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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4087(IT)G

ENTRE :

PARAMBIR KAUR DHILLON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 17 juillet 2002, à Winnipeg (Manitoba), par

l'honorable juge J. E. Hershfield

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Cy M. Fien

Avocat de l'intimée :                   Me Gerald Chartier

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est admis, sans frais, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante a reçu dans l'année un revenu d'emploi de 5 747,00 $.


          L'appelante n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de septembre 2002.

                                             

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de septembre 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20020930

Dossier: 2000-4087(IT)G

ENTRE :

PARAMBIR KAUR DHILLON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hershfield, C.C.I.

[1]      L'appelante est un gendarme de la GRC qui a participé au Programme de formation des cadets ( « programme de formation » ) de la GRC du 26 janvier 1998 au 4 août 1998.

[2]      Pendant qu'elle suivait le programme de formation, l'appelante a dû loger à l'École de la GRC à Regina. À ce moment-là, son lieu de résidence était le domicile de ses parents à Toronto. Pendant la durée du programme de formation, l'appelante a reçu une indemnité toutes les deux semaines, dont on déduit des frais d'hébergement, de repas et d'assurance-maladie, vie et invalidité. Pour la durée du programme de formation, l'appelante a reçu une indemnité totale de 9 520,00 $, moins 2 483,00 $ pour les repas, 970,54 $ pour l'hébergement et 320,00 $ pour différents éléments de la couverture d'assurance ( « frais de formation » )[1].

[3]      L'année d'imposition 1998 de l'appelante a fait l'objet d'une cotisation fondée sur le fait qu'elle était une employée de la GRC, que l'indemnité totale de 9 520,00 $ constituait un revenu d'emploi et que les frais de formation étaient non déductibles. Lorsqu'elle a produit sa déclaration de revenus pour 1998, l'appelante n'avait pas inclus l'indemnité de formation et n'avait pas déduit de montants pour les frais de formation. Lors du procès, l'appelante a soutenu que son revenu imposable était le montant net reçu, soit 5 747,00 $. Sans admettre qu'elle ait été une employée, elle était disposée à accepter qu'elle avait un revenu brut tiré d'une source non comptabilisée de 9 520,00 $, dont les frais de formation étaient déductibles dans le cadre du calcul du revenu à des fins fiscales. Subsidiairement, si elle était une employée, elle soutient que l'indemnité de formation comprenait une prestation non imposable et devait être réduite en conséquence. Il s'agissait donc seulement de classer et de quantifier le montant brut et net de l'inclusion à des fins fiscales.

[4]      En termes plus simples, les questions en litige dans cet appel sont : le statut de l'appelante pendant le programme de formation, la nature de l'indemnité de formation et la question de savoir si les frais de formation sont déductibles ou s'ils devaient effectivement être inclus dès le départ comme faisant partie du revenu de l'appelante à des fins fiscales.

Faits :

[5]      L'appelante a témoigné à l'audience. Un officier responsable de la formation, M. G. L. Bell, a également comparu au nom de l'appelante. L'intimée a convoqué un agent des appels, M. R. Davidson. Voici mes constatations à l'égard de leur témoignage et des pièces présentées dans un recueil conjoint de documents.

[6]      L'appelante a d'abord passé une entrevue, en octobre 1995, en vue d'occuper un poste de gendarme au sein de la GRC. On lui a demandé de se soumettre à un examen écrit à Kitchener, en Ontario, et de passer une entrevue d'aptitude à Toronto. Elle a dû subir un examen médical et faire certifier son niveau de conditionnement physique.

[7]      En avril 1996, l'appelante a reçu une lettre de la GRC pour confirmer que sa candidature à un poste de gendarme avait été recommandée en vue d'un traitement ultérieur. On a inscrit son nom sur la liste de classement post-entrevue de la GRC, et son dossier a été transmis pour une enquête sur ses antécédents et un dernier examen médical. Elle a reçu une offre d'enrôlement conditionnelle qu'on lui a demandé de signer et de retourner. Même si l'offre d'enrôlement était conditionnelle, dans la lettre on demandait à l'appelante d'être prête à s'enrôler à tout moment dans les deux à huit mois suivants, et qu'elle pouvait s'attendre à être enrôlée avant la fin d'octobre 1996. En fait, son enrôlement a été retardé jusqu'au mois de janvier 1998.

[8]      L'appelante a expliqué qu'une partie de l'enquête sur ses antécédents devait être menée à l'étranger et que c'est la raison pour laquelle son enrôlement a été retardé. Pendant ce temps, l'appelante a maintenu un régime d'entraînement physique rigoureux et a suivi des programmes pour s'assurer d'avoir les qualifications supplémentaires demandées dans l'offre d'enrôlement conditionnelle. Cela comprenait les premiers soins, une attestation de compétence en réanimation cardio-respiratoire et des aptitudes à la dactylographie.

[9]      L'offre d'enrôlement conditionnelle prévoyait que l'enrôlement ne pouvait se faire que si l'appelante obtenait une cote de sécurité élevée. On y stipulait également qu'au moment de l'enrôlement, l'appelante devait respecter les principes du Code régissant les conflits d'intérêts et l'après-mandat pour les titulaires de charges publiques et les commissaires en vertu de l'article 69 de ce code dans la mesure où ils s'appliquent aux membres réguliers de la GRC (paragraphes (h) et (i) de l'offre d'enrôlement conditionnelle). D'autre part, l'acceptation de l'offre conditionnelle devait se faire selon les termes suivants :

          [TRADUCTION]

J'accepte la présente offre d'enrôlement et je comprends qu'elle ne reste en vigueur que si je demeure admissible à tous égards, conformément à ce qui est stipulé ci-dessus. Je comprends également que je ne pourrai être nommée membre régulier de la GRC que si je réussi au Programme de formation des cadets à l'École de la GRC à Regina (Saskatchewan). En acceptant la présente offre d'enrôlement, je conviens qu'après avoir été nommée membre régulier de la GRC, je recevrai mon salaire par le biais du dépôt direct à l'institution financière de mon choix et je vous fournirai l'information nécessaire à cette fin.

