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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4613(GST)I

ENTRE :

POLYGON SOUTHAMPTON DEVELOPMENT LTD.,

appelante,

et

Sa Majesté La Reine,

intimée.

Appel entendu le 20 novembre 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Carl E. Beck

Avocate de l'intimée :                 Me Lynn M. Burch

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 10 juillet 2000 et porte le numéro 117011304, est accueilli, sans
dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de février 2002.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d'avril 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date : 20010204

Dossier : 2000-4613(GST)I

ENTRE :

POLYGON SOUTHAMPTON DEVELOPMENT LTD.,

appelante,

et

Sa Majesté La Reine,

intimée.

Motifs Du Jugement

Le juge Miller, C.C.I

QUESTIONS EN LITIGE :

[1]      Les questions à trancher dans le présent appel sont les suivantes :

1.        La société Polygon Southampton Development Ltd. ( « Polygon » ) est-elle tenue d'établir une autocotisation relativement à la fourniture de biens immobiliers en vertu du sous-alinéa 191(1)b)(ii) de la Loi?

2.        Si Polygon n'est pas tenue d'établir une autocotisation, le prix d'achat de chaque bail d'unité condominiale est-il réputé inclure la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) en vertu de l'article 194 de la Loi?

3.        Si le prix d'achat de chaque unité condominiale est réputé inclure la taxe sur les produits et services en vertu de l'article 194 de la Loi, le remboursement pour habitations neuves ( « RHN » ) se calcule-t-il sur le prix d'achat total de chaque bail d'unité condominiale en vertu de l'article 254 de la Loi? Si Polygon est tenue d'établir une autocotisation, faut-il calculer le RHN sur le prix d'achat total ou seulement sur la valeur du bâtiment des logements en vertu de l'article 254.1(2)h) de la Loi?

4.        Polygon a-t-elle droit à un quelconque RHN en sus des montants déjà versés aux acquéreurs ou portés au crédit de ceux-ci?

[2]      Voici les faits dont conviennent l'appelante et l'intimée et sur lesquels je m'appuie :

                   [TRADUCTION]

         

Exposé conjoint des faits et des questions en litige

1.          Il s'agit d'un appel par l'appelante, Polygon Southampton Development Ltd. ( « Polygon » ), à l'encontre d'une cotisation au titre de la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) en date du 10 juillet 2000 pour le montant de 183 670,25 $ relativement à l'aliénation de droits sur des maisons en rangée situées à Vancouver.

[ ... ]

4.          Polygon est une société par actions dont l'activité principale à l'époque en question était l'aménagement de nouvelles unités condominiales d'habitation sur un bien-fonds dont la désignation juridique est : « Lot 1, Lots de district 330, 2100 et 6320, Groupe 1, Plan de district de New Westminster LMP36920 » . L'adresse municipale du lotissement est : 3038 est, avenue Kent Sud, Vancouver (Colombie-Britannique); 3068, 3062, 3060, 3058, 3052, 3050, 3048, 3042 et 3040 est, avenue Kent Sud, Vancouver (Colombie-Britannique); 8598, 8592, 8586, 8580, 8574, 8568, 8562, 8556, 8550, 8515, 8521, 8527, 8533, 8539, 8577, 8583, 8589, 8595 et 8599, place Aquitania, Vancouver (Colombie-Britannique).

5.          Polygon est un « constructeur » aux fins de la TPS.

6.          Polygon est inscrite en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise ( « la Loi » ) en date du 7 février 1995 et son numéro d'inscription aux fins de la TPS est le 895219582RT.

[ ... ]

8.          Durant la période allant du 1er janvier 1996 au 26 juillet 2000, Polygon a aliéné ses droits sur 78 nouvelles unités condominiales d'habitation (les « logements » ).

9.          Les logements sont des « logements en copropriété » en vertu de la Loi sur la taxe d'accise.

10.        Polygon a aménagé les logements sur un terrain vague que lui avait cédé à bail la ville de Vancouver, une autorité publique. Les aménagements apportés par Polygon étaient soumis aux restrictions de la partie 3 de la loi intitulée « Condominium Act » (Loi sur les condominiums). Une copie du bail foncier conclu par la ville de Vancouver et Polygon se trouve à l'onglet 1.

11.        Polygon a converti le bail foncier de l'aménagement condominial en baux d'unités condominiales individuelles par voie de dépôt, avec l'accord de la ville de Vancouver, d'un plan d'unités condominiales locatives en vertu de la partie 3 de la Condominium Act.

12.        Le loyer de base en vertu du bail foncier susmentionné est de 3 705 555 $.

13.        L'article XXV du bail foncier stipule que Polygon convertit le bail foncier en unités condominiales dès que raisonnablement possible et enregistre le plan d'unités condominiales conformément aux dispositions de la Condominium Act et de la loi intitulée Land Titles Act (Loi sur l'enregistrement des droits immobiliers). Chaque bail d'unité condominiale reprend les termes du bail type d'unité condominiale, dont la durée est de 99 ans.

14.        Polygon a construit sur le bien-fonds un aménagement résidentiel composé d'unités condominiales d'habitation conformément au plan d'unités condominiales. L'ensemble du projet se compose de 50 logements dans un immeuble de trois étages et de 28 logements dans quatre ensembles de maisons en rangée, soit un total de 78 unités condominiales locatives. Chaque logement constitue une unité condominiale tel que défini dans le bail foncier et le bail type d'unité condominiale. Une copie du bail type d'unité condominiale se trouve à l'onglet 2.

15.        L'alinéa 2.01 du bail type d'unité condominiale stipule comme suit relativement au loyer de base du bail d'unité condominiale :

« si le loyer de base en vertu du bail foncier n'a pas été versé, le locataire s'engage à verser d'avance au locateur, aux dates prévues dans le bail foncier, à titre de loyer pendant la durée du bail, le loyer de base de chaque unité condominiale tel que calculé en divisant le loyer de base impayé en vertu du bail foncier par le nombre total d'unités condominiales. »

16.        L'alinéa 15.02 du bail type d'unité condominiale prévoit la cession ou le transport du droit de Polygon sur les unités condominiales suivant les modalités qui y sont jointes et sont intitulées : « Terms of Instrument - Part 2 - Assignment » (Modalités des actes - Partie 2 - Cession).

17.        Les modalités relatives à la cession ou au transport du droit de Polygon sur les unités condominiales intitulées « Terms of Instrument - Part 2 - Assignment » portent ce qui suit :

a)          Le paragraphe C porte que le bien-fonds visé par le bail foncier a été loti en unités condominiales par le dépôt d'un plan d'unités condominiales locatives et que le registrateur a émis, au nom de la ville, en tant que propriétaire enregistré en fief simple, de nouveaux certificats de titre pour chaque unité condominiale figurant sur le plan d'unités condominiales locatives.

b)          Le paragraphe D porte que le dépôt du plan d'unités condominiales locatives a converti le bail foncier en baux individuels au nom de Polygon relativement au droit de Polygon sur chaque unité condominiale, y compris sa part des parties communes;

c)          Le paragraphe E porte quePolygon convient de céder son droit sur l'unité condominiale en question à chaque acquéreur en contrepartie du montant à payer par l'acquéreur ( « le prix d'achat » ). Le contrat indique un montant unique comme prix d'achat et ne le répartit pas entre le bâtiment et le terrain de l'unité condominiale.

[...]

