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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-253(IT)G

ENTRE :

DAVE PERLMUTTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 17 avril 2002 à Ottawa (Ontario) par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Emilio S. Binavince

Avocat de l'intimée :                   Me Roger Leclaire


JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994 sont rejetés avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'octobre 2002.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de septembre 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20021009

Dossier: 2001-253(IT)G

ENTRE :

DAVE PERLMUTTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]      Les présents appels visent de nouvelles cotisations établies le 3 août 2000 pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994 de l'appelant, par lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a modifié le revenu imposable de l'appelant, le fixant à 276 190 $ pour 1991, 255 951 $ pour 1992, 182 905 $ pour 1993 et 216 355 $ pour 1994. Suite à ces nouvelles cotisations, l'appelant a bénéficié d'un remboursement d'impôt total de 255 586 $, y compris des intérêts sur le remboursement au montant de 62 280 $ (voir les pièces A-2, onglet 1, et R-3, annexe C, page 3). Je dois comprendre que l'appelant demande un remboursement d'impôt plus important parce que les nouvelles cotisations visées par l'appel ne correspondraient pas correctement à une entente qui serait intervenue entre l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « ADRC » ) et lui-même.

[2]      Je dois dire dès le départ que cette affaire m'a été présentée d'une manière très confuse et que les chiffres changeaient constamment : les chiffres utilisés lors de la vérification, lors de l'appel et même lors du procès étaient différents les uns des autres. Vu les circonstances, je m'efforcerai de rendre compte des faits du mieux que je peux.

[3]      Au cours des années d'imposition en question, l'appelant exerçait la médecine dans les provinces du Québec et de l'Ontario. Lorsqu'il a déclaré son revenu pour les années d'imposition allant de 1991 à 1994, il n'a pas inclus tout le revenu reçu durant ces années. En fait, il a déclaré un revenu total de 88 942 $ en 1991, de 137 815 $ en 1992, de 189 759 $ en 1993 et de 134 315 $ en 1994, sur lesquels il a versé un total de 214 733 $ en impôts sur le revenu, en cotisations au Régime de pensions du Canada ( « RPC » ) et en intérêts (voir la réponse à l'avis d'appel ( « réponse » ), paragraphe 2, et la pièce R-3, annexe A).

[4]      Par avis de nouvelle cotisation en date du 29 août 1996, le ministre a établi une nouvelle cotisation de l'impôt à payer par l'appelant pour les années en question afin d'inclure notamment des revenus professionnels non déclarés aux montants respectifs de 71 258 $, 7 911 $, 193 811 $ et 86 289 $, sur lesquels le ministre a établi une cotisation totale de 376 219 $ en impôts sur le revenu, en intérêts et en pénalités (voir la réponse, paragraphe 4, et la pièce R-3, annexe A).

[5]      Le 3 septembre 1996, le ministre a signifié à l'appelant une demande péremptoire de paiement de 413 672 $. (On n'a pas expliqué à la Cour la raison de la différence entre les montants de 413 672 $ et de 376 219 $.) L'appelant n'a pas obtempéré à cette demande et, le 13 septembre 1996, il s'est opposé à la nouvelle cotisation. Le ministre a alors entamé des procédures de recouvrement de protection à l'endroit de l'appelant en exécutant une saisie-arrêt et, le 6 juin 1997, le montant de 413 672 $ avait été entièrement recouvré (voir la réponse, paragraphes 5 à 7).

[6]      Le ministre a également établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant le 25 août 1997 pour les années d'imposition 1991 à 1994 en ajoutant au revenu de l'appelant des montants non déclarés supplémentaires de 158 356 $, 247 543 $, 41 002 $ et 149 206 $ respectivement pour chacune de ces années (voir la réponse, alinéa 8(a)).

[7]      Lorsqu'il a établi sa cotisation à l'endroit de l'appelant, le ministre a utilisé la méthode de la valeur nette pour calculer son revenu et a déterminé qu'il avait sous-estimé son revenu sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. Par conséquent, il a imposé des pénalités à l'appelant conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[8]      Par voie d'avis d'opposition en date du 27 août 1997, l'appelant s'est opposé à la nouvelle cotisation du 25 août (voir la réponse, paragraphe 9). Le 28 août 1997, il était accusé sous 22 chefs de fraude fiscale pour la période allant du 30 juin 1990 au 2 mai 1995 (pièce R-1).

