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Date: 20020606

Dossier : 2001-2466-IT-I

ENTRE :

FRANCIS CORPATAUX,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel relatif aux années d'imposition 1997, 1998 et 1999.

[2]            Les cotisations dont il est fait appel ont été établies en prenant pour acquis les faits suivants :

a)              en tout temps pertinent, l'appelant est professeur à temps plein à la Faculté d'éducation de l'Université de Sherbrooke (ci-après : « université » );

b)             la tâche de l'appelant en tant que professeur comprend quatre fonctions : l'enseignement, la recherche, la participation à la vie universitaire et le service à la collectivité;

c)              en tant qu'employé de l'Université de Sherbrooke, l'appelant est habituellement tenu d'exercer les fonctions de son emploi au lieu d'affaires de son employeur, soit à l'Université de Sherbrooke;

d)             l'appelant effectue, entre autres, des travaux de recherche dans le domaine de l'ethnomusicologie;

e)              dans le cadre d'une soi-disant entreprise, l'appelant effectue une collecte de chants et de pièces instrumentales d'enfants de diverses communautés à travers le monde et selon l'appelant, « le produit est constitué de disques de musiques ethno d'enfants dont le but est la conservation d'un patrimoine universel et non le profit » (voir : Annexe A);

f)              les marchés visés sont les bibliothèques, les écoles, le public spécialisé en ethnomusicologie, les milieux familiaux;

g)             un contrat lie l'appelant et la société ARION, l'éditeur, depuis le 10 mai 1993;

h)             par ce contrat, l'appelant cède à l'éditeur l'exclusivité du Phonogramme des ouvrages de la collection « Chants des enfants du monde » pour une période de dix années et reçoit en rémunération une redevance dont les modalités sont décrites dans ledit contrat;

i)               la promotion et la publicité des disques sont la responsabilité de la compagnie de disques ARION, de Paris en France;

j)               l'état des résultats de la soi-disant entreprise de l'appelant dévoile les montants suivants :

                                                                   1997                      1998                      1999

Revenu brut                                           3 500 $ 3 900 $ 3 590 $

Dépenses :

Publicité                                                                  726

Livraison                                                                                                                1 631

Carburant                                               300                         60          

Entretien, réparation                             994

Véhicules à moteur                               278

Frais de bureau                      286

Fournitures                                            1 428                                                       395

Honoraires                                             93                           109                         111

Loyer                                                                                       195

Frais de voyage                     4 800                       2 024                       8 088

Traduction, studio                                                                1 480                       1 032

Stationnement                                       50

Total partiel                                           8 229 $ 4 594 $ 11 257 $

Amortissement                      4 356 $ 5 429 $ 1 141 $

Total des dépenses                               12 585 $                 10 023 $                 12 398 $

Total nette                                              (9 085 $)                 (6 123 $)                 (8 807 $)

k)              L'appelant n'a reçu aucune subvention de l'université durant la période s'échelonnant entre l'année 1991 et celle de 1999;

l)               selon l'appelant, si les revenus de royautés augmentaient au point de couvrir ou de surpasser ses dépenses de recherche, l'université utiliserait cet excédent pour créer des fonds de recherche spéciale, et il est claire pour lui que les salaires reçus pour ses projets de recherche seraient en partie assumés par ces revenus de royauté;

m)             il existe une relation employeur-employé entre l'université et l'appelant pour les raisons suivantes :

·          l'appelant est salarié et son revenu est réparti sur une période de 12 mois rémunéré sur 26 paies;

·          excluant son mois de vacances annuelles en été, l'appelant doit informer les autorités universitaires des activités qu'il exerce mais qui ne sont pas dans le domaine de l'enseignement afin d'obtenir d'eux l'autorisation de poursuivre ses activités;

·          le doyen de l'université décide de la charge de travail de l'appelant;

·          Monsieur Mario Laforest, doyen de la Faculté d'éducation de l'Université de Sherbrooke, a mentionné dans une lettre adressée au Ministre que les recherches effectuées par l'appelant en ethnomusicologie font partie intégrante de sa tâche de professeur;

·          l'appelant doit présenter une planification annuelle de tâches laquelle doit être approuvée en assemblée départementale (approbation doit être effectuée et remise à l'appelant au plus tard le 25 mai de chaque année);

·          tout changement à la description de tâche dans l'année ne peut se faire que sur approbation;

·          l'appelant doit faire aux autorités universitaires un rapport annuel de toutes ses activités de recherche;

