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Dossier : 2001-1852(EI)

ENTRE :         

DOUGLAS LUSSIER,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 7 août 2003, à Prince Rupert (Colombie-Britannique)

 

Devant : L’honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimé :

Me Bruce Senkpiel

 

____________________________________________________________________

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté et la décision du Ministre est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints rendus oralement à l’audience.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de septembre 2003.

 

 

 

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juin 2005.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure


 

 

 

 

Référence : 2003CCI591

Date : 20030904

Dossier : 2001-1852(EI)

ENTRE :

DOUGLAS LUSSIER,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Révisés à partir d'une transcription des motifs du jugement rendus oralement à l’audience à Prince Rupert (Colombie-Britannique), le 7 août 2003)

 

Le juge Hershfield

 

[1]                         L’appelant était employé par Jasper Labour Services, à titre de charpentier autorisé, pour travailler à la construction d’une station de traitement d’eau. Il était membre de la Christian Labour Association of Canada, qui est affiliée à la section locale no 68 de la Construction and Allied Workers Union (le « syndicat »).

 

[2]                         Jasper et le syndicat avaient conclu une convention collective régissant le projet et l’emploi de travailleurs syndiqués. L’appelant a travaillé au projet du 20 mars 2000 au 19 avril 2000 et recevait une rémunération assurable pendant cette période. Après le 19 avril et ce, jusqu’à l’achèvement du projet en août 2000, il a reçu 12 000 $ en vertu des modalités du règlement à l’amiable conclu entre Jasper, le syndicat et l’appelant. La question en litige dans le présent appel est de savoir si l’appelant avait une rémunération assurable pendant la deuxième période.

 

[3]                         L’appelant n’a rendu aucun service en vertu du contrat de travail après le 19 avril. Le superviseur du projet lui avait dit qu’on le rappellerait. Personne ne l’a rappelé. Il s’est rendu sur les lieux et on lui a encore dit qu’on le rappellerait. On ne l’a toujours pas rappelé. Il a promptement déposé un grief devant le syndicat. Il est évident qu’il a été remplacé d’une manière irrégulière et que l’employeur n’a jamais eu l’intention de le rappeler. Il y avait un conflit entre l’appelant et le superviseur, ce que l’appelant a admis. Il semble clair, selon le témoignage de l’appelant, les modalités de la convention collective et le cadre général du règlement à l’amiable, que l’emploi aurait dû se poursuivre pendant toute la période de construction. Le remplacement de l’appelant était une violation des obligations de l’employeur. Néanmoins, aucun avis de cessation d’emploi n’a été remis, comme l’exigeait la convention collective. Autrement dit, le superviseur n’a pas fait ce qui était exigé dans la convention collective pour donner effet à la cessation d’emploi et, à d'autres égards, il semblerait que ce dernier n’a pas non plus respecté la convention. Par exemple, dans son témoignage, l’appelant a fait savoir que le superviseur n’avait pas avisé le syndicat, selon les modalités de la convention collective, lorsque le projet a débuté.

 

[4]                         Quoi qu’il en soit, le grief a été résolu selon les modalités du règlement à l’amiable. Il ne se dégage pas du règlement que l’employé a été mis à pied. Il est question de cessation d’emploi mais il ne s’agit pas d’une expression définie dans le règlement. Le paragraphe b) du préambule du règlement à l’amiable dit simplement que l’appelant Lussier [TRADUCTION] « a été renvoyé à la maison » et [TRADUCTION] « n’a pas été rappelé au travail », avant de décrire cette situation comme [TRADUCTION] « la cessation d’emploi ». À mes yeux, cela ne constitue pas une reconnaissance de la cessation d’emploi, mais plutôt une reconnaissance des circonstances telles qu’elles ont été expressément décrites par l’appelant dans son témoignage. Le règlement stipule également que l’employeur versera 12 000 $ [TRADUCTION] « pour le salaire perdu » moins les retenues d’impôt et les cotisations à l’assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada. La partie de l’assurance-emploi dont l’employé était responsable a également été traitée par l’employeur dans les modalités du règlement. Ledit règlement est expressément reconnu au paragraphe 5 comme un compromis dont le but n’est pas d’admettre une faute.

