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Date: 20020606

Dossier : 1999-946-IT-G

ENTRE :

MARTINE PARISEAU,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel relatif aux années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994.

[2]            Les cotisations dont il est fait appel ont été établies à partir des faits pris pour acquis suivants :

a)              au cours des années 1993 et 1994, l'appelante opérait une entreprise appelée New York Pub dont les activités étaient, entre autres, la vente de boisson;

b)             l'appelante n'a pas fait état de la totalité de ses revenus dans ses déclarations d'impôt pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994;

c)              suite à une vérification par méthode de l'avoir net, le ministre du Revenu national a constaté les écarts suivants au niveau de la conciliation du capital de l'appelante (une copie des bilans et de la conciliation du capital est jointe à la présente pour en faire partie intégrante):

                                1995                         20 985,97 $

                                1996                         29 212,45 $

                                1997                         58 484,06 $

                                1998                         39 089,84 $

d)             les montants susmentionnés sont des revenus que l'appelante a omis de déclarer et qui doivent être pris en considération aux fins du calcul de son impôt sur le revenu pour ces mêmes années d'imposition;

e)              en produisant ses déclarations d'impôt pour les années 1991 et 1992, l'appelante a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire en omettant de déclarer des revenus substantiels;

f)              en produisant ses déclarations d'impôt pour les années d'imposition en litige, l'appelante a sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde fait un faux énoncé ou une omission en omettant de déclarer les revenus mentionnés à l'alinéa c);

g)             par conséquent, des pénalités, aux montants suivants, ont été imposées conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu :

                                1991                         1 447,73 $

                                1992                         3 060,17 $

                                1993                         7 146,18 $

                                1994                         4 733,88 $

[3]            L'appelante a rencontré monsieur Pierre Ouellette au moment où elle était étudiante. À ce moment, pour subvenir à ses besoins, elle exécutait du travail à différents endroits pour lequel elle recevait des revenus très modestes. Devenue enceinte d'un premier enfant, elle a décidé de vivre avec son ami, le père de son enfant.

[4]            Lors des périodes où elle était en mesure de travailler, ses études étant terminées, elle faisait de la suppléance pour différentes commissions scolaires.

[5]            Elle travaillait de façon sporadique et touchait des revenus minimes. De nouveau enceinte, l'espace de leur logement devenant trop restreint, le couple décida de faire l'acquisition d'une maison.

[6]            Pour ce faire, ils obtinrent la collaboration du père de l'appelante qui leur consentit un prêt de 20 000 $, utilisé comme acompte sur le prix d'acquisition de l'ordre de 70 000 $, la balance étant obtenue par le biais d'un prêt hypothécaire. La résidence fut alors acquise en co-propriété.

[7]            Le printemps suivant, le couple investit dans divers travaux et fit l'acquisition de divers biens, soit une piscine, une clôture, une remise et le terrassement, etc.

[8]            Durant toutes les périodes visées par l'appel, l'appelante, lorsque disponible, a fait du travail de suppléance pour diverses commissions scolaires. Elle a touché une rémunération en fonction du peu d'heures de suppléance qu'elle a accomplies.

[9]            De son côté, le conjoint de l'appelante décida de faire l'acquisition d'un commerce où se faisait la vente de boissons alcooliques. Affligé d'un dossier criminel, il ne pouvait espérer avoir les permis requis pour l'exploitation du commerce dont il désirait faire l'acquisition. Il demanda alors à sa compagne, l'appelante, de contracter un emprunt au montant de 8 000 $ pour lui permettre d'acheter le commerce en son nom.

[10]          Après avoir pris en considération qu'il s'agissait de son conjoint et du père de leur enfant, elle a accepté. L'appelante devint donc seul propriétaire du commerce en vertu du contrat notarié en date du 10 mars 1993.