·         

n)             selon le doyen, Mario Laforest, « si les travaux du professeur Corpataux sont aussi importants et d'une originalité exceptionnelle, ils n'ont cependant pas la facture traditionnelle qui leur permettrait d'être subventionnés par les organismes habituels en recherche » ;

o)             selon le doyen, Mario Laforest, « la période de compressions budgétaires sans précédent que les universités québécoises ont connu ces dernières années a rendu impossible tout soutien financier significatif pour les travaux menés par ce professeur. La seule chose dont a disposé ce professeur c'est du temps pour réaliser son oeuvre unique. Pour le reste, il a dû assumer financièrement les dépenses encourues à titre personnel. » ;

p)             depuis le début de cette activité de recherche, l'appelant a déclaré les revenus et pertes d'entreprise suivants :

ANNÉE REVENUS                              TOTAL DES                          PERTES

                                BRUTS                   DÉPENSES                            NETTES

1999                         3 590 $                    12 397 $                   ( 8 807 $)

1998                         3 900                                       10 023                                      ( 6 123 )

1997                         3 500                                       12 585                                      ( 9 085 )

1996                         5 000                                       8 502                                       ( 3 502 )

1995                         5 775                                       11 767                                      ( 5 992 )

1994                         3 000                                       8 946                                       ( 5 946 )

1993                         855                                         1 986                                       ( 1 136 )

1992                         1 300                                       3 776                                       ( 2 476 )

1991                         850                                        1 655                                      ( 855 )

Total                        27 715 $                                 71 637 $                                 (43 922 $)

q)             l'appelant n'a fait aucune étude de marché pour vérifier la rentabilité de son projet, et il n'a produit aucun plan d'action précis afin de rentabiliser ses activités de recherche;

r)              l'appelant n'a pas démontré que les dépenses réclamées pour les années en litige, relativement à ses activités de recherche ont été engagées ou effectuées en vue d'en tirer un profit ou avec un espoir raisonnable d'en tirer un revenu;

s)              le travail de recherche de l'appelant n'est pas une des activités artistiques décrites à l'alinéa 8(1)q) de la Loi.

t)              durant l'année d'imposition 2000, l'appelant a reçu pour la première fois, une subvention de 2 400 $ de la Faculté d'éducation de l'Université de Sherbrooke.

[3]            L'appelant a admis tous les faits à l'exception des sous-paragraphes 6 c), 6 l), 6 n) et 6 r) qui, pour une meilleure lecture, se lisent comme suit :

c)              en tant qu'employé de l'Université de Sherbrooke, l'appelant est habituellement tenu d'exercer les fonctions de son emploi au lieu d'affaires de son employeur, soit à l'Université de Sherbrooke;

l)               selon l'appelant, si les revenus de royautés augmentaient au point de couvrir ou de surpasser ses dépenses de recherche, l'université utiliserait cet excédent pour créer des fonds de recherche spéciale, et il est claire pour lui que les salaires reçus pour ses projets de recherche seraient en partie assumés par ces revenus de royauté;

n)             selon le doyen, Mario Laforest, « si les travaux du professeur Corpataux sont aussi importants et d'une originalité exceptionnel, ils n'ont cependant pas la facture traditionnelle qui leur permettrait d'être subventionnés par les organismes habituels en recherche » ;

r)              l'appelant n'a pas démontré que les dépenses réclamées pour les années en litige, relativement à ses activités de recherche ont été engagées ou effectuées en vue d'en tirer un profit ou avec un espoir raisonnable d'en tirer un revenu;

[4]            La preuve, constituée du témoignage de l'appelant, a révélé que le contenu des sous-paragraphes 6 c) et 6 l) était exact.

[5]            L'appelant a expliqué et convaincu le Tribunal que ses recherches et travaux étaient d'un très grand intérêt. Il a aussi fait la preuve irréfutable de la qualité exceptionnelle des résultats obtenus, faisant de lui une personne ressource pratiquement incontournable en ethnomusicologie.

[6]            Les prix, la reconnaissance, les participations et les invitations au niveau des divers média et forum tant nationaux qu'internationaux, confirment d'ailleurs sa renommée en la matière.

[7]            Il appert du témoignage du vérificateur, monsieur Robert Goulet que l'intimée a tout mis en oeuvre pour tenter de soutenir, à sa manière, les travaux du professeur Corpataux.

