Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-2444(IT)G

ENTRE :

ELVIN FERSTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus les 27 et 28 novembre 2001, à

Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge M.A. Mogan

Comparutions

Avocat de l'appelant :                Me Leslie M. Little, c.r.

Avocat de l'intimée :                  Me Michael Taylor

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'égard des cotisations fiscales établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993 sont accueillis, sans dépens, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que, dans chacune de ces années, le revenu de l'appelant provenait principalement de l'agriculture.


Les appels interjetés à l'égard des cotisations fiscales établies en vertu de la Loi pour les années d'imposition 1994 et 1995 sont rejetés, sans dépens.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 8e jour de janvier 2003.

« M.A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d'octobre 2003.

Erich Klein, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date : 20030108

Dossier : 1999-2444(IT)G

ENTRE :

ELVIN FERSTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Mogan, C.C.I.

[1]      Quand l'appelant a produit ses déclarations de revenus pour les années 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995, il a déclaré des revenus tirés d'une variété de sources et, en particulier, il a indiqué pour chaque année une perte subie par son exploitation agricole. Il a déduit la totalité de sa perte agricole de ses revenus provenant d'autres sources. Le ministre du Revenu national a établi à l'égard de l'appelant pour les cinq années d'imposition des nouvelles cotisations refusant la déduction de la totalité de la perte agricole pour chaque année au motif que le revenu de l'appelant ne provenait principalement ni de l'agriculture ni d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source au sens du paragraphe 31(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le ministre a toutefois accordé à l'appelant la déduction de la perte agricole restreinte qui est décrite au paragraphe 31(1) de la Loi. L'appelant a interjeté appel des nouvelles cotisations pour les cinq années d'imposition. La seule question en litige devant la Cour est celle de savoir si le revenu de l'appelant pour chaque année provenait principalement de l'agriculture ou d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source.

[2]      Bien que le montant de la cotisation pour l'année 1992 soit zéro, les parties ont convenu au début de l'audience de considérer cette année comme faisant l'objet d'un appel, car le montant de la perte en 1992 pourrait influer sur le revenu imposable de l'année précédente ou de l'année suivante qui, elles, font validement l'objet d'un appel. La décision dans l'affaire Aallcann Wood Suppliers Inc. c. Canada, [1994] A.C.I. no 280 (QL) (94 DTC 1475), vient étayer cette position. Ma décision portera donc sur les cinq années d'imposition.

[3]      Né en 1941, l'appelant a été élevée dans une ferme familiale de 160 acres dans la province de Saskatchewan. Sa famille pratiquait l'agriculture mixte et avait une trentaine de vaches laitières. On produisait le fourrage pour le bétail et faisait d'autres cultures. En 1962, l'appelant a épousé une femme qui avait également été élevée dans une ferme, mais dans l'État de Washington, aux États-Unis. De 1962 à 1964, l'appelant avait un emploi comme chauffeur de grumier. De 1964 à 1977, il a exploité une entreprise de camionnage à Quesnel, en Colombie-Britannique. Il a commencé avec un seul camion, mais en 1977 il en avait 12 ou 13, tous employés dans l'industrie forestière. En 1977, l'appelant a vendu son entreprise de camionnage et acheté une petite ferme dans la vallée du Fraser, près d'Abbotsford, en Colombie-Britannique, à environ 80 kilomètres à l'ouest de Vancouver.

[4]      Cette ferme se trouvait en fait dans une petite collectivité, Mount Lehman, qui a depuis lors été englobée dans Abbotsford. D'une superficie de 12½ acres, elle consistait en une maison, un garage séparé pour deux voitures, et une grange. Aucun équipement n'était inclus avec la ferme, mais au bout de deux ans l'appelant avait acheté un tracteur muni d'une chargeuse frontale, un camion et une remorque pour transporter le bétail et du matériel pour l'ensemencement et la fenaison. L'appelant a également construit de nouvelles clôtures, et puisqu'il a de l'expérience en soudage, il a acheté de l'acier et fabriqué du matériel (corrals, chutes, etc.) destiné à être utilisé pour les bovins. À ses débuts en 1977-1978, il a acheté une trentaine de bouvillons en vue de les engraisser et de les vendre à six mois. Après la première année, il a changé d'orientation pour se lancer dans ce qu'il appelait une exploitation de naissage avec l'achat de 30 vaches Galloway qu'il a mises à la reproduction; le vêlage avait lieu au printemps et il élevait ensuite les veaux en vue de les vendre ou de les garder pour augmenter son troupeau.

