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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-3593(IT)I

ENTRE :

ERIC G. DEMONT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 22 juillet 2002, à New Glasgow (Nouvelle Écosse), par

l'honorable juge T. E. Margeson

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Frank E. Demont

Avocat de l'intimée :                   Me R. Scott McDougall

JUGEMENT

L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est admis et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que l'appelant était en droit de déduire des frais médicaux de 4 409,52 $ ainsi que le prix du billet d'avion pour se rendre en Californie au montant de 603,00 $.

L'appelant aura droit à ses frais entre parties, qui seront taxés ou dont il sera convenu par les parties.

L'appelant n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'octobre 2002.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de septembre 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20021023

Dossier: 2001-3593(IT)I

ENTRE :

ERIC G. DEMONT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Margeson, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un l'appel interjeté par Eric G. Demont à l'encontre d'une nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) dont l'avis est daté du 21 novembre 2000. Dans cette nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour l'année 1999, le ministre a refusé les frais médicaux de 12 182 $ engagés par l'appelant et la patiente (son épouse) pour suivre le programme du Dr Dean Ornish intitulé « Program for Reversing Heart Disease » (programme visant à combattre les maladies du coeur) à l'institut de recherche sur la médecine préventive, le Preventive Medicine Research Institute (le « PMRI » ) à Oakland (Californie), ainsi que d'autres sommes dont le paiement n'était pas attesté par des pièces justificatives et qui ne sont pas en cause dans le présent appel.

[2]      La nouvelle cotisation portait également sur des sommes reliées à un revenu étranger non tiré d'une entreprise et à l'impôt étranger payé qui a été par la suite admis dans un avis de nouvelle cotisation daté du 4 janvier 2001; ces sommes ne sont pas en cause dans le présent appel.

[3]      La question en litige dans le présent appel est de savoir si l'appelant a le droit de déduire la somme de 10 696 $ relative au « programme » ou « traitement » suivi à la « clinique » .

[4]      La pièce A-2 a été déposée par consentement et comprend un article décrivant la clinique et les qualifications de son fondateur et d'autres membres du personnel de la clinique dont un autre médecin en titre, le Dr William Porter. Franz Rischard était un étudiant en ostéopathie de la Western University of Health Sciences possédant une vaste expérience en physiologie et en réadaptation cardiologique. Il possédait également de l'expérience en matière d'adaptation du coeur après des blessures. Arthur Richards s'occupait à la fois des unités résidentielles de base et spécialisées. Il participait activement au programme d'approche axé sur la collectivité visant à prévenir les maladies chroniques, notamment le diabète et les maladies du coeur. Il était à la fois professeur et étudiant à la clinique.

[5]      L'onglet 2 de la pièce A-1 comprend un grand nombre d'indications sur l'état de santé de l'épouse de l'appelant, sur la nature de son affection, sur l'avis médical qui lui a été donné et sur la nature du traitement fourni par des médecins expérimentés de Nouvelle-Écosse, parmi lesquels se trouvaient des spécialistes et des généralistes.

[6]      À l'onglet 4, la pièce contient également une note au dossier de l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ) adressée à Eric Demont, qui a été déposée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et qui indiquait que le ministre était d'avis que le programme de la « clinique » consistait en un programme d'exercices stricts et en un régime faible en matières grasses. Le ministre y décrivait le programme comme [traduction] « un changement de mode de vie en vue de prévenir des problèmes de santé futurs » . Il soulignait que la décision de se rendre à la clinique appartenait uniquement au client et que le médecin n'avait pas recommandé cette clinique en particulier mais avait plutôt conseillé au client de chercher une certaine forme de revascularisation.

[7]      Le ministre a indiqué que le dossier avait été étudié par la conseillère technique et que cette dernière avait jugé qu'il ne comportait pas d'indications de services médicaux autres que des analyses sanguines, des contrôles de la pression artérielle et un suivi régulier. Selon elle, les services fournis à la « clinique » [traduction] « n'étaient pas différents des services offerts dans un relais santé » .

[8]      Eric G. Demont a témoigné qu'il avait informé l'ADRC que sa femme avait souffert d'une maladie du coeur avant de se rendre à la clinique. Il avait lui aussi un problème cardiaque et avait subi une chirurgie cardiaque. Par la suite, il a lu un livre sur la façon de combattre les maladies du coeur en suivant un régime. Il a ensuite lu des documents relatifs à la clinique du Dr Ornish, et le programme lui a semblé intéressant. Il souhaitait se rendre à la clinique afin de combattre son affection cardiaque car il croyait que le fait de ne pas changer ses habitudes de vie après une chirurgie cardiaque pouvait entraîner une récurrence du problème. Il était préoccupé par son mode de vie futur. Il a vu le Dr Ornish à la télévision et il estimait avoir recueilli assez de renseignements à son sujet entre 1999 et 2000. Lorsqu'une cardiopathie a été diagnostiquée chez sa femme, et après que les médecins lui ont recommandé de subir une angioplastie ou un pontage aorto-coronarien, il a envisagé le traitement de la clinique comme solution de rechange.

[9]      Il a été avisé que le risque des deux interventions était égal; cela était difficile à accepter pour lui et il a donc demandé au Dr Sheridan pour quel motif le risque était le même, ce qui lui a été expliqué. L'appelant a souligné que sa femme ne voulait pas subir de chirurgie s'il était possible de recevoir un autre type de traitement. Il a communiqué avec la clinique et a pris des dispositions afin de s'y rendre en septembre 1999. Il comptait s'inscrire au programme, voir en quoi il modifiait le mode de vie, et le suivre; puis, si l'angine de sa femme ne s'aggravait pas outre mesure, il en tirerait la conclusion que ce programme pouvait combattre la maladie.

[10]     À la clinique, environ une centaine de personnes suivaient le programme à la même époque qu'eux. Les patients étaient répartis en cinq ou six groupes. Ils se rencontraient et exerçaient certaines activités. Dix ou douze patients étaient assignés à un médecin, un nutritionniste, une infirmière autorisée et un technicien médical d'urgence. Le Dr Ornish en personne donnait des conférences et pouvait être consulté. Le programme commençait à sept heures du matin et comprenait des séances de yoga et des techniques de respiration et de relaxation. Les participants mangeaient un petit déjeuner faible en matières grasses, exempt de toute graisse animale. Puis une présentation avait lieu afin d'expliquer aux participants ce qu'ils feraient durant la journée. Ces présentations étaient données par un cardiologue, un nutritionniste et un chirurgien cardiologue. Le programme d'exercice comprenait des poids et haltères, des étirements, de la danse aérobique et de la marche ou du jogging pendant 45 minutes. Au cours de la séance d'exercice, la tension artérielle et le pouls étaient pris sur les lieux à intervalles réguliers. Après une pause pour dîner, des démonstrations de cuisine faible en gras étaient données en après-midi, suivies d'une séance de relaxation. Après le souper, en soirée, les groupes se réunissaient pour discuter du programme.