 

[5]                         L’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi pour la période postérieure au 19 avril 2000. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que les 12 000 $ versés ne provenaient pas d’un emploi assurable mais un Conseil arbitral a décidé qu’ils provenaient d’un emploi assurable. La Commission a appelé de la décision du Conseil arbitral devant un juge-arbitre et, de plus, a demandé et obtenu de l’ADRC une décision en vertu de l’article 90 de la Loi sur l’assurance-emploi. Selon la décision rendue par l’ADRC, les 12 000 $ versés ne provenaient pas d’un emploi assurable. L’appelant a appelé de cette décision de l’ADRC au Ministre en vertu de l’article 91 de la Loi sur l’assurance-emploi et le Ministre a confirmé la décision. Entre-temps, le juge-arbitre a révoqué la décision du Conseil arbitral, qui avait infirmé la conclusion de la Commission. Le juge-arbitre a confirmé que la compétence de déterminer la question de l’emploi assurable relevait de la Cour canadienne de l’impôt, en vertu de l’article 103 de la Loi sur l’assurance-emploi.

 

[6]                         Je constate que le Conseil arbitral est le seul tribunal antérieur compétent ou non qui a mentionné que l’emploi était assurable pendant la période en question. La décision du Conseil arbitral, invoquée par le juge-arbitre, repose sur le fait que l’appelant Lussier était toujours au service de l’employeur après le 19 avril 2000, qu’il a reçu une rémunération correspondant à plus de 600 heures de travail et que le règlement des 12 000 $ représentait le paiement des 600 heures de travail, conformément à la convention collective. L’appelant soutient que cela est exact. Il était employé pour travailler et, à titre d’employé, il s’est fait rémunérer les heures qu’il aurait dû travailler en vertu de son contrat de travail. L’appelant soutient que c’est la démarche habituelle de la Commission et que la décision de l’ADRC est incompatible avec une telle démarche.

 

[7]                         L’acceptation de ladite démarche par le Conseil arbitral appuie dans une certaine mesure la thèse que la Commission faisait preuve d'incohérence en appliquant les dispositions de la Loi. Je m’attarderai à cette incohérence plus loin dans les motifs. Bien que je mentionne pour le moment la démarche adoptée par le Conseil arbitral, je souligne également que je souscris à la conclusion du             juge-arbitre selon laquelle le Conseil n’avait pas la compétence requise pour trancher la question qui m’est dûment soumise.

 

[8]                         Néanmoins, je conviens de la conclusion du Conseil selon laquelle M. Lussier était toujours au service de l’employeur après le 19 avril et ce, jusqu’à la date du règlement à l’amiable, dans lequel il a été convenu que l’appelant ne retournerait pas au travail. En d’autres termes, j’accepte que l’emploi de l’appelant a effectivement pris fin seulement à la fin de cette deuxième période.

 

[9]                         La question en litige consiste donc à savoir si les fonds reçus pendant l’emploi au cours de ladite période, alors qu’il ne travaillait pas, proviennent d’un emploi assurable.

 

[10]                       L’intimé fait valoir que le paiement représente des         dommages-intérêts pour violation de la convention collective et que les    dommages-intérêts ne constituent pas une rémunération provenant d’un emploi assurable. La jurisprudence soutient de toute évidence cette thèse et, pour appuyer cet argument, l’intimé invoque l’article 9.1 du Règlement, qui se lit comme suit :

 

                             Lorsque la rémunération d’une personne est versée sur une base horaire, la personne est considérée comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures qu’elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée.

 

[11]                       La convention collective, au paragraphe 24.07, prévoit ceci :

 

                             [TRADUCTION]

Un employé considéré avoir été injustement congédié ou suspendu de ses fonctions se voit réintégrer dans lesdites fonctions sans perte d’ancienneté et avec le versement du salaire rétroactif calculé au taux horaire de . . . fois les heures ordinaires, moins toute somme reçue, ou selon tout autre arrangement qui est juste et équitable de l’avis du Conseil arbitral.

 

L’appelant soutient que le règlement à l’amiable représentait par conséquent un « salaire rétroactif » et non des dommages-intérêts.

 

[12]                       L’appelant fait valoir que cet article de la convention collective était la clause déterminante de son emploi décrivant convenablement sa situation en ce qui concerne la formulation du grief par son syndicat et sa tentative de faire appliquer la convention. Je l’ai dit, et je le répète, je ne crois pas que les circonstances telles que décrites par l’appelant constituent une cessation d’emploi ou un congédiement, mais j'ai l'impression que l’expression « suspension de ses fonctions » soit applicable. Il a effectivement été suspendu de ses fonctions et remplacé par un travailleur moins qualifié, alors qu’il était déjà au travail, chose que l’employeur ne peut pas faire. La mesure de redressement est la réintégration et le versement du salaire rétroactif calculé au taux des heures de travail ordinaires et, il me semble que c’est bien la formule qui a été adoptée en bout de ligne dans le règlement à l’amiable, sous réserve de tous droits. Par conséquent, l’appelant était employé; il a été suspendu de ses fonctions mais non congédié; et il a reçu un salaire rétroactif calculé selon les heures qu’il aurait travaillées s’il n’avait pas été suspendu de ses fonctions. S’agit-il d’une rémunération provenant d’un emploi assurable?