[10]     L'appelante s'est inscrite au programme de formation en janvier 1998 et a signé l'entente sur la formation des cadets le 23 janvier 1998. La formation s'étalait sur une période d'à peu près 27 semaines de cours donnés à l'École de la GRC à Regina. Après avoir réussi le programme, le cadet pouvant s'attendre à être engagée comme membre régulier de la GRC à condition d'accepter sa première affectation. D'ailleurs, après avoir réussi le programme de formation, on a offert à l'appelante une affectation à Fisher Branch. L'ayant acceptée, elle a été assermentée comme gendarme de la GRC.

[11]     L'entente sur la formation prévoyait le versement d'une indemnité et des frais de formation comme suit :

          [TRADUCTION]

Indemnités

1.          Pendant la période de formation, la GRC versera au cadet une indemnité toutes les deux semaines, moins les déductions pour les repas, l'hébergement, l'impôt, le Régime de pensions du Canada, l'assurance-chômage et autres déductions considérées comme nécessaires par la GRC.

Hébergement

1.                  Pendant la période de formation, la GRC fournira l'hébergement à l'École de la GRC, ou à des endroits où la formation de perfectionnement est offerte, le cas échéant, et le coût, fixé par la GRC, sera imputé au cadet.

Le montant déduit pour les frais de formation ne figurait pas dans l'entente mais dans la correspondance adressée à l'appelante avant la signature.

[12]     L'entente sur la formation prévoyait expressément que, tant qu'une offre d'engagement n'avait pas été faite et acceptée, le cadet ne serait ni membre de la GRC, ni employée du gouvernement du Canada. L'entente ne dit rien sur l'engagement de l'appelante une fois qu'elle serait employée de la GRC, mais la correspondance qui lui fut adressée au début de janvier 1998 mentionnait qu'après avoir satisfait à toutes les exigences du programme de formation et avoir été engagée comme membre régulier, elle recevrait un salaire à un taux d'engagement de 31 172,00 $ par année, et qu'après six mois de service et la bonne réalisation d'une formation pratique pour les recrues, son salaire passerait à 39 083,00 $ par année. Il y aurait une autre augmentation après 18 mois de service.

[13]     À titre de cadet, l'appelante ne cotisait pas au régime de retraite et ne recevait aucune indemnité de vacances.

[14]     L'appelante a témoigné que, pendant la période de formation de 27 semaines, elle était hébergée avec sept autres femmes dans un dortoir qu'elles appelaient le « pit » [ « trou » ]. Ce dortoir, situé dans un sous-sol, lui donnait environ 50 pieds carrés d'espace vital. Elle avait un lit simple et une commode à trois tiroirs. Les toilettes et douches des femmes ne se trouvaient pas dans le dortoir.

[15]     Tous les repas devaient être pris à l'heure indiquée. On n'avait pas le droit d'apporter à manger dans le dortoir. Le matin et à midi, les cadets prenaient leur repas dans la salle à manger. À l'heure du souper, il y avait plus de temps, ce qui permettait aux cadets de manger à l'extérieur à l'occasion. Toutefois, l'appelante a témoigné que la charge de travail permettait rarement aux troupes de quitter l'enceinte au cours des 27 semaines, ce qui fait qu'en pratique, presque tous les repas étaient pris dans la salle à manger.

[16]     Bien que l'appelante n'ait fait aucune référence aux règles de vie dans le dortoir, sauf pour donner l'impression que la vie était très réglementée, je note que la pièce A-1, onglet 12 établit des règles strictes pour la vie dans le dortoir. À titre d'exemple, voyez l'extrait suivant :

          [TRADUCTION]

Les pièces de l'uniforme et les vêtements civils seront séparés par (4) cintres. Ces cintres seront tous de la même matière, c'est-à-dire tous en fil de fer ou tous en bois. Un cintre de chaque type n'est pas acceptable. Quand on enlève une pièce d'uniforme de la garde-robe, on NE LAISSE PAS le cintre vide entre les autres vêtements. On peut utiliser ce cintre pour compléter le jeu de (4) cintres servant à séparer les vêtements, ou on peut le mettre dans la salle de séchage, où les cintres en trop doivent être conservés.

Voici ce qu'on lit d'autre dans cette note :

Les pièces de l'uniforme doivent être accrochées dans la garde-robe de la façon illustrée dans le diagramme, sans aucun changement. Familiarisez-vous avec la disposition des vêtements désignée par des chiffres dans le document. Les partenaires de chambre placent les articles de façon symétrique les uns par rapport aux autres.

[17]     L'appelante a mentionné le Guide de formation, qui contient la liste des objectifs du programme de formation objectives, y compris les suivants :

·         connaître suffisamment la loi, ainsi que la politique et le code de déontologie de la GRC afin d'exercer votre pouvoir discrétionnaire de façon responsable et légitime;

·         traiter les éléments de preuve, les pièces à conviction et les lieux du crime de façon sécuritaire et efficace;

·         recueillir les renseignements et les éléments de preuve nécessaires pour offrir des services de police efficaces;

·         travailler efficacement en tant que membre d'une équipe avec vos collègues;

·         utiliser des armes à feu de façon responsable et avec compétence;

·         utiliser aisément les techniques de communication électronique et les systèmes d'information de la GRC;

·         considérer le travail policier comme une carrière, une vocation et un service pour soi-même et sa famille.

