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Dossier : 2002-4618(GST)I

ENTRE :

STEPHEN G. COLLIER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 31 juillet 2003 à Toronto (Ontario)

 

Devant : l’honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

l’appelant lui-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Nimanthika Kaneira

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 23 août 2003 et porte le numéro 08DP0000223, est rejeté.  

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de septembre 2003.

 

 

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de juin 2005.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2003CCI621

Date : 20030912

Dossier : 2002-4618(GST)I

ENTRE :

STEPHEN G. COLLIER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

[1]     Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’une nouvelle cotisation établie pour la période allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999 (la « période »). Dans cette nouvelle cotisation l'intimée a fixé le montant de la TPS payable pour la période pour des fournitures taxables que l’appelant avait omis de déclarer et de verser, et a refusé des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») pour des dépenses liées à une activité commerciale (une entreprise de distributeurs automatiques), engagées au cours de la période afin de construire une résidence utilisée par l’appelant pour y exploiter son entreprise. Des CTI ont également été refusés relativement à des dépenses engagées au cours de la période pour l’entretien des chiens de l'appelant.

 

[2]     Dans une argumentation écrite présentée après l’audition de l’appel, l’intimée se fonde sur les faits et sur l’analyse suivants :

 

           


[traduction]

 

A.        FAITS

 

2.         L’appelant était un inscrit aux fins de la TPS pour l’exploitation d’une entreprise de distributeurs automatiques.

 

3.         La femme de l’appelant, Elaine Collier, était un inscrit aux fins de la TPS relativement à son entreprise, un gîte touristique (le « gîte touristique »).

 

4.         À un certain moment en 1998, l’appelant et sa femme ont construit une nouvelle maison (la « nouvelle maison »). Le gîte touristique et l’entreprise de distributeurs automatiques ont été exploités dans la nouvelle maison.

 

5.         Elaine Collier s’est vue accorder 50,8 % des crédits de taxe sur les intrants totaux demandés relativement à la construction de la nouvelle maison. Ce pourcentage a été établi en fonction du pourcentage de la maison qui était utilisé pour les activités liées au gîte touristique.

 

6.         L’appelant a témoigné que l’entreprise de distributeurs automatiques utilisait 7,1 % des locaux.

 

7.         L’appelant a demandé 7,1 % des crédits de taxe sur les intrants totaux relatifs à la construction de la nouvelle maison. Le ministre a rejeté cette demande en se fondant sur le paragraphe 208(4) de la Loi sur la taxe d’accise.

 

B.         ANALYSE

 

8.         Le paragraphe 208(4) est ainsi libellé :

 

208(4)    Dans le cas où un particulier qui est un inscrit acquiert, importe ou transfère dans une province participante des améliorations à un immeuble qui est son immobilisation, la taxe payable par lui relativement aux améliorations n'est pas incluse dans le calcul de son crédit de taxe sur les intrants si, au moment où cette taxe devient payable ou est payée sans qu'elle soit devenue payable, l'immeuble est destiné principalement à son utilisation personnelle ou celle d'un particulier qui lui est lié.

 

9.         Une simple lecture de cet article montre que le droit au crédit de taxe sur les intrants doit être déterminé en considérant l’inscrit, c’est-à-dire l’appelant en l’espèce.

 

10.       L’appelant exploite son entreprise 7,1 % du temps dans son immeuble. Ainsi, si l’on considère cet inscrit, il ressort de manière évidente qu’il n’a pas droit à un crédit de taxe sur les intrants.

 

11.       L’intimée soutient que, afin de déterminer si l’appelant a droit à un crédit de taxe sur les intrants, il n’est pas opportun de considérer toutes les entreprises exploitées dans l’immeuble.

 

12.       Le paragraphe 208(4) énonce clairement : « dans le cas où un particulier qui est un inscrit ». Je soutiens qu’il n’est pas opportun de considérer d’autres inscrits exploitant leur entreprise dans le même immeuble en vue de déterminer si l’appelant a droit à un crédit de taxe sur les intrants.

 

13.       La femme de l’appelant était en droit de recevoir et a reçu des crédits de taxe sur les intrants relativement à son entreprise et à l’utilisation commerciale de l’immeuble.

