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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2002-71(IT)I

ENTRE :

ARTHUR HISCOE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 14 août 2002, à Kitchener (Ontario), par

l'honorable juge E. A. Bowie

Comparutions

Pour l'appelant :                                   L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                          Me Justine Malone

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998 et 1999 sont admis et l'affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation sur le fondement que l'appelant a le droit, dans le calcul de son revenu, de déduire les frais engagés pour ses repas et son logement, soit les sommes de 10 578,10 $ et 5 880 $ respectivement, en vertu de l'alinéa 8(1)g) de la Loi.


Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'août 2002.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de juillet 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20020823

Dossier: 2002-71(IT)I

ENTRE :

ARTHUR HISCOE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bowie

[1]      M. Hiscoe a interjeté appel des nouvelles cotisations d'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998 et 1999. Les appels ont été entendus suivant la procédure informelle de la Cour.

[2]      M. Hiscoe travaille comme camionneur sur de longues distances. Durant la période pertinente, lui et sa femme conduisaient ensemble un camion entre la Californie et l'Ontario. Comme la loi limite leurs heures de conduite à dix heures par période de vingt-quatre heures, ils conduisaient chacun pendant cinq heures; après cinq heures de conduite, ils arrêtaient pour changer de conducteur et profitaient généralement de cet arrêt pour prendre un repas. Ils disposaient de deux lits superposés situés en arrière des sièges de la cabine, ce qui fait que, lorsqu'ils ne conduisaient pas, ils pouvaient dormir dans le camion. Ils dormaient également dans des motels de temps à autre. Le contrat de M. Hiscoe avec son employeur l'obligeait à payer ses propres repas lorsqu'il était loin de sa résidence. Lorsqu'il dormait dans des motels, il devait payer pour la première nuit de chaque voyage; son employeur lui remboursait la deuxième nuit ainsi que les nuits subséquentes.

[3]      Les seuls points à examiner dans les présents appels ont trait aux sommes que Monsieur Hiscoe a le droit de déduire à titre de dépenses en vertu de l'alinéa 8(1)g) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cet alinéa se lit comme suit :

8(1)       Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

            [...]

g)          lorsque le contribuable a été employé par une personne dont la principale activité d'entreprise était le transport de voyageurs, de marchandises, ou de voyageurs et marchandises et que les fonctions de son emploi l'obligeaient régulièrement :

(i)          d'une part, à voyager à l'extérieur de la municipalité dans laquelle était situé l'établissement de son employeur où il devait se présenter pour son travail, et, le cas échéant, hors de la région métropolitaine où était situé cet établissement, dans des véhicules utilisés par l'employeur pour transporter les voyageurs ou marchandises,

(ii)         d'autre part, pendant qu'il était ainsi absent de cette municipalité et région métropolitaine, à engager des frais pour ses repas et son logement,

les sommes qu'il a ainsi déboursées au cours de l'année, dans la mesure où il n'a pas le droit d'être remboursé à cet égard;

Tout montant établi pour les repas en vertu de l'alinéa 8(1)g) est également limité par le paragraphe 67.1(1).

67.1(1) Pour l'application de la présente loi, sauf des articles 62, 63 et 118.2, un montant payé ou payable pour des aliments, des boissons ou des divertissements pris par des personnes est réputé correspondre à 50% du moins élevé du montant réellement payé ou payable et du montant qui serait raisonnable dans les circonstances.


[4]      Voici ce que demande M. Hiscoe :

Logement :    À l'audition des appels, il a limité sa demande de déduction aux sommes pour lesquelles il avait des reçus à l'appui. Il ne possédait aucun reçu pour 1999 et n'a donc pas fait de demande de déduction pour l'année en question. Le montant total de ses reçus pour 1998 était de 652,07 $US. L'avocat de l'intimée a remis en cause deux de ces reçus en alléguant qu'ils étaient pour des nuits consécutives et a prétendu que l'appelant ne travaillait pas mais était en vacances durant au moins deux des nuits en question. Les livres de bord de l'appelant auraient permis de trancher la question, mais l'appelant ne les avait pas avec lui à l'audition et était bien évidemment incapable de se souvenir des détails de ces événements.