[9]      Deux années plus tard, le 17 août 1999, lors de procédures pénales, l'appelant a plaidé coupable à une accusation d'avoir commis une fraude fiscale en omettant de déclarer un revenu au montant de 172 413 $ dans ses déclarations pour les années d'imposition 1991 à 1994 (voir la transcription des débats devant le juge J.P. Beaulne de la Cour de justice de l'Ontario et de la sentence, pièce R-2, page 4). À la page 5 de la transcription, on lit que [TRADUCTION] « le montant du revenu indiqué dans la dénonciation a été réduit aux fins de la poursuite en éliminant le revenu relatif aux chèques non encaissés de la Régie de l'assurance maladie du Québec ("RAMQ") » . Suite à une transaction, l'appelant a fini par accepter de verser une amende de 50 000 $ pour l'infraction visée à l'alinéa 239(1)d) de la Loi.

[10]     L'appelant a témoigné qu'il avait accepté de plaider coupable à l'accusation de fraude fiscale parce que le ministre avait convenu de consentir à un règlement au civil concernant l'impôt qu'il devait payer pour les années d'imposition pertinentes. Bruce Engel, l'avocat de l'appelant au pénal, a également témoigné. D'après lui, il avait été convenu que l'appelant plaiderait coupable à un chef de fraude fiscale et qu'il aurait un an pour verser une amende de 50 000 $. Le procureur général du Canada, aux dires de Me Engel, aurait accepté de retirer les autres chefs d'accusation. En échange du plaidoyer de culpabilité, affirme Me Engel, les fonctionnaires de l'ADRC auraient convenu de ne pas demander à l'appelant plus de 150 000 $ en impôts, pénalités et intérêts pour les années d'imposition pertinentes, en tenant compte qu'un montant de 750 000 $ restait à payer au receveur général d'après l'état de compte de l'ADRC en date du 17 août 1999 (voir les pièces A-3 et A-5, page 5). L'appelant a témoigné qu'il avait convenu de verser les 150 000 $ dans les 30 jours afin de régler en entier ses impôts à payer.

[11]     Entre le 16 et le 18 août 1999, l'appelant a rencontré des représentants du ministre afin de discuter du règlement de ses impôts à payer. À la suite de ces rencontres, l'écart dans le revenu total selon la méthode de la valeur nette pour les années d'imposition 1991 à 1994 a été réduit respectivement de 40 110 $, 156 031 $, 234 813 $ et 151 419 $ (voir la réponse, paragraphe 12).

[12]     Le 5 juillet 2000, le ministre a fait à l'appelant une offre de règlement stipulant que l'appelant recevrait un remboursement de 222 970 $ plus les intérêts. Cette offre, faite par lettre (pièce A-1), était fondée sur les hypothèses suivantes :

·                     le montant total de l'impôt, des intérêts et des pénalités à payer par l'appelant avant le compromis était de 1 352 779 $ (selon l'annexe de l'ADRC);

·                     ce montant de 1 352 779 $ a été réduit à 698 431 $ en déduisant du revenu de l'appelant les chèques de la RAMQ que l'appelant avait reçus mais refusé d'encaisser (soi-disant pour protester contre le gouvernement du Québec) et qui étaient maintenant périmés;

·                     le montant total à payer par l'appelant avant le compromis (en incluant dans son revenu les chèques de la RAMQ et en tenant compte d'un rajustement correspondant à certains montants attribués au frère de l'appelant) était de 979 719 $ selon les calculs de l'appelant à l'époque;

·                     l'appelant avait déjà versé 739 809 $ en impôts à payer, d'après ses chiffres à l'époque.