[8]            Malheureusement, les faits, la documentation et l'ensemble des circonstances n'appuient ni ne soutiennent le bien-fondé de l'appel de l'appelant.

[9]            Bien que les travaux, les objectifs et les résultats soient très nobles et enrichissent sans l'ombre d'un seul doute notre patrimoine culturel, il appert que le but premier et fondamental n'était pas la recherche d'un profit monétaire.

[10]          L'appelant avait un statut de professeur régulier à l'Université et y était lié par le biais d'un contrat de louage de services. En vertu de ce contrat, l'appelant devait rendre des comptes lorsqu'il s'agissait d'un travail s'inscrivant dans l'exercice de ses fonctions.

[11]          Dès le début, l'appelant avait soumis son vif intérêt pour le sujet et avait tenté d'obtenir une collaboration de son employeur, l'Université; cette dernière n'avait pas manifesté beaucoup d'empressement et avait même émis des réserves.

[12]          L'enthousiasme et la ténacité de l'appelant ont produit des résultats tels que l'Université a fini par accepter et même soutenir son initiative. La collaboration s'est principalement manifestée par une plus grande flexibilité dans le cadre de l'horaire de ses cours. Il a toujours été clair cependant, que si le projet, les recherches et le résultat du travail de l'appelant avaient généré des surplus, l'Université en aurait directement profité. De plus, les surplus en question auraient appartenu de plein droit à l'Université.

[13]          Cela ressort très clairement d'une lettre en date du 1er avril 2001, que l'appelant adressait à l'Agence des douanes et du revenu Canada (l' « Agence » ) au paragraphe 1 :

1.              Les dépenses déclarées dans mes rapports d'impôts effectués par l'agence de Mme Carole Galipeau, Carole Impôts, rue Conseil à Sherbrooke sont directement liées à ma tâche de professeur clairement établie par la convention collective entre l'Université de Sherbrooke et le Syndicat des professeurs de l'Université de Sherbrooke. Il est stipulé, que dans sa tâche, tout professeur doit effectuer des activités de recherche.

[14]          Sur cette même question, monsieur Mario Laforest, doyen de la faculté à laquelle appartenait l'appelant, écrivait dans une lettre adressée à l'Agence, le 5 mars 2001, ce qui suit :

...

On pourra référer à l'article 12 dans sa totalité en annexe. Toutefois, comme l'information requise porte essentiellement sur la fonction recherche, je reprendrai ici les articles 12.01, 12.03 et 12.06.

12.01        La tâche de la professeure ou du professeur comprend quatre fonctions :

                a) l'enseignement;

                b) la recherche;

                c) la participation à la vie universitaire;

                d) le service à la collectivité.

                                ...

12.06        La charge de travail annuelle d'une professeure ou d'un professeur comprend des activités dans chacune des quatre fonctions mentionnées au paragraphe 12.01.

                ... La seule chose dont a disposé ce professeur c'est du temps pour réaliser son oeuvre unique. Pour le reste, il a dû assumer financièrement les dépenses encourues à titre personnel.

[15]          À la lumière de la preuve soumise pour les années en litige, il appert d'une manière déterminante que l'appelant a essentiellement exercé une ou des activités dans le cadre de son travail de professeur. Il s'agissait d'un projet particulier et spécifique dont plusieurs composantes étaient propres à la notion d'entreprise. Par contre, il ne s'agissait aucunement d'une entreprise au sens de la fiscalité qui exige des objectifs de profits devant éventuellement profiter directement à l'entrepreneur. Toute personne qui démarre et exploite une entreprise doit absolument avoir une expectative raisonnable de faire éventuellement un profit dont elle sera bénéficiaire, faute de quoi il ne s'agit pas d'une entreprise au sens fiscal du terme. En l'espèce, il n'y avait aucune expectative de profit conventionnel. La seule notion de profit était l'enrichissement du patrimoine culturel. De plus, si l'aventure avait généré des surplus, ils auraient profité à l'Université et indirectement à l'appelant.

[16]          D'ailleurs, l'appelant l'a lui-même reconnu lors des réponses fournies à l'intimée suite à l'envoi d'un questionnaire. Il y a lieu de reproduire quelques-unes des questions et réponses : (pièce I-1, onglet 10)

...

2 b)          Quels étaient vos objectifs initiaux à long terme ? Si votre entreprise n'a pas évolué comme prévu, expliquez-en les raisons.

                Le produit est constitué de disques de musiques ethno d'entente dont le but est la conservation d'un patrimoine universel et non le profit.