19.        Le combat d'achat-vente porte notamment ce qui suit :

a)          « L'acquéreur reconnaît que le présent contrat porte sur l'achat de la cession du droit de Polygon sur la durée restant au bail de 99 ans de l'unité condominiale, payé d'avance, portant sur l'unité condominiale locative comprenant la résidence. Le bail d'unité condominiale cédé à l'acquéreur sera contracté par Polygon et l'association condominiale suite au dépôt du plan d'unités condominiales locatives au bureau d'enregistrement immobilier. Les modalités du bail d'unité condominiale sont celles comprises au bail type d'unité condominiale du bail foncier conclu par Polygon et la ville de Vancouver ( « la ville » ) enregistré au bureau d'enregistrement immobilier sous le numéro BL152744 ( « le bail foncier » ). De plus amples renseignements sur le bail foncier et les baux d'unités condominiales figurent à l'article 3 de l'état de divulgation de Polygon. » (article 5)

b)          Polygon assume les risques relatifs à la résidence et à tous les autres éléments compris dans la vente jusqu'à 0 h 1 le jour de la conclusion du contrat, après quoi l'acquéreur les assume. (article 11)

c)          Le prix d'achat comprend un réfrigérateur, une cuisinière, un lave-vaisselle, un ventilateur de hotte aspirante, un broyeur, un foyer au gaz, des stores, une laveuse et une sécheuse. (article 12)

d)          Le prix d'achat comprend l'accès à une place de stationnement désignée. (article 13)

e)          L'acquéreur reconnaît que l'opération constitue une « fourniture exonérée » en vertu de la Loi sur la taxe d'accise et qu'il n'a pas à payer la taxe sur les produits et services sur l'achat de la résidence. Conséquemment, aucune portion du prix d'achat de la résidence ne comprend une provision quelconque pour la TPS qui serait due par l'acquéreur relativement à la résidence. Polygon rendra compte relativement à la TPS due au titre de l'aménagement et de la construction de la résidence et la paiera. (article 25)

20.        Les contrats d'achat-vente renvoient au fait que les acquéreurs ont reçu l'état de divulgation de Polygon. Une copie de l'état de divulgation de Polygon du 28 août 1998 se trouve à l'onglet 4.

21.        Les contrats d'achat-vente comprennent un addendum par lequel l'acquéreur convient que s'il a droit à un remboursement pour habitations neuves ( « RHN » ) au titre de la TPS, Polygon lui accordera un crédit égal au RHN sur le prix d'achat.L'addendum est joint au contrat d'achat- vente. Un échantillon représentatif de l'addendum se trouve à l'onglet 5.

22.        En ce qui concerne l'aménagement susmentionné et aux fins du calcul du montant du RHN au titre de la TPS à créditer aux acquéreurs, Polygon a adopté en 1999 une politique interne consistant à répartir le prix d'achat entre le terrain et le bâtiment. Bien que les contrats d'achat-vente ne répartissent pas la contrepartie entre le terrain et le bâtiment, Polygon a versé la TPS en répartissant le prix d'achat de façon à demander le RHN au titre de la TPS sur environ 76 % du prix d'achat. Polygon a évalué le prix du terrain comme s'élevant à 24 % environ du prix envisagé des logements, selon la formule suivante :

(prix payé à la ville de Vancouver pour le bail à long terme) / (total estimé du prix de vente de tous les logements)

23.        Un échantillon représentatif d'un état des rajustements du vendeur où est notamment indiqué le montant du RHN au titre de la TPS que Polygon a porté au crédit de l'acquéreur se trouve à l'onglet 6.

24.        Polygon et les acquéreurs concluaient également un accord de cession par lequel Polygon cédait à l'acquéreur son droit sur l'unité condominiale ainsi qu'un droit sur les parties communes proportionnel à ce à quoi le logement donne droit. Le paiement du prix d'achat par l'acquéreur à Polygon constituait la contrepartie pour laquelle Polygon cédait à l'acquéreur son intérêt dans l'unité condominiale « en fiducie à l'acquéreur pour le reliquat de la durée du bail, sous réserve du versement à la ville du loyer fixé dans le bail, de l'exécution et du respect des obligations du locataire, et des modalités du bail » . Un échantillon représentatif du formulaire C et de l'accord de cession se trouve à l'onglet 7.

25.        Du 1er janvier 1996 au 31 août 1999 ( « la période de cotisation » ),Polygon a aliéné ses droits sur plusieurs logements et a établi une autocotisation et a fait état du montant de 497 066,31 $ au titre de la TPS perçue ou à percevoir. Polygon a versé ce montant, moins le RHN au titre de la TPS dont elle avait crédité divers acquéreurs.

26.        Durant la période de cotisation, lorsque l'appelante portait au crédit d'un acquéreur un RHN au titre de la TPS en vertu de l'article 254.1 de la Loi, elle réclamait le montant comme crédit de taxe sur les intrants ( « CTI » ).

27.        Polygon a aliéné ses droits sur 78 logements durant la période de cotisation; les montants en litige dans le présent appel sont ceux relatifs à seulement six de ces 78 logements.

28.        Le montant crédité par Polygon relativement au RHN au titre de la TPS aux acquéreurs des six logements sur lesquels porte le litige n'excède pas 23 623,36 $.

29.        Une copie de l'échéancier d'achèvement de Polygon se trouve à l'onglet 8.

30.        Dans un avis daté du 4 janvier 2000, le ministre du Revenu national ( « le ministre » ) a établi à l'égard de Polygon une cotisation au montant de 3 109 $ pour la période allant du 1er janvier 1996 au 31 août 1999, puisqu'il estimait que la part du prix d'achat à attribuer au terrain lors du calcul du RHN était de 32,5 % en vertu de l'alinéa 254.1(2)h) de la Loi et non de 24 %. L'avis de nouvelle cotisation se trouve à l'onglet 8.

31.        Polygon s'est opposée à la cotisation dans un avis d'opposition du 31 mars 2000. Une copie de l'avis d'opposition se trouve à l'onglet 10.

32.        Le ministre a étudié l'avis d'opposition de Polygon et a convenu que la réclamation initiale de Polygon relativement au RHN au titre de la TPS, qui faisait état d'une répartition d'environ 24 % pour le terrain et de 76 % pour le bâtiment, était exacte. Le ministre était en désaccord avec les autres moyens de l'objection, notamment :

a)          aucune TPS n'était redevable puisque Polygon n'étant pas tenue d'établir une autocotisation (cette question correspond à 64 889 $ de la TPS versée par erreur);

b)          subsidiairement, le calcul du RHN doit se faire sur 100 % du prix d'achat, en vertu du paragraphe 254.1(2) de la Loi (cette question correspond à 6 974,48 $ du RHN au titre de la TPS);

c)          subsidiairement, le calcul du RHN doit se faire sur 100 % du prix d'achat, en vertu de l'article 254.1 de la Loi (cette question correspond à 6 974,48 $ du RHN au titre de la TPS).

33.        Le ministre a rendu l'avis de décision numéro 117011304 du 10 juillet 2000 par lequel il accueillait l'objection uniquement en ce qui concerne la répartition de 24 % pour le terrain. Une copie de l'avis se trouve à l'onglet 11.

POSITION DE L'APPELANTE :

[3]      L'argument de l'appelante reposait essentiellement sur l'obligation pour Polygon d'établir une autocotisation en vertu du paragraphe 191(1) de la Loi sur la taxe d'accise ( « la Loi » ), qui porte :

191(1) Pour l'application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a)          la construction ou les rénovations majeures d'un immeuble d'habitation - immeuble d'habitation à logement unique ou logement en copropriété - sont achevées en grande partie,

b)           le constructeur de l'immeuble :

(i)          soit en transfère la possession à une personne aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable (sauf un accord qui est connexe à un contrat de vente visant l'immeuble et qui porte sur la possession ou l'occupation de l'immeuble jusqu'au transfert de sa propriété à l'acheteur aux termes du contrat) conclu en vue de l'occupation de l'immeuble à titre résidentiel,

(ii)         soit en transfère la possession à une personne aux termes d'une convention, sauf une convention portant sur la fourniture d'une maison mobile et d'un emplacement pour celle-ci dans un parc à roulottes résidentiel, portant sur l'une des fournitures suivantes :

(A)        la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment dans lequel est située l'habitation faisant partie de l'immeuble,

(B)        la fourniture par bail du fonds faisant partie de l'immeuble ou la fourniture d'un tel bail par cession,

(iii)        soit, s'il est un particulier, occupe lui-même l'immeuble à titre résidentiel,

c)          le constructeur, la personne ou le particulier locataire de celle-ci ou titulaire d'un permis de celle-ci est le premier à occuper l'immeuble à titre résidentiel après que les travaux sont achevés en grande partie,

le constructeur est réputé :

d)          avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l'immeuble au dernier en date du jour où les travaux sont achevés en grande partie et du jour où la possession de l'immeuble est transférée à la personne ou l'immeuble est occupé par lui;

e)          avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l'immeuble ce jour-là.

