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97-244(UI)

ENTRE :

LES INDUSTRIES J.S.P. INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 22 juin 1999 à Joliette (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Représentant de l'appelante :                Sylvain Viau

Avocate de l'intimé :                            Me Anne Poirier

JUGEMENT

L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de juillet 1999.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


Date: 19990715

Dossier: 97-244(UI)

ENTRE :

LES INDUSTRIES J.S.P. INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un dossier où le ministère du Revenu national a déterminé que le travail exécuté par messieurs Serge Perreault, Yoland Perreault, Pierre Perreault et Marie-Claude Perreault, pour le compte et bénéfice de la compagnie Les Industries J.S.P. Inc., pour la période débutant le 26 juin 1995, constituait un travail assurable.

[2]      Pour justifier sa détermination en date du 15 novembre 1996, l'intimé a pris pour acquis les faits suivants :

a)          le payeur a été constitué incorporé le 5 mai 1969;

b)          les actionnaires du payeur ayant droit de vote sont M. Jacques Perreault avec 1,000 actions, M. Serge Perreault avec 40 actions, M. Pierre Perreault avec 15 actions, M. Yoland Perreault avec 15 actions et Mme Marie-Claude Perreault avec 30 actions;

c)          MM. Serge et Pierre Perreault et Mme Marie-Claude Perreault sont les enfants de M. Jacques Perreault;

d)          M. Yoland Perreault est le frère de M. Jacques Perreault;

e)          le payeur exploite une entreprise spécialisée dans la fabrication et la vente de meubles;

f)           l'entreprise du payeur emploie entre 45 et 50 employés;

g)          M. Serge Perreault est le président du payeur, ses tâches consistent notamment à assurer le service à la clientèle et, en collaboration avec le dessinateur industriel, à planifier la production du payeur;

h)          M. Yoland Perreault est le directeur de l'usine du payeur, à ce titre ses tâches consistent notamment à gérer l'unité de production du payeur et à coordonner les différents départements;

i)           M. Pierre Perreault est le directeur des achats et le responsable de l'informatique, ses tâches consistent notamment à gérer les inventaires du payeur et le système informatique de celui-ci;

j)           Mme Marie-Claude Perreault est la directrice des ventes et du marketing du payeur, ses tâches consistent à l'élaboration du matériel de vente et de la publicité du payeur et s'occuper de la gestion du personnel de bureau;

k)          M. Serge, Pierre et Mme Marie Perreault recevait une rémunération brute de 600 $ par semaine;

l)           M. Yoland Perreault recevait une rémunération brute de 700 $ par semaine;

m)         ces travailleurs recevaient aussi un boni de fin d'année établi en fonction des profits du payeur;

n)          au cours de la période en litige, il existait un contrat de louage de services entre l'appelante et la travailleuse.

[3]      La compagnie appelante était représentée par son comptable, monsieur Sylvain Viau.

[4]      Madame Marie-Claude Perreault a témoigné, expliqué et décrit au moyen de plusieurs exemples son intérêt, son enthousiasme et son dynamisme et celui de ses frères pour les intérêts de la compagnie oeuvrant dans le domaine difficile et très compétitif de la construction de meubles.

[5]      Se partageant des responsabilités importantes et stratégiques de l'entreprise, elle et ses frères ne négligeaient strictement rien pour le mieux-être et le développement de l'entreprise contrôlée par monsieur Jacques Perreault, détenant 1,000 actions votantes mais non participantes.

[6]      Chacun touchait un salaire plus que raisonnable et profitait, à la fin de chaque année, d'un boni qui variait suivant les performances économiques de l'entreprise et la qualité du travail offert par les membres de la famille.

[7]      Les décisions importantes se prenaient dans la collégialité et consensus. Chacun consacrait un minimum de 60 heures dans le cadre de ses fonctions respectives pour la compagnie.