 

14.       L’appelant n’est pas en droit de recevoir des crédits de taxe sur les intrants pour l’utilisation de sa résidence aux fins de son entreprise de distributeurs.

 

15.       Dans l'ouvrage Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes[1], on retrouve le commentaire suivant concernant la règle du sens ordinaire :

 

[TRADUCTION]

 

Si un texte a un sens ordinaire, un élément de preuve extra-textuel de l’intention du législateur (telle que l’histoire législative ou l’intention présumée) ne peut servir à contredire ce sens. Le sens ordinaire d’un texte constitue la preuve définitive de l’intention du législateur et il n’est pas permis de se fonder sur d’autres critères pour le contredire. En outre, on ne peut se fonder sur d’autres critères afin de « créer » une ambiguïté – c’est-à-dire, de semer le doute sur le sens d’un texte qui, d’autre part, est clair.

 

16.       Ainsi, je soutiens que l’interprétation du paragraphe 208(4) dans son sens ordinaire indique que, pour déterminer le droit au crédit de taxe sur les intrants, il faut considérer l’inscrit concerné et non les autres inscrits exploitant une entreprise dans le même établissement.

 

c.         DÉPENSES RELATIVES À UN CHIEN DE GARDE

 

17.       Il ne m’a pas été demandé de fournir d’arguments relativement aux crédits de taxe sur les intrants demandés pour les dépenses relatives à un « chien de garde ». Cependant, je voudrais faire remarquer que les dépenses liées au chien de l’appelant étaient de nature personnelle et qu’elles auraient été engagées même si l’appelant n’avait pas exploité une entreprise de distributeurs. Dans son témoignage, l’appelant a reconnu qu’il avait acheté son ou ses chien(s) avant même d’avoir démarré son entreprise de distributeurs.

 

[3]     Bien que ce qui précède restreigne les faits et l’étendue du litige que l’intimée veut que je prenne en considération, le témoignage de l’appelant à l’audience exige que j’apporte des précisions. Après l’audience, l’appelant a également présenté des arguments, lesquels consistent en grande partie en des éléments probants qui avaient déjà été présentés à l’audience; je traiterai de ces éléments dans l’analyse qui suit.

 

[4]     L’immeuble en cause est une maison de 5 959 pieds carrés, construite sur un terrain de 13 acres, à Blue Mountains ou aux environs, dans la région de Collingwood. L’immeuble est bordé par un parc provincial et est situé près d’un club de ski privé et d’un terrain de golf. L’appelant a reconnu qu’il existait peu d’entreprises commerciales dans la région.

 

[5]     On trouve sur le terrain de 13 acres deux champs et une aire boisée. La maison, bâtie sur une colline, surplombe un étang au milieu duquel se trouve une île où poussent des saules.

 

[6]     L’immeuble a été acquis en vue de la future retraite de l’appelant et de sa femme. Ces derniers souhaitaient changer de mode de vie. L’appelant réduisait progressivement les activités de son entreprise de consultation en marketing, laquelle offrait des services aux entreprises de haute technologie. De plus, avant qu’il ne démarre son entreprise de distributeurs automatiques (sa principale activité durant la période en cause), il avait exploité des entreprises de  vitraux et de traitement de texte à titre de propriétaire unique. Aucune preuve n’a été fournie quant au degré de commercialité et d’activité de ces entreprises. Relativement au besoin commercial de posséder des chiens, l’appelant a mentionné le nombre de distributeurs automatiques qu’il exploitait et la quantité de numéraire qu’il transportait sur une base régulière. Toutefois, cette activité, qui était clairement de nature commerciale, était également en baisse durant la période en cause. Autrement dit, le nombre de distributeurs automatiques exploités était en baisse.