[18]     Le guide explique également que la journée commence à 6 heures du matin et se termine à 22 h 30, et que les lumières doivent être éteintes à 22 h 45. L'appelante a témoigné qu'en fait, le réveil se faisait entre 5 h 15 et 5 h 30 chaque matin. Il y avait sept heures de cours par jour, ainsi que deux défilés. Elle restait en uniforme tous les jours jusqu'à 16 h 40, après quoi elle pouvait mettre des vêtements civils, sauf si des affectations supplémentaires l'obligeaient à porter l'uniforme, ce qui se produisait souvent.

[19]     Le guide montre bien que la formation était très intense et astreignante. On y lit ceci : « Afin de satisfaire aux exigences de la formation, on vous donnera des exercices à faire en soirée, les fins de semaine et dans des circonstances exceptionnelles, pendant les jours fériés. »

[20]     L'appelante a déclaré qu'elle avait des devoirs à faire tous les jours, et qu'il y avait également des contrôles obligatoires de la compétence. Les compétences sur lesquelles on travaillait toutes les semaines en dehors des heures de cours normales comprenaient le maniement des armes à feu, la conduite policière, les stratégies de défense, la forme physique et les sciences policières appliquées. L'appelante a témoigné qu'il n'y avait pratiquement pas de temps libre. Elle n'avait pas le droit de partir pour les vacances, sauf pour un voyage chez elle. Quant aux fins de semaine, elle nous a dit qu'elle avait du temps libre à l'occasion, peut-être une fois par mois.

[21]     Des rapports d'étape étaient établis, chacun évaluant quelque 30 compétences dont l'évolution avait été régulièrement mesurée et notée. Deux notes « insatisfaisant » sur un rapport de compétence entraînaient la résiliation, et deux notes « besoin d'amélioration » dans une matière équivalaient à une note « insatisfaisant » .

[22]     L'appelante a témoigné qu'elle s'acquittait également de différentes tâches. Ces tâches étaient distribuées par le bureau du sergent major après les cours et la fin de semaine. Toutes les tâches étaient obligatoires. Pendant ces affectations, elle devait porter l'uniforme de cadet de la GRC.

[23]     Une description des tâches est incluse dans le recueil de documents. Cela comprend la patrouille, la réception au poste de garde (répondre au téléphone, autoriser la sortie de véhicules, autoriser la sortie de clés pour différents bâtiments, etc.), la grille d'entrée (garder l'entrée à la base et ne donner l'admission qu'à des personnes autorisées), ou le musée (faire visiter le musée et occuper le bureau d'accueil pour répondre au téléphone). L'appelante a témoigné qu'elle a participé à toutes ces fonctions par tours de quatre ou de huit heures la fin de semaine ou après les heures normales en semaine. Les tâches devaient totaliser huit heures toutes les deux semaines ou quelque 108 heures sur toute la durée du programme.

[24]     En ce qui concerne les patrouilles, elles se déroulaient dans des voitures non identifiées et l'appelante a expliqué qu'elle n'était pas appelée à assurer le maintien de l'ordre à ces occasions. C'était des exercices d'entraînement.

[25]     En outre, l'appelante s'est souvenue de deux prises d'armes (le défilé du 125e anniversaire et le défilé des Jeux panaméricains). À ces occasions, elle devait porter l'uniforme de la GRC.

[26]     J'accepte le témoignage de l'appelante selon lequel le programme tout entier consistait en une série rigoureuse de cours, de devoirs, de tâches et d'exercices d'entraînement et de tenue.

[27]     M. Bell a confirmé une bonne partie du témoignage de l'appelante concernant les rigueurs du programme. Il reconnaît que le mot « pit » [ « trou » ] décrit bien les installations mises à la disposition des cadets et que le programme se déroule comme le décrivent la documentation et le témoignage de l'appelante.

[28]     M. Bell est titulaire d'un doctorat en psychologie et est un officier responsable de la formation pour le Programme de formation des cadets. Depuis 1996, il est responsable du programme d'études et de l'évaluation dans le cadre du programme. Auparavant, il participait également au recrutement et à la formation. Tous les membres du personnel de formation rendaient compte à M. Bell, qui lui-même relevait du commandant.

[29]     M. Bell a déclaré que la méthode utilisée pour la formation et l'embauche avait changé depuis 1994 et que le programme actuel avait été mis en oeuvre en 1996. Dans l'ancien système, les recrues étaient embauchées comme employés de la GRC dès leur recrutement. Maintenant, les recrues sont inscrites comme cadets et ne sont embauchées comme employés qu'une fois assermentées comme gendarmes de la GRC, après avoir réussi le programme de formation et accepté leur première affectation.

[30]     M. Bell a suggéré que la principale raison du changement était liée aux problèmes de résiliation. Dans l'ancien système, les recrues qui échouaient étaient congédiées, alors que dans le nouveau système, les cadets qui échouent ne sont pas embauchés. En outre, le changement a permis d'adopter une approche d'apprentissage. Les installations de Regina sont devenues un centre d'apprentissage.

[31]     M. Bell a expliqué que le programme connaissait un taux d'attrition d'environ six pour cent. Environ la moitié de ceux qui abandonnaient le faisaient parce que leur rendement était insuffisant, et l'autre moitié était composée de décrocheurs. Il a dit que les taux d'attrition de l'ancien et du nouveau programme étaient sensiblement les mêmes. Il a toutefois fait remarquer que, dans le système actuel, la résiliation est immédiate si les rapports de compétence sont insatisfaisants. Dans l'ancien système, on pouvait faire passer un nouveau test au cadet; il s'ensuit que la résiliation automatique est plus acceptable si les cadets ne sont pas considérés comme des employés. Malgré cette différence (qui fait valoir la raison du changement de système), comme on l'a dit, les taux d'attrition sont les mêmes sous l'un et l'autre système. Le recrutement de gendarmes n'a guère changé avant et après le changement, c'est-à-dire que le nombre de recrues ou de cadets acceptés était et demeure déterminé par le nombre de postes disponibles à la GRC. Le programme et le bassin de stagiaires inscrits servent le même but, qui est de combler les postes vacants à la GRC. Le recrutement et la formation sont les mêmes. En toute déférence, le processus, tel que je le perçois, n'a pas du tout changé, sauf que le terme « emploi » ne figure plus au contrat.

