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1999-2569(IT)I

ENTRE :

SYLVAIN LAMARRE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 8 juin 2000, à Montréal (Québec), par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocate pour l'intimée :                       Me Suzanne Morin

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'août 2000.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


Date: 20000824

Dossiers : 1999-2569(IT)I

ENTRE :

SYLVAIN LAMARRE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]      L'appel a trait à l'imposition d'une pénalité imposée pour l'année d'imposition 1996.

[2]      L'article 163(2) de la Loi de l'impôt sur le Revenu (la « Loi » ) portant sur l'imposition de pénalités se lit comme suit :

(2) Faux énoncés ou omissions - *Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

a) l'excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii) :

(i) l'excédent éventuel de l'impôt qui serait payable par cette personne pour l'année en vertu de la présente loi sur le montant qui serait réputé par le paragraphe 120(2) payé au titre de cet impôt pour l'année, s'il était ajouté au revenu imposable déclaré par cette personne dans la déclaration pour l'année la partie de son revenu déclaré en moins pour l'année qu'il est raisonnable d'attribuer au faux énoncé ou à l'omission et si son impôt payable pour l'année était calculé en soustrayant des déductions de l'impôt payable par ailleurs par cette personne pour l'année, la partie de ces déductions qu'il est raisonnable d'attribuer au faux énoncé ou à l'omission,

(ii) l'excédent éventuel de l'impôt qui aurait été payable par cette personne pour l'année en vertu de la présente loi sur le montant qui aurait été réputé par le paragraphe 120(2) payé au titre de cet impôt pour l'année, si l'impôt payable pour l'année avait fait l'objet d'une cotisation établie d'après les renseignements indiqués dans la déclaration pour l'année;

[3]      La preuve a établi que la Gendarmerie royale du Canada ( « G. R. C. » ) avait initié une enquête policière concernant de possibles anomalies ou irrégularités dans le traitement de certains dossiers où le bureau de « Ratelle et Associés Redressement financier » ( « Ratelle » ) avait été impliqué.

[4]      Au départ, l'enquête visait essentiellement certaines pratiques et liens de Ratelle avec un bureau de syndic.

[5]      Dans le cadre de cette enquête, il fut constaté que certains contribuables avaient possiblement profité d'avantages fiscaux dont les fondements étaient fictifs. À partir de ce constat, l'enquête est devenue conjointe avec Revenu Canada.

[6]      Très rapidement, les enquêteurs de la G.R.C. et de Revenu Canada ont découvert qu'il y avait des centaines de dossiers contenant de fausses et mensongères informations; ils ont, en effet, identifié plusieurs raisons sociales fictives dont les noms figuraient aux déclarations de revenus de plusieurs personnes.

[7]      Conséquemment, ils ont décidé de rencontrer tous les individus concernés ou associés aux entreprises présumées fictives dans le but de faire la lumière sur l'ensemble du dossier.

[8]      Ratelle se définissait comme des redresseurs financiers. Agressif sur le plan de la publicité, Ratelle ciblait des groupes de travailleurs oeuvrant généralement pour la même entreprise et ayant des revenus élevés. La sollicitation se faisait au moyen de lettres circulaires, d'envois par télécopieur et encore plus efficace, de bouche à oreille.

[9]      Diverses tactiques étaient utilisées. Dans le présent dossier, Ratelle s'est présenté comme expert en redressement financier; à ce titre, il soutenait avoir de nombreux clients et entreprises en difficultés qui ne pouvaient pas se prévaloir des pertes légitimes, lesquelles pouvaient être transférées à l'avantage de tout intéressé moyennant un pourcentage en fonction des bénéfices obtenus.

[10]     Dans les faits, Ratelle préparait les déclarations de revenus de clients à la recherche d'un remboursement d'impôt et opposait aux revenus de ces derniers soit une perte d'entreprise, soit une perte au titre de placement d'entreprise.

[11]     L'appelant a soutenu qu'il était de bonne foi, en s'appuyant sur le fait que Ratelle avait à son emploi un ou des comptables agréés. Selon l'appelant, un contribuable qui s'adresse à un membre d'une corporation professionnelle tel un comptable, doit se fier et lui faire confiance. Intéressé par la proposition de Ratelle, l'appelant a expliqué que lui et son ami Martin Vallerand, également appelant dans un dossier similaire, avaient longuement questionné les employés de Ratelle. Il a aussi indiqué que certaines de leurs questions avaient nécessité un délai avant d'obtenir les réponses.

[12]     L'appelant a aussi mentionné que son collègue avait vérifié auprès de l'Ordre des comptables agréés du Québec pour s'assurer que Ratelle était bel et bien c.a.

[13]     Suite à leur investigation, l'appelant a décidé de se prévaloir de l'offre de Ratelle lui permettant de toucher un important retour d'impôt, soit spécifiquement 4 988,20 $ seulement pour le fédéral. Il a poursuivi en prétendant qu'il se devait de faire confiance à une entreprise fiable et responsable étant donné qu'elle avait un véritable c.a. à son emploi.

