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Date: 20020424

Dossier: 2001-1162-GST-I

2001-1164-GST-I

ENTRE :

SYLVAIN JANELLE,

SERGE LEMAIRE,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs de l'ordonnance

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'une requête dont l'objet est de déterminer si l'intimée pouvait légalement cotiser les appelants-requérants.

[2]            Au soutien de la requête, les requérants ont soumis les faits suivants :

1. L'intimée admet dans ses réponses aux avis d'appels que les appelants sont associés pour l'exploitation d'une société en nom collectif du nom de Bar Café O Saint-Fred, tel qu'il appert des paragraphes (1) des réponses aux avis d'appels;

2. La société Bar Café O Saint-Fred a fait l'objet d'un avis de nouvelle cotisation en vertu de la Loi sur la taxe de vente du Québec pour les mêmes périodes que celles de la présente instance et la société a interjeté appel de cette cotisation devant la Cour du Québec dans le dossier no : 405-02-002491-014, tel qu'il appert de la copie de la requête en appel jointe avec la présente comme pièce R-1;

3. Les appelants n'ont pas fait l'objet d'une cotisation en vertu de la Loi sur la taxe de vente du Québec;

4. L'avis de nouvelle cotisation en litige en date du 9 janvier 2001 est adressée aux appelants, tel qu'il appert du dossier de la Cour;

5. Au sens du paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise, une « personne » est défini comme : « Particulier, société de personne...);

6. Les appelants ne pouvaient faire l'objet d'une nouvelle cotisation sans que la société ne soit préalablement cotisée en vertu de la Loi sur la taxe d'accise et que cette nouvelle cotisation adressée à la société devienne exécutoire;

7. L'intimée a reconnu par une lettre en date du 2 avril 2002 que la cotisation devait être émise au nom de la société de personnes, tel qu'il appert d'une copie de la lettre du procureur de l'intimée en date du 2 avril 2002 jointe à la présente comme pièce R-2;

8. Toutefois, l'intimée soulève maintenant que l'avis de nouvelle cotisation en litige est valide en vertu des paragraphes 272.1(5) et 299(3.1) de la Loi sur la taxe d'accise;

9. Il est dans l'intérêt de la justice que la Cour se prononce avant l'audience sur la validité de l'avis de nouvelle cotisation en litige puisque cette question pourrait régler l'instance en totalité;

[3]            En réplique, l'intimée a fait valoir qu'il était tout à fait justifié de cotiser les requérants en vertu des paragraphes 272.1(5) et 299(3.1) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ).

Analyse

[4]            Une société de personnes est incluse dans la définition d'une « personne » énoncé à l'article 123 de la Loi. L'obligation pour une personne qui effectue une fourniture taxable dans le cadre d'une activité commerciale d'être inscrit pour l'application de la Loi est prévue au paragraphe 240(1) de la Loi. Le paragraphe 221(1) de la Loi impose à toute personne qui effectue une fourniture taxable l'obligation de percevoir la taxe payable par l'acquéreur. Le paragraphe 238(1) prévoit l'obligation pour l'inscrit de produire une déclaration et le paragraphe 228(1) prévoit l'obligation de calculer sa taxe nette pour la période de la déclaration. Le paragraphe 228(2) impose l'obligation de verser sa taxe nette au Receveur général du Canada. La date à laquelle tout versement doit être fait est en général la même que celle prévue sous 238(1) pour la production des déclarations.

[5]            Dans l'affaire Decaire c. La Reine, il s'agissait de savoir si deux personnes pouvaient être cotisées pour la perception et versement des taxes payables sur les fournitures effectuées par la société de personnes dont elles étaient associées. Le paragraphe 272.1(5) n'était pas applicable à la période en litige.

[6]                 L'honorable juge Bell concluait que l'obligation de percevoir et de verser la taxe au Receveur général du Canada, appartenait à la société de personnes puisque la taxe provenait de fournitures effectuées dans le cadre des activités commerciales de la société.

