payés. Se fondant sur la preuve présentée par M. Stewart, la Cour est convaincue que lui et les autres administrateurs et actionnaires étaient résolus à payer les créanciers les plus insistants. À cet égard, M. Stewart a agi avec le consentement, exprès ou tacite, de l'appelant et de tous les autres actionnaires et administrateurs.

[159] En définitive, qu'il y ait ou non une incohérence dans la déposition de M. Stewart par opposition à celles des autres témoins, y compris l'appelant, la Cour privilégie la déposition de M. Stewart sur celles de l'appelant et des autres témoins quant aux points à l'égard desquels la preuve est cruciale aux fins de la présente décision.

[160] Quant à savoir si l'appelant était un administrateur interne ou externe, la Cour considère comme avéré, sur la foi de l'ensemble de la preuve, que l'appelant était un administrateur interne selon tous les attributs d'un tel poste qui sont mentionnés dans les affaires précitées, notamment l'affaire Soper.

[161] L'avocat de l'appelant a tacitement admis dans son argumentation que l'appelant était un administrateur interne du moins par rapport au fait qu'il était cuisinier au restaurant et gérant de la cuisine. Il arguait que l'appelant devrait être considéré comme un administrateur externe du point de vue des finances et de la comptabilité de la société. Notre cour n'est pas certaine quant à savoir si, dans l'affaire Soper, précitée, le juge Robertson envisageait qu'au sein d'une société une personne puisse être à la fois un administrateur interne pour certaines fins et un administrateur externe pour d'autres fins. Toutefois, même si cela était possible, le juge Robertson a établi clairement ceci dans l'affaire Soper, précitée, à la page 156 (DTC : à la page 5417) :

      Je tiens tout d'abord à souligner qu'en adoptant cette démarche analytique, je ne donne pas à entendre que la responsabilité est simplement fonction du fait qu'une personne est considérée comme un administrateur interne par opposition à un administrateur externe. Cette qualification constitue plutôt simplement le point de départ de mon analyse. Mais cependant, il est difficile de nier que les administrateurs internes, c'est-à-dire ceux qui s'occupent de la gestion quotidienne de la société et qui peuvent influencer la conduite de ses affaires, sont ceux qui auront le plus de mal à invoquer la défense de diligence raisonnable. Pour ces personnes, ce sera une opération ardue de soutenir avec conviction que, malgré leur participation quotidienne à la gestion de l'entreprise, elles n'avaient aucun sens des affaires, au point que ce facteur devrait l'emporter sur la présomption qu'elles étaient au courant des exigences de versement et d'un problème à cet égard, ou auraient dû l'être. Bref, les administrateurs internes auront un obstacle important à vaincre quand ils soutiendront que l'élément subjectif de la norme de prudence devrait primer l'aspect objectif de la norme.

La Cour a ensuite traité de divers cas dans lesquels même des administrateurs internes n'ont pas été tenus pour responsables. Il peut s'agir d'un administrateur qui était de bonne foi ou qui a été induit en erreur ou trompé par des coadministrateurs. La Cour peut envisager d'autres situations dans lesquelles même des administrateurs internes peuvent ne pas être responsables de l'omission de versement. En parvenant à une décision dans chaque cas, la Cour doit prendre en compte tous les facteurs et la réponse ne réside pas dans la simple détermination de la question de savoir s'il s'agit d'un administrateur interne ou externe; comme l'a fait remarquer le juge Robertson aux pages 160 et 161 (DTC : à la page 5418) :

      À mon avis, l'obligation expresse d'agir prend naissance lorsqu'un administrateur obtient des renseignements ou prend conscience de faits qui pourraient l'amener à conclure que les versements posent, ou pourraient vraisemblablement poser, un problème potentiel. En d'autres termes, il incombe vraiment à l'administrateur externe de prendre des mesures s'il sait, ou aurait dû savoir, que la société pourrait avoir un problème avec les versements. La situation typique dans laquelle un administrateur est, ou aurait dû être, au courant de cette éventualité est celle de la société qui a des difficultés financières. À titre d'exemple, dans l'affaire Byrt c. M.R.N., 91 DTC 923 (C.C.I.), un administrateur externe a signé des états financiers qui révélaient un résultat déficitaire et, par conséquent, savait, ou aurait dû savoir, que la société avait des difficultés financières. Le même administrateur savait également que l'intégrité en affaires d'un autre administrateur, qui était également le président de la société, était douteuse. Dans ces circonstances, comme l'administrateur externe n'a fait aucun effort pour s'assurer que les versements étaient faits, il a été tenu personnellement responsable des sommes que la société devait à Revenu Canada. Selon le juge de la Cour de l'impôt, l'administrateur externe n'a pas satisfait à la norme de prudence d'origine législative puisqu'il n'a pas « ten[u] compte de ce qui se pass[ait] dans l'entreprise et de ce qu'il sa[vait] des personnes chargées des activités quotidiennes de la société » (précité, à la page 930, le juge Rip, C.C.I.).