 

[7]     Durant la période en cause, la femme de l’appelant travaillait pour une compagnie d’assurances œuvrant dans le domaine de l’immobilier et de la souscription commerciale. Elle a tout récemment changé d’emploi et travaille maintenant comme consultante. L’intimée accepte le fait qu’elle a exploité un gîte touristique dans l’immeuble en cause à titre de propriétaire unique à toutes les époques pertinentes, et ce, bien que le gîte touristique n’ait accueilli son premier client qu’à l’été 2001. Aucune preuve n’a été fournie relativement à la commercialité de l’entreprise de gîte touristique. Cela n’était pas nécessaire puisque les hypothèses émises et la cotisation établie par l’intimée n’avaient pas remis en question cet aspect. Il convient également de remarquer que l’appelant a témoigné que sa femme exploitait également une entreprise de couture dans leur maison – comme si le simple fait de le déclarer le prouvait. D’après la preuve produite, je n’aurais certainement pas conclu qu’il s’agissait là d’une activité commerciale.

 

[8]     Alors que l’intimée mentionnait dans son argumentation une nouvelle maison construite en 1998 par l’appelant et sa femme sur le bien immeuble en question, l’appelant a fait valoir que ladite construction constituait un ajout important conçu pour mener des activités commerciales. Sans égard à cette déclaration, il n’existe aucun différend sur le fait que l’appelant et sa femme résidaient dans l’immeuble en question, qu’il s’agissait de leur unique résidence et que des améliorations importantes ont été apportées à l'immeuble en 1998. Le paragraphe 208(4) est la disposition de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») qu’il convient d’examiner afin de trancher le litige tel que délimité par l’intimée. La question de savoir si les améliorations apportées à l'immeuble étaient conçues pour mener des activités commerciales, du moins dans une certaine mesure, n’est pas en litige. L’intimée accepte l’utilisation commerciale par la femme de l’appelant pour le gîte touristique dans une proportion de 50,8 % et, comme l’a affirmé l’appelant, dans une proportion de 7,1 % par lui-même pour son entreprise de distributeurs. Ainsi, l’intimée accepte l’utilisation commerciale totale de l’immeuble dans une proportion de 57,9 %, mais elle n’admet pas que cette double utilisation soit pertinente. Au contraire, l’intimée soutient que le paragraphe 208(4), pris dans son sens ordinaire, empêche l’appelant de se prévaloir d’un crédit de taxe sur les intrants, étant donné que son utilisation de l’immeuble ne visait pas principalement un objectif commercial. Je ne crois pas que l’on puisse, comme le soutient l’intimée, dégager aussi facilement le sens ordinaire de ce paragraphe qui s’applique aux faits de l’espèce. Toutefois, avant d’expliquer mon point de vue, je crois qu’il est nécessaire de faire quelques remarques supplémentaires au sujet de la thèse présentée par l'appelant à l’audience et dans son argumentation en ce qui concerne l’utilisation personnelle et l’utilisation commerciale de l’immeuble en question.

 

[9]     L’appelant et sa femme demeurent dans une élégante maison comportant quatre chambres à coucher. Il n’existe pas d’aires commerciales distinctes pour les activités liées au gîte touristique; des aires sont utilisées à cette fin lorsque, de temps à autre, l’appelant le permet et que sa femme décide de les utiliser comme telles. En pareil cas, il n’est pas aisé d’établir une distinction entre l’utilisation personnelle et l’utilisation commerciale de l’immeuble. Les critères qui peuvent être appliqués comprennent le temps passé dans les différentes aires du gîte touristique par les clients par rapport au temps passé par les propriétaires à des fins personnelles dans les mêmes aires. Certaines aires sont nécessaires à l’utilisation personnelle ou la complètent, et elles peuvent à la fois compléter l’utilisation commerciale de l’immeuble. Il ne m’a pas été expliqué pour quel motif l’intimée a accepté l’utilisation commerciale de l’immeuble en cause relativement au gîte touristique dans une proportion de 50,8 %. Je suppose que ce pourcentage reflète un découpage en plusieurs aires et l’application à chacune de ces aires d’un critère visant à déterminer si elles sont utilisées à des fins personnelles ou commerciales. Une fois ce critère appliqué,  il me semble que l’on obtient des subdivisions théoriques des aires entièrement utilisées à des fins commerciales et des aires entièrement utilisées à des fins personnelles, selon le cas. En effet, l’intimée a déclaré qu’un pourcentage de 50,8 % de l’immeuble en cause était considéré comme étant entièrement utilisé à des fins commerciales.[2] J’ajouterais que les aires théoriquement considérées comme étant utilisées à des fins commerciales ne peuvent compter de nouveau comme des aires utilisées à des fins personnelles par qui que ce soit. Ces aires ont déjà été entièrement utilisées.