Repas :         La demande de déduction de l'appelant à l'égard des dépenses pour repas se fonde sur une somme de 40 $US par jour pendant 320 jours en 1998 et 250 jours en 1999. Lorsqu'elle a établi la cotisation, l'intimée a présumé qu'il avait travaillé loin de sa résidence pendant seulement 196 jours en 1999. Cette hypothèse se fondait sur l'examen des livres de bord de 1999 de l'appelant. Encore une fois, cette question serait résolue par l'examen des livres de bord que l'appelant n'a pas apportés avec lui à l'audition. L'intimée rejette également la déclaration de l'appelant à l'effet qu'il aurait dépensé en moyenne 40 $US par jour lors de ses voyages en 1998 et 1999. L'intimée, dans une circulaire d'information[1], a affirmé que les contribuables doivent soit garder un registre écrit du coût de chaque repas pour lequel ils demandent une déduction, ou se contenter d'une déduction basée sur la somme de 11 $CAN par repas, c'est-à-dire 33 $CAN par jour. Cette somme correspond à un peu plus de la moitié du montant déclaré par l'appelant au taux de change en vigueur à l'époque, soit 1,50 $CAN = 1 $US.   

[5]      Montant additionnel :        L'appelant déclare 6 $ par jour pour les frais accessoires engagés au cours de ses voyages. Il a justifié ce montant par le fait que, lorsqu'il ne dormait pas dans un motel, mais dans la cabine de son camion, il déboursait 5 $US par jour pour prendre une douche dans un relais routier. Il dit que ce montant équivaut à 7,50 $CAN par jour. Il a déclaré sous cette rubrique 1 920 $ pour 1998, mais n'a rien déclaré pour 1999. L'intimée est d'avis que la Loi autorise uniquement la déduction de frais relatifs aux repas et au logement, et que, par conséquent, aucun montant additionnel pour les douches ou pour un autre type de dépenses ne peut être déduit. L'appelant n'a pas présenté de pièces justificatives.

[6]      Avant de traiter des assertions de l'appelant, il serait bon de dire quelques mots au sujet des principes à appliquer. Tout d'abord, il incombe à l'appelant de prouver le bien-fondé de sa demande de déduction. Le ministre du Revenu national, dans sa cotisation, a accepté des déductions de 5 280 $ pour 1998 et de 3 234 $ pour 1999 pour les repas. Il n'a accordé aucun montant pour le logement. L'appelant n'a le droit de déduire des montants plus élevés que s'il prouve que ses dépenses étaient plus élevées. Je suis d'accord avec l'énoncé suivant du juge Garon, tel était alors son titre, dans l'affaire Marcoux (D.) c. M.R.N., 91 DTC 478, à la page 482 :

Quant aux dépenses pour repas, aucune pièce justificative n'a été présentée, comme je l'ai dit antérieurement. Je ne crois pas que la Loi de l'impôt sur le revenu exige qu'une pièce justificative soit fournie à l'égard de chaque élément de dépense, particulièrement dans les cas où les contribuables passent la majeure partie, sinon pratiquement tout leur temps, dans des voyages pour le compte de leur employeur. En l'absence d'un texte législatif prévoyant l'exigence d'un reçu comme condition de déduction d'une dépense, il faut s'en reporter aux règles générales en matière de preuve. Je ne crois pas que la règle de la meilleure preuve s'applique nécessairement, vu le paragraphe 14(2) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt. Il faut toutefois que la preuve soit suffisamment forte pour emporter l'intime conviction du Tribunal.

[7]      En deuxième lieu, j'insiste sur le fait que l'avocat du ministre a non seulement soutenu que l'appelant n'avait pas prouvé le montant de ses dépenses pour repas, mais que, même si ç'eut été le cas, tout montant supérieur à 33 $CAN par jour n'est pas raisonnable au sens du critère établi au paragraphe 67.1(1). Néanmoins, il n'incombe pas au ministre, ni même à la Cour, de décider si un montant est raisonnable. Il faut plutôt se demander si une autre personne, dans les même circonstances que celles de l'espèce et agissant de manière raisonnable, débourserait le montant en cause pour ses repas[2].

[8]      Troisièmement, l'avocat du ministre n'a pas soutenu en l'espèce que le mot « et » au sous-alinéa 8(1)g)(ii) doit être interprété de manière conjonctive, ce qui signifierait qu'aucune déduction pour repas ne peut être faite sans qu'une déduction pour logement ne soit demandée à l'égard des mêmes voyages. Pour ce motif, ma décision récente dans l'affaire Crawford c. La Reine[3]ne s'applique pas ici.