[11]          Bien qu'elle soit propriétaire enregistrée du commerce, l'appelante a expliqué ce que son conjoint a plus tard confirmé qu'elle ne s'était jamais occupée du commerce. Elle a soutenu que malgré les titres de propriété, elle n'avait jamais rien eu à voir avec le commerce. Elle n'y effectuait aucun travail et ne recevait aucun revenu.

[12]          Son témoignage est à l'effet qu'elle a servi essentiellement de prête-nom à cause des exigences relatives au permis autorisant la vente de boissons alcooliques.

[13]          Elle a affirmé n'avoir jamais administré, travaillé ou contribué à l'exploitation du commerce. Son implication se limitait, à l'occasion, à faire divers chèques, procéder aux paiements de certains comptes et aussi de faire à l'occasion, les dépôts.

[14]          Toutes les dépenses inhérentes à la famille étaient assumées par son conjoint qui s'occupait également des remboursements tant du prêt de 8 000 $ ayant servi à l'achat du commerce que des paiements hypothécaires des suites de l'acquisition de la résidence.

[15]          En substance, l'appelante a affirmé n'avoir rien payé pour l'acquisition tant du commerce que de la résidence. Elle a aussi catégoriquement nié avoir contribué au financement et aux déboursés requis pour le terrassement, l'achat de la remise, la fabrication de la clôture et l'installation de la piscine.

[16]          Tous les paiements étaient la responsabilité de son conjoint; à l'occasion, l'appelante agissait comme mandataire ou commissionnaire.

[17]          Les choses auraient ainsi fonctionné jusqu'à la rupture à la suite de laquelle l'appelante a quitté la résidence avec les deux enfants et quelques meubles, ne tirant ni profit ni avantage de ces deux titres de propriétés, soit du bar appelé « New York Pub » et de la résidence.

[18]          L'intimée a soutenu que le témoignage de l'appelante ne devait pas être pris en considération puisqu'il contredisait plusieurs écrits valablement faits dont deux actes notariés.

[19]          Elle a appuyé ses prétentions sur les arrêts :

                Lise Bourret v. v. Her Majesty the Queen, 90 DTC 6056;

                Friedberg c. Canada, [1991] A.C.F. no 1255 (Q.L.);

                Caron c. La Reine, [2002] A.C.I. no 177 (Q.L.);

                3099-2325 Québec inc. c. 2849-6810 Québec inc., [1999] J.Q. no 2748 (Q.L.);

                Dussault-Zaidi c. Québec (sous-ministre du Revenu), [1996] A.Q. no 2969 (Q.L.);

                Saykaly c. Canada (ministre du Revenu national -M.R.N.), [1976] A.C.F. no 904 (Q.L.);

[20]          L'intimée concluait que les explications de l'appelante n'étaient pas recevables puisqu'elles étaient non conformes au contenu de la preuve documentaire, claire, précise et ne prêtant à aucune interprétation.

[21]          Les cotisations à l'origine de l'appel ont été établies à partir de la méthode de l'avoir net constitué par tous les actifs dont l'appelante était co-propriétaire en vertu des titres.

[22]          De son côté, l'appelante n'a jamais nié avoir associé son nom aux transactions en question, actes ou documents pris pour acquis par l'intimée, elle a essentiellement soutenu n'avoir fait aucun des déboursés requis, n'avoir jamais tiré avantage de ces biens ou de l'entreprise ni de l'amélioration de son actif. Elle a affirmé que tous les paiements, versements et déboursés avaient été faits par son conjoint, n'ayant elle-même ni l'emploi ni les revenus pour assumer de telles responsabilités.

[23]          L'appelante a expliqué qu'elle s'occupait de ses enfants et travaillait à l'occasion lorsque ses services étaient requis par l'une ou l'autre des maisons d'enseignement à qui elle avait exprimé son intérêt pour faire de la suppléance.

