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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4176(IT)I

ENTRE :

THOMAS VANKA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 21 août 2001 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Représentant de l'intimée :          Philippe Dupuis (stagiaire)

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995 sont admis et les cotisations sont
déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de septembre 2000.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20010927

Dossier: 2000-4176(IT)I

ENTRE :

THOMAS VANKA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      Le présent appel a été interjeté sous le régime de la procédure informelle et porte sur les années d'imposition 1994 et 1995.

[2]      Il s'agit de savoir si un local de travail dans la résidence de l'appelant sert exclusivement à tirer un revenu de l'exercice de la médecine et à voir des patients sur une base régulière et continue dans le cadre de cet exercice.

[3]      L'appelant a témoigné. Il a déclaré qu'il est médecin, qu'il exerce la médecine familiale depuis 25 ans, que ses patients sont principalement des personnes âgées et des personnes psychologiquement instables et que ces patients ont besoin que leur médecin soit disponible sur une base pratiquement continue.

[4]      L'appelant a renvoyé la Cour au Code de déontologie des médecins du Québec et au rapport d'un groupe de travail mis sur pied par le Collège des médecins du Québec. Du rapport intitulé Nouveaux défis professionnels pour le médecin des années 2000, l'appelant a cité des extraits figurant aux pages 26 et 34 :

Le médecin de famille doit, pour sa part, augmenter le temps passé avec les familles, les personnes âgées, les patients atteints de maladie chronique; il doit consacrer le temps nécessaire à la coordination de son travail avec celui de l'infirmière et avec celui de ses collègues spécialistes. Son travail est de plus en plus exigeant pour ce qui est de l'étude et de la rédaction des dossiers médicaux, et pour ce qui est des tâches médico-administratives et de l'enseignement le cas échéant. Souvent, il devient l'ombudsman de son patient auprès de certains organismes et de professionnels de la santé afin que ce dernier ait accès rapidement aux soins que requiert son état.

[...]

Le médecin de famille est appelé à jouer un rôle qui lui est propre au regard des soins de première ligne. Il est en effet responsable des soins primaires auprès de ses patients [...] Les soins de première ligne qu'il offre correspondent aux soins médicaux primaires définis par l'OMS. Ils englobent les soins préventifs, curatifs, de réadaptation et palliatifs. Ils se caractérisent par leur accessibilité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Ils sont donc globaux et continus, et ils comprennent la prise en charge à long terme de la personne (Conseil médical du Québec, 1995). [...]

[5]      L'appelant a expliqué que son bureau du centre-ville est situé rue Drummond à Montréal et qu'il y voit des patients du lundi au vendredi, de 8 heures à 19 heures. Il a décrit son bureau à domicile comme étant une pièce autonome - de 9 pieds sur 9 - d'un bungalow de deux chambres à coucher situé à Ville Mont-Royal.

[6]      L'appelant a déclaré que, contrairement à ce qu'il en est dans le cas d'une clinique sans rendez-vous où les responsabilités administratives et médicales se terminent avec la période de travail et où les médecins se partagent les patients, il doit rester disponible en tout temps de 19 heures à 8 heures. Il a déclaré que, en moyenne, il reçoit sept appels par soir et voit un patient par semaine à son bureau à domicile.

[7]      Il a expliqué qu'il considère son bureau à domicile comme étant un prolongement de son bureau du centre-ville. Son bureau à domicile est directement relié au bureau du centre-ville par téléphone ainsi que par ordinateur. Les dossiers des patients se trouvent dans le système informatique. Lorsqu'un patient téléphone, l'appelant a accès à son dossier. Il en est de même quand l'appelant voit un patient. L'appelant utilise son bureau à domicile pour vérifier l'efficacité de médicaments, faire exécuter de nouvelles ordonnances, surveiller l'évolution de l'état des patients, faire rapport sur les résultats de laboratoire, discuter du cas des patients avec les membres de leur famille, écouter ce que les patients ont à dire au sujet de leurs problèmes et conseiller les patients. La correspondance avec d'autres spécialistes concernant les cas problèmes se fait à partir du bureau à domicile.

[8]      Le bureau à domicile sert également à des fins administratives, car l'appelant n'a pas de temps pour cette partie de son travail quand il est au bureau du centre-ville. L'appelant a en outre déclaré que les consultations par téléphone sont des actes médicaux et sont payées par le régime de soins de santé.