...

6 a)           Indiquez la somme de temps que vous avez consacré chaque semaine, au bon fonctionnement de l'entreprise durant la période faisant l'objet de cet examen. Cette description doit tenir compte du temps accordé aux autres emplois ainsi qu'aux autres fonctions liées à votre entreprise.

                - Environ 15 heures/semaine durant l'année scolaire

                - Déplacements à l'étranger durant 4 mois environ

...

10 c)         Devant une suite ininterrompue de pertes, quelles mesures avez-vous prises afin de réduire les dépenses ou d'accroître les revenus ?

                économies personnelles

                subventions

...

[17]          Il n'y a pas de doute que si la question en litige était de décider de la qualité et de la pertinence du travail de l'appelant, je lui donnerais raison sans hésitation aucune, mais la question est tout autre. Il s'agit de déterminer si l'appelant avait une expectative raisonnable de réaliser un profit dans le cadre de son travail et d'une manière encore plus fondamentale, s'agissait-il d'une véritable entreprise ou tout simplement d'une charge de travail particulière?

[18]          L'intimée a soumis une décision de l'honorable juge Brulé. Il s'agit de l'arrêt Fleming c. M.R.N, [1987] A.C.I. no. 649 (Q.L.). Cette décision est pertinente tant par son contenu que par les références qui s'y trouvent. Il y a lieu de reproduire certains extraits :

...

2. Le fardeau de la preuve

                L'appelant a le fardeau de démontrer que les cotisations de l'intimé sont mal fondées. Ce fardeau de la preuve découle non pas d'un article particulier de la Loi de l'impôt sur le revenu mais de plusieurs décisions judiciaires dont le jugement de la Cour suprême du Canada rendu dans Johnston c. le Ministre du Revenu National, 3 DTC 1182; (1948)C.T.C. 195.

...

Pour trancher la question de l'existence ou non d'une expectative raisonnable de profit, il convient d'examiner l'intention première de l'activité des contribuables. Dans l'affaire Marcel De Montigny c. M.R.N., 82 DTC 1034, à la page 1036, le juge Cardin a déclaré

                La jurisprudence est claire et constante sur le principe qu'une activité quelconque ne peut être considérée comme une entreprise au sens de l'article 18(1)a) de la Loi, s'il n'existe aucun espoir raisonnable d'en réaliser un profit. À mon avis, ce principe présume nécessairement que l'intention primordiale de l'entrepreneur était de réaliser un profit monétaire de l'exploitation de son entreprise.

... Il est évident que les recherches auxquelles se sont livrés les appelants, les livres qu'ils ont achetés et les conférences auxquelles ils ont participé dans le cadre de leurs activités rédactionnelles ont contribué au développement de leur carrière pédagogique et de leur réputation dans leur spécialité. Le fait qu'ils se soient montrés si peu empressés de sortir leurs ouvrages malgré les sommes considérables qu'ils avaient investies au cours des ans constitue une indication supplémentaire du fait que, dans leurs activités rédactionnelles les appelants n'étaient pas principalement motivés par le souci de faire des bénéfices.

...

Dans l'affaire Paul Zolis c. M.R.N., [1987] C.T.C. 182, le juge en chef Couture déclare à la page 185 :

                Les aspirations ou les ambitions qu'un contribuable peut nourrir à l'égard d'une activité qu'il pratique ne sont pas suffisantes en soi pour que l'activité en question puisse être considérée comme une entreprise au sens strict de cette expression dans la législation applicable, aussi authentique que puisse être cette activité. Outre les caractéristiques structurelles de l'entreprise, le tribunal doit examiner la façon dont elle est menée ou exploitée par le contribuable et, à partir de l'interaction de ces éléments, déterminer si elle est susceptible, à terme, de produire un profit.

[19]          Dans l'affaire Matthew Corrigan c. M.R.N., 84 DTC 1764, à la page 1765, l'honorable juge Bonner affirmait :

En l'espèce, comme dans bon nombre d'autres cas semblables, le problème tient au fait que de nombreuses activités pouvant être exercées à titre d'entreprise peuvent l'être également comme passe-temps. La distinction qui existe entre ces deux types d'activités repose sur la question de savoir si l'activité a été exercés avec une expectative raisonnable de profit. Elle n'a rien à voir avec la qualité artistique du produit final, sauf si celle-ci permet de le vendre à un prix susceptible d'engendrer un profit. Il ne s'agit pas de savoir si la personne qui a exercé l'activité y a consacré beaucoup de temps et d'efforts, sauf dans la mesure où, encore une fois, ce travail a de bonnes chances de produire un profit.

