Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Référence : 2003CCI667

Date : 20030912

Dossiers : 2002-580(IT)I

2002-831(IT)I

ENTRE :

ALBERT DAYAN et JAMES DAYAN,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Pour les appelants : Les appelants eux-mêmes

Avocat de l'intimée : Me Joel Oliphant

____________________________________________________________________

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

(Rendus oralement à l'audience

à Toronto (Ontario), le7 avril 2003)

Le juge Mogan

[1]      L'audition à Toronto des appels interjetés par Albert Dayan relativement aux années d'imposition 1994, 1995, 1996 et 1997, ainsi que par son frère, James Dayan, pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, était inscrite pour le lundi 10 février 2003. Lorsqu'ils ont été appelés à comparaître devant le juge Sarchuk, à cette date, les appelants n'ont pas comparu et nul ne les a représentés pour présenter leurs appels ou bien pour demander un ajournement.

[2]      Cependant, a comparu une personne envoyée, soit par les appelants, soit par un cabinet d'expertise comptable dont ils avaient retenu les services. Cette personne a remis à la Cour deux déclarations solennelles, dont l'une était signée par Albert et l'autre par James. Cette personne s'est présentée comme un messager d'un cabinet d'expertise comptable, mais pas ès qualité de représentant des appelants. Le messager a déclaré qu'il supposait que les appelants étaient des clients du cabinet ou de la compagnie qu'il représentait.

[3]      En conséquence du défaut de comparution des appelants, l'avocate de l'intimée a requis qu'ils soient déboutés de leurs appels. Le juge Sarchuk a accueilli la requête et, le 19 février 2003, il a signé un jugement rejetant les appels interjetés par Albert relativement aux années 1994, 1995, 1996 et 1997; et un jugement rejetant les appels interjetés par James relativement aux années 1993, 1994 et 1995.

[4]      Le 28 février 2003, chacun des appelants a écrit à la Cour pour demander l'annulation du jugement le concernant. Ces lettres ont été traitées comme des requêtes d'annulation des jugements rendus par le juge Sarchuk, en vertu de l'article 18.21 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt. L'audition de ces requêtes était fixée à Toronto, le lundi 7 avril 2003. Les appelants ont été appelés à comparaître et ils se sont présentés à l'audience aujourd'hui. Voici la lettre d'Albert à la Cour, datée du 28 février 2003 :

          [traduction]

Par la présente, j'accuse réception de la copie du jugement rendu relativement à l'appel mentionné ci-dessus.

Je n'étais pas en mesure de me présenter à l'audience du 10 février 2003 et je demande par la présente, conformément à l'article 18.21 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, l'annulation de l'ordonnance de rejet de l'appel et l'inscription de l'appel pour audition.

Mon frère James, Dossier : 2002-831(IT)I, et moi n'étions pas en mesure de nous présenter et Me Lorraine Edinboro, représentante de l'intimée, s'efforçait activement de signifier des assignations pour cette date. Elle savait que nous ne serions pas présents devant la Cour à cette date et, en fait, mon frère et moi avons fourni ensemble des déclarations solennelles comportant des explications de notre absence. Par conséquent, je demande que l'appel soit inscrit pour audition et je serai présent à cette date-là.

James a également envoyé à la Cour, le 28 février 2003, une lettre semblable qui commençait de la même façon que celle d'Albert, mais qui énonçait des raisons différentes :

          [traduction]

Non seulement je n'étais pas en mesure de me présenter à l'audience parce que j'étais à l'étranger, mais j'ai également envoyé une déclaration solennelle en mon nom et avisé de ce fait Me Lorraine Edinboro, la représentante de l'intimée, qui s'efforçait activement de me signifier une assignation pour la même date. Cette dernière savait clairement que je n'étais pas en mesure de me présenter et, par conséquent, je demande donc que l'appel soit inscrit pour audition et serai présent à cette date-là.

[5]      En fait, les deux appelants disent que Me Lorraine Edinboro, l'avocate de l'intimée, savait qu'ils ne seraient pas présents devant la Cour le 10 février. Me Edinboro a nié cette connaissance dans un affidavit déposé auprès de la Cour et qui est rédigé en partie comme suit :

          [traduction]

7.          Contrairement à la lettre de M. A. Dayan datée du 28 février 2003, je ne savais pas qu'il n'était pas en mesure de se présenter à la date de son audience.