[32]     En ce qui concerne les tâches, on a demandé à M. Bell si les cadets étaient considérés comme de la main-d'oeuvre. Il a répondu que, dans l'ancien système, les recrues étaient définitivement considérées comme faisant partie des effectifs, et qu'elles y étaient intégrées. Il a témoigné qu'après le changement, les tâches étaient plutôt considérées comme des exercices d'entraînement simulés. Il a toutefois reconnu qu'elles comportaient au moins un double volet. M. Bell a convenu que d'aucuns verraient les cadets comme une main-d'oeuvre à bon marché. Il admet qu'ils étaient parfois appelés à assurer des remplacements.

[33]     M. Bell a expliqué que les objectifs du programme étaient d'assurer que les agents étaient prêts à se mettre au travail dès la fin du programme. Il a reconnu que le programme était conçu pour former les gendarmes de la GRC et personne d'autre. Il a confirmé que les cadets étaient toujours embauchés s'ils passaient le programme et acceptaient une affectation. En revanche, il existe une dernière étape de sélection à passer avant l'initiation au service. Ensuite, il faut franchir une période d'essai de trois mois. Malgré cela, selon M. Bell, il n'en reste pas moins que tous cadets qui réussissaient le programme et acceptaient une affectation était assermentés comme gendarmes.

[34]     En ce qui concerne le témoignage du témoin de l'intimée, M. Davidson, je dois avouer qu'il n'a pas apporté grand-chose de plus. Il a reconnu avoir commencé à s'occuper du dossier seulement après la ratification de la nouvelle cotisation. L'agent des appels qui s'était occupé de l'opposition avait été affecté ailleurs et n'était pas disponible. Les lumières de M. Davidson sur cette affaire sont uniquement fondées sur la lecture des rapports de l'agent des appels qui avait étudié le dossier une fois l'opposition reçue.

[35]     Il a confirmé qu'un processus de rapprochement avait déclenché la nouvelle cotisation, puisque la GRC avait émis des feuillets T-4 indiquant le montant entier de l'indemnité de formation. C'est-à-dire que, malgré le contrat introduit au changement du système, du point de vue administratif, la GRC continue à traiter les cadets comme des employés et à délivrer des feuillets T-4[2]. M. Davidson a reconnu qu'il n'y avait aucune trace d'un entretien avec quiconque à la GRC relativement à cette pratique de délivrer des feuillets T-4 malgré le libellé clair de l'entente sur la formation. Il a reconnu qu'il y avait une directive d'Ottawa stipulant qu'un cadet dans le programme de formation de la GRC, sans être un employé à certaines fins, l'était aux fins de l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » )[3], et que l'indemnité tenait lieu de salaire.

[36]     M. Davidson a confirmé son avis que, puisque les frais de formation étaient retenus à la source, il était correct de les considérer comme reçus et de les inclure dans le montant versé en remplacement d'un salaire. Il a confirmé qu'à son avis, ils n'étaient pas déductibles aux termes de la Loi.

[37]     M. Davidson avait subi un interrogatoire préalable. Des extraits du procès-verbal de l'interrogatoire ont été versés au dossier par renvoi. Le procès-verbal démontre clairement que M. Davidson était incapable de répondre à des questions concernant des enjeux qui avaient été soulevés quand l'affaire avait été discutée avec la section des appels. Il n'a pas pu expliquer pourquoi, par exemple, on n'avait pas appliqué certaines pratiques administratives en vertu desquelles les frais de formation des employés n'étaient pas traités comme des avantages imposables[4]. Dans « IT News-13 » , par exemple, on lit que les cours pris pour maintenir ou perfectionner ses connaissances dans le cadre d'un emploi continu sont généralement considérés comme à l'avantage de l'employeur avant tout et, donc, non imposables. La seule réponse qu'il a pu donner est que l'agent des appels aurait peut-être fait une distinction entre la formation visant à maintenir ou à perfectionner des aptitudes utiles pour un employeur, dont le coût n'est pas traité comme un avantage imposable, et une formation initiale ou d'aptitude à l'emploi. L'avocat de l'appelante a fait remarquer que « IT News-13 » n'établit aucune distinction de ce genre. Je voudrais également mentionner que cette distinction ne se justifie pas si l'on détermine (comme l'ADRC l'a fait en l'espèce) que la stagiaire était déjà une employée pendant le programme de formation. Cela signifie que, dans ce cas, il n'y a aucun doute que la formation servait à perfectionner des aptitudes bénéficiant à l'employeur et qu'elle était surtout à son avantage, puisqu'il fallait combler les postes vacants au sein de la force permanente au moyen d'effectifs formés par le biais de ce programme. Les repas et l'hébergement constituaient des aspects accessoires de ce programme, et non des avantages pour les cadets. Par conséquent, si l'appelante était une employée pendant le programme de formation, il ne peut y avoir aucun avantage imposable ici, du moins si « IT News-13 » reflète une bonne interprétation de la Loi.

Analyse :

[38]     Dans la réponse, on peut lire que la nouvelle cotisation est fondée sur l'article 3, les paragraphes 5(1), 6(1), 6(6), 8(2) et les alinéas 8(1)h) et 56(1)n) de la Loi.