[13]      En conséquence, le ministre a accepté le fait que 74 pour cent (739 809 $ divisés par 979 719 $) de la dette de l'appelant avant le compromis (d'après les chiffres de l'appelant) avait été réglé. Le ministre a donc proposé que seulement 74 pour cent du montant révisé des impôts à payer (impôts, intérêts et pénalités), en excluant les chèques de la RAMQ du revenu, représenterait le total des impôts à payer. Cela signifie que le montant total des impôts à payer aux fins du règlement serait révisé à la baisse à 516 839 $ (74 % x 698 431 $). Comme l'appelant avait déjà payé 739 809 $ en réduction de ses impôts à payer, il allait recevoir un remboursement de 222 970 $ plus intérêts, donnant un remboursement total d'environ 239 960 $ (voir la pièce A-1).

[14]      Par voie de note de service du 19 juillet 2000 (pièce A-2, onglet 2), Mme Danie Huppé-Cranford de la division des appels de l'ADRC, auteur de l'offre du 5 juillet 2000, a demandé au Centre fiscal de Shawinigan d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition de 1991 à 1994 de telle sorte qu'il reçoive un remboursement d'au moins 239 960 $, y compris les intérêts. D'après ses directives, le Centre fiscal devait recalculer les montants de la cotisation (impôts, pénalités et intérêts) en déterminant de nouveau les pénalités sur l'écart révisé du revenu total selon la méthode de la valeur nette (exclusion faite des cheques non encaissés de la RAMQ), soit respectivement 194 904 $, 121 436 $, 6 446 $ et 96 341 $ pour chacune des années 1991 à 1994 (voir également l'annexe A de la réponse). Si cet exercice ne produisait pas le remboursement prévu de 239 960 $, on annulerait les pénalités pour corriger le montant.

[15]      Conformément à l'offre de règlement et à la note de service subséquente, le ministre a établi, le 3 août 2000, une nouvelle cotisation à l'endroit de l'appelant pour les années d'imposition 1991 à 1994 (pièce A-2, onglet 1) de la façon suivante :

·                     il a réduit l'écart selon la méthode de la valeur nette de respectivement 40 192 $, 136 942 $, 228 367 $ et 139 154 $ pour chacune des années en question, de telle sorte que son revenu imposable révisé pour ces années était respectivement de 276 190 $, 255 951 $, 182 905 $ et 216 355 $ (voir l'annexe A de la réponse et la pièce A-2, onglet 1);

·                     il a réduit les pénalités pour faute lourde pour les années en question de 57 778 $, 67 142 $, 61 456 $ et 45 426 $ respectivement (voir l'alinéa 15(b) de la réponse; voir également la pièce R-3, annexe A (pour 1991-1993), et les pièces R-5 et A-2, onglet 1 (pour 1994));

·                     il a réduit les intérêts sur les arriérés pour les années en question de 75 451 $, 121 814 $, 62 776 $ et 74 768 $ respectivement (voir l'alinéa 15(c) de la réponse et la pièce A-2, onglet 1).

[16]      Un remboursement de 255 586 $ (y compris 62 280 $ d'intérêts sur le remboursement) a été envoyé à l'appelant le 9 août 2000 (voir la pièce R-3, annexe C, page 3, et la pièce A-2, onglet 1).

[17]      L'appelant a retourné le cheque au ministre, qui l'a porté au crédit des acomptes provisionnels de l'appelant pour l'année 2000.

[18]      Le 27 septembre 2000, le ministre a avisé l'appelant que sa demande faite en février 2000 (voir la pièce A-2, onglet 6) en vue de l'annulation des intérêts sur les arriérés avait été rejetée, mais il a indiqué que toutes les pénalités pour faute lourde seraient annulées conformément aux dispositions d'équité de la Loi (pièce A-2, onglet 8).