[11]     Le programme s'est poursuivi durant les jours suivants avec d'autres conférences et des séances d'exercice différentes.

[12]     Ce témoin a soutenu qu'il ne s'agissait pas d'un relais santé puisque des spécialistes y participaient. Qualifier la clinique de relais santé dénote une mauvaise compréhension du programme. Selon lui, l'ADRC n'a pas bien compris la nature du programme.

[13]     Ils se sont logés au Claremont Hotel, qui était situé à 5 000 kilomètres de leur domicile. Ils ont voyagé en avion par Air Canada. Il a présenté l'onglet 3 de la pièce A-1 comme étant un sommaire de ses dépenses, lesquelles s'élevaient à 12 182 $.

[14]     Le témoin a fait remarquer que, d'après ses nombreuses lectures et ses discussions avec des professionnels et d'autres personnes, ce programme était unique et qu'il n'avait pu en trouver un autre équivalent. Le volet principal du programme comprenait la consommation de nourriture faible en matières grasses, des exercices réguliers et de la relaxation, qui avaient pour effet d'améliorer l'état de santé et même de combattre la maladie, tout en prévenant les cardiopathies.

[15]     Il a demandé au Dr Sheridan d'écrire une lettre au PMRI au sujet de cette clinique, ce qu'il a refusé de faire en sa qualité de chirurgien. Il n'approuvait pas le programme. Il était d'avis que le seul moyen de guérir la maladie était de pratiquer une angioplastie ou une cardiochirurgie.

[16]     L'appelant et sa femme n'ont pas eu connaissance d'un autre programme pouvant donner les mêmes résultats que celui du Dr Ornish. Il a reconnu qu'aucun autre médecin n'avait émis l'idée qu'il était possible de régler le problème par le biais d'un régime, d'exercices et de relaxation. À l'époque, il n'y avait pas d'information sur ce type de programme sur Internet comme c'est le cas aujourd'hui.

[17]     La clinique Mayo avait une page Web sur les soins de santé, mais il n'a trouvé aucun autre programme qui prenait en main le problème comme le faisait le Ornish Clinic Program. La seule critique à l'égard du programme dont il a eu connaissance était que le régime était extrêmement faible en matières grasses et qu'il était très difficile de le suivre à la lettre. Lui et son épouse l'ont suivi. Ils ont tenté de manger du poisson, peu de viande (l'agneau était dégusté à titre de repas exceptionnel), pas de porc, pas de rôti de boeuf. Ils mangeaient des légumes. Lui et sa femme faisaient de l'exercice quatre fois par semaine au gymnase. Ils marchaient ou faisaient du jogging en hiver comme en été, passaient une heure dans une salle de culture physique et jouaient au tennis. Ils n'avaient aucun problème quant à la relaxation. Il lit, et sa femme fait du yoga.

[18]     Après la fin du programme, ils utilisèrent le site Web pour communiquer avec d'autres participants, comparer les résultats, échanger sur leurs activités et partager leurs sentiments. Il a suivi le programme à titre de conjoint d'une participante qui ne voulait pas subir de chirurgie cardiaque. Ils savaient que certains effets du pontage aorto-coronarien étaient indésirables car il en avait eu l'expérience; en raison d'un problème survenu lors de sa chirurgie, il lit maintenant très lentement. Il arrive également que l'on souffre de changements d'humeur, de dépression et d'irritabilité après une telle chirurgie.

[19]     Il a accompagné sa femme pour suivre le programme car le personnel de la clinique croyait qu'il était important que les deux conjoints suivent le programme ensemble afin de pouvoir se soutenir mutuellement; de plus, il souhaitait le suivre car il avait lui-même des troubles cardiaques.

[20]     Il a admis qu'en juin 1999, le Dr Sheridan avait recommandé une chirurgie à coeur ouvert ou une angioplastie, mais sa femme ne voulait pas subir de chirurgie à coeur ouvert. Par conséquent, il souhaitait obtenir plus de renseignements. Il avait entendu parler de la clinique Ornish et ils ont dès lors envisagé cette solution. Il a déclaré que, après avoir subi une chirurgie à coeur ouvert, il voulait obtenir plus d'information sur la maladie, et c'est ainsi qu'il en est venu à lire le livre du Dr Ornish sur le traitement des maladies du coeur. Il s'était également procuré d'autres livres avant que le Dr Sheridan ne recommande une angioplastie ou une chirurgie à coeur ouvert. Après avoir lu le livre, il a compris qu'il devait changer de mode de vie et il a adopté un régime faible en matières grasses. Il est devenu semi-végétarien. Résultat : ses maux de tête ont disparu. Il a commencé à faire du jogging dès la fin des années 1950. Il a découvert qu'il n'avait pas à faire de si grands changements dans sa vie pour accomplir le programme Ornish. La relaxation ne lui posait pas problème, mais il savait à quel point les trois volets du programme étaient importants.

[21]     À la clinique, il y avait des diététistes, des médecins, des conseillers en culture physique, des physiologistes et des psychiatres. Précédemment, aucun des médecins qu'il avait consultés n'a jamais vraiment discuté avec lui ou son épouse du fait qu'un changement de mode de vie pouvait permettre de traiter une cardiopathie.

[22]     Sa femme, aujourd'hui retraitée, avait été directrice d'athlétisme à l'université Mount Saint Vincent (Halifax) et professeure d'éducation physique à l'école secondaire St. Pat (Halifax). Elle avait également siégé au conseil d'administration du YMCA et avait participé à l'Association canadienne pour l'avancement des femmes, du sport et de l'activité physique. Elle connaissait très bien les avantages d'un mode de vie actif même si elle n'avait pas adopté un régime semi-végétarien comme lui. Elle mangeait tout de même moins de viande grasse qu'auparavant.

