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Date : 20030730

Dossier : 2000-5125(IT)G

ENTRE :

JACK L. ISAMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu le 19 juin 2003 à Calgary (Alberta)

Par : l'honorable juge A. A. Sarchuk

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant en personne

Avocate de l'intimée :

Me Margaret McCabe

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JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est rejeté et les dépens sont adjugés à l'intimée.


Signé à Ottawa, Canada, le 30 juillet 2003.

« A. A. Sarchuk »

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de novembre 2003.

Mario Lagacé, réviseur


Référence : 2003CCI535

Date : 20030730

Dossier : 2000-5125(IT)G

ENTRE :

JACK L. ISAMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sarchuk

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté par Jack L. Isaman relativement à son année d'imposition 1996 à l'égard de laquelle il a déduit une perte au titre d'un placement d'entreprise de 250 000 $ découlant d'un prêt par un actionnaire consenti à Vantage International (1996) Inc. Dans la nouvelle cotisation établie à l'égard de l'appelant pour cette année d'imposition, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé cette déduction.

[2]      L'appelant a témoigné qu'en 1992, des particuliers représentant une société appelée Failsafe Direct Marketing Inc. ( « Failsafe » ) lui ont proposé d'investir dans un jeu de société intitulé « High Five » devant être produit par Banta Company, l'un des plus grands fabricants de jeux au monde. Les négociations ont abouti au versement du montant de 150 000 $ à Failsafe en échange d'un [TRADUCTION] « accord de redevances prévoyant que je récupérerais un pourcentage du produit de la vente de ce jeu » . Le 29 février 1992, ou avant cette date, une avance de 25 000 $ a été versée à Failsafe, suivie d'autres avances de 75 000 $ et de 50 000 $. L'appelant déclare qu'il a ensuite versé un montant supplémentaire de 118 000 $ afin que Failsafe puisse mener à bien l'acquisition des jeux, et que les livres de Failsafe montrent que ce montant a été versé à Banta. Il soutient que des problèmes se sont présentés et que Banta n'a pas produit les jeux promis. En outre, puisque Failsafe devait protéger ses droits en enregistrant ses marques de commerce et en versant les frais juridiques afférents, etc., l'appelant a dû encore injecter de l'argent. Il déclare également que Vantage International Products et Services Inc., société appartenant aux inventeurs du jeu avec lesquels Failsafe avait un accord de licence et de redevance, prenait part à cette activité. Étant donné que toute l'information relative au produit faisait allusion à cette dénomination sociale, il a été décidé d'abandonner la dénomination Failsafe pour adopter celle de Vantage International Incorporated[1] à compter du 28 février 1994. L'appelant s'est appuyé sur le bilan du 28 février 1995 de Vantage International Incorporated pour démontrer qu'à cette date-là, le solde qui lui était dû s'élevait à 345 428,59 $[2].

[3]      L'appelant a témoigné que d'autres problèmes s'étaient présentés en 1996, que les ventes étaient pratiquement nulles, que Banta avait intenté des poursuites en vue de récupérer le solde dû sur les jeux et qu'il fallait plus d'argent pour financer une étude de marché. À cette fin, il a été décidé de chercher des investisseurs en capital-risque. Entre-temps, [TRADUCTION] « pour rester à jour dans le versement du loyer, j'ai continué de payer les frais divers occasionnés par la poursuite des activités » . Ces problèmes ont mené à la tenue d'une réunion de réorganisation en mai 1996. À cette occasion, il a été décidé de [TRADUCTION] « commencer à neuf avec une société restructurée, de nouveaux actionnaires ou de nouveaux pourcentages de répartition des parts sociales. C'est ce que nous avons fait, avec la constitution, en 1996, d'une nouvelle société dénommée Vantage International (1996) Ltd. » (Vantage (1996))[3]. D'après l'appelant, l'organisation du capital social avait changé, mais [TRADUCTION] « l'ensemble de l'actif et du passif a été transféré à cette structure, et l'ancienne société a cessé d'exister » [4]. D'autres dépenses ont dû être prises en charge et, à la fin de 1996, l'appelant dit qu'il ne pouvait plus injecter d'argent dans Vantage (1996), qui [TRADUCTION] « s'est en fait éteinte de mort naturelle » . À la suite de cela, l'appelant a déduit, dans sa déclaration de revenus de 1996, les pertes au titre d'un placement d'entreprise qui sont visées par l'appel. L'appelant soutient également que Vantage (1996) est encore en activité à l'heure actuelle, et que [TRADUCTION] « l'on essaie encore de la remettre sur pied parce que les jeux existent, le produit existe, c'est un bon produit, mais cela prendrait un investissement de deux millions de dollars pour le démarrer, pour faire décoller Vantage et, sans investisseurs de capital-risque, ce sera impossible à réaliser, et franchement, depuis la fin de 1996, je ne crois plus que ce soit possible, et j'ai décidé d'arrêter d'y engloutir de l'argent » .