[19]      Par voie d'avis d'opposition en date du 27 septembre 2000, l'appelant s'est opposé au calcul de l'intérêt sur les arriérés et au montant des intérêts sur le remboursement pour les années d'imposition 1991 à 1994 figurant dans les nouvelles cotisations du 3 août 2000 (voir la réponse, paragraphe 20). Le ministre a confirmé l'impôt à payer de l'appelant pour ces années par le biais d'un avis de confirmation en date du 20 octobre 2000 (voir le paragraphe 22 de la réponse). Toutefois, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1994 de l'appelant le 23 novembre 2000, en annulant la totalité du montant qui restait au titre des pénalités pour faute lourde - soit un montant de 17 198 $ - conformément aux dispositions d'équité de la Loi. Cette nouvelle cotisation a produit une autre diminution des intérêts sur les arriérés de 3 645 $ et des intérêts sur remboursement de 5 928 $ pour l'année d'imposition 1994. Le ministre a donc à nouveau émis un chèque de remboursement à l'appelant, soit le 15 février 2001, pour un total de 276 148 $ (y compris un remboursement total d'intérêts de 68 208 $). L'appelant a de nouveau retourné le chèque au ministre, qui l'a déposé dans le compte des acomptes provisionnels de l'appelant pour 2001 (voir la pièce R-3, annexe C, page 4 et annexe B).

Plaidoiries des parties

[20]      L'appelant conteste la justesse des nouvelles cotisations du 3 août 2000. En particulier, il prétend que ces nouvelles cotisations ne tiennent pas compte de l'entente conclue dans le compromis et devraient être rectifiées en conséquence. L'appelant soutient que le 16 août 1999 ou aux environs de cette date, le ministre et l'appelant ont réglé la question des impôts à payer de ce dernier. Le règlement aurait été fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

·                     au moment du compromis, le total des impôts, des pénalités et des intérêts restant à payer par l'appelant était de 750 000 $;

·                     au moment du compromis, un total de 628 405 $ avait été payé relativement à la dette totale (dont un montant de 214 733 $ versé relativement aux cotisations initiales et un montant de 413 672 $ obtenu par le biais du recouvrement de protection).

[21]     L'appelant soutient que, d'après l'entente de compromis, il devait verser 150 000 $ en règlement complet et définitif de ses impôts à payer et qu'il avait réglé ce montant. En outre, les montants des chèques de la RAMQ devaient être inclus dans son revenu pour les années d'imposition pertinentes afin de lui permettre de déduire ces montants à titre de créance irrécouvrable à l'avenir.

[22]     L'appelant conteste la teneur de l'offre de règlement du 5 juillet 2000 et des nouvelles cotisations du 3 août 2000 pour trois motifs :

(1)       les nouvelles cotisations ne comprennent pas le montant des chèques non encaissés de la RAMQ dans son revenu; or, il soutient que ce montant devrait être inclus dans son revenu afin de lui permettre de le déduire à l'avenir, à titre de créance irrécouvrable;

(2)       les montants de l'impôt, des pénalités et des intérêts dans l'avis de nouvelle cotisation du 3 août 2000 ont été obtenus en calculant à nouveau les pénalités sur l'écart révisé du revenu total selon la méthode de la valeur nette (exclusion faite des chèques de la RAMQ) de 194 904 $, 121 436 $, 6 446 $ et 96 341 $ respectivement pour chacune des années en question; si ce calcul ne produisait pas le montant prévu du remboursement de 239 960 $ (établi dans l'offre de règlement du 5 juillet 2000, pièce A-1), le montant devait être corrigé en annulant des pénalités; l'appelant affirme que cette façon de faire était défectueuse et incompatible avec l'offre du 5 juillet 2000, car, à son avis, la réduction de 74 pour cent aurait dû être appliquée de façon proportionnelle aux volets de l'impôt, des pénalités et des intérêts de ses impôts à payer et les chèques non encaissés de la RAMQ auraient dû être inclus dans son revenu;

(3)       le montant total de l'intérêt sur remboursement pour les années d'imposition 1991 à 1994 a été établi à 62 280 $ dans la nouvelle cotisation du 3 août 2000, et augmenté à 68 208 $ dans la cotisation du 23 novembre 2000; l'appelant affirme que ce montant, qui doit être inclus dans son revenu, est trop élevé et il fait remarquer qu'il s'attendait à ce que le montant de l'intérêt sur remboursement soit de l'ordre de 17 000 $ (selon l'offre du 5 juillet 2000).

