Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20020613

Dossier: 2001-3165-IT-I

ENTRE :

GUY DIONNE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel relatif aux années d'imposition 1995, 1996 et 1997.

[2]            Les cotisations sur lesquelles porte l'appel ont été établies en prenant pour acquis les faits suivants :

a)              Généralités

i)             durant les années en litige, l'appelant exerçait le métier d'entrepreneur électricien;

ii)            pour les années d'imposition 1995 et 1996, l'appelant ne possédait pas un permis de pratique de la Régie du Bâtiment du Québec;

iii)           l'appelant a déclaré, pour les années d'imposition 1995 et 1996, qu'il était dans l'impossibilité d'établir des états financiers, car il aurait détruit tous les documents à l'égard des revenus et dépenses;

iv)          à l'égard de l'année d'imposition 1997, l'appelant a produit sa déclaration de revenus dans le délai imparti, mais en soumettant un état des résultats pour une période tronquée, soit celle du 1er août 1997 au 31 décembre 1997.

b)             Avis de nouvelles cotisations datés du 6 décembre 1999

i)             en 1997, le Ministre a joint l'appelant pour lui demander de produire ses déclarations de revenus pour les années 1995 et 1996

ii)            le 10 février 1998, le Ministre recevait des déclarations de revenus pour les années d'imposition 1995 et 1996 dans lesquelles l'appelant avait inscrit aucun revenu d'entreprise.

iii)           au mois d'avril 1998, l'appelant a produit dans les délais impartis sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1997, mais en y inscrivant que des revenus d'entreprise pour la période s'échelonnant du 1er août 1997 au 31 décembre 1997;

iv)          le 9 juin 1999, le Ministre envoya à l'appelant une lettre dans laquelle il lui faisait part de son intention de redresser les déclarations de revenus pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997, en y ajoutant respectivement les sommes de 89 981 $, de 111 162 $ et de 87 781 $, au titre de revenus d'entreprise non déclarés et, d'y appliquer la pénalité conformément au paragraphe 163(2) de la Loi, le tout sous réserve de tout renseignement pertinent que l'appelant aurait eu l'amabilité de lui faire parvenir dans les prochains trente (30) jours;

v)           l'appelant ou la représentante de l'appelant fit parvenir au Centre fiscal de Jonquière des déclarations de revenus modifiés pour les années d'imposition 1995 et 1996, au lieu de les envoyer à la vérificatrice au dossier;

vi)          le 14 septembre 1999, le Ministre a émis à l'encontre de l'appelant, de nouvelles cotisations pour les années d'imposition 1995 et 1996, afin de prendre en compte les sommes modifiées, telles que soumises, à l'égard des revenus bruts et nets déclarés à titre d'entrepreneur électricien :

                                                                              1995                        1996

« Guy Dionne Électricien enr. »

revenus bruts                                        61 234 $ 57 443 $

revenus nets                                          2 227 $    2 558 $;

vii)         le 30 septembre 1999, le Ministre envoya à l'appelant une lettre dans laquelle il lui faisait de sa décision d'établir respectivement à des sommes de 28 747 $, de 53 719 $ et de 86 975 $, les revenus nets d'entreprise non déclarés, à l'égard des déclarations de revenus pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997 et, d'y appliquer la pénalité conformément au paragraphe 163(2) de la Loi.

viii)        le Ministre calcula les revenus d'entreprise non déclarés de la façon suivante :

                                                                              1995                        1996

revenus selon projet                             89 981 $ 111 161 $

(dépôts retracés dans les

comptes de banque)

revenus bruts déclarés,

selon déclarations de

revenus modifiées                                 61 234 $                57 443 $

                                28 747 $                53 718 $;

ix)           à l'égard de l'année d'imposition 1997, le Ministre calcula les revenus d'entreprise non déclarés de la façon suivante :

comptes à recevoir

au 30 avril 1997                                                      6 139 $

factures de ventes                                                                30 192 $

Dépôts    # 19262                    36 339 $

# 30194                    14 305 $                 50 644 $

                                                                                                              86 975 $

x)            par avis de nouvelles cotisations datés du 6 décembre 199, le Ministre établissait les sommes suivantes, au titre de revenus nets provenant de l'exploitation de l'entreprise « Guy Dionne Électricien enr. » :

                                              1995                        1996                        1997

revenus nets

déjà cotisés                          2 227 $    2 558       $               2 829 $

ajout - revenus

non déclarés                        28 747 $                 53 718 $                 86 975 $

revenus nets                        30 974 $                 56 276 $                 89 804 $

c)              Avis de nouvelles cotisations datés du 20 juin 2001

i)             à l'étape des oppositions, le Ministre a été convaincu qu'il fallait diminuer les revenus non déclarés des sommes suivantes :

