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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2002-1444(IT)I

ENTRE :

RONALD M. SROGEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu les 26 et 27 septembre 2002 à Vancouver (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge E. A. Bowie

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Joanne Russell

JUGEMENT

          Vu la concession faite par l'intimée, l'appel interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2000 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a droit au crédit d'impôt pour personnes handicapées en vertu de
l'article 118.3 de la Loi, mais n'a droit à aucune déduction relativement aux montants versés à Gilmore Gardens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'octobre 2002.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour d'août 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date : 20021003

Dossier : 2002-1444(IT)I

ENTRE :

RONALD M. SROGEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bowie, C.C.I.

[1]      M. Srogen habite une résidence pour personnes âgées appelée Gilmore Gardens, à Richmond, en Colombie-Britannique. Il s'y est installé le 1er juin 2000. Il paye 2 480 $ par mois pour y habiter, soit un total de 17 360 $ en 2000. En produisant sa déclaration d'impôt pour cette année, il a adopté le point de vue suivant lequel il pouvait déduire ce montant à titre de frais médicaux en vertu de l'article 118.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Le ministre était en désaccord avec lui et a donc établi la cotisation sans permettre la déduction. M. Srogen fait maintenant appel de la cotisation. Devant la Cour, son point de vue était différent; il revendique maintenant le droit de déduire 32 % du montant qu'il a payé, soit 5 555,20 $, parce que la masse salariale de Gilmore Gardens représente 32 % des revenus bruts de l'établissement pour l'année. Si je comprends bien, il avance que 32 % de ses paiements vont aux soins de préposés et que cette portion devrait être déductible en vertu de l'article 118.2 de la Loi.

[2]      Le paragraphe 118.2(2) a de nombreux alinéas qui portent sur la déduction de dépenses médicales du revenu. Voici celles dont il est concevable qu'elles pourraient s'appliquer à une affaire comme la présente.

118.2(2) Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

a)      [...]

b)      à titre de rémunération d'un préposé à plein temps (sauf une personne qui, au moment où la rémunération est versée, est l'époux ou conjoint de fait du particulier ou est âgée de moins de 18 ans) aux soins du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a) - pour qui un montant serait, sans l'alinéa 118.3(1)c), déductible en application de l'article 118.3 dans le calcul de l'impôt payable par un contribuable en vertu de la présente partie pour l'année d'imposition au cours de laquelle les frais sont engagés - ou à titre de frais dans une maison de santé ou de repos pour le séjour à plein temps d'une de ces personnes;

b.1) à titre de rémunération pour les soins de préposé fournis au Canada au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à charge visée à l'alinéa a), dans la mesure où le total des sommes payées ne dépasse pas 10 000 $ (ou 20 000 $ en cas de décès du particulier dans l'année) et si les conditions suivantes sont réunies :

(i)      le particulier, l'époux ou conjoint de fait ou la personne à charge est quelqu'un pour qui un montant est déductible en application de l'article 118.3 dans le calcul de l'impôt payable par un contribuable en vertu de la présente partie pour l'année d'imposition au cours de laquelle les frais sont engagés,

(ii)     aucune partie de la rémunération n'est incluse dans le calcul d'une déduction demandée pour le particulier, l'époux ou conjoint de fait ou la personne à charge en application des articles 63 ou 64 ou des alinéas b), b.2), c), d) ou e) pour une année d'imposition,

(iii)     au moment où la rémunération est versée, le préposé n'est ni l'époux ou conjoint de fait du particulier ni âgé de moins de 18 ans,

(iv)    chacun des reçus présentés au ministre comme attestation du paiement de la rémunération est délivré par le bénéficiaire de la rémunération et comporte, si celui-ci est un particulier, son numéro d'assurance sociale;

b.2) à titre de rémunération pour le soin ou la surveillance du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a) dans un foyer de groupe au Canada tenu exclusivement pour le bénéfice de personnes ayant une déficience grave et prolongée si les conditions suivantes sont réunies :

(i)      en raison de sa déficience, le particulier, l'époux ou conjoint de fait ou la personne à charge est une personne à l'égard de laquelle un montant peut être déduit en application de l'article 118.3 dans le calcul de l'impôt payable en vertu de la présente partie par un particulier pour l'année d'imposition au cours de laquelle la dépense est engagée,

(ii)      aucune partie de la rémunération n'est incluse dans le calcul d'une déduction demandée pour le particulier, l'époux ou conjoint de fait ou la personne à charge en application des articles 63 ou 64 ou des alinéas b), b.1), c), d) ou e) pour une année d'imposition,

(iii)     chacun des reçus présentés au ministre comme attestation du paiement de la rémunération a été délivré par le bénéficiaire de la rémunération et comporte, si celui-ci est un particulier, son numéro d'assurance sociale;

c)      à titre de rémunération d'un préposé à plein temps aux soins du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a) dans un établissement domestique autonome où le particulier, l'époux ou conjoint de fait ou la personne à charge vit, si les conditions suivantes sont réunies :