[23]     À cela, l'intimée réplique que l'appelant a accepté verbalement l'offre de règlement du ministre en date du 5 juillet 2000 et qu'il ne peut donc contester les nouvelles cotisations du 3 août 2000. L'intimée soutient en outre que la Cour n'est pas compétente, d'après le paragraphe 171(1) de la Loi, pour examiner une décision discrétionnaire prise par le ministre aux termes du paragraphe 220(3.1) de la Loi à l'égard des intérêts sur arriérés. L'intimée affirme également qu'un appel en vue d'annuler les intérêts sur les arriérés ne peut être joint à un appel sur l'impôt interjeté en vertu de l'article 169 de la Loi. Enfin, l'intimée soutient que le montant des intérêts sur remboursement avait été correctement calculé en vertu du paragraphe 164(3) de la Loi.

Analyse

[24]     Au début de la procédure, l'appelant était motivé par deux grands objectifs : déduire le montant des chèques non encaissés de la RAMQ de son revenu des années d'imposition futures à titre de créance irrécouvrable et minimiser les impôts à payer relativement au remboursement reçu.

[25]     La principale question à trancher dans le présent appel est de savoir si l'appelant peut à bon droit contester les nouvelles cotisations du 3 août 2000 afin de réaliser ses attentes.

[26]     Dès le départ, il faut dire que les nouvelles cotisations du 3 août 2000 ont été établies de manière tout à fait inusitée. En effet, Mme Huppé-Cranford a demandé que les nouvelles cotisations soient établies en ayant à l'esprit le montant du remboursement visé (impôt, pénalités et intérêts) au lieu de calculer, comme d'habitude, l'impôt, les intérêts et les pénalités sur le revenu imposable révisé.

[27]     Toutefois, d'après la preuve devant moi, il m'est très difficile de décider si le ministre a révisé le revenu imposable de l'appelant de façon incorrecte. Mme Huppé-Cranford a témoigné qu'elle avait fait quelques rajustements, notamment la radiation des chèques non encaissés de la RAMQ du revenu de l'appelant. À ce moment, il était tout à fait évident que l'appelant ne récupérerait jamais les montants de ces chèques et il me semble que Mme Huppé-Cranford a traité le dossier de l'appelant de manière tout à fait convenable.

[28]     En outre, lorsqu'on lui a attribué le dossier de l'appelant à l'étape des appels, elle avait entendu différentes versions du compromis (il n'y avait rien d'écrit) de la part de l'appelant et de l'Unité des enquêtes spéciales de l'ADRC. Elle a dit qu'elle avait reçu comme directive de résoudre une question en suspens, soit celle de savoir si les chèques non encaissés devaient ou non être inclus dans le calcul du revenu de l'appelant pour les années d'imposition 1991 à 1994. D'après son témoignage, je crois comprendre que le comptable de l'appelant à l'époque, M. Steve Saslov, avait accepté un nouveau calcul du revenu imposable de l'appelant sans l'inclusion des chèques non encaissés de la RAMQ. Cela a mené à l'offre du 5 juillet 2000 qui, dans les mots de Mme Huppé-Cranford, avait été acceptée à la même date par l'appelant par téléphone. Elle a donc demandé au Centre fiscal d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant. Elle a expliqué que la seule façon d'obtenir le montant du remboursement d'impôt prévu par le compromis (y compris les intérêts sur remboursement et les pénalités) de 239 960 $, que l'appelant avait accepté, était d'annuler les pénalités, comme elle avait le pouvoir de le faire en vertu des dispositions d'équité de la Loi. En fait, ayant recalculé le revenu imposable de l'appelant sans inclure les chèques non encaissés, elle n'avait d'autre choix que de calculer le montant exact d'impôt devant être versé sur ce revenu imposable d'après la Loi. C'est pourquoi elle a demandé au Centre fiscal de recalculer les pénalités sur le revenu imposable révisé, et, au besoin, d'annuler le montant des pénalités qui restaient afin d'obtenir le montant total des impôts à payer convenu par les deux parties.