[39]     L'avocat de l'intimée se fonde principalement sur le paragraphe 5(1), qui prévoit que le revenu d'un contribuable, pour une année d'imposition, tiré d'une charge ou d'un emploi, est le traitement, le salaire ou toute autre rémunération que le contribuable a reçu au cours de l'année. Subsidiairement, il soutient que l'alinéa 6(1)b) s'applique. D'après cet alinéa, le revenu d'un employé comprend toutes les sommes qu'il a reçues au cours de l'année à titre d'allocations pour frais personnels ou de subsistance. Il cite l'alinéa 8(1)h) et le paragraphe 8(2) à l'appui de la position administrative qu'on ne peut demander aucune déduction pour les repas ou l'hébergement[5].

[40]     L'avocat de l'appelante était disposé à concéder que l'argent que l'appelante a reçu de la GRC était un revenu d'une source selon l'article 3 de la Loi. Il conteste toutefois le montant de revenu qui a été tiré de cette source et sa définition comme revenu d'emploi. L'avocat de l'appelante estime que la source ne fait pas partie de celles spécifiquement établies à l'article 3. Il cite plusieurs décisions qui confirment le principe selon lequel la liste des sources à l'article 3, soit l'emploi, l'entreprise, les biens et les gains en capital, ne constitue pas une liste exhaustive, et qu'il m'est possible de conclure que l'indemnité en question était un revenu d'une source non citée[6]. Il a ensuite soutenu que les limites imposées par la loi relativement aux déductions d'emploi n'étaient pas applicables à ces autres sources, et que le montant de revenu doit être déterminé compte tenu des coûts associés au revenu tiré des autres sources[7]. Il soutient donc qu'au cours de l'année visée, les frais de formation réduiraient le revenu de l'appelante au montant net qu'elle admettrait comme revenu. Bien entendu, un autre aspect de son argument consiste à savoir si la portion de l'indemnité de formation correspondant aux frais de formation était un montant reçu ou un avantage reçu. Si les frais de formation sont considérés comme un avantage à l'alinéa 6(1)a), il estime qu'il n'est pas justifié de les inclure dans le revenu même si l'appelante est une employée. Dans ce cas, il soutient que l'alinéa 6(1)a) caractérise mieux les frais de formation que le paragraphe 5(1), qui cite le traitement, le salaire et toute autre rémunération reçue, ou l'alinéa 6(1)b), qui mentionne les montants reçus comme les frais personnels ou de subsistance. Si les frais de formation sont mieux caractérisés comme un avantage reçu, et qu'ils ne sont imposables que dans la mesure où ils sont visés par l'alinéa 6(1)a), il soutient qu'ils ne seraient pas imposables, car le programme de formation visait des aptitudes liées à l'employeur. Je suis d'accord avec cette dernière position.

[41]     À mon avis, il ne fait guère de doute dans ce cas que l'appelante était une employée de la GRC pendant le programme de formation. L'entente sur la formation était clairement un contrat de louage de services. En entreprenant le programme, les cadets étaient au service de la GRC et répondaient à ses besoins. Toute autre conclusion ne tiendrait pas compte des rapports employeur-employé qui existaient pendant la formation. Conjugué à la forte probabilité que les rapports employeur-employé qui existaient pendant le programme de formation continueraient à la fin du programme (puisque ces rapports constituaient la raison d'être même du programme offert et suivi), c'est un argument probant pour décider que l'appelante était une employée de la GRC pendant le programme de formation. Les rapports entre le travail et le programme ont un tel degré de continuité et d'interdépendance qu'il est impossible, à mon avis, de ne pas arriver à cette conclusion.

[42]     Le changement de système et l'imposition essentiellement unilatérale d'une nouvelle date de début d'emploi dans l'entente standard utilisée par la GRC ne suffisent pas à modifier le caractère fondamental des rapports. Le fait que les cadets étaient liés par certains textes relatifs au code de conduite s'appliquant aux membres réguliers de la GRC suggère fortement qu'ils étaient considérés comme des membres de la force, même s'ils n'étaient pas des membres réguliers. Cette thèse est également justifiée par les tâches qu'ils effectuaient et par la décision administrative de considérer les cadets, à des fins fiscales, comme des employés et de délivrer des feuillets T-4 relativement à leur indemnité. L'indemnité était considérée, du moins en partie, comme une rémunération relative à cet emploi. En effet, la décision de délivrer des feuillets T-4 nous amène à nous demander si la disposition de l'entente selon laquelle les cadets n'étaient pas des employés était censée modifier la véritable nature des rapports pendant la formation, ou seulement introduire une mentalité différente quant au traitement des recrues qui ne satisfaisaient pas aux exigences pour demeurer membres réguliers de la force.

[43]     Bien entendu, on ne trouvera aucune catégorisation spéciale de rapports qui n'existent qu'à des fins fiscales. Aux yeux de la loi, soit on est employé, soit on ne l'est pas. Même la classification contractuelle d'un rapport n'est pas déterminante. La vraie nature des rapports doit être déterminée d'après les faits dans chaque cas. Dans le cas présent, la tentative contractuelle d'empêcher une classification d'emploi était fondée sur l'idée que cela faciliterait la résiliation. La véritable nature des rapports n'était pas vraiment une considération dans la formulation de la disposition. Quand on réfléchit à l'impact d'une disposition contractuelle ainsi rajoutée, une position contraire adoptée par la partie qui cherche à imposer cette disposition est assez pertinente. En délivrant de façon unilatérale des feuillets T-4, la GRC a largement annulé le poids pouvant être donné à la forme modifiée de l'entente imposée à l'appelante. Dans les circonstances, cette dernière n'avait rien à dire, et dans le cas contraire, le fait qu'elle acceptait la classification de non employée n'aide guère à déterminer la nature des rapports.