Analyse

[4]      Le contre-interrogatoire de l'appelant a mis au jour plusieurs contradictions dans son témoignage. Pour commencer, il s'avère que l'investissement initial était le résultat d'un arrangement entre Failsafe et un consortium, 520660 Alberta Limited (520660), qui avait été structuré par l'appelant afin de permettre à des tiers d'investir dans le projet, et que c'était là l'origine des premières avances de 25 000 $, de 50 000 $ et de 75 000 $[5]. Ce fait est confirmé par l'entente du 24 avril 1992 conclue par 520660 et Failsafe[6]. L'appelant a admis que ce document concernait l'argent fourni à Failsafe relativement au capital de risque mentionné pendant son interrogatoire principal, mais il a modulé cet aveu en affirmant que cela ne concernait que le montant de 150 000 $.

[5]      Comme il a été indiqué précédemment, l'appelant soutient qu'en 1995, un solde de 345 428,59 $ lui était dû, et qu'au moment où il a cessé d'injecter de l'argent, soit en 1996, son investissement représentait quelque 470 000 $. À l'appui de cette assertion, l'appelant a présenté à l'intimée un certain nombre de chèques visant à l'aider à retracer les montants investis dans Failsafe[7]. Une liste de ces documents fait état de 26 paiements de ce type pendant la période allant du 29 avril 1992 au 6 février 1996, représentant un total de 253 227 $, tous ces versements étant effectués par différentes sociétés à dénomination numérique. L'appelant n'a pas contesté que ces chèques avaient été identifiés par lui comme faisant partie de la déduction en litige de la perte de 250 000 $ au titre d'un placement d'entreprise, mais il n'a fourni aucune autre documentation à l'appui de sa position. Les trois premiers chèques de la liste concernent le premier montant de 150 000 $ versé à Failsafe à titre de capital de risque pendant l'année de la constitution, soit 1992, mais aucune preuve, documentaire ou autre, ne vient étayer son affirmation selon laquelle il aurait investi ce montant personnellement. En ce qui concerne les 23 autres versements figurant à la pièce R-5, l'appelant et l'avocate de l'intimée ont échangé les propos suivants :

          [TRADUCTION]

Q.         M. Isaman, convenez-vous que ces chèques, que vous avez soumis, constituent votre preuve, selon ce que vous dites, que vous avez investi de l'argent dans Vantage International ou dans Failsafe Direct Marketing à certains moments?

R.          Oui, entre moi et les autres bailleurs de fonds, comme je l'ai dit.

M. LE JUGE : Pardon, entre?

R.          Entre moi et les autres bailleurs de fonds, oui.

Q.         Mais vous conviendrez avec moi qu'en lisant la liste des noms de ceux qui ont émis les chèques, on ne retrouve pas une seule fois votre nom, n'est-ce pas?

R.          Non, pas dans cette liste.

Q.         Et bien, est-ce que ce ne sont pas les chèques qui ont été remis à la société et que vous avez identifiés comme faisant partie de votre déduction d'une perte de 250 000,00 $ au titre d'un placement d'entreprise?

R.          Cela fait partie de ma déduction, oui, mais si vous examinez toute l'information que je vous ai remise, vous devez avoir reçu un tableau de ventilation qui indique ma contribution au montant de 380 plus 90 000, soit 470 000.

Q.         Pourtant, n'est-il pas vrai que plusieurs montants que vous avez indiqués comme représentant vos parts sociales à cette date, et nous parlons, je pense que vous avez mentionné qu'il s'agit de la réunion de réorganisation de mai 1996?

R.          Oui.

Q.         N'est-il pas vrai que les montants que vous avez utilisés pour calculer le montant des parts sociales sont en fait les montants dont vous dites qu'ils proviennent de ces sociétés à dénomination numérique, de vos comptes de participation dans ces sociétés?

R.          Absolument. Certains de ces montants sont effectivement liés à mes prêts d'actionnaire dans certaines de ces sociétés à dénomination numérique, oui.

Q.         Alors, n'est-il pas vrai que vous ne nous avez fourni absolument aucune documentation portant votre nom concernant des montants allant directement de vous, en tant qu'investisseur, à Failsafe Direct Marketing Inc.?

R.          C'est exact. Je ne vous ai rien remis de ce genre.

Q.         Avez-vous de la documentation montrant cela?

R.          Non. Si j'en avais, je vous l'aurais donnée.

Q.         Ai-je raison de dire que, quand on voit ce tableau montrant d'où provenaient les montants versés par différentes sociétés à d'autres sociétés ou entités nommées, c'est sur cela que vous fondez votre assertion selon laquelle, je présume, Vantage International 1996 Incorporated vous doit de l'argent?

R.          En gros, c'est cela, oui.

Q.         Et bien, n'est-ce pas ce qui est essentiellement visé par la perte au titre d'un placement d'entreprise dans votre déclaration de revenus de 1996?

R.          Oui.

Q.         Donc, vous déclarez que vous avez investi 250 000,00 $ dans Vantage International 1996 Incorporated et que ce montant est maintenant devenu une créance irrécouvrable?

