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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-5040(IT)G

ENTRE :

IPSCO INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 20 novembre 2001, à Calgary (Alberta), par

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions

Avocat de l'appelante :                        Me Ken S. Skingle

Avocate de l'intimée :                          Me Margaret Irving

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année imposition 1994 est admis avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Toronto (Ontario), ce 5e jour de mars 2002.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d'août 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20020305

Dossier: 1999-5040(IT)G

ENTRE :

IPSCO INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1]      L'appelante a interjeté appel à l'encontre d'une nouvelle cotisation d'impôt sur le revenu pour son année d'imposition 1994. L'avocat de l'appelante a déposé comme pièce, sous la cote A-1, un exposé conjoint des faits (l' « exposé conjoint » ); il a en outre déposé comme pièce, sous la cote A-2, une reliure contenant un recueil conjoint de documents divisé en sections allant de 1 à 11 inclusivement et, dans les présents motifs, les renvois à des numéros de section indiquent que les documents pertinents se trouvent dans la pièce A-2. L'exposé conjoint se lit comme suit :

[TRADUCTION]

            Aux fins du présent appel, les parties - par l'intermédiaire de leur avocat respectif - admettent les faits suivants et conviennent que cela aura le même effet que si les faits avaient formellement été prouvés et formellement été acceptés par la Cour comme véridiques. Chacune des parties se réserve le droit de présenter au sujet des questions soumises à la Cour des preuves supplémentaires pertinentes, probantes et non incompatibles avec les faits admis aux présentes. Les renvois à la « Loi » sont des renvois à la Loi de l'impôt sur le revenu (du Canada) telle qu'elle se lisait pour l'année d'imposition 1994, sauf indication contraire. Tous les renvois au « Règlement » sont des renvois au Règlement de l'impôt sur le revenu.

1.          Aux fins de la Loi, l'appelante est une société publique et une société canadienne imposable, dont l'exercice se termine le 31 décembre.

2.          L'appelante exploite une entreprise de production d'acier qui fabrique notamment des tuyaux en acier.

3.          L'appelante est propriétaire d'une usine de tuyaux à Calgary (Alberta) (l' « usine de Calgary » ).

4.          L'appelante a conclu avec ASEA Limitée ( « ASEA » ) un contrat écrit en date du 9 septembre 1991 (le « contrat » ) visant la conception, la construction et l'installation, par ASEA, d'un système de traitement de tuyaux concernant « la trempe et le recuit » (le « système » ), pour un prix total de 3 887 000 $.

5.          Durant toute la période pertinente, l'appelante et ASEA n'avaient aucun lien de dépendance aux fins de la Loi.

6.          Le système a été construit et installé par ASEA.

7.          ASEA garantissait que le système fonctionnerait selon ce qui était spécifié dans le contrat.

8.          Dans ses années d'imposition 1983, 1984 et 1985, l'appelante a engagé des coûts d'un montant total de 4 066 925 $ relativement à la construction du système, lesquels coûts ont, aux fins de la Loi, été capitalisés au titre des catégories de biens amortissables 3 et 29.

9.          Après qu'ASEA eut installé le système, l'appelante a engagé des coûts supplémentaires dans un effort pour faire en sorte que le système fonctionne selon ce qui était spécifié dans le contrat.

10.        Le total des coûts supplémentaires engagés par l'appelante dans les années d'imposition 1985 à 1988 s'élevait à 7 593 791 $, dont un montant de 6 117 023 $ a été ajouté à la fraction non amortie du coût en capital ( « FNACC » ) de biens des catégories 29 et 39 et dont un montant de 1 476 768 $ a été imputé aux coûts des ventes.

11.        L'appelante était la seule demanderesse dans une action civile (l' « action » ) contre ASEA concernant la conception, la construction et l'installation du système.

12.        L'appelante et ASEA ont fini par convenir d'un règlement de l'action. Les modalités du règlement étaient énoncées dans un procès-verbal de transaction en date du 13 janvier 1994. Conformément au procès-verbal de transaction, ASEA a versé à l'appelante 4 800 000 $ (le « montant du règlement » ) à l'égard de la réclamation de l'appelante pour coûts supplémentaires de construction et d'installation concernant le système.

13.        En vertu des modalités du règlement, aucune partie du système n'a été transférée à ASEA; le système a été conservé par l'appelante dans son intégralité.

14.        Le système continue d'être utilisé dans l'entreprise de l'appelante consistant à fabriquer des tuyaux.

15.        Dans le calcul de son revenu pour son année d'imposition 1994 aux fins de la Loi, l'appelante a traité le montant du règlement comme une rentrée d'argent non imposable. L'appelante n'a pas réduit du montant du règlement le coût en capital du système ou la FNACC de ses biens amortissables des catégories 29 ou 39.

16.        Aux fins de la comptabilité et de l'état financier, l'appelante a réduit du montant du règlement le coût historique des biens faisant partie du système.

17.        Aussi bien aux fins de la comptabilité qu'aux fins de l'impôt sur le revenu, les frais juridiques engagés par l'appelante relativement à l'action ont été intégralement déduits sur une base courante au titre du revenu pour l'année dans laquelle ils avaient été engagés.

18.        Le 28 août 1995, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi une cotisation basée sur la déclaration de revenu de l'appelante pour son année d'imposition 1994 telle qu'elle avait été produite.

19.        Dans une lettre au ministère du Revenu national en date du 13 février 1997, l'appelante a fait savoir qu'elle avait choisi de transférer dans la catégorie 39 ses biens amortissables de la catégorie 29, conformément à l'alinéa 1103(2)d) du Règlement.

20.        Par voie d'avis de nouvelle cotisation en date du 28 juillet 1997 (la « première nouvelle cotisation » ), le ministre a établi pour l'année d'imposition 1994 de l'appelante une nouvelle cotisation qui, entre autres choses, réduisait de 1 200 000 $ la DPA qui avait été demandée au titre de biens amortissables de la catégorie 39, et ce, pour le motif que le montant du règlement réduisait de 4 800 000 $ le coût en capital du système ou la FNACC des biens amortissables de l'appelante entrant dans la catégorie 39.

21.        Le 22 octobre 1997, l'appelante a déposé un avis d'opposition à la première nouvelle cotisation.

22.        Par voie d'avis de nouvelle cotisation en date du 20 septembre 1999, le ministre a, entre autres choses, confirmé pour l'année d'imposition 1994 de l'appelante qu'il réduisait de 1 200 000 $ la DPA demandée au titre de biens amortissables de la catégorie 39.

[2]      Comme l'indique le paragraphe 15 de l'exposé des faits ci-devant, l'appelante a déclaré le montant du règlement comme une rentrée d'argent non imposable. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) n'était pas d'accord sur cette qualification et a déduit le montant du règlement du coût en capital du système, pour le motif que le montant du règlement était un produit de disposition - de façon générale - ou que, comme l'indique le paragraphe 13 de la réponse modifiée à l'avis d'appel (la « réponse modifiée » ), le montant du règlement résultait d'une disposition de biens, dans le sens qu'il représentait des « indemnités afférentes aux biens ayant subi un préjudice » . Dans les deux cas, le ministre a déterminé que la réception du montant du règlement avait pour effet de réduire la fraction non amortie du coût en capital ( « FNACC » ) des biens entrant dans la catégorie pertinente. La position de l'appelante est qu'aucune disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) n'exigeait de faire une telle déduction ou de réduire la FNACC des biens amortissables de l'appelante entrant dans les catégories 29 ou 39 relativement au montant du règlement.