Conclusion

[9]      Le paragraphe 18(12) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) a été ajouté par L.C. 1988, ch. 55, paragraphe 10(16), et est applicable aux exercices commençant après 1987. Il se lisait comme suit pour l'année 1994 :

18(12) Travail à domicile - Malgré les autres dispositions de la présente loi, dans le calcul du revenu d'un particulier tiré d'une entreprise pour une année d'imposition :

a)          un montant n'est déductible pour la partie d'un établissement domestique autonome où le particulier réside que si cette partie d'établissement :

(i)          soit est son principal lieu d'affaires,

(ii)         soit lui sert exclusivement à tirer un revenu d'une entreprise et à rencontrer des clients ou des patients sur une base régulière et continue dans le cadre de l'entreprise;

b)          si une partie de l'établissement domestique autonome où le particulier réside est son principal lieu d'affaires ou lui sert exclusivement à tirer un revenu d'une entreprise et à rencontrer des clients ou des patients sur une base régulière et continue dans le cadre de l'entreprise, le montant déductible pour cette partie d'établissement ne peut dépasser le revenu du particulier tiré de cette entreprise pour l'année - calculé compte non tenu de ce montant;

c)          tout montant qui, par le seul effet de l'alinéa b), n'est pas déductible pour une partie d'établissement domestique autonome dans le calcul du revenu d'entreprise du particulier pour l'année d'imposition précédente est déductible dans le calcul du revenu d'entreprise du particulier pour l'année, sous réserve des alinéas a) et b).

L'alinéa 18(12)b) modifié est applicable aux années 1995 et suivantes :

b)          si une partie de l'établissement domestique autonome où le particulier réside est son principal lieu d'affaires ou lui sert exclusivement à tirer un revenu d'une entreprise et à rencontrer des clients ou des patients sur une base régulière et continue dans le cadre de l'entreprise, le montant déductible pour cette partie d'établissement ne peut dépasser le revenu du particulier tiré de cette entreprise pour l'année, calculé compte non tenu de ce montant et des articles 34.1 et 34.2;

[10]     Comme il n'y a aucun différend quant au fait que le local de travail à domicile de l'appelant n'est pas son principal lieu d'affaires, la partie du paragraphe 18(12) qui est pertinente en l'espèce est le sous-alinéa a)(ii). Ce sous-alinéa permet de déduire un montant à l'égard d'un local de travail à domicile dans la mesure où ce local sert exclusivement à tirer un revenu d'une entreprise et à rencontrer des patients sur une base régulière et continue dans le cadre de l'entreprise.

[11]     J'accepte le témoignage de l'appelant selon lequel le bureau à domicile est bien équipé pour la prestation de ses services professionnels et qu'il sert exclusivement à cette fin. On n'a présenté aucune preuve du contraire, et la preuve présentée par l'appelant est plausible et est ainsi crédible.

[12]     Il reste à déterminer si le bureau à domicile était utilisé sur une base régulière et continue dans le cadre de l'entreprise. Il est intéressant de noter que le bulletin d'interprétation IT-514, intitulé « Frais de local de travail à domicile » , dit au paragraphe 3, intitulé « Base régulière et continue » :

3. Le premier critère donné en 1b) ci-dessus précise que le local de travail ne doit être utilisé que pour tirer un revenu d'une entreprise. Pour que ce critère soit respecté, il faut qu'un espace distinct, comme une ou plusieurs pièces, soit uniquement consacré aux activités de l'entreprise. Le deuxième critère précise que le local de travail doit servir à rencontrer des clients ou des patients sur une base régulière et continue. L'examen des faits déterminera si la fréquence et la régularité des rencontres sont suffisantes pour que le critère soit observé. Cependant, un local de travail d'une entreprise qui tient normalement des réunions occasionnelles, ou des réunions fréquentes mais de façon irrégulière, ne répondrait pas au critère. Par exemple, dans le cas d'un médecin qui recevrait à son domicile un ou deux patients par semaine, le critère de la fréquence et de la régularité ne serait pas respecté. Mais il le serait, en revanche, si ce médecin rencontrait 5 patients par jour, 5 jours par semaine. Pour qu'un contribuable puisse déduire les frais de local de travail, il faut que les deux critères énoncés en 1b) ci-dessus soient respectés, si celui donné en 1a) ne s'applique pas.

[13]     Je suis d'avis que, si le fait de voir un patient en moyenne une fois par semaine au bureau à domicile ne pourrait suffire pour qu'il s'agisse d'une utilisation régulière et continue du local de travail à domicile, le fait de recevoir en moyenne sept appels téléphoniques de patients par soir peut être assimilé à une telle utilisation régulière et continue d'un local de travail à domicile. Les appels téléphoniques ne pourraient être reçus sans l'utilisation du local de travail à domicile, car les dossiers des patients doivent être examinés et complétés. Ces dossiers se trouvent dans le système informatique. De plus, d'après l'appelant, les consultations par téléphone sont des actes médicaux et sont facturables. Le travail administratif qui suit les appels est également accompli dans le local de travail à domicile. Bien que les termes « rencontrer [...] des patients » soient utilisés dans la disposition législative, je ne suis pas convaincue que cela exige la présence physique des patients dans le local de travail à domicile. Je suis d'avis que le médecin rencontrait ses patients en se rendant disponible pour répondre à leurs questions par téléphone et en faisant tout ce qui est décrit au paragraphe 7 des présents motifs.


[14]     Les appels sont admis.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de septembre 2001.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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