[162] Je prends bonne note de l'argument de l'avocate de l'intimée que, même si la Cour devait conclure que l'appelant était un administrateur externe, il reste que, vu les circonstances financières de la société, l'appelant aurait dû être conscient qu'il y avait un manque potentiel dans les versements de TPS, il aurait dû demander les renseignements appropriés pour vérifier si tel était le cas et, dans l'affirmative, il aurait dû prendre des mesures déterminantes pour remédier à la situation.

[163] La Cour est convaincue que l'appelant et toutes les autres personnes jouant un rôle dans la société étaient bien au courant de ce manque en matière de versements. La Cour est en outre convaincue que ni l'appelant ni l'un quelconque des autres dirigeants ou administrateurs n'ont fait quoi que ce soit d'autre que de réunir des fonds pour le paiement de factures de la société, aucune partie de cet argent n'étant toutefois affectée au versement du montant qui, comme ils le savaient, était exigible au titre de la TPS. Il n'est pas suffisant que l'appelant dise qu'il faisait confiance à Bud Stewart et qu'il croyait que M. Stewart utiliserait les fonds pour payer le compte de TPS. L'appelant comptait aveuglément sur M. Stewart pour faire cela, malgré l'absence d'indications de M. Stewart qu'il le ferait. Il n'y a pas eu non plus de discussions entre les administrateurs quant à savoir comment ces avances de fonds à la société devaient être affectées.

[164] La Cour ne peut que conclure que l'appelant et les autres administrateurs et actionnaires ne demandaient pas mieux que de laisser M. Stewart déterminer comment cet argent serait affecté et quelles factures seraient payées; en définitive, il est évident qu'ils devaient espérer que les choses changeraient de sorte que le compte de TPS pourrait finalement être payé une fois l'entreprise vendue.

[165] Il ne s'agit pas d'une situation dans laquelle l'appelant était en droit de conclure que M. Stewart allait utiliser les avances de fonds pour payer la TPS exigible plutôt que d'autres comptes créditeurs. Il ne s'agit pas d'un cas dans lequel l'appelant avait une raison de croire que cela serait fait. On n'avait établi aucun système de paiement de TPS ayant fait ses preuves et permettant à l'appelant d'être raisonnablement certain que le compte de TPS serait payé. Personne, y compris l'appelant, n'a pris de mesures pour faire en sorte que soit établi un système permettant de veiller à ce que ce compte soit mis à jour et tenu à jour.

[166] Il ne s'agit pas d'un cas dans lequel l'appelant était en droit de compter sur des spécialistes compétents pour diriger la société et s'assurer que la TPS perçue à la source était versée, car aucun système semblable n'avait jusque-là existé. Nul doute que l'appelant et les autres actionnaires auraient dû raisonnablement être conscients du fait que la société était en difficulté financière, ou qu'ils auraient dû raisonnablement le soupçonner, et qu'il leur fallait prendre des mesures.

[167] Comme l'a fait remarquer l'avocate de l'intimée, après que l'appelant fut devenu au courant du problème financier de la société en matière de versements, il n'a rien fait d'autre que de fournir des prêts d'actionnaire à la société, mais il n'a pas chargé le gestionnaire ou les administrateurs de s'assurer que cet argent servait à payer la TPS exigible.

[168] La Cour conclut que M. Stewart disait la vérité quand il a témoigné que, à ce qu'il avait compris, les fonds injectés allaient servir à financer les opérations quotidiennes de l'entreprise et seraient versés aux créanciers qui menaçaient le plus de prendre des mesures. Croire cela cadre avec les mesures prises par la société après les injections de fonds. La Cour est convaincue que la position de M. Stewart était bien connue de l'appelant et des autres actionnaires et administrateurs de la société et que, en omettant de faire les versements à Revenu Canada, M. Stewart agissait non pas à l'encontre des voeux de l'appelant et des autres administrateurs, mais conformément à leurs voeux et à leurs instructions.

[169] De plus, même si l'appelant présumait que les prêts d'actionnaire allaient être utilisés pour payer l'arriéré de TPS, il n'a rien fait pour s'assurer que de tels versements étaient effectués. Encore là, il n'était pas suffisant que l'appelant compte aveuglément sur M. Stewart pour affecter ainsi cet argent et, comme l'a fait remarquer l'avocate de l'intimée, l'appelant aurait dû au moins demander une reddition de comptes, il aurait dû se renseigner auprès du comptable, il aurait dû examiner les chèques oblitérés ou les relevés bancaires ou il aurait dû contacter directement Revenu Canada pour s'informer de l'état du compte. L'appelant ne l'a pas fait, et la Cour est convaincue que M. Stewart agissait conformément à ce qu'il avait compris et non à l'encontre de la fin pour laquelle les prêts avaient été accordés.