[3]      Charles Backman a témoigné qu'il est employé par Ipsco - à Regina (Saskatchewan) - comme vice-président directeur et qu'il a commencé à travailler pour l'appelante en 1982. Il est titulaire d'un baccalauréat en génie (mécanique) de l'Université du Manitoba. Initialement, Ipsco n'était propriétaire exploitante que d'usines de tuyaux, mais elle est maintenant propriétaire de trois aciéries et d'usines de tuyaux au Canada et aux États-Unis. L'usine située à Calgary (Alberta) était utilisée pour la fabrication de tuyaux. Le 9 septembre 1981, une société canadienne - ASEA - avait conclu avec Ipsco un contrat (section 1) pour installer un système particulier de traitement de tuyau décrit comme étant un système pour « la trempe et le recuit » . M. Backman a déclaré que, bien qu'il ait été un nouveau venu à Ipsco, il avait été chargé de superviser ce nouveau projet de construction. Le tuyau produit à l'usine - dont le diamètre variait entre quatre et dix pouces - était utilisé dans le champ de pétrole surtout comme tube de puits, tandis qu'un autre tuyau était utilisé comme tube de canalisation. Le processus de production du tuyau commençait avec de l'acier laminé - également appelé acier en bandes - d'une largeur correspondant au diamètre du tuyau devant être fabriqué. L'acier enroulé était soumis à un procédé de formage pour l'arrondir, puis il était soumis à une méthode de soudage par joints longitudinaux pour créer le tuyau fini. M. Backman a expliqué que, dans le cadre du système pour « la trempe et le recuit » , on prend de l'acier ordinaire, on le chauffe suffisamment pour obtenir une texture d'austénite plutôt que de ferrite, on le fait passer par quatre bobines d'induction et on le trempe ensuite à l'aide de jets d'eau pour refroidir la matière de manière à changer de nouveau la texture. Puis, pour recuire l'acier, le tuyau est soumis à la chaleur produite par une autre série de bobines en vue d'atteindre une certaine température pendant une certaine période pour réduire la tension créée par la trempe. M. Backman a déclaré que le système était soumis à un essai de rendement durant lequel les pièces mécaniques - y compris les jets d'eau et les courroies - étaient observées pour s'assurer qu'elles fonctionnaient correctement. À cette époque, les résultats de l'essai avaient été positifs, et le système semblait fonctionner adéquatement, mais ultérieurement - quand on a fait passer dans le système des tuyaux de différentes qualités et grosseurs -, on n'a pas obtenu le produit final requis. M. Backman a expliqué que le problème se posait lorsque le tuyau brut entrait dans la phase de la trempe; l'application d'eau était insuffisante pour modifier la texture, puis, à l'étape du recuit, le système ne fournissait pas une chaleur soutenue suffisante pendant le temps nécessaire pour produire un tuyau de bonne qualité. Ipsco a donc effectué des essais métallurgiques qui ont révélé que le tuyau produit n'était pas conforme aux stipulations du contrat. Un fournisseur - Ajax - a été contacté et a installé une nouvelle tête pour la trempe. Pour résoudre le problème de chauffage, on a installé une fournaise au gaz devant produire suffisamment de chaleur pour recuire le tuyau. M. Backman a déclaré que, après l'achèvement de ces nouvelles installations et le rétablissement du processus de production de tuyau, les caractéristiques désirées relativement au tuyau ont été obtenues, mais que le taux de production représentait moins de 50 p. 100 des tonnes métriques par heure spécifiées dans le contrat conclu avec ASEA. Ipsco a décidé de continuer d'utiliser le système, malgré le fait qu'il ne fonctionnait bien qu'à capacité réduite. M. Backman a déclaré que, dans une tentative pour faire fonctionner le système comme prévu, Ipsco avait dépensé au total 7 593 791 $ (par. 10 de l'exposé conjoint). L'appelante a intenté une action civile contre ASEA et sa société mère suédoise - ASEA AB - concernant la conception, la construction et l'installation du système. On a renvoyé M. Backman à la Déclaration - section 2 - déposée au greffe de la Cour du Banc de la Reine le 23 mai 1986 à Regina (Saskatchewan). Les détails relatifs aux dommages-intérêts spéciaux sont énoncés aux pages 18 à 20 inclusivement, ce qui comprend, au sous-alinéa 28a)(iii), les frais supplémentaires de construction et d'installation liés aux tentatives pour remédier aux faiblesses du système - à savoir un montant de 4 257 117 $. D'autres frais supplémentaires de construction et d'installation, d'un montant de 1 721 000 $, engagés dans la planification et la construction concernant la normalisation de la conduite fondée sur l'achèvement du système étaient réclamés - alinéa 28b) - pour le motif que, le système n'ayant pas été achevé, ces frais représentaient une perte. Comme l'indique le paragraphe 10 de l'exposé conjoint, un montant de 6 117 023 $ a été ajouté à la FNACC de biens des catégories 29 et 39, et un montant de 1 476 768 $ a été imputé aux coûts des ventes. M. Backman a déclaré qu'un règlement était intervenu le 13 janvier 1994 et que, conformément au procès-verbal de transaction (le « procès-verbal » ), ASEA a versé à Ipsco la somme de 4 800 000 $, qui est mentionnée au paragraphe 12 de l'exposé conjoint comme étant le montant du règlement. M. Backman a expliqué que des tentatives pour conclure un règlement avec ASEA avaient été faites avant l'introduction de l'action et il se souvenait qu'il avait été tenu de participer à un interrogatoire préalable, qui s'est étalé sur 21 jours, parce qu'il était membre d'un groupe de dirigeants d'Ipsco qui jouaient un rôle dans le processus décisionnel concernant le litige. M. Backman a reconnu une lettre en date du 5 janvier 1994 - section 3 - de Larry LeBlanc - du cabinet d'avocats MacPherson Leslie & Tyerman dont les services avaient été retenus par Ipsco - concernant les chefs de dommages possibles et la qualification de ceux-ci dans une procédure en recouvrement contre ASEA. Dans ladite lettre, M. LeBlanc exprimait l'opinion que le meilleur chef de dommages consistait en une réclamation pour frais de construction et d'installation supplémentaires plutôt qu'en réclamations pour profit perdu et intérêts, lesquelles étaient beaucoup plus faibles et les moins susceptibles de connaître une issue favorable. M. Backman a déclaré que le règlement de 4 800 000 $ indiqué dans le procès-verbal - section 4 - avait été le fruit de dures négociations et que ce qui avait aidé quelque peu, c'était le fait qu'ASEA était intéressée à fournir ses services à Ipsco relativement à de nouvelles usines en voie de construction aux États-Unis.

[4]      Lors du contre-interrogatoire, on a renvoyé Charles Backman à une lettre en date du 12 avril 1996 - section 5 - que Kevin Harle avait écrite à un fonctionnaire de Revenu Canada concernant une vérification en matière d'impôt sur le revenu, lettre dans laquelle était expliquée la ventilation de certaines sommes capitalisées. On l'a également renvoyé à une note en date du 2 juin 1993 - section 10 - que John Comrie, du service juridique d'Ipsco, avait écrite à Kevin Harle et dans laquelle il disait que la responsabilité contractuelle et délictuelle de la société canadienne ASEA Inc. et de sa société mère suédoise ASEA AB représentait au total environ 33 millions de dollars. Sur ce montant, M. Comrie attribuait 12 millions de dollars à une réclamation pour profits perdus. Un document - section 9 - présentait une ventilation précise et détaillée des chefs de dommages, dans laquelle la somme de 4 779 534 $ était indiquée comme représentant le coût de construction et d'installation. M. Backman a déclaré qu'il avait bien connu la société suédoise ASEA AB dans le cadre de son précédent emploi et qu'il la considérait comme une société compétente qui était capable de respecter les modalités du contrat conclu avec Ipsco. En exprimant son degré de confiance dans l'organisation d'ASEA, il a fait remarquer que c'était la dernière société au sujet de laquelle il aurait fait des vérifications.