                                                                              1995                        1996

revenus nets d'entreprise    30 974 $ 56 276 $

cotisés

moins :

dépôts ne provenant

                              pas de l'entreprise                 2 596 $    15 432 $

dépôts-déjà imposés

par factures                                                            5 787 $

mauvaises créances                                              2 687 $

revenus nets d'entreprise

révisés                                                    28 378 $                 32 370 $;

ii)              en omettant de déclarer respectivement les sommes de 26 150 $, de 29 812 $ et de 86 975 $, l'appelant a fait sciemment, ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenus produites pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997, ou a participé, consenti ou acquiescé à ce faux énoncé ou cette omission, d'où il résulte que l'impôt qu'il aurait été tenu de payer d'après les renseignements fourni dans chacune de ses déclarations de revenus déposées pour ces années-là était inférieur au montant d'impôt à payer pour chacune de ces années-là.

d)             Pénalité - Production tardive

i)               la déclaration de revenus de l'appelant pour chacune des années d'imposition 1995 et 1996, devait être produite respectivement au plus tard le 30 avril 1996 et le 30 avril 1997;

ii)              la déclaration de revenus de l'appelant pour chacune des années d'imposition 1995 et 1996 n'a pas été produite avant le 10 février 1998;

iii)             les nouvelles cotisations datées du 20 juin 2001, à l'égard des années d'imposition 1995 et 1996, ont établi l'imposition d'une pénalité pour production tardive totalisant les sommes respectives de 517,54 $ et de 454,74 $.

[3]            Les questions en litige sont les suivantes :

a)              déterminer si les sommes respectives de 26 150 $, de 29 812 $ et de 86 975 $, furent correctement ajoutées dans le calcul du revenu de l'appelant, à l'égard des années d'imposition 1995, 1996 et 1997, à titre de revenus d'entreprise non déclarés;

b)             déterminer si le Ministre du Revenu national, à l'égard des années d'imposition 1995 et 1996, était en droit d'imposer l'appelant d'une pénalité pour production tardive totalisant les sommes respectives de 517,54 $ et de 454,73 $;

c)              déterminer si l'imposition de la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), à l'encontre de l'appelant, pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997, était justifiée.

[4]            L'appelant et madame Régina Francoeur ès-qualité de responsable de la tenue de livre de l'appelant, mais à compter de 1997 seulement, ont témoigné. Il est ressorti de leur témoignage que l'appelant n'avait aucune comptabilité. Toutes les opérations relatives au commerce, jusqu'en 1997, transitaient par un seul compte bancaire également utilisé pour les affaires personnelles de l'appelant et les opérations de la compagnie d'immeubles « Paguy-Hena Inc. » que ce dernier contrôlait.

[5]            Au moment de la vérification, l'appelant n'avait fait aucune déclaration de revenus relativement aux années d'imposition 1995, 1996 et 1997.

[6]            Suite à une demande formelle de produire des déclarations de revenus pour les années en cause, il a soumis des déclarations pour les années 1995 et 1996 à l'effet qu'il n'avait touché aucun revenu, contredisant ainsi ses premières déclarations et affirmations verbales à l'effet que l'entreprise avait été inopérante pour ces années. Quant à 1997, il a produit une déclaration couvrant la période du mois d'août à décembre 1997 seulement.

[7]            D'entré de jeu, l'appelant a admis et reconnu n'avoir pas soumis les déclarations de revenus pour les années en cause dans les délais prescrits par la Loi.

[8]            N'ayant aucune pièce ni registre comptable quant à son entreprise, la vérificatrice a dû procéder au calcul des revenus au moyen des dépôts, seule avenue possible dans les circonstances.

[9]            Lors de la révision, plusieurs correctifs furent apportés; l'intimée a ainsi accepté la presque totalité des explications fournies et, a diminué, pour autant les revenus qui lui furent d'abord attribués.

[10]          Quant à l'année 1997, l'agent des appels a indiqué avoir contacté, sans succès, à plusieurs reprises l'appelant; il a même indiqué la date précise où il avait informé ce dernier, que faute de collaboration, il fermerait le dossier pour émettre les cotisations finales.

[11]          À l'audition, j'ai explicitement indiqué à l'appelant la nature du fardeau de preuve qui lui incombait et qu'il devait, pour ce faire, démontrer suivant une prépondérance de la preuve que ses revenus étaient conformes à ses prétentions par le biais de documents, pièces et renseignements vraisemblables.

[12]          Non seulement l'appelant n'a pas soumis une telle preuve, il a essentiellement critiqué la façon de procéder de l'intimée. Malgré les rappels à l'ordre quant à la nécessité de démontrer le bien-fondé de ses prétentions, l'appelant n'a jamais fourni, produit et démontré quoi que ce soit, qui soit de nature à discréditer la qualité du travail de la vérificatrice.

[13]          La preuve soumise par l'appelant a essentiellement consisté à affirmer qu'il avait fait son possible, répétant que les entreprises qui oeuvrent dans le domaine de la construction ne font pas d'argent, qu'à lui seul, il n'avait pas pu faire le chiffre d'affaires attribué et que de façon générale le coût des matériaux représentait environ 40 p. 100 et la main d'oeuvre 60 p. 100.