[44]     Le programme n'était pas conçu pour offrir un enseignement sur le maintien de l'ordre. Il était conçu pour former les cadets en vue de leur rôle à titre de gendarmes de la GRC. La connaissance des systèmes, politiques et codes de conduite de la GRC formait une partie intégrante du programme. Ce sont des aptitudes utiles à l'employeur et qui visent cet employeur en particulier. Il s'agit de former un gendarme en vue de combler un poste régulier vacant, dont les deux parties prévoyaient qu'il serait comblé par un cadet. Dans cette optique, le service des cadets à la GRC commençait dès qu'ils signaient l'entente sur la formation. À partir de ce moment-là, ils étaient au service de la GRC. La seule question qui se pose est de savoir quels étaient les services fournis en vertu de ce contrat de louage de services[8]? Les fonctions attestées par l'appelante, décrites au paragraphe 23 des présents motifs, sont sans doute suffisantes à cet égard, même si elles n'étaient pas le principal objet du programme de formation. Le témoignage de M. Bell est lui aussi probablement suffisant pour soutenir une conclusion qu'il y avait un contrat de louage de services, les faits de ce cas en faisant foi (cf. paragraphe 32 des présents motifs). Quoi qu'il en soit, je pense que se soumettre à un régime de formation établi par la personne qui recrute et à son bénéfice, afin de fournir les services pour lesquels on est formé, constitue indubitablement un service, ne serait-ce que pour l'exercice d'établir l'existence d'un contrat de louage de services.

[45]     On m'a renvoyé à deux affaires qu'il faut mentionner : Brewster Transportation & Tours c. M.R.N.[9] et Eastern Ontario Health Unit c. M.R.N.[10]. Ces deux affaires concernent des programmes pré-emploi qui ne devaient pas donner lieu à des relations employeur-employé avant la fin du programme et le début effectif des fonctions régulières. Dans les deux programmes, la participation au programme était une condition préalable à l'emploi. Dans l'affaire Eastern, le programme constituait clairement un processus de demande ou de sélection. C'était un programme préliminaire. Il se composait de séances d'information et d'évaluation. Il n'y avait pas de corrélation significative entre les participants et ceux qui recevaient un emploi. Le programme était la responsabilité d'un tiers. Aucune prestation de services n'avait eu lieu. Cette cause se distingue facilement de l'affaire en l'instance. Dans l'affaire Brewster, toutefois, les faits se rapprochent plus de ceux de la présente cause. Les chauffeurs d'autobus qui allaient être embauchés par Brewster devaient suivre un programme de formation. Même si on ne mentionnait pas qu'un emploi à temps plein les attendait, les candidats acceptés pouvaient postuler les postes vacants, et s'ils n'étaient pas reçus, leur nom était inscrit sur une liste de réserve et ils étaient assurés de recevoir un salaire minimum tous les mois. Même si ces faits démontrent un degré de continuité et d'interdépendance entre le programme et l'emploi, c'était clairement moins que dans l'affaire en l'instance. Le programme visé dans l'affaire Brewster a créé un bassin d'employés réguliers potentiels au lieu de former un groupe choisi pour combler les postes connus et vacants du service ordinaire. En outre, dans l'affaire Brewster, des considérations liées au contrat, à l'octroi de permis et au syndicat donnent à penser, d'après l'ensemble de la preuve, qu'il ne s'agissait pas d'un rapport employeur-employé. En outre, les stagiaires ne recevaient aucune rémunération pour leurs services. D'ailleurs, ils ne fournissaient aucun service. Ces différences de fait sont suffisantes pour distinguer ces deux causes. Dans le cas présent, j'estime que, d'après l'ensemble de la preuve, l'emploi a commencé quand la rémunération a débuté, c'est-à-dire quand les cadets ont été admis au programme.

[46]     Arrivé à cette conclusion, je me demande si l'indemnité de formation peut être considérée comme une source non indiquée à l'article 3, ou si c'est un revenu en vertu de l'alinéa 56(1)n), qui traite des bourses d'études. Il faut maintenant examiner le paragraphe 5(1) et les alinéas 6(1)a) et b) afin de déterminer si l'indemnité est imposable.

[47]     D'après les faits et la preuve contextuelle de l'affaire, j'estime qu'il est approprié de diviser l'indemnité en deux parties. L'indemnité dont sont retranchés les frais de formation est, à mon avis, portée au revenu en vertu du paragraphe 5(1), à titre de revenu d'une charge ou d'un emploi. Cette partie de l'indemnité, au moins, constitue une rémunération reçue par le contribuable et versée pendant l'année en remplacement d'un salaire. Ce n'est rien de moins qu'une compensation pour des services, voire de la servitude.

[48]     En ce qui concerne la portion de l'indemnité qui couvre les frais de formation, la façon de considérer ces frais de formation dans l'entente (cf. paragraphe 11 des présents motifs) tend à soutenir la conclusion qu'ils doivent être considérés comme une partie de l'indemnité devant également être intégrée au revenu en vertu du paragraphe 5(1). L'entente prévoit une rémunération nette en déduisant les frais de formation et les autres retenues à la source qui sont clairement et évidemment censées être incluses comme faisant partie de l'indemnité et intégrées au revenu. Ces autres retenues à la source sont l'impôt, les cotisations du Régime de pensions du Canada et l'assurance-chômage. Étant donné que les frais de formation font l'objet d'une retenue semblable, on peut en déduire qu'ils doivent être traités de la même façon, c'est-à-dire rajoutés au montant brut de l'indemnité afin de déterminer le revenu. C'est ainsi que les feuillets T-4 ont été préparés, et c'est sur ce fondement que la nouvelle cotisation a été établie, intégrant les frais de formation au revenu reçu. Bien qu'en général, une telle inférence et un tel traitement signifieraient que le dossier est clos, je pense qu'il est nécessaire dans le cas présent de se demander si la bonne interprétation de l'arrangement dans son ensemble justifie de rejeter l'inférence découlant du volet de l'entente qui traite de la retenue à la source. Si l'on garde à l'esprit le fait que l'entente est présentée comme étant de « non-emploi » , il est difficile de conclure que les dispositions prévoyant la pension et le logement étaient censées traduire une conséquence fiscale liée à l'emploi et non une autre. Il semble probable que cette question a été involontairement créée et exacerbée par les feuillets T-4, dont la préparation et l'impact n'ont pas été considérés au moment où l'entente sur la formation a été remaniée. En tout état de cause, les circonstances sont compatibles avec une conclusion, dans cette affaire, selon laquelle le montant de la rémunération aux fins du paragraphe 5(1) est la portion de l' « indemnité » qui exclut les frais de formation, ces derniers étant plutôt visés par l'alinéa 6(1)a) ou, comme le prétend l'intimée, par l'alinéa 6(1)b).