[5]      Robert Eisner a témoigné qu'il est trésorier adjoint d'Ipsco et contrôleur de Canadian Steel Works and Coil Processing. Jusqu'en octobre 2000, M. Eisner était le trésorier d'Ipsco et, à ce titre, il connaissait bien la façon dont l'appelante avait, aux fins des états financiers d'Ipsco et aux fins de la déclaration de revenu, traité les 4,8 millions de dollars reçus d'ASEA en règlement du litige. L'avocat a renvoyé M. Eisner au paragraphe 15 de l'exposé conjoint. M. Eisner a reconnu que c'était une description exacte de la manière dont Ipsco avait traité le montant du règlement aux fins de l'impôt sur le revenu. M. Eisner a déclaré qu'Ipsco avait demandé un avis fiscal d'un tiers et que, en se fondant sur l'avis ainsi obtenu, elle avait décidé que le traitement approprié de ces fonds ne devait pas réduire la déduction pour amortissement. M. Eisner était en outre d'accord sur l'énoncé du paragraphe 16 de l'exposé conjoint voulant que, aux fins de la comptabilité et de l'état financier, Ipsco ait réduit du montant du règlement le coût historique des biens faisant partie du système. Il a déclaré que cela avait été fait conformément à l'avis reçu d'Ernst & Young, les vérificateurs externes de l'appelante.

[6]      Au cours du contre-interrogatoire, on a renvoyé M. Eisner à la déclaration de revenu de la société appelante pour l'exercice se terminant le 31 décembre 1994 - section 6 -, ainsi qu'au bilan non consolidé (marqué d'un onglet vert) et à une écriture, surlignée en jaune, indiquant que des immobilisations (en milliers de dollars) étaient passées de 229 310 à 232 195 de 1993 à 1994. Dans l'état financier, à la note 4 - Immobilisations -, un tableau indiquait l'une des composantes comme étant le coût d'immobilisations, qui était passé de 410 914 à 426 687. On a renvoyé M. Eisner à un autre état marqué d'un onglet vert - État non consolidé de l'évolution de la situation financière pour les exercices se terminant le 31 décembre - et à une écriture, surlignée en jaune, qui incluait le montant de 16 290 (en milliers de dollars encore là) et qui comportait un renvoi à la note 10 indiquant une addition aux immobilisations de 15 773 (15 773 000 $). On a renvoyé M. Eisner à la dernière page de la section 7, à savoir une feuille comportant une note manuscrite au haut - Immobilisations corporelles en 1994. M. Eisner a expliqué que les écritures comptables de ce document incluaient une inscription selon laquelle la perte de valeur d'actifs concernant le projet de construction d'ASEA avait été réduite de 4,8 millions de dollars, à savoir la somme reçue par suite de l'action intentée par Ipsco contre ASEA, et qu'un extrait d'écritures de journal (troisième page de la section 7) enregistrait la réception de cette somme. M. Eisner reconnaissait que les frais juridiques engagés par Ipsco relativement au litige avaient été intégralement déduits sur une base courante au titre du revenu dans cette année d'imposition aux fins de la comptabilité et de l'impôt sur le revenu. M. Eisner a déclaré qu'Ipsco avait suivi l'avis qui figurait dans une note de service - section 11 - concernant le règlement conclu avec ASEA; à la page 2 de ce document, l'avant-dernier paragraphe dit :

[TRADUCTION]

Comme il concerne la construction et l'installation de l'équipement, le règlement serait considéré comme ayant le caractère du capital et devrait être enregistré au titre d'une perte de valeur d'immobilisations corporelles [...]

[7]      L'avocat de l'appelante a fait valoir qu'aucune disposition de la Loi n'exige que l'appelante déduise le montant du règlement de la FNACC d'une catégorie quelconque des biens amortissables de l'appelante, eu égard aux circonstances dans lesquelles le montant du règlement a été reçu, et il soutenait en outre que ledit montant n'était pas un « produit de disposition » au sens des dispositions pertinentes de la Loi. Plus précisément, l'avocat soutenait que le montant reçu en règlement du litige ne représentait pas des « indemnités afférentes aux biens ayant subi un préjudice » , au sens de cette expression figurant dans la définition de « produit de disposition » au paragraphe 13(21) de la Loi, ni des « indemnités afférentes aux dommages causés aux biens » , au sens de cette expression figurant dans la définition de « produit de disposition » audit paragraphe. La position de l'appelante était qu'il était approprié qu'elle se conforme au vaste ensemble législatif de règles concernant le droit d'un contribuable de demander une déduction pour amortissement (DPA) à l'égard de coûts en capital engagés pour acquérir des biens amortissables. En ce sens, pour que l'appelante soit tenue de réduire la FNACC de biens des catégories 29 ou 39 - relativement au montant du règlement -, il faudrait que ce soit expressément prévu par une disposition de la Loi, et le traitement dudit montant - par l'appelante - est basé sur le raisonnement selon lequel une telle disposition n'existe pas, quoique le législateur ait par ailleurs expressément déterminé que certaines autres sommes doivent réduire le coût en capital de biens amortissables. Vu cette spécificité, l'avocat soutenait que, si le législateur avait voulu inclure des dommages-intérêts ou des montants reçus en règlement d'un litige, il l'aurait expressément indiqué, comme au paragraphe 13(7.1) de la Loi concernant un montant devant être déduit, relativement à un bien amortissable, s'il a été reçu comme aide d'un gouvernement, d'une municipalité ou d'une autre administration sous forme de prime, de subvention, de prêt ou sous toute autre forme.

[8]      L'avocate de l'intimée soutenait que la cotisation établie par le ministre était conforme au bulletin d'interprétation IT-365R2 concernant les conséquences fiscales de dommages-intérêts et de montants reçus en règlement d'un litige. En outre, l'avocate a fait référence à ce qui suit : le régime général relatif aux revenus à déclarer selon les articles 3 et 9 de la Loi; l'application de l'article 18, qui limite ce qui peut être déduit du revenu; l'interaction de dispositions régissant la DPA pour ce qui est de biens amortissables - alinéa 20(1)a) de la Loi; l'effet de l'article 1100 du règlement mentionné dans cet alinéa; l'utilisation de la formule de calcul de la FNACC prévue au paragraphe 13(21). En vertu du paragraphe 13(21), a fait valoir l'avocate, les définitions législatives de « disposition de biens » et de « produit de disposition » n'exigent pas qu'il y ait eu effectivement un transfert ou une cession de biens pour qu'il soit considéré qu'il y a eu une disposition de biens en vertu de la Loi, et le montant du règlement était donc un produit de disposition - d'une façon générale ou en vertu des alinéas e) ou f) du paragraphe 13(21) de la Loi - qui avait pour effet de réduire la FNACC des biens entrant dans la catégorie pertinente. De la manière dont l'avocate voit la jurisprudence pertinente, il aurait fallu que l'appelante déclare le montant du règlement de la façon déterminée par le ministre, parce que cela aurait donné une image fidèle du profit d'Ipscoprovenant de l'entreprise, puisque le montant sur lequel est calculée la DPA doit être représentatif du coût effectif du système pour l'appelante. L'avocate soutenait que faire fi du montant du règlement - 4,8 millions de dollars -, ce serait accorder à l'appelante un gain fortuit considérable, de sorte que le coût du bien serait artificiellement gonflé et que le revenu serait artificiellement réduit pour l'année en cause et les années suivantes.