 

[13]                       Comme je l’ai mentionné, le Conseil arbitral a conclu qu’il s’agissait d’un emploi assurable. Il a conclu que l’appelant était toujours au service de l’employeur après le 19 avril et que ce dernier lui avait versé la rémunération correspondant à 600 heures de travail, conformément à la convention collective. On pourrait reformuler cette thèse en disant que l’appelant a reçu son revenu d’emploi conformément à son contrat de travail, contrat qui précisait sa rémunération dans les circonstances.

 

[14]                       Néanmoins, cette forme particulière de « salaire rétroactif » n’est pas versée pour un travail qui a été réellement effectué. Il y a violation du contrat et, malgré le contexte ou le libellé de la convention collective ou du règlement à l’amiable, il y a bel et bien un défaut de l’employeur de remplir les modalités de la convention collective et il y a une rectification et ladite rectification est le salaire perdu calculé selon les heures perdues. L’intimé fait donc valoir que le paiement représente des dommages-intérêts versés pour la violation de la convention collective et que lesdits dommages-intérêts ne constituent pas, on le répète, une rémunération provenant d’un emploi assurable.

 

[15]                       Bien que je convienne qu’il y a eu violation du contrat de travail en l’espèce et que le montant adjugé dans le règlement, même s’il a été versé conformément au paragraphe 24.07 de la convention collective, ce dont je conviens, était de la nature de dommages-intérêts, je dois reconnaître que le paiement versé à l’appelant était fait à l’égard de son emploi et conformément aux modalités du contrat de travail.

 

[16]                       Le Règlement de la Loi sur l’assurance-emploi en fait mention (voir le recueil des textes faisant autorité, invoqué par l’intimé, onglet 3, où le Règlement est cité et dans la partie 1, Rémunération assurable, paragraphe 2(1)). Ledit Règlement prévoit ce qui suit :

 

                             Pour l’application de la définition de « rémunération assurable » au paragraphe 2(1) de la Loi et pour l’application du présent règlement, le total de la rémunération d’un assuré provenant de tout emploi assurable correspond à l’ensemble des montants suivants :

 

                             a) le montant total, entièrement ou partiellement en espèces, que l’assuré reçoit ou dont il bénéficie et qui lui est versé par l’employeur à l’égard de cet emploi;

                             . . . (Je souligne)

 

Ce libellé est très englobant et, de toute évidence, les montants versés ici ont été payés à l’égard de l’emploi, si, comme j’en conclus, le contrat de louage de services s’est poursuivi pendant la période en question. Il y a un contrat de louage de services, dont un élément a été enfreint, mais cela ne signifie pas qu’il n’existait pas de contrat de louage de services.

 

[17]                       Au cours de l’argumentation, j’ai également fait mention à l’avocat de l’intimé d’une note dans la version Carswell de la Loi sur                         l’assurance-emploi où il est précisé qu'un contrat de louage de services et une rémunération attribuable audit contrat doivent exister pour qu'il y ait un emploi assurable. L’affaire Sprague c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1989] A.C.F. no 268 (C.A.F.) est citée à titre de jurisprudence à l'appui. L’avocat de l’intimé a trouvé cette affaire et en a fourni une copie. Fait intéressant, dans son bref jugement, la Cour d’appel fédérale conclut seulement qu’un contrat de louage de services doit exister pour qu'il y ait un emploi assurable. Rien dans ce jugement ne donne à penser que la rémunération est visée en autant qu’elle résulte dudit contrat. La meilleure source qui porte sur cet aspect de la définition de l’expression « emploi assurable » se trouve dans le Règlement cité.

 

[18]                       Ceci m’amène à dire que l’appelant a un argument solide et une position qu’il vaut la peine de plaider. Par contre, je suis confronté aux précédents de la présente Cour ainsi qu’à ceux de la Cour d’appel fédérale et quelque peu aux inférences de l’article 9.1 du Règlement et de ses répercussions sur la question.