[24]          Toutes les explications soumises par l'appelante sont vraisemblables et crédibles. Je n'ai rien constaté qui soit de nature à disqualifier la qualité de son témoignage. Les faits relatés étaient clairs et cohérents. L'appelante n'a éludé aucune question et ses réponses n'ont rien fait ressortir qui permette ou justifie d'écarter son témoignage en totalité ou en partie. Je conclus donc que la preuve de l'appelante avait toutes les qualités pour être recevable.

[25]          Puis-je écarter ce témoignage et conclure au bien-fondé des cotisations sur la seule base que l'appelante avait servi de prête-nom à monsieur Pierre Ouellette? Je ne le crois pas.

[26]          L'appelante a expliqué les raisons et pourquoi elle avait accepté de consentir à ce que son nom soit associé aux diverses transactions. Il s'agissait de motifs raisonnables puisque, d'une part, il s'agissait de son conjoint, le père de son enfant, et soutien de la famille.

[27]          D'autre part, ce dernier ne pouvait espérer obtenir les permis requis par l'exploitation eu égard à son casier judiciaire. Quant à la résidence, encore là, il s'agissait probablement de la seule manière d'obtenir un prêt hypothécaire, étant donné qu'elle avait un actif en terme d'études, le bar était à son nom et son père avait convenu de financer le comptant requis. En contre-partie son conjoint n'avait pas beaucoup de crédibilité financière dû à ses antécédents.

[28]          L'appelante n'a jamais fait sciemment de fausses et mensongères déclarations quant à ses revenus; au contraire, elle a simplement déclaré les revenus tels que définis et exprimés par son conjoint qui exploitait seul le commerce.

[29]          L'évaluation des actifs par l'intimée à partir desquels ont été établis les avis de cotisations à l'origine du présent appel, découle essentiellement des titres de propriété. Or, pour l'acquisition desdits titres de propriété, l'appelante n'a caché aucun revenu comme l'a présumé l'intimée. D'ailleurs, elle ne pouvait pas cacher ce qu'elle n'avait pas. Les titres de propriété ont été obtenus grâce à des emprunts divers dont la preuve a établi qu'ils avaient été remboursés non pas par l'appelante mais par son conjoint.

[30]          La preuve a démontré d'une manière non équivoque que l'appelante n'a ni bénéficié ni touché de revenus susceptibles d'enrichir son patrimoine. Le fait d'être le propriétaire enregistré du commerce et co-propriétaire de la résidence, ne signifie aucunement qu'elle a touché et caché des revenus pour être détentrice de tels titres de propriété.

[31]          La preuve soumise par l'appelante n'a jamais nié ou renié ces faits et gestes effectués au niveau de différentes transactions, elle a essentiellement établi que l'appelante n'avait pas profité ni ne s'était enrichie des suites de ces opérations.

[32]          Conséquemment, il y a lieu de faire droit à l'appel en ce qu'elle a relevé le fardeau de la preuve qui lui incombait en démontrant, selon une prépondérance de la preuve, qu'elle n'avait jamais touché les revenus que les avis de nouvelles cotisations lui attribuaient.

[33]          Pour ce qui est des dépens, l'appel est accueilli, sans frais, puisque l'appelante, même si elle avait des raison d'agir comme elle l'a fait, a tout de même, inconsciemment peut-être, dirigé la vérification sur une fausse piste.

Signé à Ottawa, Canada ce 6e jour de juin 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        1999-946(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Martine Pariseau et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Sherbrooke (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 2 mai 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 6 juin 2002

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :                        Me Pierre Robillard

Avocate de l'intimée :                          Me Annick Provencher

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                Nom :                                       Me Pierre Robillard

                Étude :                                     Boivin et Deschamps

                Ville :                                       Laval (Québec)

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

1999-946(IT)G

ENTRE :

MARTINE PARISEAU,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 2 mai 2002 à Sherbrooke (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocat de l'appelante :                        Me Pierre Robillard

Avocate de l'intimée :                          Me Annick Provencher

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994 est accueilli, sans frais, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de juin 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

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