[9]      Le point litigieux dans le présent appel est essentiellement une question d'imposition de dommages-intérêts, ce qui dépend habituellement de la nature du droit - en common law - ayant donné lieu au paiement à la suite d'une victoire devant un tribunal ou d'un règlement conclu pour mettre un terme au litige. La Déclaration - section 2 - déposée par Ipsco visait à obtenir des dommages-intérêts spéciaux, détaillés au paragraphe 28 de ce document, et des dommages-intérêts généraux - de montants non spécifiés - pour frais fixes et variables supplémentaires qu'Ipsco avait engagés à cause du retard d'ASEA dans l'exécution du contrat, pour profits perdus - actuels et futurs - et pour perte d'une part de marché et atteinte à la réputation. Le procès-verbal - section 4 - indiquait qu'ASEA devait avec sa société mère, ASEA AB, verser à l'appelante 4,8 millions de dollars au titre de la demande de la demanderesse concernant les coûts supplémentaires de construction et d'installation. L'alinéa b) dudit procès-verbal disait qu'il n'y aurait aucun paiement au titre de l'une quelconque des autres demandes et demandes reconventionnelles dans cette action. L'entente prévoyait en outre que chaque partie prendrait en charge ses propres frais directs et indirects relatifs à l'action, et les parties convenaient de déposer des avis de désistement concernant la Déclaration et la Demande reconventionnelle. Les parties convenaient en outre de ce qui suit :

[TRADUCTION]

Il est convenu que ce qui est prévu aux alinéas a), b), c) et d) ci-devant représente une détermination et un règlement définitifs de l'ensemble des demandes, droits et causes d'action énoncés dans les actes de procédure relatifs à cette action ou découlant des questions mentionnées dans lesdits actes de procédure. Il demeure entendu que l'ensemble de ces demandes, droits et causes d'action est visé au présent procès-verbal de transaction et réglé intégralement par ledit procès-verbal.

[10]     À mon avis, il est clair qu'aucune partie de la somme de 4,8 millions de dollars n'est attribuable à une perte de revenus et / ou de profits et que cette somme a plutôt été versée au titre de la demande de l'appelante concernant les frais supplémentaires de construction et d'installation résultant du manque de rendement du système qui avait été conçu et installé par ASEA en vertu du contrat conclu entre les parties. Selon sa nature - aux fins de l'analyse dans le présent appel -, cette rentrée d'argent est soit un gain en capital, soit un gain fortuit non imposable.

[11]     En ce qui a trait à la qualification de rentrées d'argent, la politique de l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ) - invoquée par le ministre dans l'établissement de la cotisation à l'égard de l'appelante - est exprimée comme suit dans le passage pertinent du paragraphe 8 du bulletin d'interprétation IT-365R2, ainsi qu'au paragraphe 9 :

8. Un montant reçu par un contribuable en remplacement de l'exécution des clauses d'un contrat d'entreprise par l'autre partie à ce contrat peut, selon les circonstances, être considéré comme un revenu ou comme du capital. Si le montant est reçu en compensation de la perte d'un bien rapportant un revenu, il sera considéré comme du capital; si, d'autre part, il est reçu en compensation de la perte d'un revenu, il sera considéré comme un revenu d'entreprise. [...]

9. Si un montant reçu par un contribuable comme compensation pour la rupture d'un contrat d'entreprise constitue du capital selon les observations du numéro 8 ci-dessus, ce montant se rapporte soit à un bien précis du contribuable, soit à l'ensemble de la structure génératrice de bénéfices du contribuable. Si, d'après les particularités du cas, notamment les clauses d'un contrat, les stipulations d'un règlement ou celles d'un jugement, le montant reçu vise un bien précis (corporel ou incorporel) qui est vendu, détruit ou abandonné par suite de la rupture du contrat, il sera considéré comme le produit de la disposition de ce bien ou d'une partie de celui-ci, selon le cas. Si le montant de l'indemnité vise un bien précis qui n'a pas été cédé, le montant réduira le coût de ce bien pour le contribuable. Si, par contre, le montant de l'indemnité constitue du capital, mais ne vise pas un bien précis comme ci-dessus, il sera considéré comme un dédommagement pour la destruction de toute la structure génératrice de bénéfices de l'entreprise du contribuable ou pour les dommages causés à celle-ci. Une indemnité de cette nature peut devenir un « montant en immobilisations admissible » pour l'application du paragraphe 14(1) et du sous-alinéa 14(5)a)(iv).

[J'ai ajouté les caractères gras.]

[12]     La position de l'appelante est qu'aucune disposition expresse de la Loi n'exige que le montant du règlement soit déduit de la FNACC, et l'appelante fait valoir que la Cour d'appel fédérale a statué - de façon constante - que, lorsqu'un contribuable reçoit un montant d'un tiers comme remboursement ou indemnité au titre de coûts en capital de biens amortissables, aucune disposition de la Loi n'exige que le contribuable réduise de ce montant les coûts en capital d'origine. Dans l'affaire La Reine c. Canadien Pacifique Limitée, [1978] 2 C.F. 439 ([1977] C.T.C. 606), la Cour d'appel fédérale a examiné une situation dans laquelle Canadien Pacifique ( « CP » ) - à la demande d'un tiers - devait engager des dépenses en capital après que le tiers eut accepté d'accorder à CP un remboursement d'un montant ne dépassant pas les frais que CP avait engagés pour améliorer ou construire des installations afin de servir le tiers. Dans cette affaire, CP avait calculé la DPA au titre des biens qu'elle avait acquis - par suite de l'arrangement - en se fondant sur le fait que les sommes reçues par le tiers ne devaient pas être déduites du coût en capital de ces biens dans le calcul de la FNACC des biens de la catégorie pertinente. S'exprimant pour la Cour, le juge d'appel Pratte a dit à la page 445 (C.T.C. : à la page 611) :

À mon avis, le savant premier juge a eu raison de rejeter cette prétention qui me semble aller à l'encontre de la décision de la Chambre des Lords dans Birmingham Corp. c. Barnes suivant laquelle « le coût réel pour » un contribuable de biens susceptibles de dépréciation est égal au montant versé par le contribuable. Lord Atkin a déclaré dans cette affaire (à la page 298):

[TRADUCTION] Il me semble que ce qu'un homme paie pour la construction ou l'achat d'un ouvrage est ce qu'il lui coûte, et cela, qu'on lui ait donné les fonds nécessaires à la construction ou à l'achat ou qu'on l'ait assuré de lui remettre ceux-ci après qu'il aura réglé les travaux ou encore, qu'une fois le travail exécuté, on lui ait promis ou donné les fonds pour le dédommager de ses débours.

[13]     Ultérieurement, la Cour d'appel fédérale a entendu l'affaire La Reine c. The Consumers' Gas Company Ltd., C.A.F., no A-985-82, 15 décembre 1983 ([1984] C.T.C. 83), dans laquelle le point litigieux concernait le remboursement - par des clients - de l'ensemble ou d'une partie des frais que la société Consumers' Gas avait engagés pour déplacer des parties de ses conduites de gaz, à la demande de ces clients. En calculant les DPA en vertu de la Loi, Consumers' Gas a adopté comme position qu'elle pouvait ajouter le coût brut de déplacement des conduites de gaz à la FNACC des biens de la catégorie pertinente, puis calculer les droits à une DPA en se fondant sur ce coût brut, sans tenir compte des remboursements reçus des clients. Le juge de première instance avait statué que la méthode suivie par la contribuable était bien fondée. La Couronne en a appelé et, malgré le fait qu'une question en litige portait sur l'exhaustivité des actes de procédure de la Couronne en première instance, la Cour a bel et bien statué sur l'argument de l'avocat du ministre selon lequel la décision rendue dans l'affaire Canadien Pacifique, précitée, n'était pas applicable. Le jugement - rejetant l'appel - a été rendu pour la Cour par le juge Urie, qui a dit aux pages 7 et 8 (C.T.C. : à la page 86) :

Selon moi, le savant juge de première instance a décidé à juste titre qu'il était lié par le principe énoncé dans l'affaire Canadien Pacifique en ce qui concernait l'addition des remboursements à la fraction non amortie du coût en capital. Toutefois, il est allé plus loin et, après avoir passé en revue beaucoup de jurisprudence, il a conclu que les contributions dans l'affaire Canadien Pacifique n'avaient pas été incluses dans le revenu mais dans le capital (page 18 des motifs) et, par conséquent, a déclaré (page 21 des motifs) :

Je conclus que la demanderesse en l'espèce était fondée à considérer que les contributions reçues pour le déplacement de ses pipelines, déplacement fait non pas dans son intérêt, mais dans l'intérêt des auteurs des contributions, peuvent être portées au compte de capital d'apport sans passer par le revenu.