[5]      Les 12½ acres de la ferme à Mount Lehman ne suffisaient pas pour faire paître ses 30 vaches et lui permettre de récolter du foin, et il s'est donc procuré d'autres terres dans les environs. Il a commencé par une terre de 40 acres à Etonvale qui avait servi à la culture de fraisiers. Il a pu avoir cette terre pendant deux ou trois ans sans payer de loyer en acceptant de la nettoyer, d'y semer ses propres cultures et de la clôturer. Quand le propriétaire a repris ses 40 acres à Etonvale, l'appelant s'est procuré encore 40 acres auprès de Mme Nichols selon les mêmes conditions, c'est-à-dire qu'il devait débarrasser cette terre de ses fraisiers, l'ensemencer et la clôturer. Après avoir rendu à Mme Nichols cette terre, l'appelant a obtenu d'autres terres au fil des ans : premièrement, d'une Mme Hildebrand, ensuite une terre sur le chemin Burgis, puis une troisième terre appelée la propriété Peters. Dans ces trois derniers cas, l'appelant devait verser un loyer, mais il avait besoin de ces terres pour produire du foin et d'autres cultures pour son petit troupeau de bovins.

[6]      L'appelant n'était pas satisfait du rendement de son exploitation de naissage avec les vaches Galloway. Après 1977, il a assisté régulièrement à l'Agribition de Regina, une exposition annuelle de produits agricoles. Il examinait différentes races de bovins de boucherie afin de déterminer laquelle serait la plus avantageuse pour son exploitation. Il a enfin fixé son choix sur la race Simmental. Il avait étudié le facteur de conversion (consommation de fourrage comparée au gain de poids) pour un certain nombre de races, arrivant à la conclusion que la Simmental était la meilleure. Un taureau Simmental d'un an pouvait facilement peser 1 500 livres, alors qu'un Galloway d'un an pèserait environ 1 200 livres et un Hereford du même âge, un millier de livres, pour la même consommation de fourrage.

[7]      Vers la fin des années 1980, l'appelant a acheté quatre vaches Simmental de race pure à un coût total de 25 000 $. Il avait l'intention de développer un troupeau de Simmental au moyen d'un programme de transplantation d'embryons. Ce programme était important pour l'appelant, qui a présenté une preuve considérable concernant la façon dont cela fonctionnait. On peut le décrire comme suit. Une vache Simmental de race pure (appelée une « donneuse » ) recevait une injection d'hormones afin de provoquer une superovulation. Huit jours plus tard environ, cette donneuse recevait par insémination artificielle de la semence provenant d'un taureau Simmental de race pure. À peu près huit jours après l'insémination artificielle, on procédait à un lavage de l'utérus de la donneuse afin de déterminer s'il y avait des embryons vivants pouvant servir à la transplantation. Les embryons d'une certaine qualité pouvaient être congelés en vue de la transplantation à une date ultérieure, mais d'autres devaient être transplantés immédiatement pour survivre. Un embryon vivant pouvait être transplanté dans une vache receveuse qui n'était pas une Simmental de race pure. Si la transplantation prenait, l'embryon se développait pour devenir un veau porté par la vache receveuse, et après la période de gestation normale, qui est d'environ neuf mois chez les bovins, la receveuse mettait bas un veau qui était Simmental de race pure.

[8]      Si l'on pouvait obtenir un nombre important d'embryons vivants dans un seul lavage dans le processus décrit ci-dessus, et si ces embryons vivants pouvaient être transplantés avec succès dans plusieurs vaches receveuses qui n'étaient pas des Simmental, il serait possible de développer un grand troupeau de bêtes Simmental pure race en peu de temps avec seulement un petit nombre de vaches donneuses Simmental de race pure. Telle était l'intention de l'appelant lorsqu'il a acheté ses quatre vaches Simmental pure race à la fin des années 1980.