[29]     Compte tenu de cette situation plutôt inusitée, je ne vois rien de particulièrement blâmable dans la façon dont Mme Huppé-Cranford a abordé les nouvelles cotisations. Si l'on garde à l'esprit le fait que le ministre a d'abord établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant selon la méthode de la valeur nette, il n'était pas facile d'effectuer les rajustements exigés par l'appelant et par l'Unité des enquêtes spéciales de l'ADRC.

[30]     D'après le paragraphe 152(8) de la Loi, une cotisation est réputée être valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission dans cette cotisation. Même si, comme je l'ai déjà dit, les nouvelles cotisations du 3 août 2000 ont été établies de manière inusitée en raison des circonstances spéciales de la présente affaire, j'estime que l'appelant n'a pas réfuté leur validité. Il est vrai que les chèques non encaissés de la RAMQ auraient pu rester dans le revenu de l'appelant pour les années en question. Toutefois, le ministre a trouvé qu'il était à l'avantage de l'appelant de les éliminer de son revenu, car il n'en recouvrerait jamais les montants, et le comptable de l'appelant a accepté cela à l'époque (selon le témoignage de Mme Huppé-Cranford).

[31]     J'estime qu'il s'agissait d'un traitement équitable et, de toute façon, je ne suis pas en mesure de le modifier, car il ne m'est pas possible d'augmenter le montant de l'impôt établi par une cotisation portée en appel devant cette cour (ce qui se produirait inévitablement si je devais réintégrer dans le revenu de l'appelant le montant des chèques non encaissés de la RAMQ).

[32]     Le point suivant est de savoir si, à un montant donné, le ministre et l'appelant avaient réglé la question des impôts à payer par l'appelant d'une autre façon et, dans l'affirmative, si le ministre est lié par ce règlement.

[33]     À mon avis, aucun règlement définitif de ce genre n'avait été atteint par les parties à l'égard des impôts à payer par l'appelant, pour les motifs exposés ci-dessous.

[34]     Bruce Engel, l'avocat de l'appelant dans les poursuites pénales, a témoigné que les fonctionnaires de l'ADRC avaient convenu de ne pas exiger de l'appelant plus de 150 000 $ en impôts, pénalités et intérêts. Toutefois, il a dit ceci à cette cour à la page 32, lignes 9-19, du volume 1 du procès-verbal des délibérations :

          [TRADUCTION]

[...] Mais Revenu Canada a indiqué 150, et il avait 30 jours, mais il y avait de l'incertitude quant aux 150 000 $.

           Revenu Canada a dit qu'ils réviseraient tout, et qu'il se peut que le montant à payer soit inférieur à 150, mais ils s'engageaient à ne pas lui demander plus que cela. Et c'est la promesse expresse que j'ai entendue, que M. Perlmutter a entendue, et c'était très évident. L'entente était les 150; ils obtiendraient l'information immédiatement, et nous devions payer les 150 - c'était 150, pas plus de 150 - dans les 30 jours. (C'est moi qui souligne.)

[35]      Il a également dit, à la page 34, lignes 9-15 :

           [TRADUCTION]

           [...] Le montant, il y avait de l'incertitude quant aux 150; M. Perlmutter allait s'en occuper par la suite. C'est à ce moment-là qu'il a engagé un comptable, un M. Steve Saslov, afin de traiter avec Revenu Canada pour régler ces montants, et il a explicitement indiqué qu'il ne voulait pas que je m'en occupe. (C'est moi qui souligne.)

[36]     Le plus révélateur, toutefois, c'est la déclaration suivante faite par Me Engel pendant la procédure pénale devant le juge Beaulne le 17 août 1999, que l'on trouve aux pages 8-9 de la pièce R-2 :

          [TRADUCTION]

Me ENGEL : Et il y a également un engagement verbal à l'égard des 150 000 $ à payer, ou quel que soit le montant - qui devrait être déterminé plus tard cette semaine, nous espérions qu'il serait calculé ce matin, mais cela risque de prendre encore quelques jours, mais le montant encore en souffrance sera remboursé par le Dr Perlmutter avec - avec le temps. (C'est moi qui souligne.)

[37]     Cette déclaration a également été confirmée pendant le réinterrogatoire de Me Engel par l'avocat de l'appelant (voir le procès-verbal, vol. 1, page 57, lignes 18-22).