 

[10]    L’appelant soutient que les aires commerciales du gîte touristique correspondent à quelque 68,5 % de l’immeuble en cause. À mon sens, cela est déraisonnable vu le fondement des subdivisions qu’il demande. Par exemple, l’entrée avant de la maison, large et ouverte (436 pieds carrés), est décrite par l’appelant comme la réception avant et l’aire d’exposition, dont un pourcentage de 90 % a été conçu en vue d’une utilisation commerciale. Il s’agit de l’entrée avant de leur maison. La cuisine/salle à manger, décrite comme comprenant le bureau de la femme de l’appelante et l’aire de couture, est d’environ 800 pieds carrés au total (dont plus de 60 % correspond à leur propre cuisine et salle à manger, même si cette aire est quelquefois partagée au déjeuner avec les clients, le cas échéant); l’appelant n'admet que seulement 120 pieds carrés sont utilisés à des fins personnelles. Que l’appelant ait conçu ses aires commerciales de manière à ce qu’elles soient partagées avec les aires nécessaires ou qu’elles visent à les améliorer ne fait pas en sorte que ces aires soient moins personnelles en ce qui a trait à leur fonction et à leur utilisation. Ce qui constitue des aires personnelles « nécessaires ou améliorées » est subjectif; toutefois, dans le cas de cette charmante maison où il n’existe aucune séparation réelle ou apparente entre les personnes qui y résident et les clients (sauf les salles de bains et la salle de séjour à l’étage supérieur qui totalisent 1 345 pieds carrés et qui permettent une séparation raisonnable des aires destinées aux clients), on peut s’attendre à ce que la plus grande partie de l’espace restant soit destinée à améliorer un mode de vie personnel, par opposition à un espace surchargé pour répondre à des besoins commerciaux.

 

[11]    En quelques mots, j’estime que l’attribution de l’utilisation commerciale des aires soumise par l’appelant est déraisonnable. Après examen de la preuve, j’aurais peut-être accordé quelque 2 700 pieds carrés ou environ 45 % pour le gîte touristique. En revanche, l’intimée a accepté un pourcentage de 50,8 % pour l’utilisation commerciale de l’immeuble relativement aux activités liées au gîte touristique de la femme de l’appelant, et un pourcentage de 7,1 % relativement aux activités de l’appelant. En outre, l’intimée a admis, aux fins du paragraphe 208(4), que l’immeuble n’était pas utilisé par la femme de l’appelant principalement à des fins personnelles; en revanche, l’intimée n’admet pas que l’utilisation de l’immeuble dans son ensemble (par ses divers utilisateurs) n’était pas principalement de nature personnelle[3]. On ne peut d’emblée tirer une telle conclusion du libellé de la disposition en cause de la Loi.

 

[12]    Comme je l’ai mentionné, le fait d’accepter que 50,8 % de l’immeuble soit utilisé par la femme de l’appelant pour y mener des activités commerciales signifie, ou, du moins, c’est ce qu’il me semble, qu’un pourcentage théorique de 50,8 % de l’immeuble a été découpé et accepté comme étant une aire entièrement utilisée à des fins commerciales et ne pouvant pas être utilisée par elle ou par qui que ce soit à d’autres fins. Ainsi, l’aire commerciale attribuée à la femme de l’appelant pour le gîte touristique est « dépensée », ce qui veut dire que la partie de l’immeuble qui reste et qui peut être utilisée à des fins personnelles par elle ou par qui que ce soit est de 49,2 %. Puisqu’un peu moins de la moitié de l’immeuble peut être utilisé par l’appelant (à des fins personnelles ou à d’autres fins), le paragraphe 208(4) ne l’empêche pas de se prévaloir de CTI. Cela veut dire que, dans les circonstances, une simple lecture de la disposition invoquée ne permet pas de conclure que l’immeuble en cause « est destiné principalement à son utilisation personnelle ou celle d'un particulier qui lui est lié. » Il s’agit du critère énoncé dans la Loi. La Loi ne vise pas à déterminer si l’utilisation que fait un particulier d’un immeuble est plus de nature personnelle que commerciale. On ne parle pas ici de l’utilisation de l’immeuble par un particulier. En l’instance, la Loi vise à déterminer si l’immeuble est destiné principalement à l’utilisation personnelle de l’appelant (c’est-à-dire le particulier ayant apporté des améliorations à l’immeuble) et à celui de sa femme (le particulier qui lui est lié). Pour l’appelant et sa femme, l’utilisation de l’immeuble à des fins commerciales est acceptée dans une proportion de 57,9 %.