[9]      Pour commencer, l'appelant a retenu les services d'un vétérinaire qui se trouvait près d'Abbotsford et qui connaissait bien le processus de la transplantation d'embryons. Dès 1989, l'appelant a mis ce processus à l'épreuve sur six vaches appelées Tanya, FerDawn, Salvita, Patches, Dimples et Winters. Tanya avait été une vache très productive dans le processus de la transplantation d'embryons avant que l'appelant ne l'achète, mais, dès 1990 ou 1991, l'appelant a dû faire à son égard un constat d'échec. Les quatre vaches suivantes ont également donné de très mauvais résultats dans le processus de la transplantation d'embryons, et la dernière vache, Winters, n'a produit que six embryons vivants vers 1995 ou 1996. En définitive, la transplantation d'embryons n'a pas été un succès pour l'appelant, quoiqu'il ait fait, de 1989 à 1995, une tentative réelle pour utiliser ce processus sur ses vaches Simmental pure race.

[10]     Vers 1988, l'appelant s'est lancé dans la restauration, et cela l'a dans une grande mesure détourné de ses activités agricoles pendant un certain temps. Une entreprise de Dallas, au Texas, avait établi une chaîne de restaurants sous le nom « Bonanza Restaurant » dans tout l'ouest des États-Unis. En 1986, il y avait plus de 200 de ces restaurants. Cette année-là, certaines personnes ont décidé d'implanter la chaîne Bonanza au Canada. Entre 1986 et 1988, l'appelant est devenu copropriétaire de quatre restaurants Bonanza dans la province de la Colombie-Britannique, soit à Langley, à Chilliwack, à Clearbrook (près d'Abbotsford) et à Prince George. Il s'est décrit comme un petit investisseur passif, mais même si c'était vrai au début, ce ne l'était certainement pas plus tard. Il semble qu'au Canada autant qu'aux États-Unis, les restaurants Bonanza ont été en quelque sorte des étoiles filantes : très brillantes, mais éphémères. L'appelant a déclaré que la société mère à Dallas et beaucoup des restaurants aux États-Unis avaient fait faillite dans l'espace de trois ou quatre ans. Il n'existait que 15 ou 20 restaurants Bonanza au Canada, et l'appelant pense que tous les propriétaires ont fait faillite, sauf lui et un ou deux autres.

[11]     Les restaurants Bonanza ont commencé à faire faillite en 1989 ou 1990. Quand un restaurant se trouvait en difficulté financière, les fournisseurs exigeaient le paiement au comptant pour tout ce qu'ils lui vendaient. Après que le restaurant de Langley eut commencé à connaître des difficultés, la femme de l'appelant a assumé le rôle de gérante en 1990 ou 1991, quand tous les autres propriétaires ont abandonné la partie. Elle a géré le restaurant pendant six mois environ, l'a remis sur les rails, puis l'a vendu. Le restaurant de Chilliwack est resté ouvert plus longtemps parce que l'un des copropriétaires le gérait bien, mais ce restaurant a ensuite fermé ses portes vers 1992. L'appelant a dû prendre en main la gestion du restaurant de Clearbrook (près d'Abbotsford, non loin de sa ferme à Mount Lehman) en 1991, quand les autres propriétaires s'en sont lavé les mains. Il a exploité ce restaurant pendant une année environ afin de le redresser, puis l'a revendu en 1992.

[12]     Le vrai problème, celui qui est devenu un grand fardeau pour l'appelant, était le restaurant Bonanza à Prince George. L'appelant avait commencé avec une part de 25 p. 100 seulement dans ce restaurant, et il était, au début, vraiment un investisseur passif, étant donné que ce restaurant se trouvait à environ 450 milles au nord de sa ferme de Mount Lehman. Il s'était toutefois engagé de façon importante dans le restaurant de Prince George, puisqu'il s'était porté personnellement garant à l'égard du prêt hypothécaire de 575 000 $ consenti à cet établissement. À la fin de l'été 1993, l'appelant a reçu un appel téléphonique de Prince George; on l'informait que le restaurant se trouvait en difficulté financière. Il y avait un arriéré considérable quant à la remise des retenues à la source sur les salaires et traitements du personnel. Ainsi en était-il également pour le versement de la TPS à Revenu Canada. L'appelant risquait de se voir appelé à s'acquitter de son obligation de garantie à l'égard de l'hypothèque grevant le restaurant de Prince George. Il savait qu'il devait faire quelque chose de radical. Lui et sa femme ont donc décidé de déménager sur-le-champ à Prince George afin d'assumer la gestion du restaurant.