8.          Le 10 février 2003, la date prévue pour l'audience, un messager s'est présenté devant la Cour pour le compte de M. A. Dayan et a présenté la déclaration solennelle de ce dernier (pièce « B » ). Le messager a expliqué à la Cour qu'il ne connaissait pas l'appelant mais qu'il supposait que son cabinet les représentait. Aucune explication n'a été fournie quant à l'absence de M. A. Dayan.

19.        Contrairement à la lettre de M. J. Dayan datée du 28 février 2003, je ne savais pas qu'il n'était pas en mesure de se présenter à la date de son audience.

20.        Le 10 février 2003, la date prévue pour l'audience, un messager s'est présenté devant la Cour pour le compte de M. J. Dayan et a présenté la déclaration solennelle de ce dernier (pièce « D » ). Le messager a expliqué à la Cour qu'il ne connaissait pas l'appelant mais qu'il supposait que son cabinet les représentait. Aucune explication n'a été fournie quant à l'absence de M. J. Dayan.

Les deux déclarations solennelles visées à titre de pièces B et D dans l'affidavit de Me Edinboro sont rédigées de façon semblable. La pièce B indique ce qui suit :

          [traduction]

Je, soussigné, Albert Dayan, domicilié au 60 Thornbury Circle, Thornhill (Ontario), déclare solennellement et sincèrement que je n'ai pas, sciemment ou par une faute lourde, produit mes déclarations personnelles d'impôt canadien sur le revenu pour 1994, 1995, 1996 et 1997 en indiquant des déductions frauduleuses de dons de bienfaisance. J'ai bel et bien fait des dons d'argent par chèque ou en espèces et, en retour, j'ai obtenu un reçu pour don de bienfaisance. Je n'ai pas acquiescé ou participé, de quelque manière que ce soit, avec l'organisme de bienfaisance, en vue d'induire sciemment Revenu Canada Impôt en erreur et je fais la présente déclaration solennelle délibérément et avec la conviction qu'elle est véridique.

Le nom « Albert Dayan » est dactylographié à la fin de la déclaration solennelle et, immédiatement en dessous, figure une signature qu'il reconnaît comme sienne ainsi que l'expression [traduction] « Déclaré à Toronto (Ontario), le 22e jour de janvier 2003 » . Je ne peux dire qui a pris la déclaration, puisque je ne peux lire la signature. La déclaration solennelle de James (pièce D) est rédigée de façon semblable, comme suit :

          [traduction]

Je, soussigné, James Dayan, domicilié au 3636 Bathurst Street, Toronto, déclare solennellement et sincèrement que je n'ai pas, sciemment ou par une faute lourde, produit mes déclarations personnelles d'impôt canadien sur le revenu pour 1993, 1994 et 1995 en indiquant des déductions frauduleuses de dons de bienfaisance. J'ai bel et bien fait des dons d'argent par chèque ou en espèces et, en retour, j'ai obtenu un reçu pour don de bienfaisance. Je n'ai pas acquiescé ou participé, de quelque manière que ce soit, avec l'organisme de bienfaisance, en vue d'induire sciemment Revenu Canada Impôt en erreur et je fais la présente déclaration solennelle délibérément et avec la conviction qu'elle est véridique.

Le nom « James Dayan » est également dactylographié en dessous de sa signature, ainsi que l'expression [traduction] « Déclaré devant moi à Toronto, ce 21e jour de janvier 2003 » suivie d'une signature que je ne peux lire.

[6]      Ces déclarations solennelles, toutefois, n'abordent pas l'absence des appelants à l'audience du 10 février 2003. Selon mon interprétation, les déclarations solennelles semblent répliquer aux réponses aux avis d'appels. Quant au fond de l'appel interjeté par Albert, selon les hypothèses figurant dans la Réponse, celui-ci aurait joint des reçus de bienfaisance à ses déclarations de revenus pour les années 1994, 1995, 1996 et 1997. Ces reçus de bienfaisance n'ont pas été acceptés par Revenu Canada et des nouvelles cotisations ont été établies refusant tout crédit d'impôt relativement à ces reçus.