Le temps et les efforts fournis par l'appelant ainsi que sa formation scolaire sont tous des éléments qui laissent croire qu'il a de bonnes chances de produire une oeuvre de qualité. Toutefois, d'après la preuve, on ne sait toujours pas dans quelle mesure et même si la qualité de cette oeuvre était susceptible d'engendrer des profits, c'est-à-dire des revenus supérieurs aux coûts. Dans les appels en matière d'impôt sur le revenu, il appartient à l'appelant de prouver que les faits sur lesquels la cotisation repose sont erronés. En l'espèce, le contribuable ne s'est pas acquitté de ce fardeau. Pour les motifs exposés ci-dessus, les appels sont rejetés.

...

[20]          En l'espèce, l'appelant s'est investi dans un projet fort intéressant qui au départ ne faisait pas l'unanimité. Il a d'ailleurs mentionné que les autorités universitaires n'avaient pas manifesté beaucoup d'emballement à ses débuts.

[21]          Tenace et déterminé, l'appelant a continué d'y croire et surtout d'y travailler au point qu'il semble désormais faire l'unanimité quant à la qualité de son savoir et expertise.

[22]          Il ne s'agissait pas pour autant d'une aventure commercialement viable. Pour les années en litige, l'appelant a reconnu qu'il n'avait aucun espoir raisonnable de faire un profit.

[23]          Bien plus, s'il y avait eu des profits, ils ne lui auraient pas profité directement puisque l'Université les aurait encaissés, pouvant ainsi en disposer à sa guise.

[24]          L'appelant aurait, peut-être, plus facilement pu obtenir un soutien financier de l'Université si son projet avait généré des surplus; encore là, il n'y avait aucunement garantie et assurance à cet effet. Dans l'hypothèse d'un profit, l'Université en aurait été seule bénéficiaire.

[25]          Le travail de l'appelant en ethnomusicologie a été préparé avec intérêt, passion, minutie et une détermination exemplaire. De telles qualités ne sont malheureusement pas suffisantes pour en faire une véritable entreprise; l'appelant savait, depuis toujours, que ses chances d'en tirer un profit monétaire étaient à toutes fins pratiques, totalement nulles.

[26]          D'ailleurs, l'appelant n'a jamais tenté de faire la preuve qu'il avait un quelconque espoir de profit pour les années en litige. La preuve a essentiellement démontré que l'appelant avait beaucoup d'intérêt et qu'il avait réussi, au fil des ans, à faire la démonstration du bien-fondé de son projet et cela, après un travail colossal.

[27]          La prépondérance de la preuve est à l'effet que l'appelant, par son travail et les résultats obtenus, a convaincu son employeur, l'Université, de la pertinence indiscutable de son projet.

[28]          Suite à cette démonstration convaincante, l'Université a finalement accepté de collaborer en offrant une plus grande flexibilité à l'appelant aux fins de lui permettre de mener à bien le projet.

[29]          De tels faits, pareillement encadrés, font en sorte que l'appelant n'exerçait pas sa propre entreprise; il ne faisait qu'exécuter un travail spécifique dans le cadre de ses fonctions de professeur à l'emploi de l'Université de Sherbrooke. Conséquemment, il ne s'agissait pas d'une véritable entreprise dont l'appelant était le seul maître. Il avait des comptes à rendre comme tout employé.

[30]          Éventuellement, à partir de ses connaissances, des données colligées et de l'intérêt de la communauté mondiale, une véritable entreprise pourra éventuellement être constituée. Pareil scénario nécessitera une rupture de la relation employeur-employé et la mise sur pied d'une entité distincte à laquelle devront être attachés des objectifs de viabilité économique.

[31]          Pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999 une telle entreprise n'existait pas, il s'agissait plutôt d'une composante particulière de la charge de travail de l'appelant, d'où il ne peut être fait droit à son appel.

[32]          L'appel est donc rejeté.

Signé à Ottawa, Canada ce 6e jour de juin 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2001-2466(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Francis Corpataux et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Sherbrooke (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 29 avril 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 6 juin 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                     L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                          Me Marie-Aimée Cantin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2001-2466(IT)I

ENTRE :

FRANCIS CORPATAUX,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 29 avril 2002 à Sherbrooke (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                          Me Marie-Aimée Cantin

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de juin 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

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