[4]      L'appelante a interprété le sous-alinéa 191(1)b)(ii) comme nécessitant, premièrement, qu'il s'agisse d'une opération en deux étapes ou d'une opération unique comportant deux composantes résultant d'un seul accord et, deuxièmement, que le promoteur ou constructeur transfère la possession avant le moment où l'opération est sujette à une exemption spécifique prévue à l'annexe V.

[5]      L'avocat de l'appelante s'est penché sur la première des conditions et a avancé que, en l'espèce, il y a un seul bien-fonds et une seule opération, et donc qu'il n'y a qu'une seule composante résultant de l'accord; en conséquence, la situation ne satisfait pas à la première condition. Il s'est appuyé sur la convention d'achat-vente, qui comprend une désignation juridique du bien-fonds indiquant qu'il s'agit d'une unité condominiale locative. L'article 5 du contrat d'achat-vente stipule :

[TRADUCTION]

5.          INTÉRÊT À BAIL : L'acquéreur reconnaît que le présent contrat porte sur l'achat de la cession du droit de Polygon sur la durée restant au bail de 99 ans de l'unité condominiale, payé d'avance, portant sur l'unité condominiale locative comprenant la résidence [...]

[6]      L'appelante a ensuite renvoyé à l'alinéa 3.01 de l'état de divulgation :

[TRADUCTION]

                   [...]

Suite au dépôt du plan d'unités condominiales locatives au bureau d'enregistrement immobilier et après que le plan aura été accepté pour enregistrement, le bail foncier qui s'applique maintenant à la totalité du bien-fonds sera converti en baux d'unités condominiales individuelles conclus avec la ville de Vancouver en ce qui a trait aux droits du promoteur dans chaque unité condominiale locative de l'aménagement. Les modalités de ces baux d'unités condominiales individuelles sont celles énoncées au bail type d'unité condominiale [...]

Lors du transfert par Polygon Southampton Development Ltd. de ses droits dans l'unité condominiale locative à l'acquéreur, Polygon Southampton Development Ltd., l'acquéreur et la ville de Vancouver concluront un accord de cession portant sur le bail d'unité condominiale relativement aux droits sur l'unité condominiale locative faisant l'objet de l'achat. [...]

[7]      L'accord de cession et la loi de la Colombie-Britannique intitulée « Land Titles Act » réfèrent égalementà la cession du droit du vendeur dans l'unité condominiale, indiquant qu'il s'agit de l'unité condominiale no 16 du plan d'unités condominiales locatives. Selon l'appelante, il n'y avait pas de cession du bail foncier, celui-ci étant converti (en ce qui a trait à Polygon et à la ville de Vancouver) en unité condominiale locative, et ce n'est que de cette unité condominiale locative dont il est question dans les rapports entre Polygon et l'acquéreur de l'unité condominiale. La loi intitulée « Condominium Act » donne les définitions suivantes des termes « unité condominiale » (strata lot) et « bail d'unité condominiale » (strata lot lease) :

[TRADUCTION]

« unité condominiale » : lot figurant comme tel sur un plan d'unités condominiales locatives;

« bail d'unité condominiale » : bail d'une unité condominiale résultant de la conversion d'un bail foncier en vertu du paragraphe 96(1), ou cession ou transfert d'un tel bail, sous réserve de :

a)          les droits et les obligations de l'autorité publique qui est propriétaire du bien-fonds, en vertu des articles 97 et 100 à 102;

            b)          les restrictions en vertu des articles 103 et 104;


[8]      Les paragraphes 96(1) et 96(4) de la Condominium Act portent que :

                   [TRADUCTION]

(1)         Le dépôt du plan d'unités condominiales locatives convertit le bail foncier enregistré en baux individuels établis au nom du propriétaire promoteur pour les droits que détient la Couronne ou le locateur dans chaque unité condominiale et dans les parties communes. Les modalités du bail, notamment le loyer ou la contrepartie, sont celles énoncées dans le bail foncier et le bail type d'unité condominiale, sous réserve des dispositions de la présente loi et des règlements pris en application de celle-ci.

[...]

(4)         Le cessionnaire des droits du propriétaire promoteur à titre de locataire d'unité condominiale est réputé s'être engagé par écrit avec la Couronne ou le locateur à être lié par les modalités du bail type unité condominiale et à les exécuter. Il n'est cependant pas lié par les modalités du bail foncier qui ne figurent pas également dans le bail type unité condominiale, et n'est pas tenu de les exécuter et ce, malgré toute entente contraire.

[9]      L'appelante m'a ensuite renvoyé à certaines définitions de la Loi :

« logement en copropriété » Immeuble d'habitation qui est, ou est censé être, un espace délimité dans un bâtiment et désigné ou décrit comme étant une unité distincte sur le plan ou la description enregistrés y afférents, ou sur un plan ou une description analogues enregistrés en conformité avec les lois d'une province, ainsi que tous droits et intérêts fonciers afférents à la propriété de l'unité.

« immeuble d'habitation » :

a)          La partie constitutive d'un bâtiment qui comporte au moins une habitation, y compris :

(i)          la fraction des parties communes et des dépendances et du fonds contigu au bâtiment qui est raisonnablement nécessaire à l'usage résidentiel du bâtiment,

(ii)         la proportion du fonds sous-jacent au bâtiment correspondant au rapport entre cette partie constitutive et l'ensemble du bâtiment;

[...]

« habitation » Maison individuelle, jumelée ou en rangée, unité en copropriété, maison mobile, maison flottante, appartement [...] ou toute partie de ceux-ci, qui est, selon le cas :

            a)          occupée à titre résidentiel ou d'hébergement;

b)          fournie par bail, licence ou accord semblable, pour être utilisée à titre résidentiel ou d'hébergement; [...]

[10]     L'appelante estimait que ces stipulations et ces lois appuyaient sa position : le seul bien-fonds en jeu est le bail d'unité condominiale et, en vertu de la Loi, il s'agit d'un droit sur un logement en copropriété. Il y a donc un seul bien-fonds et une seule opération : la vente d'un intérêt à bail.

[11]     L'appelante a distingué la vente d'un bâtiment de la vente d'un droit sur le bâtiment; il y a, dans le premier cas, une référence directe à la propriété en fief simple. Conséquemment, en l'espèce, seule la ville de Vancouver est propriétaire du bâtiment, mais le promoteur a un droit sur le bâtiment, c'est-à-dire la propriété d'une unité condominiale locative.

[12]     L'argument subsidiaire de l'appelante, si je n'accepte pas son premier argument selon lequel il s'agirait d'une opération unique qui ne peut se scinder en les deux éléments juridiques requis par le sous-alinéa 191(1)b)(ii), est qu'on se heurte à un épineux problème relatif à l'ordre des événements si on tente de s'appuyer sur l'exemption en vertu de l'article 4 (invoquée dans Taylor c. Canada, C.C.I.,nos 96-705(GST)G et 96-706(GST)G, 27 juillet 1998,[1998] A.C.I. no 617). L'article 4 de l'annexe V de la Loi porte que :

4.          La fourniture par vente d'un immeuble d'habitation à logement unique ou d'un logement en copropriété, ou d'un droit dans un tel immeuble ou logement, effectuée par son constructeur si :

a)          [...]

b)         dans tous les cas, le constructeur reçoit par vente une fourniture exonérée de l'immeuble ou du logement ou est réputé par les paragraphes 191(1) ou (2) de la loi avoir reçu par vente une fourniture taxable de l'immeuble ou du logement, et cette fourniture constitue la dernière fourniture par vente de l'immeuble ou du logement effectuée au profit du constructeur.

Le présent article ne s'applique pas dans les cas suivants : [...]

Il est donc stipulé que la fourniture à soi-même doit être intervenue avant l'opération donnant lieu à l'exemption. Selon l'appelante, en l'espèce, il est possible que la prétendue fourniture à soi-même n'ait pas eu lieu avant la vente à l'acquéreur final. Selon l'alinéa 191(1)d), la fourniture à soi-même intervient au dernier en date du jour où les travaux sont achevés en grande partie et du jour où la possession de l'immeuble est transférée. L'exemption de l'article 4 renvoie à la vente après la prétendue fourniture à soi-même. Or, en l'espèce, la date de vente dans le contrat d'achat-vente est antérieure à la date du transfert de possession. L'appelante soutient que les articles ne sont pas compatibles et avance que la règle quant à la fourniture à soi-même n'a simplement pas été conçue pour s'appliquer à la situation qui nous occupe.