[7]      En fait, l'Avis d'appel d'Albert comporte un nombre considérable de détails indiquant la provenance et l'auteur des reçus. Selon le ministre, l'auteur est un certain M. Edery, qui aurait été accusé et déclaré coupable d'avoir émis des reçus frauduleux dans le cadre d'un stratagème de fraude fiscale touchant trois prétendus organismes de bienfaisance. Dans la Réponse à l'avis d'appel, figurent des allégations selon lesquelles l'appelant n'a pas fait de dons aux organismes de bienfaisance désignés; il n'a pas fait les dons indiqués dans les reçus frauduleux; il a fait des présentations erronées des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire; et l'appelant a sciemment, ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde, fait de faux énoncés dans sa déclaration de revenus.

[8]      Une situation semblable se reproduit dans la Réponse à l'avis d'appel de James. Ce dernier a produit sa déclaration de revenus indiquant des reçus de dons de bienfaisance ayant trait à certains organismes de bienfaisance, et ces reçus n'ont pas été acceptés par Revenu Canada. Il semble que les reçus ont été émis par le même M. Edery, et il est indiqué que celui-là a été accusé et déclaré coupable d'avoir émis des reçus frauduleux dans le cadre d'un stratagème de fraude fiscale touchant trois prétendus organismes de bienfaisance. Des nouvelles cotisations ont été établies refusant les crédits d'impôt découlant des reçus. Il est indiqué aussi que l'appelant n'a pas fait les dons qu'il prétend avoir fait selon les reçus frauduleux déposés. Il est indiqué aussi que l'appelant a fait des présentations erronées des faits par négligence, inattention ou omission volontaire lorsqu'il a déduit les crédits d'impôt non remboursables relativement aux prétendus dons de bienfaisances. Il est indiqué enfin que l'appelant a sciemment, ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde, fait un faux énoncé dans sa déclaration de revenus, ou y a participé, de manière à justifier les pénalités. Par conséquent, les actes de procédure soulèvent de sérieuses questions et des questions litigieuses entre Revenu Canada et chacun des appelants et frères.

[9]      Les appelants ont comparu aujourd'hui relativement à leurs propres requêtes et ils ont tous les deux témoigné. Albert a déclaré que sa mère était malade et que cela faisait longtemps qu'elle était malade. Lui et son épouse s'étaient déplacés pour s'occuper d'elle et le 9 février, c'est-à-dire la veille de l'audition de l'appel, il avait eu dans la bouche une infection grave ou un problème dentaire qui a nécessité un traitement orthodontique urgent. Il a visité un dentiste et déposé auprès de la Cour une lettre datée du 10 février 2003 du Dr Ilia Novokolsky (pièce A-1) indiquant ce qui suit :

          [traduction]

Monsieur,

Madame,

La présente lettre confirme que Albert Dayan a eu un rendez-vous à notre bureau ce matin en raison d'une urgence dentaire.

Si de plus amples renseignements sont nécessaires, n'hésitez pas à communiquer avec nous.

Il semble que Albert a réellement visité un dentiste le matin du 10 février, et je n'ai aucune raison de ne pas le croire. Il a déclaré qu'en raison de l'irritation très forte de sa bouche, il a appelé son beau-frère (également le beau-frère de James) et lui a demandé d'aller chez les comptables, un cabinet nommé Klayman & Company, pour que ceux-ci envoient quelqu'un à la Cour pour avertir de son absence. Albert a déclaré que son frère James a rempli ses propres déclarations de revenus (c.-à-d., celles de James) pour les années visées par les appels et que James n'avait pas de liens auparavant avec la société Klayman & Company. En d'autres termes, il ne s'agissait pas d'un cabinet d'expertise comptable qui préparait régulièrement les déclarations de revenus de James. Par conséquent, il ne connaissait personne à la société Klayman & Company et il semble que celle-ci ne le connaissait pas.