 

[13]    Je ne prétends pas rejeter aveuglément l’argument de l’intimée selon lequel la disposition invoquée vise à déterminer si l’utilisation que fait un particulier d’un immeuble est plus de nature personnelle que commerciale. Peut-être que ni cette interprétation, ni celle que j’ai moi-même proposée plus tôt, ne dégagent le « sens ordinaire » de cette disposition si on les compare l’une à l’autre. J’ai donc décidé de poser l’exemple hypothétique d’un immeuble commun possédé par des personnes n’ayant aucun lien de dépendance, dans l’espoir de trouver la meilleure manière possible d’interpréter la disposition invoquée.

 

[14]    Prenons le cas de deux copropriétaires d’un immeuble qui n’ont pas de lien de dépendance. Chacun d’eux occupe un espace délimité et séparé, et chacun d’eux a apporté des améliorations au sien et a payé pour celles-ci. Ils se sont peut-être entendus sur la manière dont les améliorations seraient calculées au moment de la vente de l’immeuble. Le co-propriétaire « A » a dépensé 100 000 $. « A » occupe 50 % de la superficie totale entièrement à des fins commerciales et a apporté des améliorations dans ce but. « B » occupe l’autre moitié de l’immeuble à des fins personnelles dans une proportion de 95 % et a apporté des améliorations dans ce but. « B » a dépensé 20 000 $ pour des améliorations commerciales à la proportion de 5 %. L’immeuble, comme un tout, n’est pas principalement utilisé à des fins personnelles. Suivant l’interprétation du paragraphe 208(4) que j’ai proposée, « A » recevrait des CTI sur la somme de 100 000 $ et « B » des CTI sur la somme de 20 000 $. L’intimée accorderait probablement à « A » des CTI sur la somme de 100 000 $ et aucun CTI à « B ».[4]   La démarche que j’ai adoptée aide les personnes qui font une utilisation commerciale relativement limitée d’un immeuble à se mettre au même niveau que les personnes qui font une utilisation commerciale relativement importante du même immeuble. Pour quelle raison les immeubles en copropriété devraient-ils entraîner des avantages marqués pour l’un des utilisateurs ou, réciproquement, pour quelle raison un utilisateur commercial se verrait-il privé de son droit à des crédits parce qu’une autre personne utilise la majeure partie de l’ensemble de l’immeuble commun à des fins personnelles ? La meilleure chose à faire serait sans doute de déterminer si j’ai correctement défini « l’immeuble » dans cet exemple. Il me semble que non. Il existe deux immeubles, soit une aire utilisée par « A » et une deuxième aire utilisée par « B ». Pour l’objet du paragraphe 208(4), le critère visant à déterminer si « l’immeuble » est utilisé à des fins personnelles doit être appliqué à chacun des immeubles.

 

[15]    Lorsqu’un immeuble est divisé en aires distinctes comme dans l’exemple susmentionné, le fait de considérer chaque aire distincte comme des « immeubles » distincts constitue, pour l’objet du paragraphe 208(4), une démarche logique permettant de trancher un tel litige. Mais qu’arrive-t-il si les aires en question ne constituent pas des aires distinctes ? « L’immeuble » mentionné au paragraphe 208(4) peut-il être considéré comme une aire théoriquement distincte ?

 

[16]    Vu les faits de l’espèce, je me vois obligé de me pencher sur cette question. L’appelant et sa femme ont adopté une position inhabituelle selon laquelle le gîte touristique exploité dans leur immeuble commun appartenait à la femme, et uniquement à elle. Je me vois donc plongé dans un labyrinthe intellectuel, savoir de déterminer comment traiter un bien personnel commun dont une partie indivise n’est consacrée qu’à l’entreprise d’une seule personne.