[13]     Si la règle quant à la fourniture à soi-même ne s'applique pas, alors, selon l'article 194 de la Loi, le prix d'achat est réputé comprendre la taxe. C'est un point dont semble avoir convenu l'intimée.

[14]     L'appelante a brièvement traité de l'application de l'exemption figurant à l'article 5.1 de l'annexe V, qu'elle interprète cependant comme entrant en jeu uniquement si l'opération peut être considérée comme une opération en deux étapes. Elle nie vigoureusement que ce soit le cas.

[15]     Selon la troisième question en litige, il était présumé qu'aucune exemption ne s'appliquait et que le contrat constituait une vente taxable. Comment se calcule le remboursement pour habitations neuves? Selon l'appelante, il conviendrait de le calculer sur l'ensemble du prix d'achat, indépendamment du fait qu'il était calculé sur 76 pour cent du prix au moment de la vente. L'appelante s'appuyait sur l'alinéa 254(4)d) et le paragraphe 254(6), qui portent :


254(4) [...] dans le cas où [...]

[...]

d) le constructeur convient de verser au particulier, ou en sa faveur, le remboursement qui est payable à celui-ci relativement à l'immeuble, ou de le porter à son crédit;

[...]

254(6) Le constructeur qui, en application du paragraphe (4), verse un remboursement à un particulier, ou en sa faveur, ou le porte à son crédit, alors qu'il sait ou devrait savoir que le particulier n'a pas droit au remboursement ou que le montant payé au particulier, ou porté à son crédit, excède le remboursement auquel celui-ci a droit, est solidairement tenu, avec le particulier, au paiement du remboursement ou de l'excédent au receveur général en vertu de l'article 264.

L'appelante faisait aussi référence à Battista c. Canada, C.C.I., no 1999-3238(GST)I, 15 juin 2000, [2000] A.C.I. no 365, notamment à ce qui suit :

[...] Lorsque la Loi impose l'obligation à une personne ayant perçu une taxe de la verser conformément aux dispositions de la loi comme mandataire de Sa Majesté, la personne ayant versé la taxe devrait alors, à mon avis, être en mesure de demander un remboursement si le versement a été effectué par erreur. [...]

Quatrièmement, si Polygon est tenue d'établir une autocotisation, le remboursement pour habitations neuves se calcule-t-il sur le prix d'ensemble ou seulement sur la valeur des bâtiments? L'appelante a présenté cet argument en commençant par une référence à l'article 254.1, notamment la définition de « bail de longue durée » , qui porte :

« bail de longue durée » Bail portant sur un fonds et prévoyant la possession continue du fonds pour une période d'au moins vingt ans ou une option d'achat du fonds.


L'alinéa 254.1(2)h) porte :

h)          si la juste valeur marchande visée à l'alinéa c) est de 374 500 $ ou moins, 8750 $ ou, s'il est inférieur, le montant correspondant à 2,34 % du total (appelé « contrepartie totale » au présent paragraphe) des montants représentant chacun la contrepartie payable par le particulier au constructeur pour la fourniture par vente au particulier du bâtiment ou de la partie de bâtiment visé à l'alinéa a), ou de toute autre construction qui fait partie de l'immeuble, à l'exception de la contrepartie qui peut être considérée comme un loyer pour les fournitures du fonds attribuable à l'immeuble ou comme la contrepartie de la fourniture d'une option d'achat de ce fonds;

[...]

[16]     L'appelante a insisté sur l'expression « à l'exception de la contrepartie qui peut être considérée comme un loyer » et a maintenu qu'il n'y avait pas de contrepartie pour la location du terrain. Polygon avait payé d'avance à la ville tout le loyer de base. De plus, si le contrat avec l'acquéreur implique une contrepartie unique pour un bail d'unité condominiale, il n'y a pas lieu de procéder à une répartition. Il n'y a manifestement pas de répartition à l'égard des biens comme le réfrigérateur, le lave-vaisselle, la laveuse et la sécheuse. Ils sont simplement accessoires à la fourniture unique du bail d'unité condominiale. L'appelante s'est également appuyée sur les articles 136 et 138 de la Loi pour étayer son allégation de fourniture unique, ainsi que sur la cause Hidden Valley Golf Resort Assn. c. Canada, C.A.F., no A-524-98, 13 juin 2000, [2000] A.C.F. no 869. Enfin, l'appelante a tenté d'établir une distinction avec l'affaire Taylor à deux égards : d'abord, la définition du terme « résidence » , tel qu'il apparaît dans le contrat d'achat-vente en l'espèce, n'a aucune incidence sur la désignation juridique du bien-fonds faisant l'objet du transfert; ensuite, le bail d'unité condominiale en l'espèce, contrairement à celui dans l'affaire Taylor, nécessiterait uniquement une rétrocession et non un rachat à la juste valeur marchande. Le contrat ne comprend pas de formule à utiliser lors du calcul de la juste valeur marchande. Ceci semble avoir joué un rôle significatif dans l'énoncé de l'affaire Taylor, d'où la conclusion qu'il s'agissait là des deux éléments requis pour l'application du paragraphe 191(1)b)(ii).

POSITION DE L'INTIMÉE :

[17]     Selon l'intimée, l'appel constituait une attaque de plein front contre la décision dans l'affaire Taylor, puisqu'il n'existe aucune différence dans les faits. La différence avec le libellé du contrat en l'espèce, qui fait référence à une rétrocession plutôt qu'à un rachat à la juste valeur marchande, n'en pas une différence réelle, puisque la Condominium Act exige que la rétrocession s'accompagne du paiement de la juste valeur marchande. Conséquemment, bien que le contrat traite de rétrocession, la loi exige que la rétrocession ne se fasse pas sans contrepartie, ce qui mène en fin de compte au même résultat que dans l'affaire Taylor.

[18]     L'avocate de l'intimée s'est appuyée sur la décision dans l'affaire Taylor. Elle a maintenu que cette décision était en complet accord avec la raison d'être des dispositions quant à la fourniture à soi-même. Elle citait, d'après Taylor, un extrait du communiqué de presse du ministère des Finances au sujet du sous-alinéa 191(1)b)(ii) :

La Loi sera modifiée de telle sorte que le constructeur d'un immeuble d'habitation neuf qui fournit par bail à un locataire le terrain relié à l'immeuble ou qui cède à un locataire son droit dans un bail visant un tel terrain, soit soumis aux mêmes règles concernant les fournitures à soi-même que s'il avait fourni par bail le bâtiment relié à l'immeuble en plus du terrain. Au moment où il transfère la possession de l'immeuble au locataire, le constructeur sera réputé avoir vendu le terrain et le bâtiment à leur juste valeur marchande et avoir payé, à titre d'acquéreur, et perçu, à titre de fournisseur, la taxe sur la vente réputée [...]

[19]     L'intimée estime justifiée la position du juge en chef Garon, qui a statué qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait une cession séparée du terrain et du logement. Il indique, dans Taylor :

En conclusion, je suis d'avis que les appelants ont obtenu un droit, un droit de propriété sur leurs unités condominiales respectives, en plus de leurs droits respectifs sur les baux de lot en copropriété.

[20]     De plus, nonobstant les dispositions de la Condominium Act interdisant de céder séparément le terrain et le bâtiment, le juge en chef Garon s'est prononcé comme suit :

Comme il en a ci-dessus été fait mention, l'avocate de l'intimée a soutenu que le sous-alinéa 191(1)b)(ii) ne s'applique pas en l'espèce parce que cette disposition prévoit une opération comportant deux étapes et que le fonds et l'unité condominiale ne peuvent pas être cédés séparément compte tenu de l'article 12 de la Condominium Act.

Je ne puis constater l'existence d'aucune exigence claire, au sous-alinéa 191(1)b)(ii), selon laquelle le fonds et le logement doivent faire l'objet de cessions distinctes. Il me semble plutôt que ce qui est envisagé pourrait être effectué en une seule opération composée de deux éléments différents, à savoir la cession d'un droit de tenure à bail sur le fonds et la vente d'un bâtiment. Quoi qu'il en soit, nous avons ici deux contrats (respectivement datés du 8 février et du 19 juin 1994) portant sur l'achat, par paiement anticipé, d'un droit de tenure à bail sur le lot en copropriété projeté, et l'achat d'une « maison » particulière et d'autres choses, et nous avons aussi, deux cessions subséquentes auxquelles l'UBC a consenti, respectivement datées du 8 juillet et du 3 août 1994.