[10]     Albert a également indiqué qu'il travaille comme machiniste pour la société Crown Cork & Seal et qu'il avait demandé une journée de congé en vue de se présenter devant la Cour. À ses dires, il n'aurait pas demandé une journée de congé le 10 février s'il n'avait pas eu l'intention de comparaître. Malheureusement, une urgence dentaire est survenue pendant sa journée de congé et il n'a pas comparu. Le témoignage d'Albert selon lequel il avait l'intention de comparaître le 10 février et il avait demandé une journée de congé, contredit la lettre du 28 février (pièce R-1) écrite par lui-même à la Cour, dont le deuxième paragraphe précise que Me Lorraine Edinboro, la représentante de l'intimée, s'efforçait de lui signifier des assignations pour cette date. Il déclare que cette dernière savait qu'il ne comparaîtrait pas et, en fait, [traduction] « mon frère et moi avons fourni ensemble des déclarations solennelles comportant des exploitions de notre absence. » . Ils ont fourni des déclarations solennelles, mais dans lesquelles manquait toute explication de leur absence. Les déclarations solennelles abordaient au fond la question de leur participation ou du caractère volontaire de leur connaissance des reçus frauduleux de bienfaisance. Les déclarations solennelles n'abordaient pas la question de leur défaut de comparaître, le 10 février.

[11]     De plus, il a déclaré en contre-interrogatoire qu'il n'avait su que le matin du 10 février qu'il ne pourrait pas comparaître. Cette déclaration en contre-interrogatoire, en réponse à une question posée par Me Oliphant, contredit encore une fois le passage de sa propre lettre qui indique que Me Lorraine Edinboro savait qu'il ne comparaîtrait pas. Il a indiqué qu'il avait dit à celle-ci que lui et son représentant se présenteraient à la Cour le 10 février parce qu'il avait demandé une journée de congé. Toutefois, selon l'affidavit de Me Edinboro, il ne pouvait dire qui était son représentant.

[12]     James a témoigné également. Il est comptable-pigiste et je crois que c'est à ce titre qu'il remplissait les déclarations de revenus de son frère. Il a déclaré que son frère Albert ne participait pas à ce qu'il a appelé les aspects juridiques de la présente affaire. Vers le 9 février 2003, James était à New York. Les deux appelants avaient un troisième frère, Joseph Dayan, qui est décédé le 11 novembre 2002 et, conformément à une coutume religieuse familiale, un genre de service commémoratif a été célébré à New York vers le 9 février 2003, c'est-à-dire trois mois après la mort de Joseph Dayan. James est allé à New York le 7 février. Il a déposé une note d'hôtel indiquant qu'il était là du 7 février au 10 février. Je l'aurai cru même sans la note d'hôtel, et l'avocat de l'intimée a reconnu également que la production de la note d'hôtel n'était pas nécessaire, mais il a présenté le reçu devant la Cour. Selon James, il s'agissait d'un événement familial important parce que son frère Joseph avait un fils unique et il voulait être avec ce fils pendant cette célébration. En conséquence, le 10 février, James était à l'étranger; mais il allègue qu'il avait pris des dispositions pour que quelqu'un se présente à la Cour pour demander un ajournement.

[13]     La dure réalité est que nul ne s'est présenté. Nul n'a demandé d'ajournement. Un messager inconnu s'est présenté devant la Cour le matin même (le 10 février) et a déposé deux déclarations solennelles que j'ai versées au dossier. Ces documents sont modérément utiles en ce qui concerne la demande d'ajournement. Comme je l'ai déjà indiqué, les déclarations solennelles abordent uniquement la question de savoir si les paiements aux organismes de bienfaisances désignés ont été faits de bonne foi ou bien s'il y avait eu mauvaise foi, une présentation erronée des faits, ou négligence en ce qui concerne la production des déclarations de revenus et la déduction de ces reçus de bienfaisance. Elles s'apparentent davantage à une défense qu'à une déclaration solennelle. Elles n'offrent à la Cour aucun motif pour accorder un ajournement.

[14]     Telles sont les circonstances qui sous-tendent la présente affaire relativement à ces demandes d'annulation des jugements rendus le 19 février par le juge Sarchuk à l'égard de chacune de ces affaires. La demande découle de l'article 18.21 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, dont le paragraphe (1) est ainsi libellé :

18.21(1)            Sauf si elle est d'avis que les circonstances justifient que l'appel soit entendu à une date ultérieure, la Cour est tenue, à la demande de l'intimé et ce, que l'appelant en ait été avisé ou non, d'ordonner le rejet de l'appel si ce dernier ne comparaît pas à la date fixée pour l'audition ou n'obtient pas un ajournement.

[...]