[8]      La prépondérance de la preuve a donc été à l'effet que les membres de la famille Perreault se dévouaient entièrement et totalement aux affaires de la compagnie. Ils y investissaient la plus grande partie de leur disponibilité (minimum 60 heures) de manière à ce que la compagnie puisse réussir dans un marché difficile où la compétition est féroce.

[9]      Les membres de la famille concernés par la détermination occupaient des fonctions importantes et essentielles et étaient rémunérés selon un salaire probablement inférieur à celui que la compagnie aurait dû payer à des tiers pour des fonctions similaires. Cette seule réalité a fait dire et conclure au représentant de la compagnie qu'il y avait là matière à ce que les emplois en question soient exclus des emplois assurables, en vertu des dispositions de l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi » ).

[10]     En effet, monsieur Sylvain Viau a soutenu, d'ailleurs avec raison, que les emplois entre personnes liées devaient être exclus dans les cas où les personnes concernées touchaient des bénéfices et avantages supérieurs à ceux qu'auraient pu recevoir des tiers, mais visaient aussi ceux et celles qui recevaient un traitement inférieur ou étaient désavantagés du fait d'être liés à ceux contrôlant l'entreprise.

[11]     Lorsqu'une personne occupe un poste stratégique de cadre pour une entreprise, il est usuel et normal que la description de tâches soit très difficile à définir. En qualité d'associé ou de partie à la direction d'une entreprise, une personne peut difficilement espérer une description de tâches définie, précise et limitée.

[12]     Le fait de contribuer et d'être associé à la gérance, à l'administration ou au développement d'une entreprise, et tout particulièrement lorsqu'il s'agit d'une petite entreprise, fait en sorte que la description de tâches est fortement empreinte d'éléments propres et caractéristiques de celles souvent assumées par les propriétaires d'entreprise eux-mêmes ou de personnes détenant plus de 40 p. 100 des actions votantes de la compagnie dans laquelle ils ont un emploi. En d'autres termes, à ce niveau de responsabilités, la composante rétribution doit s'apprécier avec prudence au niveau d'une comparaison avec des tiers; il existe souvent des avantages qui compensent pour le salaire moindre.

[13]     En l'espèce, le travail exécuté par madame Perreault et messieurs Perreault était, à plusieurs égards, comparable à celui accompli par les propriétaires d'entreprise. Cette seule réalité n'est pas en soi suffisante ou déterminante pour exclure leur travail des emplois assurables, d'autant plus que la compagnie employeur n'a jamais renoncé à son pouvoir de contrôler leur travail.

[14]     Il est possible et fréquent de voir des tiers qui se dévouent totalement à l'entreprise qui les emploie, particulièrement quand ils détiennent des fonctions de cadre. La motivation, le goût de développer l'entreprise, la fierté de contribuer à l'épanouissement, sont autant de raisons expliquant le zèle et l'ardeur de certaines personnes à leur travail. Il est fréquent de rencontrer des situations où des tiers s'investissent totalement dans les entreprises et où le calcul de la rémunération n'est pas essentiellement fonction des heures travaillées.

[15]     Le dévouement et l'enthousiasme sont souvent reconnus et récompensés lors du succès de l'entreprise. Il est toujours très difficile de faire des comparaisons au niveau des avantages et désavantages reliés à un poste stratégique dans une entreprise. À cette difficulté s'ajoute l'intérêt additionnel généré par le fait de posséder des actions participantes. Les critères édictés par la jurisprudence deviennent très utiles pour identifier la nature du contrat de travail.

[16]     En l'espèce, la preuve a démontré que la compagnie n'avait jamais renoncé à son pouvoir de contrôler le travail exécuté par les membres de la famille Perreault. D'autre part, il n'y avait aucun risque de perte ni chance de profit. Ils travaillaient avec l'équipement qui leur était fourni par la compagnie. Finalement, il s'agissait d'un travail totalement intégré aux activités de la compagnie.