[14]     Ingénieur de formation, il a témoigné à l'effet qu'il était à sa connaissance, bien que profane en la matière, que de nombreux abris fiscaux existaient et qu'il croyait que celui proposé par Ratelle était légitime.

[15]     Il a donc signé sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1996 attestant que tout le contenu était véridique. Sa déclaration fait mention d'une perte au titre de placement d'entreprise brute au montant de 35 780 $ donnant droit à une déduction de 26 835 $.

[16]     Au moment de la signature, l'appelant a affirmé que Ratelle ne lui avait fourni aucun document ou pièce justificative soutenant la perte, pourtant très importante eu égard à ses revenus pour cette année-là de 45 213,94 $. Il a accepté les explications de Ratelle à l'effet que le bureau était surchargé en cette période des impôts et que les documents pertinents lui seraient éventuellement fournis.

[17]     Lorsqu'il a reçu son remboursement d'impôt, Ratelle lui a réclamé le dû établi en fonction du pourcentage convenu. L'appelant a alors conditionné le paiement à la remise des documents justifiant la perte réclamée. Devant l'insistance de Ratelle, il a finalement payé Ratelle et obtenu un document qu'il a lui-même qualifié d'incomplet et non pertinent.

[18]     Même si ces faits nouveaux l'ont rendu suspect pour une deuxième fois, il n'a rien fait pour corriger la situation et a refusé de collaborer avec les enquêteurs. Il a préféré s'en remettre à Ratelle et soutenir qu'il n'avait rien à se reprocher du fait d'avoir fait affaire avec un bureau qui avait un c.a. à son emploi.

[19]     Tous les faits postérieurs à la déclaration de revenus ont une importance relative, en ce qu'ils permettent essentiellement de mieux comprendre les circonstances qui prévalaient au moment de l'attestation que tous les renseignements étaient véridiques.

[20]     Je ne crois pas qu'il puisse exister de circonstances qui peuvent justifier une fausse et mensongère déclaration dans le cas où le signataire d'une telle déclaration savait ou devait savoir que les renseignements fournis étaient faux, particulièrement quant il s'agit d'un énoncé ayant un impact significatif sur le fardeau fiscal de l'intéressé.

[21]     En l'espèce, l'appelant n'a jamais investi, jamais rien déboursé, jamais exploité ou été associé à l'entreprise qui a généré la perte réclamée. Il est peut-être possible de faire une transaction sans débourser quoique ce soit; par contre, cela sous-entend qu'il y a eu engagement formel et véritable au terme duquel celui qui s'engage paiera la considération convenue peu importe la tournure des événements.

[22]     Selon l'appelant, il aurait acquis un droit non défini ni identifié que la preuve a aussi établi non réel, en contrepartie de quoi il n'avait rien à débourser si l'aventure ne tournait pas à son profit.

[23]     Croire en la légalité d'un tel scénario suppose une naïveté telle qu'elle doit être qualifiée de faute lourde.

[24]     Je ne crois pas que l'appelant ait été naïf à ce point; il a plutôt délibérément fermé les yeux en se repliant derrière le fait que le tout avait été orchestré par un véritable c.a. qui assumerait éventuellement la responsabilité si cela était refusé.

[25]     Au-delà des explications qui peuvent avoir guidé l'appelant, il demeure un fait objectif et incontournable. Il a bel et bien fait un faux énoncé, indiqué dans sa déclaration de revenus une fausse et mensongère information, importante, qui avait des conséquences significatives sur son fardeau fiscal.

[26]     Il a lui-même attesté que tout le contenu était véridique ce qui en soi est largement suffisant pour conclure au bien-fondé de la pénalité.

[27]     Le fait que l'appelant et son ami Vallerand aient senti le besoin de faire certaines vérifications pour s'assurer que Ratelle était bel et bien un c.a. dûment enregistré auprès de l'Ordre des comptables, démontre à quel point il existait un ou des doutes véritables quant à la légalité de ce qui leur était proposé par le bureau de Ratelle.

[28]     Cette démarche ne justifie pas pour autant la fausse et mensongère déclaration dont il a bel et bien pris connaissance avant de signer sa déclaration.

[29]     L'appelant a délibérément choisi de se replier dernière les explications farfelues de Ratelle croyant que le fait d'avoir fait affaire avec un bureau où il y avait un comptable le mettait à l'abri de tout blâme et serait suffisant pour démontrer sa bonne foi.

[30]     Il ne s'agissait certainement pas là d'un comportement raisonnable et sans reproche. L'appelant a plutôt agi d'une façon téméraire au point de le rendre complice à part entière du stratagème initié par Ratelle.

[31]     Conséquemment, l'intimée était pleinement justifiée d'imposer la pénalité.

[32]     L'appel est donc rejeté.

Signé à Ottawa, Canada ce 24e jour d'août 2000.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       1999-2569(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Sylvain Lamarre c Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 8 juin 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 24 août 2000

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocate pour l'intimée :                       Me Suzanne Morin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                   Nom :          

                   Étude :                  

                                               

Pour l'intimée :                          Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

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