Puisqu'il a rejeté les appels, il semble que le juge Sarchuk n'était pas convaincu de l'existence des circonstances justifiant une remise de la date d'audition. Le paragraphe 18.21(3) investit la Cour de la compétence d'annuler un jugement rendu pour défaut de comparution :

(3)            La Cour peut annuler l'ordonnance de rejet si les conditions suivantes sont réunies :

a)          compte tenu de toutes les circonstances, il n'était pas raisonnable de s'attendre à ce que l'appelant soit présent à l'audition;

b)          l'appelant a présenté sa demande d'annulation dès que cela a été possible, compte tenu des circonstances, mais dans tous les cas au plus tard cent quatre-vingts jours suivant la date de l'envoi par la poste de l'ordonnance rejetant son appel.

Il ne fait aucun doute que les deux appelants ont satisfait à la deuxième condition, c'est-à-dire, la célérité des demandes d'annulation des jugements, parce qu'ils ont fait ces demandes le 28 février, soit neuf jours seulement après la signature, par le juge Sarchuk, de l'ordonnance rejetant les appels. Les demandes ont été faites à la Cour avec célérité. La question est de savoir si les appelants ont satisfait à la première condition énoncée à l'alinéa a) quant à savoir si, compte tenu de toutes les circonstances, il aurait été raisonnable de s'attendre à ce que les appelants soient présents à l'audition.

[15]     L'avocat de l'intimée m'a référé à la décision rendue par le juge Bowman dans l'affaire Diem c.La Reine, [1999] A.C.I. no 359, dans laquelle ce juge a refusé de rouvrir une audience parce qu'en examinant l'appel sur le fond il a constaté que le contribuable était absolument incapable de respecter un délai de 60 jours, à compter de l'achat de certains biens, pour expédier ces biens hors du pays afin d'éviter le paiement de la taxe sur les produits et services. Le juge Bowman a déclaré, au paragraphe 8 : « Pour déterminer si le rejet doit être annulé, l'un des facteurs dont la Cour doit tenir compte consiste à savoir si l'appel est bien fondé. » Il a ensuite conclu que l'appel était mal fondé parce qu'il était incompétent pour proroger le délai et, par conséquent, il a refusé de rouvrir l'appel, en indiquant que le juge saisi d'une demande en vertu de l'article 18.21 a le droit d'examiner l'appel au fond, c'est-à-dire les véritables questions soulevées devant la Cour dans l'Avis d'appel et dans la Réponse, afin de décider s'il doit le rouvrir.

[16]     Le juge Hershfield a étudié la même question dans l'affaire Rochelle Moss c. La Reine, [2001] A.C.I. 592. Cette affaire concernait une prorogation du délai pour déposer un Avis d'opposition, qui est différent d'un appel. Une ordonnance rejetant la demande du contribuable de proroger le délai avait été rendue, et le contribuable cherchait à faire annuler l'ordonnance. Le juge Hershfield a rédigé des motifs très détaillés dont le paragraphe 20 fait état comme suit de la décision du juge Bowman dans l'affaire Diem, précitée : « [...] dans le cas d'une demande présentée en vertu du paragraphe 18.21(2), l'un des facteurs dont il faut tenir compte est le bien-fondé de l'appel. [...] » . Il a ensuite souligné qu'il n'était pas saisi d'un appel à proprement parler, mais plutôt d'une demande de prorogation de délai. Je conclus qu'un juge saisi d'une demande en vertu de l'article 18.21 est fondé à examiner le bien-fondé de l'affaire.

[17]     En un sens, je pourrais examiner l'appel interjeté par James et dire qu'eu égard à toutes les circonstances, il aurait été déraisonnable de s'attendre à ce que l'appelant comparaisse puisqu'il était en voyage à l'étranger pour raisons personnelles ayant trait au décès récent de son frère. J'estimerais alors que son omission d'avertir l'avocat de l'intimée de son absence constituait un manque de courtoisie. De même, son omission d'avertir la Cour qu'il n'était pas en mesure de se présenter ou qu'il avait besoin d'un ajournement pourrait être considérée comme un manque de courtoisie. Bien que l'omission d'avertir puisse refléter un manque de courtoisie, cela ne change rien au fait qu'il était raisonnable que James ne soit pas à Toronto le 10 février.

[18]     De même, en ce qui concerne Albert, celui-ci avait une grave maladie de bouche la veille de l'audience et il a appelé son beau-frère pour que ce dernier aille dans un cabinet d'expertise comptable pour leur demander d'envoyer quelqu'un demander un ajournement ou informer la Cour qu'Albert ne serait pas présent. Il a indiqué qu'il avait demandé une journée de congé.