[14]     L'arrêt Consumers' Gas, précité, a été suivi par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Pacific Northern Gas Ltd. c. Sa Majesté La Reine, C.A.F., no A-451-90, 22 avril 1991 ([1991] 1 C.T.C. 469). Dans cette affaire, la société gazière Pacific Northern avait vendu du gaz à des clients et le leur avait livré au moyen de conduites supplémentaires partant du pipeline principal. Elle avait reçu de l'argent de ses clients en guise de paiement pour ces conduites de raccordement, et le juge de première instance avait statué que les sommes reçues relativement au coût des conduites de raccordement n'étaient pas des rentrées d'argent au titre du revenu, mais devaient être appliquées de manière à accroître la FNACC des conduites; ce faisant, il avait invoqué - entre autres - les décisions rendues dans les affaires Consumers' Gas et Canadien Pacifique, précitées. La Cour d'appel fédérale a conclu que le juge de première instance ne s'était pas trompé en arrivant à la conclusion qu'il n'y avait aucune différence importante entre les rentrées d'argent dans l'affaire dont il était saisi et les rentrées d'argent qui étaient en cause dans les affaires précitées et au sujet desquelles il avait été conclu qu'il s'agissait de gains en capital.

[15]     Avant l'affaire Westcoast Energy Inc. c. Canada, (1re inst.), [1991] 3 C.F. 302 ([1991] 1 C.T.C. 471), entendue par la section de première instance de la Cour fédérale en 1992, le législateur avait édicté l'alinéa 12(1)x) de la Loi dans une tentative pour faire obstacle à un problème considéré par le ministre comme représentant une omission manifeste en matière de législation fiscale. Dans l'affaire Westcoast, précitée, la contribuable - en tant que demanderesse - avait reçu une somme de plus de 20 millions de dollars d'Ipsco (ce qui montre encore une fois que l'on récolte ce que l'on a semé) en règlement d'une action qu'elle avait intentée contre Ipsco et contre d'autres et dans laquelle elle demandait des dommages-intérêts pour rupture de contrat et négligence. Westcoast soutenait que le montant du règlement était un paiement de dommages-intérêts pour rupture de contrat et négligence, tandis que le ministre arguait que le fait que le règlement ne comportait pas un aveu de responsabilité pouvait être considéré comme étayant aussi la cotisation et que, vu la nouvelle disposition de la Loi et vu le rapport du paiement avec le coût de remplacement du pipeline, la cotisation était par ailleurs valable. Le juge Denault a conclu que l'alinéa 12(1)x) n'incluait pas de dommages-intérêts, bien qu'il ait statué que la modification législative avait été apportée pour mettre fin aux échappatoires, comme l'illustrait l'affaire Consumers' Gas, précitée. De plus, le juge Denault a conclu que rien ne prouvait que le législateur avait voulu que le mot « remboursement » utilisé dans le nouvel alinéa inclue des dommages-intérêts; il poursuivait en disant à la page 322 (C.T.C. : à la page 481) :

Je peux comprendre le point de vue de la défenderesse, qui affirme que cette situation crée une iniquité fiscale. La demanderesse a ajouté les coûts de reconstruction du gazoduc défectueux à la fraction non amortie de son coût en capital, a demandé à IPSCO de l'indemniser de l'inexécution du contrat, a récupéré les sommes d'argent de la reconstruction, mais elle n'a pas ensuite réduit la fraction non amortie de son coût en capital de la somme récupérée et n'a pas inclus dans son revenu d'entreprise les dommages-intérêts qu'elle a obtenus. Je ne suis cependant pas disposé à étendre la portée juridique du mot « remboursement » pour résoudre cette iniquité. Il n'appartient pas à notre Cour d'étendre le sens d'un mot pour rendre le système fiscal équitable. Le législateur fédéral aurait pu être plus précis s'il avait l'intention d'inclure les dommages-intérêts adjugés en matière commerciale à l'alinéa 12(1)x). Toute ambiguïté concernant l'intention du législateur d'imposer doit être résolue en faveur du contribuable.

[16]     La Cour d'appel fédérale a confirmé l'interprétation du juge de première instance (voir Sa Majesté La Reine c. Westcoast Energy Inc., C.A.F., no A-477-91, 18 mars 1992 ([1992] 1 C.T.C. 261)). Il est à noter que, dans le procès devant le juge Denault, la Couronne - peut-être inspirée par le choix sage qu'avait fait Robert 1er Bruce en optant pour une trêve plutôt que pour une reprise des hostilités - avait décidé de se concentrer uniquement sur l'application du sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi au montant du règlement et avait renoncé aux arguments selon lesquels la somme de 20 250 000 $ représentait des « indemnités afférentes aux biens ayant subi un préjudice » ou des « indemnités afférentes aux dommages causés aux biens » , en vertu de divers alinéas pertinents du paragraphe 13(21), y compris l'alinéa f).

[17]     Dans le présent appel, le ministre n'a pas invoqué l'argument fondé sur le mot « remboursement » , probablement parce que le droit à cet égard semble être bien établi et que, après la décision rendue dans l'affaire Westcoast, on n'a pas modifié l'alinéa pertinent de manière à inclure des dommages-intérêts et / ou le montant d'un règlement. Si on l'avait fait, cela aurait probablement dissuadé la plupart des contribuables d'intenter des actions quant à savoir si de tels paiements pouvaient encore - après une telle modification - être considérés comme des rentrées d'argent non imposables. Bien que le fait que le législateur omette de faire quelque chose n'aide pas en matière d'interprétation législative, il est à noter que l'analyse effectuée dans la jurisprudence reste capitale pour le règlement de la question, par opposition à l'application de termes précis figurant dans la loi.