 

[17]    Lors de mon examen du présent appel, j’avais tendance à penser, à un certain point, qu’un bien commun, tel qu’une maison appartenant à un couple marié, ne pouvait pas être divisé en biens immeubles multiples utilisés par une personne principalement à des fins commerciales et par l’autre principalement à des fins personnelles; néanmoins, je suis arrivé à la conclusion que cela est non seulement possible, mais qu’il s’agit de la conclusion adéquate à tirer des faits de l’espèce.[5] La disposition invoquée vise « l’immeuble » auquel l’appelant a apporté des améliorations. S’il est correct de découper théoriquement un bien en fonction de l’usage commercial et de l’usage personnel qui en est fait, il n’y a qu’un pas à franchir pour accepter que « l’immeuble » auquel l’appelant a apporté des améliorations correspond à l’immeuble théorique excluant le gîte touristique de sa femme. La présente cause se fonde sur la séparation des types d’utilisation. Des parties de la « maison » ont été acceptées comme étant des subdivisions consacrées à un gîte touristique exploité uniquement par la femme de l’appelant. La femme de l’appelant doit être considérée comme possédant un immeuble consistant en deux parties : une partie de la maison (qu’elle partage avec l’appelant), qui représente 42 % de l’ensemble de l’immeuble, et une partie consacrée au gîte touristique, qui représente 51 % de l’ensemble de l’immeuble. La partie de l’immeuble destinée à son utilisation personnelle et à celle de l’appelant est de 42/93, ce qui signifie que son immeuble n’est pas destiné principalement à son utilisation personnelle et à celle de l’appelant. Dans le même ordre d’idées, l’appelant doit être considéré comme possédant un immeuble consistant en deux parties : une partie de la maison (qu’il partage avec sa femme), qui représente 42 % de l’ensemble de l’immeuble, et une partie consacrée à son entreprise de distributeurs, qui représente 7 % de l’ensemble de l’immeuble. La partie de l’immeuble destinée à son utilisation personnelle et à celle de sa femme est de 42/49, ce qui signifie que cette partie est destinée principalement à son utilisation personnelle et à celle de sa femme.[6] Cette approche est compatible avec le libellé du paragraphe invoqué et donne un résultat qui, à mon avis, est celui qui a le plus de sens dans le contexte d’un immeuble commun dont une partie indivise est utilisée pour l’exploitation d’une entreprise à propriétaire unique. Je suis convaincu que, d’après la séparation des types d’utilisation en l’espèce, je me dois de conclure que l’appelant, à titre de personne ayant apporté des améliorations à l’immeuble en cause, n’est pas en droit d’obtenir des CTI, étant donné que « l’immeuble » auquel il a apporté des améliorations (c’est-à-dire sa maison, à l’exclusion de la partie consacrée au gîte touristique exploité uniquement par sa femme) était destiné principalement à son utilisation personnelle et à celle de sa femme. Par conséquent, l’appel est rejeté sur ce point.

 

[18]    Pour ce qui est des dépenses relatives à un chien de garde, je ne suis pas convaincu que l’appelant se soit acquitté de manière satisfaisante du fardeau de la preuve afin de se prévaloir de la déduction d’une partie des frais engagés pour les aliments et les soins vétérinaires de ses chiens de compagnie. L’appelant a témoigné que, à la suite d’une effraction dans une ancienne demeure, les policiers avaient déclaré que les chiens constituaient une bonne mesure préventive contre les vols. Comme l’appelant transportait de grandes quantités de numéraire destiné à être déposé alors qu’il effectuait des tournées de cueillette à ses distributeurs automatiques, il laissait les chiens dans son véhicule afin de dissuader les voleurs. J’accepte son témoignage selon lequel les chiens aboyaient lorsque des étrangers approchaient du véhicule; toutefois, ces chiens ne sont pas des chiens de garde dressés à cette fin. Il s’agissait d’animaux de compagnie, de gentils golden retrievers, qui ne dérangeaient pas les clients du gîte touristique. Qu’ils aient été utilisés à une autre fin pour accompagner leur maître alors qu’il exerçait les activités de son entreprise ne change rien au fait que la raison première pour laquelle il possédait ses chiens était pour lui tenir compagnie. L’appelant aurait engagé la totalité des dépenses en cause même s’il n’y avait eu aucun avantage commercial accessoire. Comme l’a fait remarquer l’intimée dans son argumentation, il a été prouvé lors de l’audition que l’appelant possédait un de ces chiens depuis 1982, c’est-à-dire bien avant qu’il ne démarre son entreprise de distributeurs automatiques. Il s’agissait d’un animal de compagnie. Après sa mort, il a été remplacé par un chien semblable en 1998. De toute façon, je ne suis pas convaincu que les dépenses ont été engagées dans le cadre de l’entreprise de l’appelant. Par conséquent, l’appel est également rejeté sur ce point.  