[14]          Il a critiqué la méthode du calcul des revenus de son entreprise à partir des dépôts, en se référant à diverses hypothèses telles les retours de taxes, remboursements de dépenses, dépôts d'un montant d'emprunt, etc. Selon l'appelant, il s'agissait là de montants qui avaient pu transiter par les dépôts tout en n'étant carrément pas des revenus.

[15]          Madame Francoeur n'a, quant à elle, strictement rien soumis qui soit de nature à soutenir les prétentions de l'appelant. Elle a essentiellement confirmé qu'il n'existait pas de registre comptable; elle a aussi critiqué l'arbitraire de la formule utilisée (calcul des revenus à partir des dépôts bancaires). Elle a fourni quelques exemples de montants qui n'étaient pas des revenus. Elle a ainsi fait état de remboursement de dépenses encourues par l'appelant dans le cadre d'activités de bénévolat, de remboursements de taxes, du produit d'emprunt, etc. Or, il a été démontré que tous les dépôts particuliers ne constituant pas des revenus avaient été soustraits lors de la révision.

[16]          En d'autres termes, lors de la révision, tous les dépôts expliqués furent soustraits des revenus. D'ailleurs, l'appelant n'a pas été en mesure de fournir un seul exemple concret d'une quelconque erreur; il n'a fait référence à aucun montant comptabilisé comme revenu qui n'en n'était pas un.

[17]          L'appelant n'a soumis aucune preuve qui soit de nature à me permettre de lui donner raison en tout ou en partie.

[18]          Modifier une cotisation est un exercice essentiellement rationnel et mathématique. En l'espèce, je ne puis pas arbitrairement ou intuitivement en arriver à la conclusion que le travail de vérification a été exécuté d'une manière capricieuse ou fautive dans un premier temps et déterminer, dans un deuxième temps, que les chiffres à l'origine de la cotisation auraient dû être différents, puisque rien dans la preuve ne commande une telle correction.

[19]          Pour modifier ou réduire la cotisation à l'origine de l'appel, il eût fallu que l'appelant fournisse à ce Tribunal la matière indispensable pour ce faire. Or, comme il n'en a rien fait, je dois donc confirmer le bien-fondé de la cotisation.

Quant aux pénalités

[20]          Pour ce qui est des pénalités pour productions tardives en vertu de l'alinéa 150(1)d) de la Loi, l'appelant l'a d'abord admis; il a fourni toutes sortes de raisons irrecevables pour tenter de justifier sa totale négligence et incurie.

[21]          L'appelant s'est également vu imposer les pénalités prévues par le paragraphe 163(2), qui se lit comme suit :

163(2)      Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la présente loi ou à son règlement, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition conformément à la présente loi ou à son règlement, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

                ...

[22]          En cette matière, le fardeau de la preuve incombait à l'intimée. Pour relever le fardeau, la preuve a révélé qu'il s'agissait de revenus considérables dont la totalité n'avait pas été déclarée.

[23]          Après avoir formellement avisé l'appelant de son obligation de produire les déclarations de revenus pour les années 1995, 1996 et 1997, ce dernier a indiqué dans un premier temps, verbalement, qu'il n'y avait pas eu d'opérations pour les années 1995 et 1996.

[24]          Se ravisant, il a ensuite confirmé le tout par écrit en produisant des déclarations attestant par sa signature, n'avoir touché aucun revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996. Plus tard, il a produit, à nouveau, d'autres déclarations où, cette fois, il déclarait des revenus importants et ce, pour les mêmes années.

[25]          Ce sont là des éléments largement suffisants pour conclure que l'appelant a sciemment fait de faux et mensongers énoncés pour les années visées par le présent appel.

[26]          La preuve a révélé que l'appelant était un homme d'affaires qui exploitait une entreprise depuis plusieurs années. Il exploitait une entreprise qui générait des revenus importants; il n'avait aucun registre comptable, aucune tenue de livre et gardait les pièces essentielles pêle-mêle dans une boîte.

[27]          De plus, les représentations mensongères n'avaient pas trait à des peccadilles, il s'agissait de montants substantiels. Les revenus ont dû être déterminés à partir des dépôts bancaires puisque l'appelant avait été négligeant au point de ne strictement rien avoir qui aurait permis de faire une vérification; bien plus, toutes affaires personnelles de l'appelant transitaient par un seul compte qui regroupait les opérations de l'entreprise et d'une compagnie qu'il contrôlait.

[28]          Conséquemment, il n'y a pas lieu d'intervenir quant au bien-fondé des pénalités qui, dans les circonstances, étaient totalement justifiées.

[29]          L'appel est donc rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de juin 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2001-3165(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Guy Dionne et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Percé (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 27 mai 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 13 juin 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                     L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                            Me Claude Lamoureux

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2001-3165(IT)I

ENTRE :

GUY DIONNE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 27 mai 2002 à Percé (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                            Me Claude Lamoureux

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de juin 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.