[23]     Il a répété qu'il ne connaissait aucun autre programme visant à combattre les maladies du coeur comme le fait le programme Ornish. Il ne s'est pas renseigné à ce sujet, mais il était convaincu qu'il n'y en avait pas d'autres après avoir lu des revues portant sur la santé et avoir effectué des recherches sur Internet. Il jugeait que le programme Ornish était vraiment radical. Ils ne sont tombés sur aucun autre programme qui traitait les trois aspects du problème comme le faisait le programme Ornish.

[24]     Lorsque les problèmes de sa femme furent discutés avec le Dr Sheridan, ce dernier a suggéré la pharmacothérapie comme solution de rechange. Depuis 1998, elle prenait des médicaments, mais cela ne semblait pas l'aider beaucoup. Le Dr Sheridan a conseillé de suivre l'un des trois autres traitements. Il n'a pas communiqué avec la Fondation des maladies du coeur du Canada.

[25]     La clinique Ornish ne fonctionne que durant trois périodes de l'année. Ils ont pris la décision de s'y rendre environ trois mois à l'avance. Vers l'époque où le Dr Sheridan a conseillé les deux autres options, ils ont fait enlever le nom de sa femme de la liste d'attente pour une intervention chirurgicale après avoir obtenu des renseignements sur la clinique.

[26]     Il a admis qu'en 2000 sa femme avait subi une angioplastie même si elle avait été traitée à la clinique Ornish. Il a expliqué qu'elle avait deux obstructions, l'une de 90 pour 100 et l'autre de 70 pour 100, et qu'en 1999 ces obstructions n'avaient pas du tout évolué. Toutefois, en 2000, après que le programme Ornish a été complété, l'obstruction de la branche avait été réduite d'environ 15 pour 100 (ou moins), et il attribuait ce changement au traitement reçu à la clinique. Le rapport indiquait que le risque avait été réduit de manière significative et que l'intervention (angioplastie) n'était pas compliquée. Par conséquent, une angioplastie a été pratiquée afin de permettre à son épouse d'effectuer des exercices plus énergiques sans souffrir d'angine.

[27]     Il a admis que le programme de la clinique consistait principalement en des conférences, des démonstrations et des exercices pratiques. Les conférences n'étaient pas toutes données par des médecins. Il n'y avait pas d'autres activités de groupe, bien qu'à un certain moment il ait contacté l'un des médecins qui était spécialisé dans les lipides et le sang. Il lui a parlé des médicaments, des doses et de la période de temps durant laquelle les médicaments devaient être pris. Le médecin lui a recommandé de cesser de prendre l'un de ses médicaments pendant un certain temps. À la clinique, ils ont dîné avec un diététicien. La rencontre avec le diététicien a duré entre une demi-heure et trois quarts d'heure; la rencontre avec le médecin a duré une demi-heure. Personne n'a consulté personnellement le Dr Ornish, même s'il était disponible à cette fin. Les renseignements du site Web au sujet de la clinique ne donnaient pas une description exacte du programme Ornish. Il ne s'agissait que d'un document introductif qui ne décrivait pas les pierres angulaires du programme. Le Dr Ornish ne met pas l'accent sur les calories mais plutôt sur le gras. Il ne se souvient d'aucune discussion à propos de suppléments. Cela n'était pas une partie essentielle du programme. Il n'était pas traité pour une affection cardiaque lorsqu'il a participé au programme. Il n'a participé qu'à titre de conjoint.

[28]     À cette époque, sa femme n'avait aucun problème qui aurait pu l'empêcher de s'y rendre seule. Il n'était pas présent lors de la discussion au sujet de la clinique avec le Dr Kathy M. Coughlan. Toutefois, la pièce contient une lettre du Dr Coughlan dans laquelle elle suggérait que le conjoint de l'appelant se rende également au PMRI du Dr Ornish, qu'elle qualifiait de fondation publique sans but lucratif visant à modifier le mode de vie en vue de combattre les maladies du coeur. Cette lettre a été envoyée afin que le MSI ( « Medical Services Insurance » de Nouvelle-Écosse) assume les frais engagés à cette fin.

[29]     Patricia Demont a témoigné qu'elle avait eu une crise d'angine en 1998. Elle a pris de la nitroglycérine contre ce problème. Elle s'est également rendue à l'hôpital de Kentville (Nouvelle-Écosse), après quoi elle a contacté le Dr Coughlan. Elle a ensuite été renvoyée au Dr John Stewart, interniste au Dartmouth General Hospital. Elle a subi un électrocardiogramme et une angiographie qui ont montré que son artère descendante droite était saine mais que son artère gauche avait un grave problème de dépôt lipidique. La branche de l'artère était obstruée à environ 75 pour 100, et elle a décrit le même problème qui a été mentionné par son mari lors de son témoignage. Elle aurait pu choisir de suivre une pharmacothérapie et en a discuté avec le Dr Coughlan. Elle était passablement contrariée de devoir prendre elle-même une telle décision.

[30]     Elle a émis l'opinion qu'une chirurgie à coeur ouvert était une intervention bien plus compliquée à pratiquer chez une petite personne comme elle, et que l'intervention n'avait pas encore été tout à fait mise au point pour les femmes. Elle a discuté de son mode de vie avec le Dr Coughlan; elle était déconcertée par le fait qu'elle souffrait de cette affection malgré la vie active qu'elle menait. Lorsqu'elle a consulté le Dr Sheridan, celui-ci a estimé qu'elle devait subir une angioplastie. Elle avait des douleurs et croyait qu'elles étaient dues au stress; elle ressentait ces douleurs lorsqu'elle était contrariée à cause de son travail.

[31]     Après une autre angiographie, très peu de changements ont été constatés. Encore une fois, on lui a suggéré de subir une angioplastie ou un pontage. Ils ont poursuivi leurs lectures sur la clinique du Dr Ornish et ont envisagé d'autres solutions. Elle a parlé de la clinique Ornish au Dr Coughlan. Elle croyait avoir besoin de plus de renseignements sur la clinique avant d'envisager une chirurgie. En dernier lieu, le Dr Sheridan lui a suggéré le programme de la clinique du Dr Ornish.

[32]     Après avoir été traitée par la clinique, elle n'a plus eu de problèmes. En 2000, elle a joué au tennis la fin de semaine de la Fête du travail; le jour suivant, elle a dû se rendre à l'hôpital. Aucune autre affection n'a été diagnostiquée, mais elle a par la suite consulté le Dr Coughlan car elle n'était pas satisfaite de son état de santé. Elle a ensuite repassé tous les tests. On lui a recommandé de subir une troisième angiographie.