[21]     En ce qui concerne l'ordre dans lequel se sont produits les événements relatifs à la fourniture à soi-même et l'application de l'exemption figurant à l'article 4 de l'annexe V, l'intimée a souligné deux failles dans l'argument de l'appelante. Tout d'abord, il y aurait, selon elle, imposition double, car la règle quant à la fourniture à soi-même s'appliquerait, sans que l'acquéreur puisse bénéficier d'une exemption; en effet, l'application de l'article 191 ne dépend pas de l'application de l'article relatif à l'exemption. Ensuite, puisque la possession suit toujours l'achèvement en grande partie des travaux, cela neutraliserait de fait l'exemption en vertu de l'article 4. La fourniture à soi-même n'entre en jeu qu'à partir de l'entrée en possession, alors que l'exemption ne s'applique qu'à la vente, si bien que l'article 4 ne s'appliquerait jamais. Selon l'intimée, l'interprétation de l'appelante découlait d'une interprétation erronée des termes « réputé [...] avoir reçu » à l'article 4. Elle avançait que ceci avait trait à l'application de la disposition déterminative et non à l'achèvement en grande partie ou au transfert de possession.

[22]     Au cas où je conclurais que l'article 4 ne pouvait s'appliquer en raison de l'ordre dans lequel les événements se sont produits, l'intimée m'a renvoyé à une autre disposition en matière d'exemption. L'article 5.1 de l'annexe V porte que :

5.1        La fourniture par vente de tout ou partie d'un bâtiment qui contient au moins une habitation, ou d'un droit afférent, dans le cas où, à la fois :

a)          juste avant et juste après le premier en date du transfert à l'acquéreur de la propriété du bâtiment, de la partie de bâtiment ou du droit et du transfert à l'acquéreur de leur possession aux termes de la convention portant sur la fourniture, le bâtiment ou la partie de bâtiment fait partie d'un immeuble d'habitation;

b)          juste après le premier en date du transfert à l'acquéreur de la propriété du bâtiment, de la partie de bâtiment ou du droit et du transfert à l'acquéreur de leur possession aux termes de la convention portant sur la fourniture, l'acquéreur est le destinataire, visé au sous-alinéa 7a)(i), d'une fourniture exonérée visée à l'alinéa 7a) du fonds compris dans l'immeuble.

[23]     Selon l'intimée, que ce soit l'exemption susmentionnée ou celle en vertu de l'article 4 qui s'applique, le résultat fiscal est le même et l'argument de l'appelante portant sur l'ordre des événements n'empêche pas l'application du sous-alinéa 191(1)b)(ii) en l'espèce.

[24]     L'intimée m'exhorte à suivre la décision dans l'affaire Taylor, tout en reconnaissant qu'elle ne me lie pas, en affirmant que ce serait mal servir les justiciables, les avocats et les tribunaux inférieurs que de refuser de suivre une décision antérieure d'un juge de la même cour, sauf circonstances exceptionnelles. Selon elle, c'est à la Cour d'appel, et non aux juges de compétence égale, de corriger une erreur judiciaire, à supposer qu'il y en ait une.

[25]     En ce qui concerne le remboursement pour habitations neuves, l'intimée soutient que l'article 254 ne peut pas s'appliquer, étant donné qu'il vise uniquement les cessions en fief simple, si bien qu'elle s'est concentrée sur l'article 254.1, notamment l'alinéa 254.1(2)h). Cet alinéa porte que le ministre rembourse un particulier d'un montant égal au moindre de 8 750 $ et de 2,34 % du total des montants représentant chacun la contrepartie payable par le particulier pour la partie de bâtiment visée à l'alinéa a), ou toute autre construction qui fait partie de l'immeuble, à l'exception de la contrepartie qui peut être considérée comme un loyer pour la fourniture du fonds attribuable à l'immeuble.

[26]     L'intimée estimait que 24 % du prix d'achat avait trait au terrain - montant que l'appelante avait en fait indiqué à l'origine et que l'intimée trouvait raisonnable.

[27]     Selon l'intimée, l'article 254.1 nécessitait deux éléments, c'est-à-dire en fait une double fourniture : il s'agirait, en l'espèce, de la cession d'un bail de longue durée et de la vente d'une unité condominiale d'habitation, soit, comme dans l'affaire Taylor, d'une fourniture unique comportant deux composantes.

[28]     De plus, l'intimée a souligné que le remboursement, si on le jugeait basé sur plus de 76 %, créerait pour l'appelante un gain fortuit auquel elle n'avait pas droit, tout remboursement revenant à l'acquéreur. Pour appuyer sa position, l'intimée s'est appuyée sur l'article 234, qui porte qu'un constructeur peut déduire le remboursement pour habitations neuves uniquement s'il verse le remboursement à l'acquéreur ou le porte à son crédit. Il est possible que l'acquéreur ait droit à un remboursement plus important, mais non le constructeur. Selon l'intimée, si je concluais que l'appelante avait droit à un remboursement supplémentaire, cela n'interdirait pas aux acquéreurs de demander au ministre la somme supplémentaire à laquelle ils auraient droit.

ANALYSE :

[29]     La question principale à trancher dans le présent appel constitue également le coeur de la décision dans Taylor : déterminer si les règles quant à la fourniture à soi-même s'appliquent à la situation de l'appelante.

La disposition dont il est tout particulièrement question est le sous-alinéa 191(1)b)(ii), qui requiert, dans son acception ordinaire, deux éléments : la vente de tout ou partie d'un bâtiment et la cession du bail du terrain. Les particularités du droit de la Colombie-Britannique, notamment la Condominium Act, sont-elles compatibles avec cette acception ordinaire eu égard aux circonstances de l'appelante? Dans l'affaire Taylor, le juge en chef Garon a conclu qu'elles étaient compatibles. Tout en reconnaissant que le droit de la Colombie-Britannique interdisait qu'il y ait deux opérations pour transférer le bien-fonds, c'est-à-dire le terrain et le bâtiment, le juge en chef Garon a conclu ce qui suit :

À mon avis, les opérations conclues entre Polygon et les appelants comportent non seulement la cession par Polygon de son droit afférent aux baux des lots en copropriété mais aussi la vente par Polygon des unités condominiales en question aux appelants.

[...]

En conclusion, je suis d'avis que les appelants ont obtenu un droit, un droit de propriété sur leurs unités condominiales respectives, en plus de leurs droits respectifs sur les baux de lot en copropriété.

[30]     L'essentiel de l'argument de l'appelante est que l'on n'est pas en présence de deux fournitures, mais d'une seule, c'est-à-dire la vente d'un intérêt à bail. J'accepte le fait qu'il y ait une seule opération, soit la vente d'un intérêt à bail selon le droit immobilier de la Colombie-Britannique, mais je dois décider si, aux fins de la Loi, il est possible de scinder cette vente en deux éléments légaux ou en deux fournitures, soit la cession du bail et la vente du bâtiment.

[31]     On ne peut s'attendre à ce qu'une loi fédérale, surtout quand il s'agit d'une loi aussi complexe que la Loi, soit conçue de façon à refléter toutes les nuances des lois provinciales; ainsi, il n'y a dans la loi aucune référence au « strata lot lease » (bail d'unité condominiale) de la Colombie-Britannique. Il est donc essentiel de déterminer non seulement si le libellé de la loi fédérale reflète l'essentiel de l'opération telle que les lois provinciales la définissent, mais aussi de chercher à déterminer si, dans son intention, la loi fédérale visait à couvrir ce genre d'opérations. Vu la pénurie de renseignements sur les circonstances entourant la présentation du sous-alinéa 191(1)b)(ii), ce n'est pas une mince tâche. Avant de me lancer à l'exploration des intentions du législateur, je vais me pencher de plus près sur le libellé de cette disposition et sur son contexte.