[7]            La cotisation des associés a été annulée puisque ces derniers n'avaient aucune obligation de percevoir et de verser la taxe. Dans l'affaire Decaire et Sa Majesté la Reine, [1999] A.C.I. no 699 (Q.L), le juge Bell n'avait pas à appliquer le paragraphe 272.1(5); il s'est référé à cette disposition pour consolider sa conclusion à l'effet que la société avait l'obligation de payer et qu'elle était de ce fait, la seule entité devant être cotisée. Le paragraphe 272.1(5) prévoit que l'associé est responsable des « montants dus et payables par la société » .

[8]            En l'espèce, les faits sont différents, en ce qu'il s'agit de déterminer l'effet du paragraphe 272.1(5). L'application du paragraphe 272.1(5) ne vient pas modifier la conclusion du juge Bell dans l'affaire Decaire précité voulant que la société est la personne responsable pour percevoir et verser la taxe sur les fournitures effectuées dans le cadre de ses activités, et non pas les associés.

[9]            Le paragraphe 272.1(5) précise la responsabilité solidaire des associés pour « le paiement ou versement des montants devenus à payer ou à verser par la société » . En l'espèce, il s'agit de déterminer si les montants pour lesquels un associé peut être tenu responsable en vertu du paragraphe 272.1(5) de la Loi doivent avoir fait l'objet d'une cotisation préalable de la société.

[10]          Le paragraphe 272.1(5) définit la responsabilité personnelle d'un associé pour les dettes de la société. Les Notes explicatives publiées par le ministre des Finances, jointes aux modifications de la Loi en y ajoutant le paragraphe 272.1(5), se lisent en partie comme suit :

Le nouveau paragraphe 272.1(5) a pour objet de préciser l'étendue de la responsabilité solidaire imposée sur les personnes qui sont des associés ou des anciens associés (sauf un commanditaire qui n'est pas un commandité.) Cette responsabilité existe pour tous les montants qui deviennent à payer ou à verser par la société de personnes au cours de la période où la personne est un associé de la société de personnes, ou antérieurement à cette période. ...

[11]          Avant l'entrée en vigueur du paragraphe 272.1(5) il fallait se référer à la législation provinciale régissant les sociétés pour déterminer l'étendue de la responsabilité d'un associé. Or, le paragraphe 272.1(5) rend désormais l'associé solidairement responsable avec la société pour le paiement ou le versement des montants devenus à payer ou à verser par la société. L'étendue de la responsabilité de l'associé est cependant limitée au sous-alinéa 272.1(5)a)(i) qui se lit comme suit :

(i) l'associé n'est tenu au paiement ou au versement des montants devenus à payer ou à verser avant la période que jusqu'à concurrence des biens et de l'argent qui sont considérés comme étant ceux de la société selon les lois pertinentes d'application générale concernant les sociétés de personnes qui sont en vigueur dans une province,

[12]          Les appelants-requérants soulèvent que le paragraphe 299(3.1) démontre que la société doit avoir été cotisée au préalable avant qu'un associé puisse être cotisé. De son côté, l'intimée soutient que le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) peut cotiser l'associé en vertu de l'alinéa 296(1)e) et le paragraphe 272.1(5) sans tenir compte du paragraphe 299(3.1).

[13]                 L'alinéa 296(1)e) permet au Ministre d'établir une cotisation pour déterminer un montant qu'une personne est tenu de payer ou de verser en vertu de la sous-section b.1) de la section VII, incluant, de ce fait tout montant payable en vertu du paragraphe 272.1(5).

[14]          En vertu de l'alinéa 299(3.1)b), tout associé est responsable des obligations d'une société; il est aussi lié par une cotisation de la société. Les Notes explicatives publiées par le ministère des Finances, avec l'ajout du paragraphe 299(3.1) se lisent, en partie comme suit :

...

Selon l'alinéa 299(3.1)a), la cotisation est valide même si une ou plusieurs personnes responsables des obligations de l'entité n'ont pas reçu d'avis de cotisation.

L'alinéa 299(3.1)b) prévoit que la cotisation établie à l'égard d'une entité lie chaque membre de celle-ci qui est responsable de ses obligations, sous réserve d'une nouvelle cotisation établie à l'égard de l'entité et des droits de celle-ci d'interjeter appel.