[33]     Par la suite, elle a été avisée que la lésion de la branche avait été réduite; le Dr Johnson n'a vu aucune raison de pratiquer un pontage. Il a recommandé l'angioplastie et, cette fois, elle a accepté. Elle a été avisée qu'à ce stade-ci il ne s'agissait pas d'une intervention compliquée, puisque l'obstruction de la branche était moins importante. Le seul changement dans sa vie avait été de se faire traiter à la clinique du Dr Ornish; cela a complètement modifié sa vision des choses.

[34]     À la clinique, elle a été suivie de près. Un point bleu sur sa plaque d'identité indiquait qu'elle nécessitait une attention particulière. Elle était accompagnée à la salle de musculation par un médecin et a eu un entretien avec lui sur les médicaments. Il a suggéré qu'elle parle à son médecin généraliste d'arrêter la consommation de certains médicaments. Le diététiste l'a aidée quelque peu. Elle l'a rencontré individuellement durant deux heures. En soirée, ils rencontraient un psychologue pour parler d'eux-mêmes et comprendre à quel point il est utile de s'exprimer. Elle a eu une séance individuelle de trois quarts d'heure à une heure avec le psychiatre.

[35]     Elle n'a plus souffert d'angine depuis qu'elle a suivi le programme de la clinique. On lui a demandé pourquoi dans ce cas elle avait subi une angioplastie et elle a déclaré que, à ce stade, après avoir suivi le programme de la clinique, elle avait été avisée que l'intervention n'était pas risquée; elle croyait que l'angioplastie éliminerait le risque de crise cardiaque.

[36]     Lors du contre-interrogatoire, l'appelante a décrit les trois options qui s'offraient à elle. Elle a commencé à prendre des médicaments et n'a pas eu d'effets secondaires, mais elle a déclaré qu'elle n'aimait pas prendre des médicaments et qu'elle ne voulait pas s'habituer à en prendre. En outre, elle ne voulait pas subir de chirurgie car l'intervention était risquée. Par conséquent, ils ont commencé à chercher ensemble d'autres solutions, étant donné que son mari avait également un problème. Ils ont tout de suite appris l'existence du programme du Dr Ornish. Elle a fait son mémoire de maîtrise sur le contrôle du stress. Elle n'arrivait pas à trouver de programme englobant à la fois le coeur, le contrôle du stress et l'adoption de saines habitudes alimentaires. Seul le programme Ornish intégrait tous ces aspects. Elle a discuté de cela avec le Dr Coughlan qui était en faveur de ce programme.

[37]     On lui a demandé pourquoi elle s'était rendue en Californie et elle a répondu qu'il n'existait aucun programme comprenant ces trois volets dans leur localité. Elle savait qu'elle ne réussirait pas à suivre seule un régime faible en matières grasses. Elle et son mari devaient s'entraider. Le Dr Coughlan connaissait le programme avant qu'ils ne le mentionnent.

[38]     Quant aux raisons pour lesquelles l'angioplastie et la chirurgie cardiaque comportaient le même degré de risque, elle a dit qu'elle en avait parlé avec le Dr Reid. Toutefois, elle n'a pas obtenu de deuxième opinion à ce sujet avant d'avoir suivi le programme Ornish. Ils ont suivi le programme durant environ sept jours à raison de 12 heures par jour. Elle rencontrait un dispensateur de soins de santé sur une base individuelle, une heure par jour.

Arguments de l'appelant

[39]     L'avocat de l'appelant a présenté une brève argumentation écrite et a plaidé oralement. Il a soutenu que la vraie question était de savoir si les services fournis constituaient des frais médicaux au sens de la loi applicable en vertu du paragraphe 118.2(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Une autre question est de déterminer s'il est raisonnable pour un patient de se rendre à la « clinique » . S'agissait-il d'un service médical au sens de la Loi, même si celle-ci ne définit pas ce terme?

[40]     Les qualifications de médecin du Dr Ornish n'ont pas été contestées.

[41]     S'agit-il d'un service médical? Dans l'affirmative, les frais d'hébergement et de voyage sont-ils déductibles? Il a soutenu que l'avocat de l'intimée avait déjà admis que la moitié du coût du billet d'avion était déductible si la Cour déterminait que ces dépenses étaient engagées relativement à l'obtention d'un service médical.

[42]     La question se pose différemment en ce qui a trait aux frais d'hébergement puisque l'appelant devait être à cet endroit et qu'il s'agissait d'une partie essentielle des dépenses. De toute façon, les dépenses auraient été les mêmes si la patiente avait été seule. La principale question à trancher est de déterminer si les dépenses étaient engagées relativement à l'obtention d'un service médical.

[43]     Il a invoqué le bulletin d'interprétation en matière d'impôt sur le revenu IT-519R2, et plus particulièrement le paragraphe 19 de ce bulletin, qui indiquait que les frais payés à des professionnels de la santé sont déductibles même s'il ne s'agit pas de services fournis par des médecins, à condition que ces frais aient été versés « pour des services médicaux » , aux fins d'une demande en vertu de l'alinéa 118.2(2)a), dans la mesure où ces frais ont été versés pour des services de diagnostic, de thérapie ou de rééducation. En l'espèce, il est soutenu que les services fournis étaient des services de thérapie et de rééducation, et non pas des services de prévention comme l'a allégué le ministre. La preuve a montré que, à la suite du traitement reçu par la patiente à la clinique, une réduction de l'obstruction de la branche de l'artère a été constatée. Le risque a été réduit de plus de 15 pour 100. Par conséquent, il s'agissait d'un traitement de rééducation et de thérapie qui a empêché l'obstruction de s'aggraver et qui visait à combattre la maladie par le biais d'un traitement non chirurgique à long terme. S'il demeure un doute, la question doit être tranchée en faveur du contribuable.

[44]     Le Dr Coughlan a également suggéré que ce traitement soit suivi et que les coûts soient couverts en vertu des alinéas 118.2(2)a) et 118.2(2)e). Il a invoqué l'onglet 8 de son recueil de textes à l'appui montrant la « branche descendante antérieure gauche » décrite par la patiente. Il n'était pas nécessaire que ce traitement de rééducation et de thérapie réussisse mais, même si cela avait été nécessaire, le traitement a en l'espèce effectivement réussi. La moitié des frais de déplacement doit être admise.