[170] La Cour n'accepte pas l'assertion selon laquelle l'appelant était seulement cuisinier au restaurant et gérant de la cuisine. La Cour est convaincue que l'appelant comprenait bel et bien les registres financiers et qu'il avait des connaissances et de l'expérience en affaires grâce à l'entreprise en cause et à ses autres entreprises. Il avait déjà fait appel à des comptables pour s'occuper de finances et payer le compte de TPS et il n'était pas en droit de présumer que, parce que quelqu'un sur qui il comptait dans l'autre entreprise pour payer ses comptes de TPS l'avait fait, M. Stewart le ferait également. Il n'était pas en droit de conclure que M. Stewart s'occuperait du compte de TPS de la même manière que lui ou d'autres personnes l'avaient fait dans ses entreprises précédentes.

[171] L'appelant a bel et bien demandé des conseils juridiques sur ses responsabilités et s'est fait dire quelles étaient ces responsabilités. La Cour est convaincue que l'appelant savait quelles étaient ses responsabilités en tant qu'administrateur.

[172] La Cour rejette l'argument selon lequel l'appelant n'avait aucune raison de croire que l'argent recueilli ne servait pas à payer la TPS et la Cour est convaincue que l'appelant était bien au courant de ce fait.

[173] La Cour conclut que, quoiqu'il n'ait pas sollicité d'autres conseils de spécialistes au sujet des états, l'appelant était suffisamment au courant de ce que voulaient dire les états. Ceux-ci étaient suffisamment informatifs quant à la situation financière désastreuse de la société, et les registres financiers de la société étaient facilement accessibles à l'appelant, de sorte que ce dernier aurait dû agir autrement qu'il l'a fait pour prévenir l'omission de versement.

[174] La Cour conclut que l'appelant a bel et bien rencontré en maintes occasions M. Stewart et les autres membres de la société et qu'il a bel et bien discuté en détail des problèmes financiers de la société lors d'un bon nombre de ces réunions. Malgré le fait qu'elles pouvaient être informelles, ces réunions étaient très informatives quant à la situation financière désastreuse de la société, et il était clair ou aurait dû être clair pour eux tous que le compte n'était pas à jour, qu'il fallait plus d'argent pour payer les dettes de la société et que les créanciers les plus insistants seraient payés en premier.

[175] Dans ses observations finales, l'avocat de l'appelant admet tacitement que l'appelant acceptait toutes ses responsabilités en tant qu'administrateur, mais qu'il souhaitait transférer cette responsabilité à M. Stewart en s'attendant que ce dernier ouvre un compte aux fins de la TPS. Il n'y avait aucune raison que l'appelant croie que M. Stewart ferait en sorte d'ouvrir un compte distinct. En fait, l'appelant savait qu'un tel compte n'existait pas et que l'argent perçu aux fins de la TPS allait dans les recettes générales de la société et était utilisé à d'autres fins.

[176] Sur bien des points importants, les causes citées par l'avocat de l'appelant à l'appui de sa position se distinguent de ce qu'il en est en l'espèce. La Cour ne peut que conclure que l'appelant, en définitive, a fermé les yeux sur la situation financière de la société. Quoiqu'il ait pris de nombreux arrangements pour recueillir de l'argent lorsque la société en avait besoin, l'appelant n'a pris aucune mesure pour faire en sorte que cet argent soit envoyé à Revenu Canada en règlement de l'arriéré de TPS.

[177] La Cour rejette complètement l'argument selon lequel il n'y avait aucune raison de croire que M. Stewart n'utiliserait pas l'argent pour payer la TPS. L'ensemble de la preuve indique le contraire et indique que tous les administrateurs et actionnaires savaient que l'argent allait être utilisé pour payer les créanciers les plus insistants; s'ils ne savaient pas cela, ils ont permis que M. Stewart ait toute latitude quant à la façon dont l'argent serait affecté, et il n'y avait aucune raison qu'ils croient que l'argent serait utilisé pour payer la TPS.

[178] L'appelant est devenu au courant des problèmes financiers en matière de versements bien avant la première période en cause; il aurait dû agir afin de prévenir l'omission de versement pour les périodes en cause et il ne l'a pas fait.

[179] La défense de diligence raisonnable n'est pas acceptée en l'espèce, car l'appelant n'a rien fait pour prévenir le manquement à l'obligation d'effectuer des versements. En fin de compte, la Cour n'est même pas convaincue que toutes mesures prises par l'appelant équivalaient ne serait-ce qu'à une tentative pour résoudre le problème après coup. La Cour a déjà mentionné que les fonds ont été destinés non pas à Revenu Canada, pour payer l'arriéré de TPS, mais à d'autres.

[180] L'appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2001.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de mars 2003.

Mario Lagacé, réviseur


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