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de septembre 2003.

 

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de juin 2005.

 

 

Mario Lagacé, réviseur



[1] Ruth Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd., Vancouver, Butterworth, 2002, à la page 9.

[2] Je reconnais qu’un tel découpage théorique est discutable. On pourrait soutenir que le fait d’attribuer 20 % d’une aire de 100 pieds carrés et 60 % d’une autre aire de 100 pieds carrés à des fins commerciales ne revient pas au même que de subdiviser théoriquement une aire de 80 pieds carrés consacrée à 100 % à des fins commerciales, particulièrement dans le cas d’un couple marié cohabitant dans cet espace. Cependant, pour l’application de la disposition invoquée, je suis d’avis que le découpage théorique de l’espace dans le cas d’aires utilisées à des fins multiples est une démarche appropriée.

[3] Il convient de remarquer que la présente cause n’établit pas un seuil pour déterminer ce qui constitue « principalement », à l’exception du fait qu’il est admis que, si une aire est utilisée à 50 % ou plus à des fins non personnelles, elle ne peut être considérée comme étant « principalement » utilisée à des fins personnelles.

[4] J’ai ajouté à cet exemple les montants dépensés par « A » et par « B » pour des améliorations afin de pouvoir les comparer avec la présente cause. En l’espèce, je n’ai pas vu de séparation des dépenses, ni pour les montants engagés pour une utilisation particulière, ni pour les montants engagés par les propriétaires de l’immeuble. Il n’a pas été contesté à l’audience que l’appelant et sa femme ont payé ensemble les coûts de toutes les améliorations. Les CTI accordés à sa femme, autant que je sache, concernaient 50,8 % de la totalité des frais engagés pour les améliorations. Le pourcentage de 50,8 % de ses dépenses devrait être reconnu. Voir le paragraphe 169(1) de la Loi. Si, en application de ce paragraphe, elle reçoit des crédits comme si elle avait payé pour toutes les améliorations – en fonction du pourcentage de 50,8 % de l’utilisation commerciale – il n’en coûte rien à l’appelant de présenter une demande pour ses propres dépenses en vertu du paragraphe 169(1), même si le paragraphe 208(4) ne l’empêche pas de se prévaloir des CTI. Sinon, il y a double calcul. Encore une fois, l’intimée ne formule aucune hypothèse sur ce point : elle se fonde sur une interprétation du paragraphe 208(4) qui rend inutile de déterminer qui a payé quoi, dans la mesure où cela a un effet sur l’appelant et sur les crédits excédentaires accordés à la femme de l’appelant, le cas échéant, mais cette question n’est pas en litige dans le présent appel.

[5] On pourrait soutenir que l’exemple hypothétique que j’ai donné mène à une analyse défavorable à l’appelant. Le fait de procéder à un découpage théorique de l'immeuble entraîne une perte des crédits que l’appelant se serait vu accorder s’il avait été considéré comme participant à l’entreprise de gîte touristique. Toutefois, j’estime que l’anomalie ne réside pas dans mon interprétation du paragraphe 208(4), mais plutôt dans la manière dont le gîte touristique est exploité. Les contribuables ont le choix des structures qu’ils utilisent. Un aspect fondamental de nos lois fiscales est de constater les conséquences qui découlent de ces structures.

[6] Bien que je n’aie pas tenté de définir le terme « principalement », la fraction de 42/49 me semble clairement correspondre à ce qui s’entend par « principalement ».

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