[45]     Pour ce qui est de l'appelant lui-même et des dépenses qui lui sont imputables, il était essentiel que la patiente soit accompagnée de son mari pour que le programme soit profitable, car la preuve démontre que, plus les exigences du programme sont respectées, plus les probabilités de réussite sont élevées. La patiente a témoigné qu'elle avait besoin du soutien de son mari pour que le traitement soit efficace. La participation de son mari aux discussions ultérieures était essentielle à la réussite du programme.

[46]     L'appelant soutient dans son argumentation écrite que les frais payés à l'institut du Dr Ornish sont déductibles en application de l'alinéa 118.2(2)a) de la Loi, qui décrit les frais médicaux d'un particulier comme étant une somme payée :

a) à un médecin, à un dentiste, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé, pour les services médicaux ou dentaires fournis au particulier, à son conjoint ou à une personne à la charge du particulier (au sens du paragraphe 18(6)) au cours de l'année d'imposition où les frais ont été engagés;

Le terme « médecin » est ainsi défini au paragraphe 118.4(2) :

Tout audiologiste, dentiste, ergothérapeute, infirmier, infirmière, médecin, médecin en titre, optométriste, pharmacien ou psychologue visé aux articles 63,118.2, 118.3 et 118.6 doit être autorisé à exercer sa profession:

a) par la législation applicable là où il rend ses services, s'il est question de services;

[. . .]

Relativement aux frais de « voyage par avion » , le paragraphe 118.2(2)g) s'applique et est ainsi libellé :

g)          à une personne dont l'activité est une entreprise de transport, dans la mesure où ce paiement se rapporte au transport, entre la localité où habitent le particulier, son conjoint ou une personne à charge visée à l'alinéa a) et le lieu - situé à 40 kilomètres au moins de cette localité - où des services médicaux sont habituellement dispensés, ou vice-versa, des personnes suivantes :

(i)          le particulier, le conjoint ou la personne à charge,

(ii)        un seul particulier accompagnant le particulier, le conjoint ou la personne à charge, si ceux-ci sont, d'après le certificat d'un médecin, incapables de voyager sans l'aide d'un préposé à leurs soins,

si les conditions suivantes sont réunies :

(iii)        il n'est pas possible d'obtenir dans cette localité des services médicaux sensiblement équivalents,

(iv)        l'itinéraire emprunté par le particulier, le conjoint ou la personne à charge est, compte tenu des circonstances, un itinéraire raisonnablement direct,

(v)         le particulier, le conjoint ou la personne à charge se rendent en ce lieu afin d'obtenir des services médicaux pour eux-mêmes et il est raisonnable, compte tenu des circonstances, qu'ils s'y rendent à cette fin;

[47]     Quant aux frais d'hébergement (payés au Claremont Hotel), il a allégué que l'alinéa 118.2(2)h) s'appliquait. Cet alinéa se lit comme suit :

h) pour les frais raisonnables de déplacement, à l'exclusion des frais visés à l'alinéa g), engagés à l'égard du particulier, du conjoint ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a) et , si ceux-ci sont, d'après le certificat d'un médecin, incapables de voyager sans l'aide d'un préposé à leurs soins, à l'égard d'un seul particulier les accompagnant, afin d'obtenir des services médicaux dans un lieu situé à 80 kilomètres au moins de la localité ou le particulier, le conjoint ou la personne à charge habitent, si les conditions visées aux sous-alinéas g)(iii) à (v) sont réunies;

[48]     Il a également invoqué les alinéas 118.2(2)n) et 118.2(2)o) à l'appui du fait que les frais engagés pour les médicaments, les produits pharmaceutiques et les autres préparations et pour les procédures de laboratoire, de radiologie et de diagnostic utilisées à la clinique devraient être déductibles.

[49]     En résumé, dans l'argumentation écrite, il a déclaré que les frais avaient été payés à un « médecin » pour des « services médicaux » fournis à une personne ou au conjoint de cette personne. Les qualifications du Dr Ornish n'ont pas été contestées en l'espèce. De plus, le fait que la clinique soit située à l'extérieur du Canada n'a pas d'incidence sur l'admissibilité des frais.

[50]     Les frais de déplacement et d'hébergement sont déductibles en vertu des alinéas g) et h) car les conditions suivantes ont été réunies :

a)                  il n'était pas possible d'obtenir dans la localité où résidait la patiente des services médicaux sensiblement équivalents;

b)                 l'itinéraire emprunté était direct;

c)                  la raison du déplacement en ce lieu était d'obtenir des services médicaux et il est raisonnable, compte tenu des circonstances, que la personne s'y soit rendue à cette fin.

D'après la preuve produite, ces conditions ont été réunies.

[51]     En ce qui a trait à la jurisprudence, l'avocat a soutenu que la Cour devait [traduction] « interpréter de la manière la plus large et la plus équitable possible » le paragraphe 118(2) relatif aux frais médicaux. L'avocat a invoqué l'affaire Frank c. Canada, [2001] A.C.I. n ° 416 (Q.L.), dans laquelle le juge Teskey a confirmé l'énoncé de feu M. le juge Sopinka, savoir que, s'il existe un doute quant au sens des termes de la Loi, celle-ci doit être interprétée en faveur du contribuable.

[52]     Dans le même ordre d'idées, la Loi doit être interprétée avec compassion, comme dans l'affaire Bryce c. Canada, [1998] A.C.I. n ° 678 (Q.L.). Le juge McArthur s'est fondé sur le raisonnement tenu par le juge Bowman dans Radage c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., n ° 95-1014(IT)I, 6 août 1996 (96 DTC 1615), et dit au paragraphe 19 :

Le juge Bowman traitait du crédit d'impôt pour personnes handicapées, c'est-à-dire de l'article 118.3, mais je trouve que son raisonnement, tel qu'il l'exprimait, s'applique également à la présente situation et au paragraphe 118.2(2).

[53]     L'avocat a en outre soutenu que les services fournis en l'espèce correspondaient à la définition de « services médicaux » du bulletin d'interprétation en matière d'impôt sur le revenu de l'ADRC. Il a énuméré d'autres services qui pourraient être ou ne pas être couverts au titre de frais médicaux. Il s'est fondé sur le principe que les termes en cause devaient recevoir leur signification ordinaire, à moins que le contexte n'indique qu'il s'agit de « termes propres au domaine juridique » et qu'ils doivent recevoir une signification différente de leur signification habituelle. À cette fin, l'appelant a inclus une définition des termes « rééducation » , « service » et « traitement » à l'onglet 8 de son recueil de textes à l'appui.