[49]     Pour commencer, en ce qui concerne l'application de l'alinéa 6(1)b), il est difficile d'imaginer la portion de l'indemnité touchant les frais de formation comme une indemnité aux fins de l'alinéa, puisqu'une telle indemnité est un montant reçu que l'employé récipiendaire peut utiliser à son gré[11]. Une indemnité peut être imposable quand il est possible qu'elle dissimule une rémunération[12]. Dans le cas présent, l'indemnité est établie de façon à correspondre aux frais de subsistance établis par l'employeur. L'appelante n'a pas du tout le choix quant à la façon dont elle dépense l'indemnité, ou combien elle peut dépenser. Dans les faits, l'appelante engage des frais qui sont liés à son emploi, et ces frais lui sont remboursés. Ce genre de remboursement n'est pas imposable d'après le paragraphe 5(1) ou les alinéas 6(1)a) ou b)[13]. Le fait qu'elle reçoive le remboursement sous forme de mensualités fixes ne change rien à son caractère fondamental.

[50]     En examinant les frais de formation sous une perspective différente, je remarque que, dans les circonstances de cette affaire, une question se pose quant à l'utilité de considérer l'appelante comme ayant reçu cette portion de l'indemnité. S'il est vrai qu'on reçoit quelque chose quand on en tire un avantage, il est certainement possible, dans cette affaire, de suggérer que ce « quelque chose » est l'avantage lui-même, et non l'argent attribué à la fourniture de l'avantage. Cela s'applique, du moins d'après moi, quand la connexion entre les fonds attribués et l'avantage est prédéterminée et fixée inexorablement, de telle sorte que l'employé n'a pas le choix. En fait, l'appelante s'est engagée à renoncer à cet argent en faveur de son employeur qui s'est engagé à le lui verser, c'est-à-dire qu'elle a accepté de recevoir une indemnité réduite. En échange de cela, on lui fournissait pension et logement dont la valeur pouvait être imposable d'après l'alinéa 6(1)a). Si l'on suggère autre chose, on rend l'employeur responsable de déterminer ce qui constitue un avantage et quelle valeur lui attribuer à des fins fiscales. L'assujettissement à l'impôt, en vertu de l'alinéa 6(1)a), d'un avantage conféré n'est pas le montant auquel l'employeur a renoncé, mais la valeur de l'avantage établie conformément aux principes applicables aux fins de cet alinéa.

[51]     Dans cette affaire-ci, ce qui ressort surtout en ce qui concerne l'assujettissement à l'impôt des frais de formation, c'est l'avantage conféré pour la pension et le logement. La valeur de cet avantage peut être incluse dans le revenu d'après l'alinéa 6(1)a). Toutefois, il est normalement entendu que, pour inclure une valeur dans un revenu, il faut d'abord que ce soit déterminé comme un avantage qui profite à l'employé et non surtout à l'employeur[14]. Rendu ici, je note que l'analyse des frais de formation comme étant un remboursement non imposable cadre bien, en théorie, avec la conclusion qu'ils ne constituent pas un avantage. Les dépenses engagées par un employé dans le cadre de l'emploi et remboursées par l'employeur reflètent des avantages qui profitent surtout à l'employeur. Même si j'estime qu'il suffit que je constate que les frais de formation étaient engagés en l'espèce dans le cadre de l'emploi et donc non imposables, je n'hésite pas, d'après les faits de cette cause, à ajouter qu'à mon avis, l'appelante n'a tiré pratiquement aucun avantage des frais de formation, et que le montant affecté par l'employeur à ces dépenses l'était pour son compte et son bénéfice. Il devait rassembler des recrues et les transplanter à un endroit qui lui convenait. Au moins pour l'entraînement relatif à la tenue, il lui fallait loger les recrues en un lieu où leurs moindres actions pouvaient être évaluées. De quelle autre façon pourrait-on vérifier que la position des articles d'uniforme dans la garde-robe reflétait celle des vêtements du partenaire? Je ne vois pas l'avantage économique qu'il y aurait pour l'employé de donner à l'employeur un tel contrôle et d'être enfermé dans un « trou » loin des commodités de la maison.

[52]     Par conséquent, l'appel est admis. Le revenu d'emploi assujetti à l'impôt est l'indemnité de formation reçue, soit 5 747,00 $, mais non les frais de formation attribués à l'appelante sous forme de retenues salariales à la source.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de septembre 2002.

                                             

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de septembre 2003.

Mario Lagacé, réviseur



[1] Bien que je désigne le versement brut comme une « indemnité » , car c'est ainsi qu'on le nomme dans les documents pertinents, il faut noter que la position principale de l'intimée est que le versement était un montant payé à titre ou en remplacement d'un salaire.

[2] Je note que l'appelante a inclus le feuillet T-4 avec sa déclaration de revenu, en expliquant pourquoi elle n'a pas inclus ce montant dans son revenu déclaré.