 

[19]                       Aux fins du dossier, j’invoquerai brièvement les affaires dont l’intimé m’a fait mention et que l’appelant ne croit pas être compatibles, mais qui, à mon avis, sont suffisamment rapprochées pour être considérées valables. La première décision est l’affaire Granger c. Canada (ministre du Revenu national ‑  M.R.N.), [1999] A.C.I., no 400 (C.C.I.), rendue par le juge Mogan. Dans cette affaire, un employé avait été réintégré dans ses fonctions et indemnisé pour la perte de rémunération. Le juge Mogan s’est demandé s’il existait toujours un contrat de louage de services au moment où cette rémunération aurait dû être payée. Il a conclu qu’il n’y avait pas de contrat de louage de services à ce moment. Il a conclu que la réintégration était celle d’un ancien employé, une personne dont les services avaient pris fin. Il a conclu que les paiements constituaient « une indemnité pour perte de rémunération » et que, à titre d’indemnité compensatoire, ils n’étaient pas assurables. Il a néanmoins ajouté ceci au paragraphe 16 :

 

                             Si j’ai tort et qu’un contrat de louage de services existait effectivement au cours des périodes pertinentes, aucun service n’a été fourni à Balzer par l’appelant au cours de ces périodes et aucun salaire n’a été gagné. Un montant touché à titre d’indemnité compensatoire pour la perte de rémunération n’est pas une rémunération tirée d’un emploi assurable.

 

Il a invoqué les affaires Élément c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1996] A.C.F., no 718 (C.A.F.); Forrestall c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1996] A.C.F., no 1638 (C.A.F.); Berns c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1987] A.C.I., no 1010 (C.C.I.) et Falconbridge v. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.), [1989] T.C.J., no 229 (C.C.I.).

 

[20]                       Dans l’affaire Forrestall, décision de la Cour d’appel fédérale rendue en 1996, il a été décidé une fois de plus qu'à la suite d’un grief déposé par un employé (relativement à un prétendu congédiement qui, lors du règlement, a été reconnu comme étant une suspension), l’indemnité versée pour la perte de rémunération et d’avantages subie pendant la suspension représentait des « dommages-intérêts » et non des « salaires ». Le travailleur n’a pas réintégré ses fonctions mais s’est vu verser le montant qu’il aurait autrement gagné. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’il y avait une rémunération assurable pendant ladite période. La Cour d’appel fédérale a infirmé la décision du juge de la Cour canadienne de l’impôt et a dit, en s’inspirant de la décision rendue dans l’affaire Élément, qu’une personne qui ne fournit pas une prestation de travail et ne touche aucun salaire n’exerce pas un emploi assurable.

 

[21]                       Dans l’affaire Élément, la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision du juge de la Cour canadienne de l’impôt, qui avait conclu que le règlement dans une procédure de règlement de grief constituait des                        dommages-intérêts, même si les travailleurs recevaient un montant correspondant au salaire qu’ils auraient autrement gagné durant la période où ils auraient normalement travaillé. Une fois encore, il a été reconnu qu’une personne qui ne fournit pas une prestation de travail ou ne touche aucun « salaire » n’exerce pas un emploi assurable.

 

[22]                       Il m’est très difficile d’établir une distinction entre la présente espèce et les affaires examinées par la Cour d’appel fédérale et, par conséquent, je ne peux pas appliquer une loi d'une façon qui ne concorderait pas avec l'application qu'en a faite la Cour d'appel fédérale. Par ailleurs, comme je l’ai dit, les juges de la présente Cour en sont venus à des conclusions semblables. Outre l’affaire Granger, j’ai été amené à consulter l’affaire Moreau dont la décision a été rendue par le juge Tardif ([2000] A.C.I. no 280 (C.C.I.)). Cette affaire porte sur une indemnité qui, à mon avis, se distingue de la présente espèce; cependant, je constate que le juge Tardif s’est fortement inspiré de l’article 9.1 du Règlement sur l’assurance-emploi, qui dispose que, lorsque la rémunération d’une personne est versée sur une base horaire, il y a un emploi assurable seulement pour le nombre d’heures effectivement travaillées.

 

[23]                       Je conviens que, dans une affaire autre qu’une affaire d’indemnisation, il est permis de penser (s’il y a une formule pour calculer l’indemnisation lorsqu’aucune forme de travail n’est fournie) que la rémunération n’est pas calculée au taux horaire, de sorte que l’article 9.1 du Règlement ne s’applique pas. L’appelant soutient que le montant qu’il a reçu, soit 12 000 $, représentait un salaire; que le contrat subsiste; et qu’un calcul du montant dû en vertu du contrat a été fait et versé sous forme de salaire. L’argument que l’appelant désire apporter signifie, dans les faits, que deux genres d’indemnités étaient prévus dans son contrat de travail : le premier était un taux horaire pour les heures de travail effectuées; le second était un montant à verser pour la période pendant laquelle aucun travail n’avait été fait et où il aurait dû être fait; et que le second calcul de l’indemnité n’était pas fait sur un taux horaire, même si, en bout de ligne, il était fait comme si le travail avait été effectué sur une base horaire. Cette distinction est subtile mais elle est défendable. Malheureusement, elle semble aller à l’encontre des décisions de la Cour d’appel fédérale qui énoncent une thèse contraire.