[32]     Commençons par passer en revue les définitions données à l'alinéa 191(1)b) :

          « immeuble d'habitation »

          « logement en copropriété »

          « habitation »

Les définitions de ces trois termes se trouvent au paragraphe [9] du présent jugement. Le terme « bâtiment » n'est pas défini. « Constructeur » est défini, mais il est inutile de reproduire la définition ici, puisqu'on ne conteste pas que l'appelante est le constructeur.

[33]     Bien que la définition d'un « logement en copropriété » comprend à la fois le bâtiment et le terrain, le sous-alinéa 191(1)b)(ii) indique clairement que les deux éléments peuvent faire l'objet de transferts de possession distincts à un acquéreur. Le sous-alinéa n'exige pas l'existence de deux conventions pour qu'il y ait un tel transfert, puisque le libellé de la disposition est : « aux termes d'une convention » portant sur la vente du bâtiment et sur la cession par bail du terrain. Le sous-alinéa semble envisager que ces deux éléments font partie d'une seule convention. Toutefois, il est manifeste qu'une telle convention doit comporter les deux éléments. Si les deux éléments sont présents, le constructeur est réputé avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l'immeuble. À mon sens, la disposition a une acception ordinaire qui est claire.

[34]     Quant au contexte, le sous-alinéa figure parmi les règles quant à la fourniture à soi-même. L'alinéa 191(1)b) envisage trois situations où un constructeur effectue une fourniture à soi-même : premièrement, au sous-alinéa 191(1)b)(i), lorsqu'il existe un bail (sauf s'il s'agit d'un bail pour une occupation à court terme dans l'attente d'une vente définitive); deuxièmement, au sous-alinéa 191(1)b)(iii), lorsque le constructeur est un particulier et occupe lui-même l'immeuble à titre résidentiel; troisièmement, lorsqu'il y a une entente comprenant à la fois une vente et un bail, comme c'est le cas de l'entente que nous avons à interpréter en l'espèce. Cette troisième situation n'était pas prévue à l'origine; elle est entrée en vigueur le 17 décembre 1990, lorsque l'alinéa a été modifié. Il est difficile de tirer du contexte plus d'indications quant à son acception. La règle quant à la fourniture à soi-même vise un contrat à deux volets, soit la vente d'un bâtiment et la cession du bail du terrain.

[35]     Il reste à déterminer l'intention du législateur lorsqu'il a ajouté cette troisième situation à la règle quant à la fourniture à soi-même. Quel abus cherchait-on à éviter? Avant de revenir à cette question, il convient de se pencher sur une autre : quel était le but des règles quant à la fourniture à soi-même avant que la modification soit introduite? Il me semble qu'elles visaient à éliminer toute économie de TPS qu'aurait pu réaliser un constructeur en construisant des logements pour les louer ou les occuper personnellement, en comparaison à toute autre personne qui achète des logements dans le même but de les louer ou de les occuper. Autrement dit, si je voulais acheter un certain nombre de logements nouvellement construits dans le but de les louer à d'autres personnes, l'achat serait assujetti à la TPS. L'objectif est de faire porter la même responsabilité à un constructeur qui aurait le même but.

[36]     Il en va de même si je veux simplement acheter un nouveau logement pour y habiter. En vertu du sous-alinéa 191(1)b)(iii), un constructeur qui est un particulier est lui aussi assujetti à la TPS. L'intention semble tout à fait claire : mettre un constructeur sur un pied d'égalité avec toute autre personne recherchant le même but.

[37]     Il n'est pas aussi facile de déceler l'objectif de la modification ayant donné lieu au sous-alinéa 191(1)b)(ii). Dans la situation du bail comme dans celle de l'occupation résidentielle, la règle quant à la fourniture à soi-même aboutit à mettre le constructeur dans la même position, en matière de TPS, que toute autre personne achetant le bien-fonds pour le louer ou l'occuper. Par contre, si on étudie la modification, il est difficile de déterminer la personne à laquelle on compare le constructeur : il s'agit apparemment d'une personne ayant elle aussi l'intention de louer le terrain et de vendre le bâtiment. À mon sens, la solution au problème se trouve dans le communiqué de presse du ministère des Finances, qu'il n'est pas inutile de répéter :

La Loi sera modifiée de telle sorte que le constructeur d'un immeuble d'habitation neuf qui fournit par bail à un locataire le terrain relié à l'immeuble ou qui cède à un locataire son droit dans un bail visant un tel terrain, soit soumis aux mêmes règles concernant les fournitures à soi-même que s'il avait fourni par bail le bâtiment relié à l'immeuble en plus du terrain. Au moment où il transfère la possession de l'immeuble au locataire, le constructeur sera réputé avoir vendu le terrain et le bâtiment à leur juste valeur marchande et avoir payé, à titre d'acquéreur, et perçu, à titre de fournisseur, la taxe sur la vente réputée [...]

[38]     Ce passage suggère que, si l'opération comporte un élément quelconque d'un bail, l'ensemble de l'opération doit être considéré comme un bail; le bail étant visé par les règles quant à la fourniture à soi-même, le bail « réputé » le sera aussi. Cela implique que le constructeur jouit d'un avantage parce qu'il est en mesure de louer avant d'être assujetti à la TPS alors que toute autre personne doit verser la TPS avant de pouvoir louer. Je suppose que le législateur estimait que le sous-alinéa 191(1)b)(1) ne s'appliquait pas au volet portant sur le bail d'un contrat combinant le bail d'un terrain et la vente d'un bâtiment et que, si la règle quant à la fourniture à soi-même ne s'appliquait pas, le constructeur pourrait attribuer au bail une part substantielle de la contrepartie. Il risquait ainsi d'être avantagé par rapport à toute autre personne, qui doit verser la TPS sur l'ensemble du bail et de la vente avant de pouvoir à son tour conclure un contrat de bail et de vente semblable.

[39]     Faute d'avoir pu trouver un scénario que le ministère des Finances aurait spécifiquement visé au moment de la modification, je dois supposer que le législateur estimait que tout ce qui ressemble à un bail est susceptible d'accorder un avantage au constructeur. En conséquence, ce qui est déterminant lors de l'application du sous-alinéa 191(1)b)(ii) n'est pas tant la forme des deux éléments que de savoir si l'opération comporte en fait un bail. L'ensemble de l'opération s'apparenterait alors à un bail et serait soumise aux règles quant à la fourniture à soi-même.

[40]     Si j'applique cette interprétation aux faits en l'espèce, la forme de l'opération n'importe pas; ce qui est crucial, c'est de déterminer si la cession d'un droit sur un bail d'unité condominiale est fondamentalement une cession du bail du terrain, auquel cas l'opération est soumise aux règles sur la fourniture à soi-même. Si je conclus que ce n'est pas le cas, et que, par conséquent, les règles quant à la fourniture à soi-même ne s'appliquent pas, est-ce que j'octroie au constructeur un quelconque avantage par rapport à toute autre personne? Si, lors de la vente à un acquéreur, une partie de la contrepartie avait trait au bail et n'était pas assujettie à la TPS, on pourrait effectivement y voir un avantage pour le constructeur. Mais ici, le fondement même de l'argument de l'appelante est que la contrepartie n'est pas divisible, puisque l'opération n'est également pas divisible. Dans une situation comme celle en l'espèce, où le constructeur aliène tout ses droits en faveur d'un acquéreur, en échange d'une seule contrepartie qui serait assujettie dans son ensemble à la TPS si ce n'était des règles quant à la fourniture à soi-même, il ne semble y avoir pour le constructeur aucun avantage qui justifierait l'application des règles sur la fourniture à soi-même. L'intention ici n'est pas de parvenir par un moyen détourné à la conclusion qu'il n'y a pas cession d'un bail, mais c'est une analyse qui m'est utile pour saisir la véritable nature de l'aliénation, ainsi que le véritable objectif du sous-alinéa 191(1)b)(ii). Je conclus que, si on considère l'objectif de la règle quant à la fourniture à soi-même, la situation en l'espèce est loin d'exiger manifestement l'application de la règle. La question est ensuite de savoir si, d'après l'acception ordinaire du libellé de la règle, la vente ou la cession d'un intérêt dans le bail d'unité condominiale constitue effectivement la cession du bail du terrain en vertu de la Loi, de sorte que le libellé de la règle s'applique à l'opération. La Loi n'offrant aucune définition de ce qui constitue la cession d'un bail, c'est en consultant le droit immobilier de la Colombie-Britannique qu'on doit trouver la réponse à cette question.