[54]     Après l'audition du procès en cette matière, l'avocat de l'intimée a porté à l'attention de l'appelant et de la Cour une affaire qui n'avait pas été invoquée au cours du procès mais dont la décision avait par la suite été rendue, soit l'affaire Bissonnette c. Canada, [2002] A.C.I. no 94 (Q.L.). L'appelant a eu la possibilité de commenter cette décision et c'est ce qu'il a fait. Il a fait valoir que cette affaire étayait la proposition selon laquelle les frais payés à la clinique Ornish en l'espèce devaient être considérés dans leur totalité comme des frais médicaux.

[55]     De plus, la preuve indique que les services fournis n'étaient offerts qu'à cette clinique, qu'il s'agissait d'une clinique d'avant-garde en matière de recherche et de traitement pour combattre les maladies du coeur et qu'aucune clinique de ce type n'existait au Canada. Cela soutenait la position que les frais de déplacement à la clinique Ornish et les frais d'hébergement devaient être compris.

[56]     Bien que la présente cause montre clairement qu'il faut faire une distinction entre les activités d'un « relais santé » et les médecines « modernes » , « douces » ou « parallèles » , cette distinction n'a pas été établie.

[57]     En conclusion, les motifs dans la décision Bissonnette, précitée, soutiennent la thèse que certaines dépenses, voire toutes les dépenses, de l'appelant en l'espèce auraient du être admises par l'ADRC et être déductibles au titre de frais médicaux.

[58]     En fin de compte, il a affirmé que toutes les dépenses devaient être admises et que des dépens devraient aussi être adjugés.

Arguments présentés pour le compte de l'intimée

[59]     Dans son argumentation, l'avocat de l'intimée a affirmé qu'il y avait quatre questions à trancher.

1)      L'argent payé au Dr Ornish était-il déductible ?

2)      L'argent payé pour M. Demont était-il déductible ?

3)      L'argent payé pour Mme Demont était-il déductible ?

4)      Le coût du billet d'avion de l'un et de l'autre étaient-ils déductibles ?

[60]     Il a plaidé que les sommes payées au Dr Ornish n'étaient pas déductibles car elles n'avaient pas été versées pour des services médicaux. Aucun service médical n'a été fourni par le Dr Ornish. Nous devons être entièrement liés par la loi et ne pouvons juger que des dépenses sont déductibles lorsqu'elles ne le sont pas.

[61]     Il a invoqué la décision Goodwin c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., n ° 2000-3675(IT)I, 26 septembre 2002 (2001 CarswellNat 2113) dans laquelle le juge Teskey dit, au paragraphe 27, page 8 (CarswellNat : paragraphe 27, page 5) :

[...] L'exposition au soleil n'est pas un service médical même si elle peut soulager le patient. On peut en dire autant du fait de perdre du poids, de réduire l'ingestion de caféine, de faire plus d'exercice ou d'arrêter de fumer. Aucun de ces cas ne requiert qu'un professionnel de la santé fasse quoi que ce soit pour le patient.

Le juge Teskey a rejeté l'appel relativement à des dépenses engagées pour des voyages à Las Vegas (Nevada) et à Phoenix (Arizona); le dermatologue du patient avait recommandé à celui-ci de voyager à des endroits plus chauds en avril et en novembre, pour de courts séjours où il pourrait s'exposer au soleil en ne portant qu'un short. Il ne faisait aucun doute dans cette affaire que l'état de santé de l'appelant s'était amélioré grâce à ces voyages en des lieux où les températures étaient plus clémentes.

[62]     Dans le même ordre d'idées, dans l'affaire Zack c. Canada, [1997] A.C.I.. n ° 1102 (Q.L.) DRS 98-07837, numéros du greffe 97-495(IT)I, 97-496(IT)I, le juge McArthur a considéré que les musicothérapeutes qui avaient traité un patient n'étaient pas des médecins en vertu de l'alinéa 118.2(2)a) de la Loi, car leurs noms ne figuraient pas sur la liste des personnes autorisées à pratiquer la médecine en vertu de l'article 77 de la Medical Practitioners Act. Toutefois, il a jugé que la thérapie tombait sous le coup de l'alinéa 118.2(2)e) de la Loi car les personnes qualifiées visées par cet article ne se limitaient pas aux médecins en titre, et il a admis l'appel.

[63]     Il a ensuite mentionné l'affaire Bley c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., n ° 2000-3259(IT)(I), 28 février 2001 (2001 CarswellNat 686, [2001] 2 C.T.C. 2532), dans laquelle cette cour indiquait que, afin que des dépenses soient déductibles, le droit de les déduire devait être prévu par la Loi ou le Règlement de l'impôt sur le revenu, peu importe la gravité de la maladie. Cette cour a jugé que les frais engagés pour les services de thérapie, bien que ceux-ci ont été fournis par un membre en règle de l'Association of Massage Therapists and Wholistic Practitioners, n'étaient pas déductibles, car une telle personne n'était pas autorisée par la législation d'une province, comme l'exige l'article 118.2 de la Loi. Le thérapeute n'était pas membre d'une profession désignée au sens de la Loi.

[64]     Il a ensuite invoqué l'affaire Bishoff c. Canada, [2001] A.C.I. n ° 597 (Q.L.), no 2001-482(IT)I, dans laquelle le juge O'Connor a rejeté l'appel en vertu de l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi qui prévoit que seules les dépenses engagées pour des médicaments, des produits pharmaceutiques et d'autres préparations ou substances achetés pour être utilisés par le patient, sur ordonnance d'un médecin ou d'un dentiste, et enregistrés par un pharmacien pouvaient être déduites. Dans cette affaire, la demande portait sur des frais d'homéopathie.

[65]     Dans Pagnotta c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., n ° 2000-4291(IT)I, 27 août 2001 (2001 CarswellNat 1887, [2001] 4 C.T.C. 2613), le juge Miller a examiné la question de la déductibilité des frais médicaux d'une contribuable qui souffrait de douleurs chroniques aggravées par une fracture de la hanche, de l'ostéoporose et de la fibromyalgie. La thérapie et le programme de contrôle de la douleur de la contribuable comprenaient des traitements de massothérapie et la prise de remèdes à base de plantes médicinales et de vitamines. Des médecins lui avaient recommandé la prise de vitamines et d'herbes qui étaient alors vendues par des médecins, des pharmaciens ou des herboristes non accrédités. La contribuable a demandé que les frais engagés pour ces thérapies soient calculés dans l'établissement du crédit d'impôt pour frais médicaux. Ces frais ont été refusés par le ministre.