[9]      J'en arrive maintenant aux affirmations précises de l'appelant. Monsieur Hiscoe a déclaré franchement qu'il avait ses livres de bord pour 1999 à la maison mais qu'il ne les avait pas apportés avec lui à la salle d'audience. S'il les avait apportés, le nombre de jours de travail passés loin de son lieu de résidence en 1999 aurait été déterminé. Il ne s'est pas acquitté de son fardeau de prouver qu'il avait passé plus de 196 jours loin de sa résidence en 1999. Il n'est pas contesté qu'il a droit à une déduction pour repas pour 320 jours en 1998.   

[10]     J'accepte la preuve qu'a faite l'appelant qu'il a dépensé, en moyenne, 40 $US par jour pour ses repas en 1998 et 1999. Même s'il ne se rappelle pas de tous les repas qu'il a pris, et il n'est pas tenu de le faire, je suis d'avis que son estimation est raisonnablement exacte. Je ne crois pas qu'il soit déraisonnable d'avoir dépensé un tel montant chaque jour en 1998 et 1999. Ma décision rejoint celle du juge Hamlyn qui a accepté une déduction de 40 $US dans l'affaire Dummitt v. The Queen (non publiée) et celle du juge Sarchuk dans Wilkinson c. La Reine, C.C.I., no 1999-4687(IT)I, 14 mars 2002 ([2002] 2. C.T.C. 2662).

[11]     Les montants acceptés pour les repas sont donc les suivants :

Pour 1998 : 40 $US x 320 jours x 50 % = 6 400 $US ou 9 600 $CAN

Pour 1999 : 40 $US x 196 jours x 50 % = 3 920 $US ou 5 880 $CAN

[12]     Pour le logement, la somme des reçus fournis par l'appelant pour 1998 est de 652,07 $US, ou 978,10 $CAN. Ce montant est accepté. Le fait que l'appelant soit resté pendant deux nuits d'affilée dans la même municipalité californienne ne veut pas dire qu'il n'était pas tenu d'être loin de sa résidence au cours de ces nuits. Il existe plusieurs raisons possibles pour justifier cette situation dans le cadre de son travail. L'appelant a suggéré qu'il avait peut-être atteint sa limite d'heures pour la semaine en question. Je ne suis pas étonné qu'il n'arrive pas à se rappeler, plus de trois ans plus tard, quelles étaient exactement les raisons. De plus, le fait qu'une facture de motel ait été portée à la carte de crédit de son épouse ne m'incite pas à croire qu'il ne s'agissait pas d'une dépense de l'appelant qui aurait été en bout de ligne payée par lui.

[13]     Douches :     Une somme est demandée uniquement pour 1998 et correspond à 320 x 6 $CAN = 1 920 $CAN. Ce montant est inférieur au montant que l'appelant déclare avoir payé pour les douches (320 x 5 x 1,5 = 2 400 $CAN). Selon moi, le mot « logement » doit être considéré comme comprenant tous les aspects habituellement englobés dans l'acception de ce mot. Ces aspects comprennent non seulement l'utilisation d'une chambre avec un lit, mais également du bain et de la toilette qui sont compris dans la chambre. L'appelant, lorsqu'il ne dormait pas au motel, achetait la composante du logement liée au bain et à la toilette séparément, et il a droit à une déduction pour cet aspect. Ce que nous ignorons est le nombre de jours en 1998 où il n'a pas dormi dans un motel. Sa preuve repose sur le fait que, lors de chaque voyage, il devait payer pour la première nuit qu'il passait au motel ; les nuits subséquentes lui étaient remboursées par son employeur. Comme il n'a pas tenté d'établir le nombre de nuits passées loin de sa résidence au cours desquelles il n'a pas dormi dans un motel, je ne puis m'appuyer sur aucune preuve pour soutenir une estimation à cet égard. Pour reprendre les termes du juge Garon, la preuve n'est pas suffisamment forte pour emporter mon intime conviction quant au bien-fondé d'une estimation du nombre de nuits.

[14]     Au total, l'appelant a donc le droit de déduire les sommes suivantes en vertu de l'alinéa 8(1)g) :

1998 : Repas          9 600,00 $CAN

                   Logement         978,10 $

                   Total            10 578,10 $CAN

1999 : Repas                    5 880,00 $CAN

                   Logement               zéro    

                   Total            5 880,00 $CAN


Les appels sont admis et les cotisations sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en conséquence.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'août 2002.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de juillet 2003.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Circulaire d'information 73-21R7.

[2]           Gabco Ltd. v. M.N.R., [1968] Ex. Ct. 511 à la p. 522.

[3]           C.C.I., no 2001-3619(IT)I, 23 avril 2002 ([2002] T.C.J. no 317).

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