 

[24]                       L’appelant a également fait valoir que le fait d’exiger que du travail soit effectivement effectuée pour que chaque heure soit considérée comme étant rémunérée exclurait les catégories de personnes qui ont un emploi assurable, même si elles n’ont pas travaillé. Je songe à un bon exemple à mentionner pour l’appelant, celui des employés qui sont payés pour être en disponibilité. Ils peuvent même recevoir un paiement en échange du temps pendant lequel ils sont en disponibilité sur une base horaire, même s’ils ne font aucun travail. Leur « travail » est leur disponibilité. En l’espèce, la disponibilité de l’appelant pour travailler n'est pas en litige. Il attendait d’être appelé. Il pensait qu’il recevrait un appel. Il n’a pas commencé à chercher un autre emploi. Cette analogie me semble solide, tout comme l’argument, mais, en bout de ligne, il reste une question à régler dans ces affaires, c.-à-d. que vise l’indemnité? S’il s’agit d’une indemnité versée pour que le travailleur fasse ce que l’employeur exige de lui, le montant est un « salaire ». S’il s’agit d’une indemnité versée pour compenser une violation ou une perte subie en raison d’une violation, le montant n’est pas un « salaire ».

 

[25]                       Je constate que l’appelant est frustré, voire fâché, d’avoir été choisi pour faire l’objet d’un examen à la loupe par les tribunaux, alors qu’en général, du moins selon son expérience, l’assurance-emploi est appliquée de telle sorte que les paiements versés conformément aux modalités d’un contrat de travail, qui, fait-il valoir, comprend un salaire rétroactif reçu dans sa situation, sont habituellement traités comme une rémunération assurable, tel que décrit dans la décision du Conseil arbitral. Par conséquent, à son avis, il est traité de façon incohérente et fait l’objet de discrimination en raison de la manière dont son employeur a rempli le relevé d’emploi. Il se pourrait bien qu’il ait raison. Si l’employeur n’avait pas rempli le relevé d’emploi comme il l’a fait, cette question n’aurait peut-être jamais été soulevée et l'appelant n’aurait pas été soumis à un examen par les tribunaux.

 

[26]                       Néanmoins, je ne peux formuler de conclusions quant à la pertinence du traitement d’autres affaires. Je ne peux que faire ma part pour aider à assurer la cohérence. Si je faisais abstraction des décisions de la Cour d’appel fédérale et de la présente Cour, je ne ferais qu’ajouter de la confusion dans un domaine où il y a cohérence judiciaire. C’est uniquement grâce à la cohérence des tribunaux que l’on peut assurer la cohérence dans l’application de la disposition de la Loi sur l’assurance-emploi.

 

[27]                       La question devant moi est de savoir si les paiements sont des indemnités versées en contrepartie de choses que l’employeur demande à l’employé ou en compensation d’une violation et d’une perte subie à la suite de ladite violation. La clause déterminante de la convention collective qui a entraîné le paiement de 12 000 $ est là pour remédier à une violation. L’appelant a été injustement mis dans l’impossibilité de gagner le montant auquel il avait droit en vertu du contrat de travail et qu’il avait le droit de recevoir selon les modalités dudit contrat. Le montant qu’il a reçu en vertu du règlement à l’amiable n’était, à mon avis, rien de moins que des dommages-intérêts versés pour la violation par l’employeur de l’exclusion irrégulière de l’appelant du travail que la convention collective exigeait qu’il effectue.

 

[28]                       À cet égard, je ne constate aucune distinction entre la présente affaire et celles que la Cour d’appel fédérale a examinées lorsqu’elle a conclu que les indemnités versées en compensation de violations à des contrats de travail n’étaient pas visées par la Loi sur l’assurance-emploi.

 

[29]                       Bien que j’admette que l’appelant a fait valoir des arguments convaincants et que je sois préoccupé par le fait que les paiements en question auraient pu, n'eut été des décisions exécutoires de la Cour d’appel fédérale, avoir été considérés comme étant assurables selon la définition donnée au paragraphe 2(1) du Règlement, je suis tenu de respecter les décisions de la Cour d’appel fédérale. Je suis lié par elles et, par conséquent, je conclus que l’appel doit être rejeté. Les 12 000 $ en litige n’ont pas été versés à l’égard d’un emploi assurable.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de septembre 2003.

 

 

 

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juin 2005.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure

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