[38]     Par contre, le témoignage intéressé de l'appelant vient appuyer la position selon laquelle un engagement définitif a été fait au nom du ministre selon lequel les impôts à payer seraient réglés contre un versement total de 150 000 $, lequel montant a effectivement été versé.

[39]     La preuve susmentionnée suggère qu'en toute probabilité, les parties n'ont pas fixé l'impôt à payer par l'appelant au moment du compromis. De toute évidence, le montant de 150 000 $ a figuré comme point de départ des négociations. Toutefois, le témoignage de Me Engel indique qu'aucun engagement définitif n'a été pris pendant les procédures pénales.

[40]     En outre, la preuve ne montre par clairement ce qui s'est passé pendant les négociations suivant le compromis. Me Engel n'était plus concerné, et M. Steven Saslov, le comptable de l'appelant à l'époque, n'a pas été appelé comme témoin. Le rapprochement du compte de l'appelant pour les années d'imposition 1991 à 1994 (pièce R-3, annexe C) n'indique pas clairement un versement de 150 000 $ par l'appelant suite au compromis. Toutefois, l'intimée semble admettre que l'appelant a effectivement versé 150 000 $ (voir le témoignage de Mme Huppé-Cranford à la page 184 du procès-verbal, vol. 1). Il est donc probable qu'un accord de principe a été atteint pour le montant du règlement total de 150 000 $. Cependant, les détails du règlement n'avaient probablement pas tous été déterminés en août 1999. C'est ce que suggère le témoignage de Mme Huppé-Cranford à la page 157, lignes 11-20 du procès-verbal, vol. 1 :

          [TRADUCTION]

           Q. Avez-vous pu étudier la question du compromis?

           R. J'ai essayé. Je dois dire que c'était très difficile, parce que M. Perlmutter avait différentes façons d'expliquer les choses d'une fois à l'autre. En plus, rien n'avait été mis par écrit. Et j'ai rencontré les représentants de l'Unité des enquêtes spéciales à une occasion, et ils avaient également des idées divergentes de l'entente. Donc, j'étais confrontée à deux parties qui avaient des idées différentes de ce que signifiait ce compromis et de ce qu'il entraînait.

[41]     Il ressort également des lettres envoyées à l'appelant par l'ADRC le 24 février 2000 et le 28 mars 2000 que certaines questions, en particulier le traitement à accorder aux chèques de la RAMQ, restaient en suspens au début de 2000 (voir les pièces A-6 et A-2, onglet 5).

[42]     L'offre de règlement du 5 juillet 2000 semble donc représenter la première tentative d'énoncer tous les détails du règlement. Au procès, l'appelant a clairement fait savoir qu'il n'avait jamais considéré cette offre comme acceptable. Le témoignage de Mme Huppé-Cranford suggère que l'appelant avait commencé par accepter l'offre au téléphone, mais qu'ensuite, après l'avoir examinée en détail, il a décidé qu'elle était inacceptable.

[43]     D'après ce qui précède, on peut prétendre qu'il n'y a jamais eu d'accord entier et complet sur le règlement des impôts à payer par l'appelant. Il y a peut-être eu un accord de principe, mais un certain nombre de détails n'ont jamais été mis au point. Les choses étant ce qu'elles sont, je ne suis pas en mesure de déterminer que les parties ont conclu un règlement complet dans le cas présent. Même si elles l'avaient fait, d'après la jurisprudence, aucune des parties n'est liée par un accord quant à la façon dont la cotisation est établie à l'égard d'un contribuable (voir Cohen c. La Reine, C.A.F., n ° A-64-78, 3 juin 1980, 80 D.T.C. 6250 et Consoltex c. La Reine, C.C.I., n ° 94-990(IT)G, 4 mars 1997, 97 D.T.C. 724).

[44]     Pour terminer, il est tout aussi clair que cette cour n'a pas le pouvoir d'examiner des décisions quant à l'équité qui sont prises par le ministre en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi.

[45]     Pour tous ces motifs, les appels sont rejetés avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'octobre 2002.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de septembre 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur

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