[17]     Le représentant de la compagnie appelante s'est essentiellement replié derrière les dispositions prévues par l'alinéa 3(2)c) de la Loi. Il s'est référé également au jugement de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Raymonde Bérard, A-487-96 où l'honorable juge Hugessen s'exprimait comme suit :

Selon l'avocat, une interprétation téléologique de ce texte exige que soient exclus seuls les emplois où les conditions de travail sont démesurément avantageuses pour l'employé. Nous ne sommes pas d'accord. Rien dans le texte, ni encore dans le contexte, ne suggère une telle interprétation. Le but évident de la législation est d'exclure les contrats de travail entre des personnes liées qui ne sont pas de la même nature qu'un contrat normal conclu entre des personnes n'ayant pas un lien de dépendance entre elles. Il nous paraît clair que ce caractère anormal peut aussi bien se manifester dans des conditions désavantageuses pour l'employé que dans des conditions favorables. Dans les deux cas, la relation employeur-employé n'est pas normale et il est permis de soupçonner qu'elle a été influencée par d'autres facteurs que les formes économiques du marché du travail.

[18]     S'appuyant sur l'alinéa 3(2)c) de la Loi et sur le jugement Bérard, il a soutenu que le travail de madame Perreault et de messieurs Perreault devait être exclu des emplois assurables, étant donné que les conditions et modalités de leur travail faisaient en sorte qu'ils étaient en quelque sorte pénalisés et devaient subir plusieurs inconvénients du fait d'être liés à celui qui contrôlait la compagnie.

[19]     Il s'agit certes là d'une interprétation que le Tribunal respecte sans pour autant y souscrire. En effet, ce Tribunal n'a pas l'autorité pour tirer quelque conclusion que ce soit des faits mis en lumière par la preuve, étant donné qu'il n'a pas été démontré que l'évaluation ayant mené à la détermination avait été conduite d'une manière illégale.

[20]     La Cour d'appel fédérale a été saisie de plusieurs dossiers relatifs à l'étendue des pouvoirs de la Cour canadienne de l'impôt en matière d'assurabilité, déterminés à partir de la disposition prévue par l'alinéa 3(2)c) de la Loi.

[21]     Les plus importantes décisions sont sans doute les suivantes :

          Tignish Auto Parts Inc. c. le Ministre du Revenu national

          (25 juillet 1994, 185 N.R. 73)

          Ferme Émile Richard et Fils Inc. et le Ministre du Revenu national

          (1er décembre 1994, 178 N.R. 361)

          Procureur Général du Canada et Jolyn Sport Inc.

          (24 avril 1997, A-96-96, C.A.F.)

          Procureur Général du Canada et Jencan Ltd.

          (24 juin 1997, 215 N.R. 352)

          Bayside Drive-In Ltd. et Sa Majesté la Reine

          (25 juillet 1997, 218 N.R. 150)

[22]     En l'espèce, il n'y a eu aucune preuve à l'effet que l'intimé avait fait un usage abusif de sa discrétion; il n'a été reproché aucun grief quant à la façon dont la discrétion avait été exercée. Madame Perreault a reconnu dans son témoignage que toutes les personnes concernées par la détermination avaient répondu à plusieurs questions quant à la façon dont le travail était exécuté, concernant leur rémunération, etc. etc.

[23]     Certes, les conclusions retenues à la suite de l'évaluation ne sont pas conformes aux attentes de la compagnie, d'où elle en appelle. Il était cependant essentiel qu'il soit établi par une prépondérance de la preuve que la discrétion n'avait pas été exercée judicieusement ou avait manqué de rigueur. Étant donné qu'il n'a pas été démontré que l'exercice du pouvoir discrétionnaire avait été illégalement utilisé, je n'ai pas d'autre choix que de rejeter l'appel.

Signé à Ottawa (Canada) ce 15e jour de juillet 1999.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       97-244(UI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Les Industries J.S.P. Inc. et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Joliette (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 22 juin 1999

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 15 juillet 1999

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                       Sylvain Viau (représentant)

Pour l'intimé :                            Me Anne Poirier

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                   Nom :          

                   Étude :                  

Pour l'intimé :                            Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

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