[18]     L'avocate de l'intimée invoquait la décision de la Cour d'appel fédéraledans Mohawk Oil Co. c. Canada (C.A.), [1992] 2 C.F. 485 (92 DTC 6135), à l'appui de la proposition voulant que le montant d'un règlement reçu d'une société ne soit pas un gain fortuit. Dans cette affaire, la contribuable avait passé un contrat avec une société américaine - Phillips - pour que celle-ci fournisse et installe une usine de retraitement d'huiles usées. Tout comme dans le cas du présent appel, l'usine n'avait pas bien fonctionné et, après certaines négociations, Phillips avait versé à Mohawk Oil 6 millions de dollars américains en règlement intégral des réclamations de Mohawk Oil, quoique l'indemnité initialement demandée ait été de 15 millions de dollars américains. Mohawk Oil avait d'abord considéré que le produit du règlement représentait une perte de profits et une réduction du coût de ses biens. Elle avait ensuite adopté comme position que le montant intégral reçu comme règlement se rapportait à des dommages-intérêts et était donc une rentrée d'argent non imposable. Le ministre avait établi une cotisation basée sur le fait qu'une partie du produit du règlement était un revenu découlant d'une réclamation pour perte de profits et qu'une partie était un gain en capital parce qu'elle entrait dans la définition de « produit de disposition » figurant au paragraphe 13(21) de la Loi, de sorte que ladite partie avait été portée au crédit du compte de la FNACC. S'exprimant pour la Cour, le juge d'appel Hugessen a, après avoir examiné des causes britanniques et canadiennes, y compris La Reine c. Cranswick, [1982] 1 C.F. 813 (82 DTC 6073) (C.A.F.), conclu que les faits ne correspondaient pas au critère du « gain fortuit » , et ce, pour diverses raisons, y compris parce qu'il y avait eu un échange de décharges mutuelles et que les parties avaient en outre convenu de mettre un terme à une relation d'affaires créée par une entente particulière. Globalement, le paiement fait à Mohawk Oil - par Phillips - a été considéré par le juge d'appel Hugessen comme une somme versée en règlement partiel d'une demande d'indemnisation de Mohawk Oil selon une entente s'inscrivant dans le contexte d'une opération commerciale qui avait tourné au vinaigre. Aux pages 500 et 501 (DTC : à la page 6141), le juge d'appel Hugessen a déclaré :

            Je dois maintenant étudier la justesse de la nouvelle cotisation elle-même. La première question est de savoir si le ministre a, à juste titre, cotisé la somme de 3 443 708 $ à titre d'indemnité pour les profits perdus et les dépenses engagées. J'estime que la preuve appuyait cette cotisation. J'ai déjà fait mention de la correspondance et de la documentation indiquant que l'intimée a effectivement cherché à être indemnisée, notamment en réclamant une indemnité pour les profits perdus. Son traitement du montant du règlement dans ses livres comptables est au même effet. De plus, la preuve révèle qu'au cours de ses exercices financiers de 1981 et 1982, l'intimée a subi une perte de profits en raison des dépenses d'exploitation engagées pour l'usine non fonctionnelle. La preuve démontre également que, dans le calcul de son revenu pour ces mêmes exercices financiers, l'intimée a déduit à titre de « dépenses nettes engagées » les montants de 1 184 235 $ et de 1 164 296 $ respectivement. Il ressort en l'espèce que Phillips a accepté de reprendre l'usine et, manifestement, de reconnaître dans le règlement une partie de la réclamation de l'intimée qui n'était pas représentée par les dépenses relatives au terrain, aux réservoirs destinés à l'entreposage et aux installations connexes que l'intimée a finalement décidé de conserver et, de fait, elle les a apparemment utilisés après avoir acquis une nouvelle usine auprès d'un fournisseur différent.

            Nous devons également décider si, dans la nouvelle cotisation, il était juste d'attribuer jusqu'à 3 718 430 $ du montant du règlement au « produit de disposition d'un bien en immobilisation » . À mon avis, la réponse à cette question ne peut être positive que si la preuve appuie cette attribution faite par le ministre dans la nouvelle cotisation. À mon humble avis, c'est le cas. En premier lieu, il n'y a aucun doute que le montant du règlement incluait effectivement une indemnité pour l'usine elle-même qui, à l'exception de l'unité d'hydrotraitement, a été retournée à Phillips qui a alors décidé de la démonter sur les lieux. Ce poste représentait à lui seul, pour l'intimée, une dépense en immobilisation de 3 942 000 $ CAN (2 850 000 $ US) en contrepartie de l'achat. Encore une fois, l'intimée, en tentant d'être indemnisée, a cherché à l'être à l'égard de son investissement en capital. En outre, dans ses propres livres comptables, approuvés par son conseil d'administration, elle a attribué une partie du montant du règlement au « produit de disposition de l'usine de lubrifiants » et une autre partie aux « coûts de développement différés » .

[19]     De prime abord, il semblerait que cette décision ne soit pas conforme à la décision rendue dans l'affaire Westcoast, précitée. Il y a toutefois deux différences importantes. Tout d'abord, dans l'affaire Mohawk, précitée, Phillips avait accepté de reprendre l'usine et avait versé une indemnité pour perte de profits liée à cette usine. Après avoir repris l'usine, Phillips l'a démontée sur place. C'est une distinction importante, car, dans le cas du présent appel, le paiement des 4,8 millions de dollars fait par ASEA - après que, dans le déroulement de l'instance, on eut franchi l'étape des communications et interrogatoires préalables - n'était pas lié à une perte de profits et, en échange du paiement, Ipsco n'avait pas abandonné, transféré ou par ailleurs fourni un bien en faveur d'ASEA. Je tiens également compte de ce que Phillips avait décidé de verser la somme à Mohawk Oil avant d'être juridiquement tenue de le faire et avant que Mohawk Oil introduise une action civile pour la contraindre à payer. En ce sens, c'était un choix que le conseil d'administration avait fait librement et volontairement. De plus, il est clair que Mohawk Oil a disposé d'un bien en faveur de Phillips, ce qui donnait lieu à un gain en capital.

[20]     L'avocate de l'intimée a fait valoir que, pour avoir une image fidèle du bénéfice de l'appelante pour l'année d'imposition considérée en l'espèce, il faut s'assurer que le montant sur lequel est calculée la DPA est représentatif du coût effectif du système pour Ipsco. À l'appui de cette proposition, l'avocate a fait référence à la décision de la Cour suprême du Canada dans Canderel Ltée c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 147 (98 DTC 6100). Dans cette affaire, la contribuable - une société de promotion immobilière - avait déduit tous les paiements d'incitation à la prise à bail qu'elle avait effectués durant l'année. Le ministre n'était pas d'accord sur le mode de calcul utilisé par la contribuable et avait établi une cotisation en conséquence. Au paragraphe 53 (DTC : à la page 6110), le juge Iacobucci a énoncé comme suit certains principes à observer relativement au calcul du revenu :

(1)         La détermination du bénéfice est une question de droit.

(2)         Le bénéfice tiré d'une entreprise pour une année d'imposition est déterminé en déduisant des revenus tirés de l'entreprise pour l'année en question les dépenses engagées pour gagner ces revenus: M.N.R. c. Irwin, précité, Associated Investors, précité.

(3)         Dans la détermination du bénéfice, l'objectif est d'obtenir une image fidèle du bénéfice du contribuable pour l'année visée.

(4)         Dans la détermination du bénéfice, le contribuable est libre d'adopter toute méthode qui n'est pas incompatible avec:

a)          les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu;

b)          les principes dégagés de la jurisprudence ou les « règles de droit » établis;

c)          les principes commerciaux reconnus.

(5)         Les principes commerciaux reconnus, notamment ceux codifiés formellement dans les PCGR, ne sont pas des règles de droit mais des outils d'interprétation. Dans la mesure où ils peuvent influencer le calcul du revenu, ils ne le feront qu'au cas par cas, selon les faits relatifs à la situation financière du contribuable.

(6)         En cas de nouvelle cotisation, une fois que le contribuable a prouvé qu'il a donné une image fidèle de son revenu pour l'année, image qui est compatible avec la Loi, la jurisprudence et les principes commerciaux reconnus, il incombe alors au ministre de prouver que le chiffre fourni ne donne pas une image fidèle ou qu'une autre méthode de calcul fournirait une image plus fidèle.