[19]     Je suis préoccupé par l'indication que les deux appelants ont faite, dans leurs lettres, que Me Lorraine Edinboro savait qu'ils seraient absents. Albert le dit clairement dans sa lettre datée du 28 février et James a fait la même déclaration dans sa lettre du 28 février : [traduction] « Cette dernière savait clairement que je n'étais pas en mesure de me présenter et, par conséquent, je demande donc que l'appel soit inscrit pour audition et je serai présent à cette date-là » . Bien que cette allégation ne soit pas abordée dans l'affidavit de Me Lorraine Edinboro, à mon avis, il s'agit d'un fait pertinent qui aurait dû être abordé. L'avocat de l'intimée, Me Oliphant, a déclaré qu'effectivement, Me Edinboro a comparu le 10 février, ce qui et cela ressort nettement de la transcription certifiée conforme de l'audience qui n'a pas été déposée en preuve, mais qui a été présentée à la Cour. Me Oliphant a déclaré que, le 10 février, Me Edinboro était accompagnée par deux témoins, à savoir M. Edery qui a émis les reçus et qui aurait été accusé et déclaré coupable d'avoir émis des reçus frauduleux dans le cadre d'un stratagème de fraude fiscale touchant trois prétendus organismes de bienfaisance. Je suppose que le témoignage de M. Edery aurait été important, puisque la preuve d'une fraude ayant été établie dans les actes de procédure, il se serait agi de juger si les faits présentés dans les déclarations de revenus constituaient, effectivement, des présentations erronées des faits par fraude ou par faute lourde. La question était donc sérieuse.

[20]     Selon Me Oliphant, un autre témoin de la Couronne, M. Frank Menitti, enquêteur spécial de Revenu Canada, était également présent et je suppose que ce dernier a enquêté sur ces reçus prétendument frauduleux. Sur une demande d'annulation d'un jugement en vertu de l'article 18.21 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, la gravité de la question dont la Cour est saisie fait-elle en sorte qu'il est plus souhaitable de rouvrir l'audience dans de telles circonstances, ou bien fait-il en sorte qu'il soit moins souhaitable de rouvrir l'audience parce que les parties ont interjeté des appels relatifs à une question sérieuse mais ont omis de comparaître à la date fixée pour l'audience? On peut voir les deux côtés de la médaille.

[21]     Une fois qu'une ordonnance a été rendue pour rejeter l'appel d'un appelant qui a omis de comparaître le jour fixé pour l'audition de son appel, je doute qu'un juge puisse (sur demande en vertu de l'article 18.21 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt) refuser d'annuler une ordonnance si la question est frivole, mais rouvrir l'audience si la question est sérieuse. À l'inverse, je doute qu'un juge puisse refuser d'annuler une ordonnance si la question est sérieuse, mais rouvrir l'audience si la question est frivole.

[22]     En ce qui concerne les deux appels en l'espèce, le fait qui m'influence le plus et qui justifie mon refus d'annuler les jugements est le suivant : le 10 février 2003, l'intimée s'est présentée devant la Cour accompagnée de deux témoins, dont l'un n'était pas un employé de Revenu Canada mais celui qui avait subi l'expérience pénible de se voir accuser et déclarer coupable d'une infraction liée directement aux opérations qui font l'objet des présents appels. La production de cette personne comme témoin en faveur de la Couronne constitue une affaire très sérieuse. Il peut y avoir eu des inconvénients considérables au fait d'amener cette personne devant la Cour ce jour-là.

[23]     Les deux appelants n'ont pas pris la question au sérieux. Leur défaut de comparaître le 10 février 2003 était, à première vue, un manque de courtoisie grave tant envers la partie opposée, qui a pris la peine d'amener deux témoins devant la Cour et de se présenter personnellement, qu'envers la Cour elle-même. La Cour est centralisée à Ottawa et des juges sont envoyés depuis cette ville pour entendre les affaires. Une affaire de ce type serait jugée importante et prendrait probablement toute la journée. Un juge est venu d'Ottawa pour siéger le 10 février, en s'attendant à trancher la présente affaire. Les appelants ne se sont pas présentés.