(i)          le particulier, l'époux ou conjoint de fait ou la personne à charge est, en raison d'une infirmité mentale ou physique, quelqu'un qui, d'après l'attestation d'un médecin, dépend et dépendra vraisemblablement d'autrui, pour une période prolongée d'une durée indéterminée, pour ses besoins et soins personnels et a, par conséquent, besoin de la présence d'un préposé à plein temps,

(ii)         au moment où la rémunération est versée, le préposé n'est ni l'époux ou conjoint de fait du particulier ni âgé de moins de 18 ans,

(iii)        chacun des reçus présentés au ministre comme attestation du paiement de la rémunération est délivré par le bénéficiaire de la rémunération et comporte, si celui-ci est un particulier, son numéro d'assurance sociale;

d)      à titre de frais dans une maison de santé ou de repos pour le séjour à plein temps du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a), qu'un médecin atteste être quelqu'un qui, faute d'une capacité mentale normale, dépend d'autrui pour ses besoins et soins personnels et continuera d'en dépendre ainsi dans un avenir prévisible;

e)      pour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit - ou le soin et la formation - du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a), qu'une personne habilitée à cette fin atteste être quelqu'un qui, en raison d'un handicap physique ou mental, a besoin d'équipement, d'installations ou de personnel spécialisés fournis par cette école ou institution ou à cet autre endroit pour le soin - ou le soin et la formation - de particuliers ayant un handicap semblable au sien;

f)        [...]

[3]      M. Srogen a 80 ans et n'est pas en très bonne santé. Du fait d'une sténose rachidienne, il a tant de difficulté à marcher que l'avocate de l'intimée a concédé à l'audience qu'il avait droit au crédit d'impôt pour personne handicapée au titre de l'article 118.3 de la Loi en 2000. Il a également du diabète, traité à l'aide d'insuline et d'un contrôle attentif de sa diète. Le chef cuisinier et lui collaborent pour veiller à ce que ses repas lui soient adaptés. Il souffre d'hypertension, pour laquelle il prend des médicaments, et souffre de dépression depuis la mort de sa femme. Cependant, il peut se déplacer avec un déambulateur, il conduit une voiture et il est capable de vivre et de prendre soin de lui-même avec une certaine autonomie. De temps à autre, il rend visite à son médecin de famille au cabinet de celui-ci.

[4]      Gilmore Gardens est, selon Mme Oke, directrice de l'établissement, une résidence pour personnes âgées autonomes qui assure à ses résidants une aide à la vie autonome. Tous les résidants sont âgés, mais généralement capables, comme M. Srogen, de subvenir eux-mêmes à la plupart de leurs besoins quotidiens. Gilmore Gardens offre des appartements de dimensions différentes et emploie un personnel qui aide les résidants en fournissant divers services, dont la préparation de repas, le transport pour les courses ou les rendez-vous chez le médecin pour ceux qui en ont besoin, l'entretien et le ménage. Le souper est servi tous les soirs à la salle à manger, mais peut être apporté sur un plateau aux résidants, s'ils sont malades. Le dîner est moins structuré : les résidants se servent, mais le personnel de cuisine prépare les plats. M. Srogen déjeune tout seul dans son appartement.

[5]      L'appartement de M. Srogen comporte deux chambres à coucher, une salle de séjour, une salle de bain et une petite cuisine. Il dispose d'une buanderie à proximité. Il y a des boutons d'appel d'urgence dans son appartement, ainsi que dans les couloirs et dans les parties communes du bâtiment. De nombreux résidants choisissent d'avoir un avertisseur individuel qu'ils portent en permanence. Si un avertisseur se déclenche, il y a toujours au moins un membre du personnel qui est responsable de répondre aussitôt à l'appel. Tous les membres du personnel sont formés aux premiers soins et à la réanimation cardio-respiratoire. La directrice adjointe est une infirmière, bien que cela n'ait pas été le cas en 2000. M. Srogen surveille habituellement lui-même sa tension artérielle, mais l'infirmière le ferait pour lui s'il le souhaitait. Il y a dans l'établissement un salon de coiffure et un dépanneur où les résidants peuvent acheter des produits alimentaires de base et d'autres provisions. Une clinique de bien-être a lien chaque semaine, avec des conférenciers invités qui s'adressent aux résidants de sujets ayant trait à la santé et aux problèmes spécifiques aux personnes âgées. Bref, Gilmore Gardens est une résidence pour personnes âgées assez typique, mais ce n'est pas une maison de santé et elle ne fournit aucune espèce de traitement aux résidants. Les membres du personnel apportent de l'assistance aux résidants de diverses façons, mais aucun d'entre eux n'est voué à aider un résidant donné. Certains résidants nécessitent et reçoivent des services de garde de jour, mais ils se les procurent auprès de prestataires indépendants de la résidence. M. Srogen n'a pas de service de garde de ce type.