[21]     La question en litige dans le présent appel ne tourne toutefois pas autour de différents principes concernant les méthodes comptables appropriées et le choix rationnel d'une méthode au lieu de l'autre, les deux étant intrinsèquement valables. La Loi prévoit plutôt une méthode extrêmement précise et détaillée par laquelle la DPA doit être calculée, et les dispositions sont utilisées de manière à primer - à mon avis - toute façon générale de calculer ce que le ministre voudrait voir considéré comme étant le véritable profit pour l'année. Se servant uniquement de ses propres moyens, le ministre a établi à l'égard d'Ipsco une cotisation basée sur l'avis administratif publié dans le bulletin d'interprétation IT-365R2, à savoir : « Si le montant de l'indemnité vise un bien précis qui n'a pas été cédé, le montant réduira le coût de ce bien pour le contribuable. » Mon interprétation de la jurisprudence pertinente m'amène à conclure que cet avis ministériel n'est pas par ailleurs étayé par la jurisprudence dans ce domaine. Il n'y a eu aucune « disposition de biens » au sens du paragraphe 13(21) de la Loi, car l'opération ou l'événement grâce auquel l'appelante a eu droit à la somme de 4,8 millions de dollars ne comportait aucune disposition de biens, même en considérant le mot « bien » ( « property » en anglais) en un sens large, d'une manière conforme à l'analyse effectuée sur une période de plusieurs années par plusieurs tribunaux dans diverses causes concernant diverses questions. La définition de « disposition de biens » figurant au paragraphe 13(21) de la Loi se lit comme suit :

« disposition de biens » - « disposition de biens » Sont compris dans la disposition de biens une opération ou un événement donnant droit au contribuable au produit de disposition de biens.

[22]     Dans le présent appel, Ipsco a engagé au moins 10 183 948 $ de coûts en capital (voir les paragraphes 8 et 10 de l'exposé conjoint) pour que le système soit installé et qu'il fonctionne conformément à ce qui était prévu dans le contrat conclu avec ASEA. Le montant du règlement reçu d'ASEA représentait une indemnité ou un remboursement au titre d'une partie de ces coûts, et ASEA n'a rien reçu en échange, si ce n'est un désistement à l'égard d'une action intentée pour rupture de contrat et négligence concernant la conception et l'installation du système. À mon avis, un échange de décharges, sous la forme de désistements mutuels et d'un procès-verbal de transaction, ne constitue pas un bien aux fins du paragraphe en cause. Le ministre a noté le traitement comptable déterminé par Ipsco - au sujet des 4,8 millions de dollars obtenus d'ASEA -, traitement à l'égard duquel les actionnaires avaient été avisés que le montant considérable des dépenses supplémentaires relatives au système n'était pas aussi sinistre qu'il semblait, car, en entamant une poursuite et en obtenant ainsi le montant d'ASEA, Ipsco avait réduit son coût net. À des fins internes concernant la situation financière de la société, c'était tout simplement plein de bon sens. Cela ne signifie toutefois pas que la même méthode doit être utilisée lorsqu'il s'agit de déclarer le revenu conformément à la Loi. En réduisant de 4,8 millions de dollars le montant du coût historique du système pour ses propres fins comptables, Ipsco voulait évidemment présenter une image fidèle de la situation. Paradoxalement, c'est exactement ce que l'avocate de l'intimée soutenait que l'appelante aurait dû faire en produisant une déclaration de revenu en vertu de la Loi, l'omission de le faire ayant eu pour effet de fausser le profit d'Ipsco pour l'année d'imposition en cause et les années suivantes. Toutefois, déclarer le revenu en conformité avec la Loi - notamment en observant une série stricte de règles visant un aspect particulier de l'inclusion d'une somme dans le revenu ou de la déduction de frais dans le calcul du revenu - n'empêche pas de traiter différemment la même opération pour des fins commerciales légitimes n'ayant pas de rapport avec la production d'une déclaration de revenu.

[23]     Subsidiairement, le ministre fait valoir que le montant du règlement est un produit de disposition de biens, c'est-à-dire des « indemnités afférentes aux biens ayant subi un préjudice » . La définition de « produit de disposition » figurant au paragraphe 13(21) de la Loi se lit comme suit :

« produit de disposition » - « produit de disposition » Le produit de disposition de biens comprend :

a)          le prix de vente de biens qui ont été vendus;

b)          les indemnités pour biens pris illégalement;

c)          les indemnités afférentes à la destruction de biens et les sommes payables en vertu d'une police d'assurance du fait de la perte ou de la destruction de biens;

d)          les indemnités afférentes aux biens pris en vertu d'une loi ou le prix de vente de biens vendus à une personne ayant donné un avis de son intention de les prendre en vertu d'une loi;

e)          les indemnités afférentes aux biens ayant subi un préjudice, légalement ou illégalement, ou en vertu d'une loi ou de toute autre façon;

f)           les indemnités afférentes aux dommages causés aux biens et les sommes payables en vertu d'une police d'assurance au titre des dommages causés à des biens, sauf dans la mesure où ces indemnités ou sommes, selon les cas, ont, dans un délai raisonnable après que les dommages ont été subis, été dépensées pour la réparation des dommages;

g)          le montant de la réduction de la dette dont un contribuable est débiteur envers un créancier hypothécaire découlant de la vente du bien hypothéqué en vertu d'une clause du contrat d'hypothèque, plus la partie du produit d'une telle vente reçue par le contribuable;

h)          les sommes incluses, en vertu de l'alinéa 79c), dans le calcul du produit de disposition de biens revenant à un contribuable.

[24]     En ce qui a trait à l'alinéa 13(21)e), l'intimée a affirmé que le montant du règlement constitue des indemnités afférentes aux biens « ayant subi un préjudice » ( « injuriously affected » en anglais). Toutefois, cette notion est fréquemment liée à l'expropriation de biens, dans le contexte de la reconnaissance du fait que le paiement doit être effectué non seulement à l'égard du terrain qui a été pris, mais aussi au titre de dommages indirects causés à d'autres biens. L'avocat de l'appelante a fait valoir que l'expression anglaise « injurious affection » (préjudice) est utilisée dans la loi sur l'expropriation de plusieurs provinces et que cette expression est en droit de recevoir « un sens juridique bien établi et reconnu » , comme disait le juge Major, au paragraphe 33 de sa décision dans l'affaire Will-Kare Paving & Contracting Ltd. c. Canada, 2000 CSC 36, au sujet du mot « vente » faisant l'objet d'une interprétation devant la Cour suprême du Canada. Dans le cas du présent appel, l'action intentée par l'appelante contre ASEA n'avait rien à voir avec une allégation de préjudice causé à un terrain appartenant à l'appelante, et il était clair que l'action avait été intentée pour rupture de contrat et négligence concernant le rendement insatisfaisant du système et que le paiement effectué par ASEA était destiné à indemniser l'appelante au titre des frais supplémentaires de construction et d'installation, comme l'indique le procès-verbal (section 4).