[41]     Ainsi, si je me penche sur les documents créant l'opération entre l'appelante et l'acquéreur, je note l'article 5 du contrat d'achat-vente, qui porte que :     

[TRADUCTION]

5.           INTÉRÊT À BAIL : L'acquéreur reconnaît que le présent contrat porte sur l'achat de la cession du droit de Polygon sur la durée restant au bail de 99 ans de l'unité condominiale, payé d'avance, portant sur l'unité condominiale locative comprenant la résidence. Le bail d'unité condominiale cédé à l'acquéreur sera contracté par Polygon et l'association condominiale suite au dépôt du plan d'unités condominiales locatives au bureau d'enregistrement immobilier. Les modalités du bail d'unité condominiale sont celles comprises au bail type d'unité condominiale du bail foncier conclu par Polygon et la ville de Vancouver ( « la ville » ), enregistré au bureau d'enregistrement immobilier sous le numéro BL152744 ( « le bail foncier » ). De plus amples renseignements sur le bail foncier et les baux d'unités condominiales figurent à l'article 3 de l'état de divulgation de Polygon. (article 5)

L'article 6 porte que :

6.          TITRE : Polygon aliènera son intérêt dans le bail individuel d'unité condominiale ayant trait à la résidence libre de tout privilège et de toute charge. Le titre de propriété du bien-fonds où se trouve le lotissement est enregistré au nom de la ville. Le titre de propriété du bien-fonds, et donc le bail individuel d'unité condominiale, est assujetti au bail foncier et aux documents, intérêts et charges qui y sont visés, aux conditions, dispositions, restrictions, exceptions et réserves, notamment les redevances, visées dans la concession de la Couronne et dans toute concession ou aliénation faite par la Couronne, et aux clauses restrictives, aux droits de passage et aux servitudes enregistrées, en instance ou prévues au bénéfice de services publics, de pouvoirs publics, de gouvernements ou d'autres personnes afin de faciliter le lotissement.

[42]     Dans le contrat de cession, les articles 1 et 2 portent que :

1.          En contrepartie du montant de 249 900 $ versé par l'ACQUÉREUR au VENDEUR, dont le VENDEUR accuse réception par les présentes, le VENDEUR, en tant que propriétaire bénéficiaire, cède son droit sur l'Unité Condominiale en fiducie à l'ACQUÉREUR pour le reliquat de la durée du bail, sous réserve du versement à la VILLE du loyer fixé dans le Bail, de l'exécution et du respect des obligations du locataire, et des modalités du Bail » .

2.          L'ACQUÉREUR s'engage envers le VENDEUR et la VILLE, de façon solidaire, durant le reliquat de la durée du bail et tout renouvellement de celui-ci, à exécuter et à respecter les engagements du locataire et les modalités du BAIL tout comme si le BAIL comprenait un transport district de l'UNITÉ CONDOMINIALE pour le loyer mentionné au BAIL.

[43]     Dans le bail d'unité condominiale proprement dit, relevons l'alinéa 21.01 :

Au terme de la DURÉE du bail ou lors de sa résolution, le LOCATAIRE rétrocédera l'UNITÉ CONDOMINIALE (y compris son droit sur les PARTIES COMMUNES ou sur toute INSTALLATION COMMUNE) au LOCATEUR dans l'état où elle devait être maintenue par le LOCATAIRE aux termes du présent bail, sauf disposition contraire expresse aux présentes.

et l'alinéa 26.01 porte que :

S'il y a contradiction ou incompatibilité entre les modalités du présent BAIL TYPE D'UNITÉ CONDOMINIALE ou les devoirs et obligations du LOCATEUR, du LOCATAIRE ou de l'ASSOCIATION CONDOMINIALE en vertu dudit BAIL TYPE et les dispositions de la CONDOMINIUM ACT qui s'appliquent aux UNITÉS CONDOMINIALES LOCATIVES, les dispositions de ladite CONDOMINIUM ACT l'emportent.

[44]     D'autre part, dans l'état de divulgation, l'alinéa 3.01 porte ce qui suit :

3.01       Propriétaire inscrit

Le titre de propriété du bien-fonds est enregistré au nom de la ville de Vancouver. Polygon Southampton Development Ltd. détient un intérêt à bail dans le bien-fonds en vertu d'un bail foncier payé d'avance ayant la forme requise par la ville de Vancouver pour une durée de 99 ans, à compter du 28 avril 1997 jusqu'au 27 avril 2096. Le bail foncier est enregistré au bureau d'enregistrement immobilier sous le numéro BL152744. On peut examiner une copie du bail foncier aux bureaux du promoteur ou à son bureau de vente situé sur les lieux du lotissement, pendant les heures ouvrables, du lundi au vendredi.

[...]

Lors du transfert par Polygon Southampton Development Ltd. de ses droits dans l'unité condominiale locative à l'acquéreur, Polygon Southampton Development Ltd., l'acquéreur et la ville de Vancouver concluront un accord de cession portant sur le bail d'unité condominiale relativement aux droits sur l'unité condominiale locative faisant l'objet de l'achat. [...]

Aux termes de l'article 3 du bail type d'unité condominiale, l'acquéreur de l'unité condominiale locative est responsable du paiement des impôts fonciers prélevés par la ville de Vancouver. Si le bien-fonds n'est pas imposable parce qu'il appartient à la ville de Vancouver, l'acquéreur verse comme loyer supplémentaire le montant des impôts qui auraient été versés à la ville de Vancouver si le bien-fonds avait été imposable.

[45]     Il est significatif que, dans tous les cas, on ne réfère pas à la cession d'un bail, mais plutôt à la cession du droit de Polygon sur un bail d'unité condominiale. Il me semble que c'est le libellé de l'état de divulgation qui reflète le mieux le fondement juridique de l'opération : le transfert que fait Polygon à un acquéreur de son intérêt dans l'unité condominiale qui nécessite, outre l'acte de cession de Polygon à l'acquéreur, la cession du droit sur l'unité condominiale locative faisant l'objet de l'achat. Plutôt que de faire référence à un bail, les parties font référence à un droit sur une unité condominiale locative. Étant donné que la durée du droit est de 99 ans et que l'espérance de vie d'un condominium sur la côte ouest est sans doute de moins d'un siècle, je conclus que le droit qu'aliène l'appelante ne constitue pas la cession d'un bail aux termes de la Loi, mais plutôt une vente aux termes de la Loi. C'est une position que viennent étayer les caractéristiques attribuées à un bail d'unité condominiale par la Condominium Act.

[46]     Les baux d'unités condominiales existent du fait qu'ils se trouvent sur des terres de la Couronne. Ils découlent d'un bail foncier[1] accordé par la Couronne ou une autre autorité publique, en l'espèce la ville de Vancouver. Le point de départ incontournable est que le bien-fonds ne peut être transporté en fief simple, puisqu'il s'agit de terres de la Couronne. À défaut, la Couronne convertit le bail foncier en baux d'unités condominiales ayant une durée de 99 ans. L'article 94 interdit l'enregistrement d'un plan d'unités condominiales locatives sauf s'il a trait à des terres de la Couronne. La Couronne a un certain nombre de droits et d'obligations liés au fait qu'elle reste propriétaire du bien-fonds. En vertu de l'article 97, quand le bail d'unité condominiale vient à terme, la Couronne est tenue d'acheter l'intérêt du locataire sur l'unité condominiale. Il doit bien y avoir un achat, puisqu'il n'y a pas de réversion automatique au « locateur » . D'autre part, l'article 98 laisse à penser qu'il ne s'agit pas d'un bail ordinaire. Il porte que, si le locataire d'unité condominiale manque à ses obligations aux termes du bail d'unité condominiale, la Couronne, bien qu'habilitée à prendre possession de l'unité condominiale, doit s'en abstenir. Elle ne doit pas non plus mettre fin au bail de l'unité condominiale. Son seul recours est de s'adresser au tribunal pour obtenir une ordonnance de vente. Là encore, les termes indiquent plutôt une vente qu'un bail.