[66]     Le juge Miller a admis l'appel et a déféré la cotisation au ministre pour le motif que les dépenses de 344,73 $ et de 188,56 $ que l'appelante avait faites à Nutrition Plus Pharmacy et à Kripps Pharmacy Ltd. respectivement étaient admissibles comme frais médicaux selon l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[67]     L'avocat de l'intimée a remis en cause la nature du programme de la clinique du Dr Ornish. Il a soulevé la question de savoir dans quelle mesure le traitement avait été administré par le Dr Ornish. Les documents de l'appelant montrent que la clinique menait des activités de médecine préventive. Il ne s'agissait pas d'un service médical. Il ne suffit pas que le service soit fourni par un médecin; encore faut-il que ce service soit un service médical.

[68]     En outre, les services offerts à la clinique n'étaient pas tous fournis par un médecin. On peut présumer qu'il a adopté la position que la seule recommandation du médecin du patient de se faire traiter à la clinique n'était pas suffisante pour que ce traitement puisse être considéré comme un service médical. Si l'argent n'a pas été payé pour un service médical, il n'y a plus rien à ajouter. Par contre, si c'est un service médical, alors cet argent est déductible.

[69]     Par surcroît, l'appelant doit montrer qu'aucun service sensiblement équivalent n'est offert dans un rayon de 40 kilomètres de son domicile, même si un tel service ne comprend pas tous les aspects de ceux offerts par la clinique du Dr Ornish. Il a soutenu que la patiente connaissait les effets bénéfiques de ce type d'activités avant de se rendre à la clinique et que ces activités étaient disponibles dans sa localité. La Cour ne pourrait conclure de manière raisonnable que l'appelant a établi selon la prépondérance des probabilités que ce service n'était pas offert dans sa localité.

[70]     L'appelant et la patiente avaient décidé de se rendre à la clinique et n'ont pas cherché bien fort un autre programme dans leur localité. Ils n'ont même pas vérifié auprès de la Fondation des maladies du coeur.

[71]     En dernier lieu, l'avocat de l'intimée a allégué que les dépenses dont la déduction était demandée n'étaient pas couvertes par la loi. En revanche, il était prêt à considérer que, si une somme pouvait être admise, il s'agissait de la somme de 4 409,52 $CA payée à la clinique pour que Mme Demont suive le programme.

Analyse et décision

[72]     La présente cause a été bien présentée et a été débattue avec honnêteté et habileté. La Cour a été le plus impressionnée par la preuve produite par l'appelant et par Patricia Demont, la patiente. Les deux parties ont fait preuve de connaissances considérables sur la nature et l'ampleur de leurs problèmes de santé, sur les traitements traditionnels et acceptés disponibles dans leur collectivité à cet égard, et la Cour est convaincue qu'ils n'étaient pas prêts à recevoir les autres traitements offerts à Mme Demont dans leur collectivité. La Cour conclut qu'ils n'ont pas agi de manière déraisonnable en cherchant des renseignements sur d'autres traitements, vu l'information sur les problèmes de santé de Mme Demont dont ils disposaient.

[73]     L'appelant et sa femme ont cherché par tous les moyens à obtenir plus d'information relativement à d'autres traitements et, au cours de leur recherches, ils se sont familiarisés avec le programme offert à la clinique du Dr Ornish. Avant qu'il ne prenne la décision de se rendre à la clinique, ils étaient convaincus que ce programme offrait des avantages substantiels et que, après l'avoir complété, l'affection cardiaque dont souffrait Mme Demont pourrait peut-être même être guérie. Les deux conjoints avaient la certitude qu'il n'existait ailleurs aucun programme comparable, de nature similaire et pouvant offrir les résultats auxquels ils s'attendaient raisonnablement en participant à ce programme.

[74]     Les deux parties ont cherché avec diligence un programme équivalent dans leur localité et n'ont pas réussi à en trouver un. Aucun élément de preuve n'indiquait qu'un tel programme était disponible dans leur localité. En outre, bien que le Dr Sheridan, chirurgien, n'ait pas écrit de lettre au PMRI pour aider l'appelant à demander la déduction des dépenses engagées pour le programme, et bien qu'il n'ait pas été d'accord avec le programme, la patiente a obtenu l'opinion médicale du Dr Kathy Coughlan qui lui a suggéré de se rendre au PMRI du Dr Dean Ornish après avoir diagnostiqué chez elle une atteinte bitronculaire grave affectant l'artère interventriculaire antérieure et les branches des artères coronaires.

[75]     Bien qu'il ne soit pas nécessaire de se prononcer sur ce point, la Cour a été convaincue que l'appelant et sa femme ont tous deux obtenu des avantages appréciables après s'être rendus à la clinique du Dr Ornish. Plus particulièrement, l'état de santé de Mme Demont s'est grandement amélioré, et cette amélioration était si importante qu'elle lui a permis de subir une angioplastie, laquelle, à ce moment-là, lui a été présentée comme une intervention relativement simple, alors qu'auparavant elle avait été considérée comme une intervention bien plus délicate, soit une chirurgie à coeur ouvert. Ce changement dans son état de santé était attribuable au programme de la clinique.

[76]     La Cour a passé en revue attentivement toutes les affaires invoquées par les deux avocats et a déjà fait référence à ces décisions dans l'exposé des faits dont la Cour a été saisie lors du procès. Il suffit de dire que l'affaire qui s'apparente le plus à l'espèce est celle de Bissonnette, précitée, qui n'a pas été invoquée lors du procès, mais qui a été gracieusement reconnue par l'avocat de l'intimée dans sa recherche après le procès. L'information a été transmise à la Cour, puis communiquée à l'avocat de l'appelant qui l'a commentée par écrit.

[77]     Comme les deux parties ont eu l'occasion raisonnable d'étudier cette cause, la Cour est en droit d'en tenir compte.