R.          Oui, dans certains cas par le biais d'autres sociétés qui m'appartenaient en partie et que j'ai entièrement perdues.

Q.         Et vous n'étiez pas l'unique actionnaire de plusieurs de ces sociétés, n'est-ce pas?

R.          C'est exact.

Q.         Et dans ce cas n'est-il pas vrai que, si des montants étaient versés à Vantage International Incorporated par ces sociétés dont vous n'étiez pas l'unique actionnaire, des résolutions auraient dû être adoptées par ces sociétés à l'égard de leur contribution, et ce serait la société qui contribuerait à Vantage International ou à Failsafe Direct Marketing?

R.          Aucune résolution n'a été adoptée. Il s'agissait d'ententes entre moi et l'autre actionnaire ou les autres actionnaires. Dans la plupart des cas, dans tous les cas sauf un, il n'y avait pas plus d'un actionnaire à part moi-même.

Q.         Donc, vous dites que toutes ces sociétés, sauf une, étaient des sociétés à unique actionnaire vous appartenant?

R.          Non, je n'ai pas dit cela.

Q.         Je vous demande pardon.

R.          Vous n'écoutez pas. J'ai dit qu'il n'y avait pas plus d'un autre actionnaire dans ces autres sociétés, sauf pour 520660.

Conclusion

[6]      Il y a perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (PTPE) en vertu de l'alinéa 39(1)c) de la Loi si une société privée sous contrôle canadien, qui est une société exploitant une petite entreprise, doit de l'argent à un contribuable. Pour que l'appelant puisse avoir gain de cause, il doit établir l'ensemble des points suivants :

(i)       que Vantage (1996) lui devait de l'argent;

(ii)       qu'il avait acquis cette créance en vue de tirer un revenu d'une entreprise;

(iii)      que la créance est devenue irrécouvrable dans l'année, produisant une disposition réputée aux fins du paragraphe 50(1), pour un produit nul;

(iv)      qu'il a donc subi une perte au titre d'un placement d'entreprise en vertu de l'alinéa 39(1)c).

Toutefois, la preuve produite par l'appelant ne montre nullement qu'il a personnellement avancé à Vantage (1996) le montant en litige qui est devenu une créance irrécouvrable. Il ne fait aucun doute que ces fonds, dont certains ont été incontestablement avancés par l'appelant, provenaient de différentes sociétés à dénomination numérique et ont été dans certains cas versés à d'autres sociétés à dénomination numérique et dans d'autres cas étaient affectés au paiement de certains coûts liés à Failsafe ou à Vantage Products International, mais il n'y a aucune preuve permettant de lui attribuer un montant spécifique. En plus, ce qui nuit le plus à la cause de l'appelant, c'est qu'il n'existe aucune preuve pouvant établir qu'un montant quelconque aurait été avancé par lui à Vantage (1996), en dehors de son observation que [TRADUCTION] « j'ai continué à couvrir certaines dépenses » .

[7]      L'omission de présenter une preuve adéquate quant à la dette censée avoir été contractée par Vantage (1996) envers l'appelant constitue en elle-même un motif suffisant pour rejeter l'appel. À cela s'ajoute le fait qu'aucune preuve probante ne vient étayer l'argument de l'appelant selon lequel Vantage (1996) était une entreprise exploitée activement pendant la période pertinente. En fait, il a déclaré que la société n'était pas une entreprise exploitée activement et qu'à la fin de 1996 elle [TRADUCTION] « s'est en fait éteinte de mort naturelle » . Il a admis qu'elle n'avait gagné aucun revenu d'une entreprise depuis sa constitution, et qu'elle n'avait aucun élément d'actif principalement utilisé dans une entreprise exploitée activement au Canada.

[8]      Une société exploitant une petite entreprise est définie au paragraphe 248(1) de la Loi comme une société privée sous contrôle canadien et dont la totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des éléments d'actif sont utilisés principalement dans une entreprise exploitée activement principalement au Canada. La preuve produite devant la Cour ne répond guère à cette exigence.


[9]      Pour les motifs ci-dessus, l'appel est rejeté et les dépens sont adjugés à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, le 30 juillet 2003.

« A. A. Sarchuk »

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de novembre 2003.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Le témoignage de l'appelant ne permet pas de déterminer avec exactitude si Vantage International Incorporated a été ou non effectivement constituée en société.

[2]           Pièce A-5.

[3]           Il n'est pas contesté que Vantage (1996) a été constituée en société le 28 mai de cette année-là, et que Failsafe et Vantage International Products and Services Inc. ont abandonné leur charte, respectivement le 1er octobre et le 1er septembre 1996.

[4]           En ce qui concerne Vantage (1996) plus particulièrement, aucune preuve documentaire n'a été déposée relativement à la structure ou à la participation, etc. D'ailleurs, aucun de ses états financiers n'a été présenté à la Cour.

[5]           Pièces R-1 et R-2.

[6]           Pièce R-3 - Contrat de prêt.

[7]           Pièce R-5.

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