[24]     J'accepte le témoignage d'Albert selon lequel celui-ci était affligé, la veille, d'une rage de dents ou d'une infection buccale. Mais ce qui m'a impressionné dans cette partie de son témoignage est qu'il a fait des pieds et des mains pour faire en sorte que quelqu'un se présente ici le lundi matin. Il a indiqué que quelqu'un était supposé l'aider et qu'il avait demandé une journée de congé. S'il avait prévu que quelqu'un l'accompagnerait devant la Cour, ce quelqu'un se serait présenté. Cette personne aurait comparu devant la Cour pour expliquer qu'elle prévoyait rencontrer Albert Dayan au Palais. Il semble qu'il n'avait prévu personne pour l'aider devant la Cour.

[25]     La seule personne qui a comparu a remis ces deux déclarations solennelles qui n'avaient absolument rien à voir avec le défaut de comparution des deux appelants. Les déclarations solennelles ressemblent davantage à des défenses. Elles visent le fond de l'affaire, quant à savoir si les reçus de bienfaisance sont authentiques ou frauduleux. Il est possible qu'elles auraient dues être jointes aux avis d'appels. Elles n'ont rien à voir avec le défaut de comparaître.

[26]     James, qui s'est déplacé à New York pour le service commémoratif, il n'a pas estimé pour sa part que la question était assez sérieuse pour qu'il fasse des arrangements précis pour que quelqu'un se présente en son absence, tout en sachant fort bien qu'il ne serait pas présent. J'accepte la preuve par l'affidavit de Me Lorraine Edinboro. Cette dernière n'a aucune raison de mentir. Elle s'est organisée pour amener devant la Cour un témoin de Revenu Canada qui avait enquêté sur la question et, plus important encore, un témoin qui n'était pas lié à sa cliente et qui, dans un sens, aurait un intérêt opposé parce que M. Edery avait subi l'expérience très pénible de se voir accuser et déclarer coupable d'une infraction grave. Ce jour-là, elle s'est présentée devant la Cour prête à plaider. Les questions étaient vraiment sérieuses. Les Réponses aux avis d'appel comportent des termes comme [traduction] « fraude » , « présentation erronée des faits » , « faux reçus » et « avoir sciemment fait des faux énoncés dans ses déclarations de revenus » . Ces deux appelants avaient toutes les raisons de prendre leurs appels au sérieux. Les deux appels portaient sur l'authenticité des reçus de bienfaisance qui faisaient l'objet des Avis d'appel; mais ni l'un ni l'autre appelant n'a pris les mesures nécessaires pour avertir la Cour qu'ils n'étaient pas en mesure de se présenter le 10 février, ou pour avertir l'avocate de l'intimée de manière à lui épargner l'inconvénient d'amener deux témoins à la Cour.

[27]     Les appelants ont traité l'Avis d'audition comme une question sans importance et la seule personne qu'ils ont envoyée à la Cour était un messager anonyme qui a remis deux déclarations solennelles qui n'abordaient pas les motifs de leur absence mais qui portaient uniquement sur le bien-fondé des appels. Je n'accorde tout simplement aucun crédit aux prétentions dans les deux lettres des deux appelants, datées du 28 février, selon lesquelles l'avocate de l'intimée savait qu'ils ne comparaîtraient pas devant la Cour le 10 février 2003. J'accepte la déclaration assermentée de Me Edinboro qu'elle ne savait pas qu'ils ne comparaîtraient pas et, en fait, cette déclaration est corroborée par sa comparution devant la Cour accompagnée par deux témoins. Une avocate responsable n'amènerait pas des témoins devant la Cour si elle avait été avertie d'avance que l'audience n'aurait pas lieu en raison de l'absence prévue des appelants.

[28]     Dans la mesure où les déclarations faites dans les deux lettres des appelants datées du 28 février contredisent les déclarations faites dans l'affidavit de Me Edinboro et la déclaration de Me Oliphant, sur sa parole d'avocat, que ces témoins avaient comparu effectivement devant la Cour le 10 février 2003, j'accepte les déclarations de Me Edinboro et de Me Oliphant. Cela constitue, pour moi, une raison déterminante de ne pas annuler les jugements rendus par le juge Sarchuk. Les requêtes d'Albert Dayan et de James Dayan sont rejetées. Les jugements rendus par le juge Sarchuk seront confirmés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de septembre 2003.

« M. A. Mogan »

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de juin 2004.

Crystal Lefebvre, traductrice

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.