[47]     Si je compare un promoteur qui vend une unité condominiale (c'est-à-dire un condominium ne se trouvant pas sur des terres de la Couronne) et un promoteur qui vend tous ses droits sur un bail d'unité condominiale (un condominium sur des terres de la Couronne), je ne vois aucune différence qui justifierait l'application de la règle quant à la fourniture à soi-même dans le second cas. Dans un cas comme dans l'autre, l'acquéreur s'estimerait être propriétaire. Je ne voudrais pas laisser à croire au détenteur du bail d'unité condominiale qu'il ne dispose que de droits réduits en tant que simple locataire. Les deux sont propriétaires de condominiums, avec les mêmes droits et obligations. Les subtilités juridiques de ce type de propriété selon le droit de la Colombie-Britannique ne devraient pas créer des pièges pour le promoteur lors de l'application des lois fédérales.

[48]     Le bail d'unité condominiale est un concept du droit immobilier unique en son genre au Canada. On ne saurait s'approcher plus de la propriété par un particulier de terres de la Couronne. Je conclus que la vente par l'appelante d'un droit sur un bail d'unité condominiale ne constitue pas une cession de bail en vertu du sous-alinéa 191(1)b)(ii). Il s'agit véritablement de quelque chose de différent, qui ne tombe pas sous le régime dudit sous-alinéa.

[49]     Étant donné la conclusion à laquelle j'en suis venu sur ce point, il est inutile que je me penche sur le problème relatif à l'ordre des événements lié à l'application de l'exemption figurant à l'article 4 de l'annexe V.

[50]     L'avocate de l'intimée a prédit d'effroyables conséquences si j'en arrivais à une conclusion différente de celle dans l'affaire Taylor. Le secteur immobilier de la Colombie-Britannique serait déboussolé, comme le seraient les justiciables et les avocats, qui sont en droit de supposer que les règles de droit sont raisonnablement claires et certaines. Bien que ce soit là une attitude susceptible de constituer une sérieuse entrave à l'indépendance judiciaire, je comprends son inquiétude. Nous sommes une cour de première instance. Tout litige aura ses caractéristiques propres : des appelants différents, des avocats différents, des plaidoiries différentes, des faits différents, même de façon minime, qui contribueront tous à des décisions différentes. Il est indubitablement souhaitable de faire preuve de constance dans l'application de nos lois fiscales complexes, et je ne devrais certes pas m'écarter sans raison du jugement rendu dans une affaire qui semble identique à celle en l'espèce, mais ces principes ne me libèrent toutefois pas de ma responsabilité de soupeser judicieusement les faits et les arguments qui ont été présentés dans la présente affaire et d'appliquer la loi en conséquence.

[51]     L'appelant dans l'affaire entendue par le juge en chef Garon était l'acquéreur du condominium. L'appelante en l'espèce est le promoteur du condominium. Les condominiums en cause en l'espèce ne sont pas les mêmes que ceux sur lesquels s'est prononcé le juge en chef Garon; les contrats diffèrent quelque peu, bien que les opérations soient essentiellement similaires. Le juge en chef Garon n'a pas eu l'occasion d'entendre le promoteur défendre sa position, et il semble que l'appelant n'avait pas grand-chose à dire au sujet de la règle quant à la fourniture à soi-même. C'est manifestement la Couronne qui a eu gain de cause sur cette question. Pour en arriver à la conclusion qu'il y avait cession du bail d'une part et vente du bâtiment d'autre part, le juge en chef Garon s'est appuyé sur l'alinéa 26.01 du bail d'unité condominiale qui lui était soumis. Cette disposition prévoyait qu'on déterminerait le prix lors de la résiliation en tenant compte du fait que le droit à évaluer consistait uniquement du bâtiment constituant l'unité condominiale et du droit sur les parties communes. Il n'existe aucune disposition à cet effet dans le bail d'unité condominiale en l'espèce. J'estime qu'il s'agit d'une différence significative, étant donné l'importance accordée à la disposition en question par le juge en chef Garon.

[52]     Il me reste à traiter du remboursement pour habitations neuves. Étant donné que j'ai conclu que le sous-alinéa 191(1)b)(ii) ne s'applique pas, ce n'est pas l'article 254.1 mais plutôt l'article 254 que je prends en considération pour trancher la question. L'appelante croit avoir droit à un remboursement plus élevé que celui qu'elle réclamait auparavant, la réclamation antérieure ayant porté sur seulement 76 % de l'ensemble du prix d'achat. L'intimée affirme que seul l'acquéreur du condominium est habilité à demander un remboursement supplémentaire. Je suis convaincu que le remboursement aurait dû porter sur 100 % du prix d'achat, la vente du droit sur l'unité condominiale étant une fourniture taxable.

[53]     Pour que l'article 254 s'applique, il faut que la TPS payable lors de la vente ait effectivement été payée. Si l'on applique l'article 194, comme indiqué plus haut, le paiement est réputé avoir eu lieu, de sorte que cette condition est satisfaite. Le paiement réputé porterait sur l'ensemble de la contrepartie, et non sur une partie de celle-ci. Le remboursement porté au crédit lors de la clôture portait sur seulement 76 % du prix d'achat total. La question est de savoir qui a droit au remboursement supplémentaire qui n'a pas encore été réclamé.

[54]     Le remboursement revient généralement à l'acquéreur, sauf si un accord est conclu pour le verser au constructeur. L'appelante a stipulé, dans un addendum au contrat d'achat-vente :

Si l'acquéreur a droit à un remboursement pour habitations neuves au titre de la TPS [...] et remplit les formulaires pouvant raisonnablement être nécessaires pour céder le bénéfice du remboursement à Polygon, Polygon lui accordera un crédit applicable sur le prix d'achat [...]

[55]     L'état des rajustements lors de la clôture indique qu'un tel crédit a été consenti, conformément aux dispositions du paragraphe 254(4), en fonction de la contrepartie moins élevée. En fait, l'appelante a surévalué la TPS en sous-évaluant le remboursement, si bien que l'acquéreur a versé à l'appelante, au moment de la clôture, une somme excessive qui aurait dû être réduite en fonction du montant du remboursement non réclamé. Vers qui l'acquéreur peut-il se tourner afin d'obtenir ce qui lui était dû? Vers le ministre ou vers Polygon? L'acquéreur se fiait à Polygon pour déterminer le montant dû et c'est pourquoi il a trop déboursé. Il peut donc se tourner vers Polygon pour un allégement.

[56]     L'article 234 permet à un constructeur qui a porté au crédit d'un acquéreur un montant au titre d'un remboursement au moment de la clôture, conformément au paragraphe 254(4), de déduire ce montant dans le calcul de la taxe nette pour la période de déclaration en question. Si le constructeur paie trop du fait d'une sous-estimation, il s'ensuit que le constructeur est habilité à se faire rembourser le montant en question par le ministre. L'appelante agit à titre de mandataire de la Couronne pour percevoir la taxe. En l'espèce, l'appelante a perçu une somme trop importante en sous-estimant le remboursement; elle est tenue de rembourser la différence à l'acquéreur et cherche à recouvrer du ministre ce qu'elle a perçu en trop. Je ne pense pas que l'acquéreur ait limité son droit au montant erroné du remboursement, comme l'a soutenu l'intimée.

[57]     En résumé, je conclus que, dans le cas spécifique en l'espèce, l'appelante n'est pas tenue d'établir une autocotisation aux termes du sous-alinéa 191(1)b)(ii). Je conclus que l'article 194 s'applique à la situation et que le prix d'achat d'un bail d'unité condominiale est réputé comprendre la TPS. En ce qui concerne le remboursement pour nouvelles habitations, le paragraphe 254(5) s'applique, si bien que le remboursement pour nouvelles habitations doit se calculer sur le prix d'achat total de chaque bail d'unité condominiale. De plus, l'appelante a le droit d'obtenir du ministre le remboursement non réclamé.


[58]     Enfin, je conclus qu'il n'est pas approprié dans le cas présent d'adjuger les dépens.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de février 2002.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d'avril 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur



[1] L'article 92 de la Condominium Act définit les termes « bail foncier » comme suit :

[TRADUCTION]

« bail foncier » bail immobilier établi aux fins de la présente partie par la Couronne, la Couronne du chef du Canada, une ville, un district régional on une autorité publique et enregistré au bureau d'enregistrement immobilier.

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