[3] Une requête a été présentée au début du procès par l'avocat de l'intimée en vue de supprimer le renvoi à une partie de la réponse de l'intimée selon laquelle il y avait une directive en vue de produire la cotisation parce que l'indemnité tenait lieu de salaire, et que les cadets étaient considérés comme des employés aux fins de la Loi. La directive était sous forme d'une décision du Conseil du Trésor. L'intimée cite l'affaire Babcock c. Canada (Procureur général), [2002] A.C.S. n ° 58 comme fondement selon lequel cette décision est protégée contre la divulgation à titre d'information constituant des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ne devrait pas être citée. Le renvoi, dans la réponse, identifiait clairement la décision, et des extraits de l'interrogatoire préalable de M. Davidson indiquent clairement que la Section des appels de Revenu Canada à Winnipeg avait mentionné la décision. D'après moi, cela place la décision dans le champ de l'audience. L'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada interdit la divulgation de renseignements si le ministre a attesté par écrit qu'il s'agit d'un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada. Une opposition fondée sur une certification déposée dans les délais prescrits devrait être produite après une demande de production de la décision ou avant la détermination à ne pas la divulguer s'il y a des motifs de croire que la divulgation pourrait être recherchée ou demandée. Elle ne doit pas avoir lieu après que la Couronne a déjà présenté l'information en question devant la Cour. En l'espèce, l'opposition était non seulement tardive, mais elle n'était pas accompagnée du certificat requis. En outre, l'avocat de l'intimée ne s'est pas opposé à ce que je cite des extraits de l'interrogatoire préalable de M. Davidson relativement à la décision. Aucune objection n'a été soulevée à un tel renvoi pendant l'interrogatoire lui-même. Je note également que la décision en tant que telle ne semble pas avoir été produite, et aucune demande de production n'a été faite. Par conséquent, je ne vois aucune raison d'accueillir la requête. Si l'on va s'opposer à des références à un document confidentiel de ce genre, il faut le faire à la première occasion après avoir invoqué les dispositions requises de la Loi sur la preuve au Canada. Cela n'a pas eu lieu dans ce cas. À mon avis, c'est ce que suggère la décision dans l'affaire Babcock. Dans cette affaire, la raison d'être de l'article visé de la Loi sur la preuve au Canada a été confirmée comme étant d'empêcher la divulgation. Dès que la divulgation a lieu, le privilège disparaît. Tout en refusant la requête, j'ajoute que je n'ai pas besoin de considérer la référence à la décision ou à son contenu, qui constitue du ouï-dire. La délivrance des feuillets T-4 constitue une preuve suffisante de l'argument censément soulevé par la décision.

[4] IT NEWS-13 Impôt sur le revenu- Nouvelles techniques no 13; Bulletin d'interprétation IT-470R à alinéa 18.

[5] Je note que l'exception prévue au paragraphe 6(6) à la règle voulant que l'on inclue la pension et le logement en tant qu'avantages imposables ne peut s'appliquer en l'espèce car l'appelante vivait à la maison, avec ses parents.

[6] Schwartz c. Canada, [1996] 2 R.C.S. 254 (96 DTC 6103 (C.S.C.); Bellingham c. Canada (C.A.),[1996] 1 C.F. 613 (96 DTC 6075); Canada c. Fries,[1990] 2 R.C.S. 1322 (90 DTC 6662 (C.S.C.), 89 DTC 5240 (F.C.A.)); Curran v. M.N.R., 67 DTC 5045 (C. de l'É.); Wood v. M.N.R., 67 D.T.C. 5045 (C. de l'É.).

[7] Voir l'affaire Wood, ibidem. Bien que cette affaire, contrairement aux autres mentionnées, traite de déductions du calcul du revenu de sources non citées, elle nous y ramène en quelque sorte, car elle sanctionne la déduction de dépenses effectuées pour gagner un revenu, dans un cas comme celui où le refus de la déduction est fondé sur le fait que la dépense apporte un avantage personnel. Il n'existe aucun contexte légal pour aborder cette question dans le cas de sources non citées. Il est à présumer qu'on doit faire appel aux principes comptables ou au bon sens. Toutefois, puisque la Loi ne traite pas ce genre de question, cela m'amène à suggérer que la reconnaissance judiciaire de sources de revenu non citées doive être exercée avec un certain degré de retenue, surtout lorsque l'on peut raisonnablement repérer une source citée, comme dans le cas présent.

[8] Il ne fait aucun doute que, dans la mesure où les services sont identifiés, le contrat est un contrat de louage de services par rapport à un contrat d'entreprise. Par conséquent, en appliquant tous les critères d'emploi (contrôle, chance de profit, risque de perte, propriété des outils et intégration), il n'existe ici certainement aucun contrat d'entreprise.

[9] [1988] T.C.J. No. 936.

[10] C.C.I., no 2001-2326(EI), 5 avril 2002 ([2002] T.C.J. No. 170).

[11] Procureur général du Canada c. MacDonald,C.A.F., no A-1523-92, 23 mars 1994 (94 DTC 6262); Oster c. Canada, [1994] A.C.I. no 758, (95 DTC 104).

[12] Cyril John Ransom v. M.N.R., 67 DTC 5235 à 5244 (C. de l'É.).

[13] Ibidem. Quoique la décision dans l'affaire Ransom se rapporte au paragraphe 5(1) et aux alinéas 5(1)a) et b) de l'ancienne loi, ces dispositions sont substantiellement similaires à celles du paragraphe 5(1) et des alinéas 6(1)a) et b) de la présente loi.

[14] Ce n'est pas seulement reflété dans les pratiques administratives mentionnées plus haut dans les présents motifs, mais aussi dans la jurisprudence. Les affaires Langley and others v. Appleby (Inspector of Taxes), [1976] 3 All E.R. 391 (Ch.D.); Lowe c. La Reine, C.A.F., no A-172-95, 13 mars 1996 (96 DTC 6226); Lordly v. M.N.R., 78 DTC 15669 (C.A.I.); Romeril c. La Reine, C.C.I., no 97-3314(IT)I, 20 novembre 1998 (99 DTC 221); Chow c. Canada, [2000] A.C.I. n ° 902.

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