[78]     Les faits de cette cause sont semblables à ceux de l'espèce. M. Bissonnette et sa femme ont effectué un séjour de deux semaines au Mexique dans un établissement présenté comme un centre de santé, mais en partie autorisé à fonctionner comme hôpital privé. Les traitements reçus à la clinique étaient assez variés et comprenaient à la fois des traitements et des médicaments utilisés par la médecine traditionnelle et par les médecines communément appelées médecines « douce » ou « parallèle » .

[79]     Les traitements mentionnés dans cette affaire étaient plus variés et probablement plus complexes que ceux de la clinique Ornish. Toutefois, ils peuvent de toute évidence être classés dans une seule et même catégorie. Comme dans cette affaire, les traitements reçus à la clinique Ornish n'étaient pas tous plaisants ou totalement agréables car ils comprenaient un régime alimentaire assez strict et un programme d'exercice exigeant. Comme dans la présente cause, M. et Mme Bissonnette ont soutenu que les frais pour la chambre et la pension faisaient partie de la somme totale des frais reliés aux services médicaux fournis.

[80]     Dans cette affaire, l'ADRC avait déjà admis des frais médicaux à hauteur de 3 700 $. La majeure partie de la demande devant la Cour concernait une somme de 6 000 $US pour la chambre et la pension; les parties ont allégué que ces frais étaient liés à des services médicaux. Le juge Miller a accepté les prétentions de l'avocat de l'intimée relativement à ce qui n'était pas englobé dans l'expression « services médicaux » . Il a jugé que les frais pour la chambre et la pension dans un centre de santé attrayant du Mexique n'avaient définitivement pas été engagés pour des services médicaux. Il a conclu de la sorte :

Je crois toutefois aussi que, selon l'interprétation la plus libérale des termes « services médicaux » , les frais de 5 000 $ américains pour la chambre et la pension dans un centre de santé ne sont pas admissibles. Il ne s'agit pas d'un cas permettant d'élargir la définition de « services médicaux » . Pour ce qui est de leur voyage au Mexique, M. et Mme Bissonnette devraient être heureux que, premièrement, ils se soient sentis beaucoup mieux, deuxièmement, que l'ADRC ait admis environ 5 500 $ canadiens au titre de certains des frais engagés à Sanoviv. Comme il s'agit de frais qui ont été payés pour obtenir des services médicaux, qui, j'en suis convaincu, pourraient être obtenus dans cette région de la Colombie-Britannique, je ne peux non plus admettre les frais de déplacement de 1 064 $; en vertu de l'alinéa 118.2(2)h), il faudrait qu'il ne soit pas possible d'obtenir dans cette localité des services médicaux sensiblement équivalents, ce qui n'était clairement pas le cas.

[81]     En l'espèce, la Cour est convaincue que la patiente a reçu des « services médicaux » à la clinique Ornish et que les dépenses liées à ces services sont déductibles en application de l'alinéa 118.2(2)a). Les dépenses déductibles sont les frais payés au PMRI et au Dr Ornish. Toutefois, cet article s'applique uniquement aux frais payés au Dr Ornish et à la clinique pour la patiente. Il ressort clairement de la preuve concernant la demande qui a été présentée, que les dépenses dont la déduction a été demandée étaient des dépenses de la patiente. L'appelant a demandé la déduction de certaines sommes qui le concernaient au titre de dépenses de la patiente car il l'avait accompagnée pour suivre le programme à titre de conjoint. Il a affirmé que sa présence était nécessaire afin que le programme soit plus efficace. La Cour ne remet pas en cause cet objectif, mais cela ne peut servir à admettre les dépenses qu'il a engagées pour lui-même.

[82]     Par conséquent, à cet égard, la Cour admet l'appel quant à la somme de 4 409,52 $CA, au titre de frais déductibles payés au PRMI et au Dr Ornish pour les services médicaux fournis à la patiente.

[83]     Pour ce qui est des frais de « voyage par avion » , la Cour doit tenir compte de l'alinéa 118.2(2)g), précédemment cité. Une interprétation raisonnable de cet article ne laisse subsister aucun doute sur le fait que les frais de « voyage par avion » engagés pour l'appelant ne sont pas déductibles. Aucun élément de preuve ne montre qu'un médecin aurait attesté que la patiente était incapable de voyager sans accompagnateur, son mari en l'espèce.

[84]     La question demeure donc de savoir si les faits de l'espèce sont couverts par les sous-alinéas 118.2(2)g)(iii), 118.2(2)g)(iv) et 118.2(2)g)(v). La Cour est convaincue que, contrairement à l'affaire Bissonnette, précitée, la preuve en l'espèce a démontré selon la prépondérance des probabilités que ces dépenses sont visées par les dispositions susmentionnées. À l'inverse du juge Miller, la Cour est convaincue que des services médicaux sensiblement équivalents n'étaient pas disponibles dans la localité où résidaient l'appelant et la patiente. Partant, le coût du billet d'avion de Mme Demont au montant de 603 $ est déductible.

[85]     La Cour se penchera maintenant sur la question des frais d'hébergement (payés au Claremont Hotel). L'avocat de l'appelant a fondé sa demande sur les dispositions de l'alinéa 118.2(2)h), mais la Cour est convaincue que les énoncés du juge Miller au paragraphe 12 de la décision Bissonnette, précitée, s'appliquent à la présente cause. Les dépenses liées à l'hébergement de l'appelant et de la patiente au Claremont Hotel ne sont pas déductibles.

[86]     À première vue, il peut sembler déraisonnable qu'une personne ait le droit de déduire des frais de déplacement engagés en vue d'obtenir un traitement, mais qu'elle n'ait pas droit à la déduction des frais d'hébergement; néanmoins, le premier cas est clairement prévu dans la loi et le deuxième ne l'est pas. On pourrait penser à de nombreux motifs possibles expliquant que ces frais ne sont pas couverts.

[87]     À ces motifs, la Cour admet l'appel et défère l'affaire au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que, pour l'année en cause, l'appelant a le droit de déduire des frais médicaux de 4 409,52 $CA, soit la somme payée au Dr Ornish pour le traitement de la patiente, plus le coût du billet d'avion de 603 $ pour le déplacement de la patiente jusqu'en Californie.

[88]     Dans les circonstances, la Cour est convaincue que l'appelant a droit à ses dépens, sur la base de dépens entre parties, qui seront taxés ou dont il sera convenu par les parties.

[89]     L'appelant n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'octobre 2002.

« T.E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de septembre 2003.

Mario Lagacé, réviseur

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