[25]     La question dont il faut maintenant traiter - dans le cadre du paragraphe 13(21) de la Loi - est la question du libellé de l'alinéa f). Si, comme le soutient l'avocate de l'intimée, le paiement fait par ASEA à l'appelante peut être qualifié d' « indemnités afférentes aux dommages causés aux biens » , la somme de 4,8 millions de dollars devrait être considérée comme un « produit de disposition » , et les règles applicables concernant le calcul de la DPA exigeraient que cette somme soit prise en compte de manière à réduire la FNACC de biens de la catégorie pertinente. Encore là, la Déclaration déposée par l'appelante et le procès-verbal consécutif à cela ne traitent nullement de dommages causés par ASEA à des biens d'Ipsco. L'action se fondait sur les failles relatives à la construction du système concernant « la trempe et le recuit » , et il était allégué que, en créant et en installant ce système spécialisé, ASEA n'avait pas satisfait aux stipulations du contrat de construction. ASEA a effectué le paiement en question parce qu'elle n'avait pu livrer la marchandise comme promis et qu'elle reconnaissait que l'appelante avait été obligée d'engager des dépenses supplémentaires de 7 593 791 $ - dans les années d'imposition 1985 à 1988 - pour que le système fonctionne et que, même là, la capacité du système était bien inférieure à ce qu'elle devait être selon les stipulations du contrat conclu entre les parties. Il ressort du libellé de l'alinéa f) que celui-ci est également destiné à être utilisé dans le cas de sommes payables en vertu d'une police d'assurance, et il est question de la réparation de dommages. Si ASEA avait, dans la construction et l'installation du système, endommagé des parties de l'usine de l'appelante ou par ailleurs entravé des activités productives de revenu distinctes non liées aux activités en cause, il pourrait y avoir une certaine valeur à l'argument selon lequel le paiement - quelle que soit la façon dont il est qualifié dans les documents relatifs au règlement - était en fait attribuable à ce chef de dommage. Tel n'est pas le cas. La chose même qui a été créée et qui a été intégrée à un système global était défectueuse, et il n'y a eu aucun « dommage » au sens ordinaire de ce mot. En termes simples, il y a eu une faille dans la conception et l'installation, ou peut-être que le projet était trop ambitieux dès le départ, mais le travail relatif à la construction du système accompli par ASEA dans l'usine appartenant à Ipsco n'a pas causé de dommages à un bien quelconque d'Ipsco, et aucune indemnité n'a été versée à cet égard. Dans St. Pierre c. Ontario (Ministre des Transports et Communications), [1987] 1 R.C.S. 906, la Cour suprême du Canada a examiné la question de l'effet de la construction d'une route sur un terrain appartenant aux demandeurs. Il ressort clairement de ladite décision que le délit de préjudice causé à un bien concerne essentiellement les dommages causés aux biens en cause et non un préjudice personnel ou commercial. Il faut présumer que le législateur était bien conscient du sens spécialisé de cette notion, car il est question de biens ayant subi un préjudice, légalement ou illégalement, ou « en vertu d'une loi ou de toute autre façon » . Il n'y a aucune ambiguïté dans cette formulation, et y accorder le sens élargi proposé par l'avocate de l'intimée revient à réécrire la disposition de manière à englober un concept n'ayant jamais représenté l'intention du législateur.

[26]     De temps en temps, le ministre cherche à imposer des sommes qui n'entrent pas nettement dans le cadre de l'une quelconque des dispositions d'une loi comptant aujourd'hui plus de 2 200 pages - y compris le règlement - et il entreprend d'établir des cotisations basées sur le fait que ne pas tenir compte de ce qui semble être un gain fortuit est contraire à l'objet et à l'esprit de la législation fiscale. Une loi pesant plus d'un kilo ne prête guère à une interprétation générale libre, notamment lorsque la voie à suivre pour régler une question particulière est bien tracée et que le voyage est entrepris conformément à une carte détaillée et à un guide pratique. L'argument invoqué au nom du ministre est que les alinéas 13(21)a) à h), inclusivement, ne sont pas nécessairement exhaustifs et que le genre de règlement en cause dans le présent appel peut être considéré comme représentant un produit de disposition. Je ne suis pas d'accord. L'intention du législateur était que ces alinéas soient exhaustifs, tout comme d'autres dispositions législatives précises conçues dans le contexte d'une fin particulière. Si le législateur avait voulu que le montant de ce genre de règlement soit imposé, il aurait modifié la Loi après les décisions rendues dans les affaires Consumers' Gas et Westcoast Energy, précitées.

[27]     Dans le cas du présent appel - contrairement à ce qu'il en était dans l'affaire Mohawk Oil, précitée -, il n'y a eu aucun transfert de biens de l'appelante à ASEA en échange du montant du règlement, ce qui est admis par l'intimée à l'alinéa 9n) de la réponse modifiée. De plus, on n'a pas mis fin à une relation d'affaires que l'on voulait à long terme et, dans l'affaire Mohawk Oil, le montant du règlement comprenait une indemnité au titre de l'usine elle-même, qui a été rendue à l'auteur du versement. À la lumière de précédentes décisions de la Cour d'appel fédéraleportant sur des situations de fait semblables, je conclus que le facteur déterminant dans la décision de la Cour dans Mohawk Oil a été le fait que l'usine - sauf un élément appelé l'unité d'hydrotraitement - a été transférée à l'auteur du versement du montant du règlement. À l'alinéa 9m) de la réponse modifiée, l'intimée disait que, dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition, l'appelante avait déduit tous les frais juridiques relatifs à l'action intentée contre ASEA. En général, des frais juridiques ne sont déductibles que s'ils ont été engagés en vue de gagner un revenu, et les frais juridiques engagés dans le recouvrement de dommages-intérêts au titre du capital ne sont pas déductibles. Le fait que l'appelante a déduit des frais juridiques dans sa déclaration de revenus ne signifie pas que c'était bien fondé et que le montant du règlement est une rentrée d'argent au titre du revenu. En acceptant la déduction de frais juridiques, il semble que le ministre ait cafouillé. Dans le contexte des faits de l'espèce, peut-être que le ministre voulait que tout le monde gagne, alors qu'un gain fortuit, c'est un gain fortuit, mais des choses étranges arrivent de temps en temps dans le domaine mystérieux de la fiscalité. Depuis l'introduction d'un impôt sur le revenu - comme mesure temporaire, en 1917 -, le régime de perception fiscale a évolué par suite d'additions constantes conduisant à une métamorphose au terme de laquelle la Loi de l'impôt sur le revenu moderne est devenue un instrument de la politique économique et sociale visant à influer sur le comportement des gens et capable d'avoir un effet marqué sur le développement économique de certains secteurs géographiques du Canada. La Loi prévoit des incitatifs fiscaux pour favoriser la croissance de certaines industries et de certains investissements, y compris le développement de technologies nouvelles dans un marché en évolution rapide. En outre, elle établit entre les citoyens des distinctions qui se fondent souvent sur l'âge, sur la profession, sur la résidence ou sur le genre de placements détenus, sans que ce soit de la discrimination au sens de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans les années 1960, il y avait eu une brève incursion en terrain inconnu lorsque l'auteur du rapport de la commission communément appelée la commission Carter (Canada, Rapport de la Commission royale d'enquête sur la fiscalité, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1966) avait avancé qu'un principe digne d'être adopté était de traiter de la même manière tous les revenus reçus, la raison en étant qu'un dollar, c'est un dollar. Cette proposition n'a pas été acceptée, de sorte que les praticiens de diverses disciplines méconnues exerçant leur activité dans le monde obscur de l'imposition - et leurs êtres chers - continuent d'être assurés de pouvoir mettre du beurre sur leur pain.


[28]     Eu égard à la preuve - y compris l'exposé conjoint - et eu égard à la jurisprudence pertinente, je conclus que l'appelante était fondée à traiter le montant du règlement comme une rentrée d'argent non imposable. Donc, il n'y a aucun produit de disposition, et la cotisation du ministre n'est pas fondée. Je conclus qu'aucune disposition de la Loi n'exige - d'une façon générale ou particulière - que l'appelante déduise du coût en capital du système le montant du règlement - 4,8 millions de dollars - reçu d'ASEA et je conclus que ledit montant ne réduit pas par ailleurs la FNACC des biens amortissables de l'appelante entrant dans les catégories 29 ou 39. L'appel est admis avec dépens et la cotisation du 21 septembre 1999 est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon cette conclusion.

Signé à Toronto (Ontario), ce 5e jour de mars 2002.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d'août 2003.

Mario Lagacé, réviseur


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