[6]      Je ne peux être d'accord avec l'allégation de l'appelant selon laquelle 32 % des sommes qu'il paye à Gilmore Gardens chaque année est déductible en vertu de l'article 118.2 de la Loi. L'alinéa 118.2(2)b) permet de déduire la rémunération d'un préposé à plein temps ou les frais d'une maison de santé ou de repos pour le séjour à plein temps. Or, M. Srogen n'a pas de préposé à plein temps et Gilmore Gardens n'est pas une maison de santé ou de repos.

[7]      L'alinéa 118.2(2)b.1) permet de déduire la rémunération pour les soins de préposé fournis au particulier (Dans la version anglaise, on utilise le mot « patient » , qui signifie « patient » .) Il ne semble pas nécessaire qu'il s'agisse d'un préposé à plein temps, mais il me semble manifeste, d'après le contexte, que le préposé doit être voué aux soins du contribuable au moins à temps partiel pour que cet alinéa s'applique. Quoi qu'il en soit, M. Srogen n'est pas un « patient » de Gilmore Gardens, et son contrat avec Gilmore Gardens ne comporte aucune disposition quant à un paiement pour des soins de préposé.

[8]      L'alinéa 118.2(2)b.2) permet de déduire la rémunération pour le soin ou la surveillance du particulier dans un foyer de groupe tenu exclusivement pour le bénéfice de personnes ayant une déficience grave et prolongée. Bien que M. Srogen ait une déficience grave et prolongée, Gilmore Gardens ne peut être considérée comme étant tenu exclusivement pour le bénéficie de personnes ayant de telles déficiences.

[9]      L'alinéa 118.2(2)c) permet de déduire la rémunération d'un préposé à plein temps. M. Srogen n'a pas de préposé à plein temps.

[10]     L'alinéa 118.2(2)d) permet de déduire les frais d'une maison de santé ou de repos pour le séjour à plein temps du particulier. Gilmore Gardens n'est pas une maison de santé ou de repos, si bien que la déduction ne s'applique pas.

[11]     L'alinéa 118.2(2)e) permet de déduire les frais pour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit - ou le soin et la formation - du particulier qu'une personne habilitée à cette fin atteste être quelqu'un qui a besoin « d'équipement, d'installations ou de personnel spécialisés fournis » par ce lieu pour le soin - ou le soin et la formation. M. Srogen a obtenu une lettre du Dr Alan A. Macdonald, déposée comme pièce A-2 lors de l'audience du présent appel. Le paragraphe pertinent de cette lettre indique :

[TRADUCTION]

M. Srogen est diabétique (DNID) et souffre d'hypertension et de sténose rachidienne; il doit utiliser un déambulateur ou des cannes pour se déplacer. De plus, il souffre de dépression réactionnelle depuis la mort de sa femme, si bien qu'il a besoin de l'environnement et des services d'un endroit comme Gilmore Gardens pour un soutien physique et affectif. À mon sens, les frais mensuels qu'il paye sont des frais médicaux justifiés.

[12]     La Cour d'appel fédérale a statué sur une attestation similaire dans l'affaire La Reine c. Succession de Harry Title[1]. Dans ce cas, le passage approprié de l'attestation du médecin indiquait :

[TRADUCTION]

Cette personne a besoin de supervision depuis le 31 janvier 1995 à cause de sa maladie. Elle a besoin d'accompagnement 24 heures par jour.

La Cour a statué que l'attestation était inadéquate, parce qu'elle ne précisait pas le handicap qu'avait le patient, ni l'équipement, les installations ou le personnel dont le patient avait besoin afin d'obtenir le soin ou la formation nécessaires pour faire face à ce handicap. L'attestation du Dr Macdonald spécifie bien ce dont souffre M. Srogen, mais l'affirmation [TRADUCTION] « qu'il a besoin de l'environnement et des services d'un endroit comme Gilmore Gardens pour un soutien physique et affectif » ne précise pas non plus l'équipement, les installations ou le personnel nécessaires au soin ou à la formation de M. Srogen; elle ne satisfait donc pas aux exigences de l'alinéa 118.2(2)e). Je n'exprime pas de conclusion relativement à la question de savoir si Gilmore Gardens serait « une école, une institution ou un autre endroit » en vertu de l'alinéa 118.2(2)e).

[13]     L'appel serait rejeté, si ce n'était la concession faite par l'avocate de l'intimée lors de l'audience selon laquelle je devrais admettre l'appel afin de permettre à l'appelant de bénéficier du crédit d'impôt pour personnes handicapées en vertu de l'article 118.3. L'appel est donc admis et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a droit au crédit d'impôt pour personnes handicapées en vertu de l'article 118.3; toutefois, l'appelant n'a droit à aucune déduction relativement aux montants versés à Gilmore Gardens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'octobre 2002.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour d'août 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur



[1]           C.A.F., n ° A-196-00, 5 avril 2001, 2001 D.T.C. 5236.

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