Enfin, l'alinéa 299(3.1)c) prévoit que la cotisation établie à l'égard d'un membre et portant sur la même question que la cotisation établie à l'égard de l'entité lie le membre, sous réserve seulement d'une nouvelle cotisation établie à l'égard du membre et des droits de celui-ci de faire opposition et d'interjeter appel pour les motifs qu'il ne fait pas partie des personnes tenues de payer ou de verser un montant visé par la cotisation établie à l'égard de l'entité, qu'une nouvelle cotisation a été établie à l'égard de l'entité ou que la cotisation établie à l'égard de l'entité a été annulée.

[15]          Je ne crois pas que l'alinéa 299(3.1)b) exige que la société ait été cotisée avant d'en imputer la responsabilité à un associé qui la compose.

[16]                 L'alinéa 299(3.1)b) énonce qu'un associé est lié par une cotisation de la société, sous réserve d'une nouvelle cotisation établie à l'égard de l'entité. Dans l'hypothèse où une cotisation de la société serait annulée des suites d'un appel initié par la société, la cotisation devrait alors être annulée à l'égard des associés.

[17]                 L'alinéa 299(3.1)c) prévoit que si un associé est cotisé sur la base des mêmes fondements que la cotisation établie à l'égard de la société, la cotisation de la société lie l'associé. Dans un tel cas, les défenses de l'associé semblent être limitées à celles énumérées dans cet alinéa. L'alinéa 299(3.1)c) empêche la possibilité d'avoir des décisions contradictoires par rapport à la même question. Si un associé et une société sont cotisés pour la même question, les moyens de défense quant à l'obligation de percevoir et de verser la taxe sont réservés à la société seulement.

[18]          Les dispositions du paragraphe 299(3.1) n'interviennent que lorsque la société a été cotisée préalablement. Cette disposition s'applique indépendamment du paragraphe 272.1(5), s'appliquant du moment que la société doit payer des sommes au Receveur général. L'obligation de payer existe avant même qu'une cotisation soit émise. Le paragraphe 299(3.1) est essentiellement complémentaire à l'alinéa 296(1)e).

[19]          En vertu l'alinéa 296(1)e) et le paragraphe 272.1(5), il n'est pas nécessaire que la société soit cotisée avant d'émettre une cotisation de l'associé. L'associé peut être cotisé jusqu'à concurrence de ce qui est prévu sous le sous-alinéa 272.1(5)a)(i).

[20]          Pour ces raisons, je conclus que l'intimée avait le droit d'établir des avis de cotisations à l'encontre des appelants-requérants sous réserve qu'elles doivent éventuellement être modifiées à la suite de l'épuisement des recours réservés à la société à laquelle ils appartiennent. Conséquemment, la requête est rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'avril 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :                             2001-1162(GST)I; 2002-1164(GST)I

INTITULÉS DES CAUSES :                                                Sylvain Janelle et Sa Majesté la Reine

                                                                                                                Serge Lemaire et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Ottawa (Canada)

DATE DE L'AUDIENCE :                                      Le 22 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                 L'honorable Juge Alain Tardif

DATE DE L'ORDONNANCE :                                Le 24 avril 2002

COMPARUTIONS :

Avocat des appelants-requérants :                 Me Richard Généreux

Avocat de l'intimée :                                                Me Robert Poupart

AVOCAT INSCRIT AUX DOSSIERS :

Pour les appelants :

                                Nom :                                       Me Richard Généreux

                                Étude :                                     Généreux, Côté

                                Ville :                                       Drummondville (Québec)

Pour l'intimée :                                                Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2001-1162(GST)I

2001-1164(GST)I

ENTRE :

SYLVAIN JANELLE,

SERGE LEMAIRE,

Requérants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Requête des appels précités entendue par conférence téléphonique tenue

le 22 avril 2002 à Ottawa (Canada) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocat des requérants :           Me Richard Généreux

Avocat de l'intimée :                Me Robert Poupart

ORDONNANCE

          Vu la requête des appelants-requérants visant à obtenir une décision de la Cour statuant sur une question de droit relative à la légalité des avis de nouvelles cotisations adressées aux personnes n'ayant pas l'obligation de percevoir la taxe et de verser au Receveur général du Canada au sens de la Loi sur la taxe d'accise.

Compte tenu des représentations des parties;

          La requête est rejetée.

Signée à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'avril 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

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