[13]     En septembre 1993, l'appelant et sa femme ont déménagé à Prince George, où ils sont restés jusqu'à la fin de 1997. Il a pu garder presque tout le personnel, mais il a lui-même pris en main les fonctions du gérant et a géré le restaurant, secondé par sa femme. En travaillant dur, ils ont réussi à éviter la faillite, et ils ont ramené le restaurant à un point où ils ont pu en 1997 le fermer et le vendre à un groupe qui l'a ensuite converti en buffet chinois.

[14]     Quand l'appelant a déménagé à Prince George avec sa femme, il savait qu'il ne pourrait maintenir lui-même son programme de transplantation d'embryons de vaches Simmental, et il a donc décidé qu'il allait devoir s'associer à un autre agriculteur. Il connaissait bien Lyle Galloway, un agriculteur de l'État de Washington qui vivait de l'autre côté de la frontière américaine pas très loin de la ferme de l'appelant à Mount Lehman dans le sud de la Colombie-Britannique. L'appelant s'est associé à Lyle Galloway. Ils ont décidé de transférer toutes les vaches de l'appelant de Mount Lehman à la ferme Galloway dans l'État de Washington, sauf quelques bêtes qui resteraient à Mount Lehman. Dans les faits, les bonnes vaches Simmental sont toutes allées à la ferme Galloway. D'après leur entente, l'appelant restait propriétaire des vaches transférées à la ferme Galloway, mais l'appelant et Lyle Galloway, à titre de coentrepreneurs, auraient chacun une part de 50 p. 100 dans les veaux éventuellement issus des vaches Simmental de l'appelant. Ils ont essayé de continuer le programme de transplantation d'embryons, mais sans grand succès.

[15]     Dans son témoignage, l'appelant a déclaré qu'il se rendait en voiture à la ferme Galloway de 25 à 30 fois par année afin d'aider dans l'exploitation de l'entreprise agricole, et qu'il y restait quatre ou cinq jours chaque fois. La ferme Galloway se trouvait à environ 500 milles de Prince George, et il fallait traverser la frontière américaine. C'était un trajet qui prenait une journée complète dans chaque sens. Je comprends que l'appelant ait pu faire ce voyage pour une activité prévisible comme la fenaison, mais en ce qui concerne le vêlage, si une vache était en travail, elle mettrait bas probablement avant que l'appelant ne puisse faire les 500 milles de route. Quoique l'appelant ait pu se rendre à la ferme Galloway pour la fenaison et pour utiliser ses compétences de soudeur afin de fabriquer des corrals et des chutes à bétail, il lui aurait été difficile de participer, depuis Prince George, à l'exploitation quotidienne de la ferme et notamment à la prise des décisions sur la sélection d'une vache pour le processus de transplantation d'un embryon et sur le moment d'amorcer ce processus. À mon avis, l'appelant a vraiment essayé d'aider son associé, Lyle Galloway, à exploiter la ferme Galloway, mais franchement, je doute qu'il se soit rendu là 25 à 30 fois par année en voiture et qu'il soit resté quatre ou cinq jours à chaque occasion. Cela voudrait dire plus de deux voyages par mois. Compte tenu de la preuve, je suis convaincu que pendant la période allant de septembre 1993 à 1997, la principale occupation de l'appelant consistait à sauver le restaurant de Prince George pour éviter toute responsabilité découlant de sa garantie personnelle relative à l'hypothèque. C'est pourquoi lui et sa femme ont déménagé à 450 milles au nord de chez eux pour s'installer à Prince George.

[16]     Comme dans pratiquement tous les cas de « perte agricole » , l'appelant a déclaré une perte résultant de l'exploitation de sa ferme pour chaque année visée par un appel. En fait, la ferme de l'appelant a essuyé des pertes dans chaque année précédant celles qui sont en cause relativement à laquelle il y a de la preuve. L'annexe A qui accompagne la réponse à l'avis d'appel déposée par l'intimée contient un état comparatif des résultats déclarés par l'appelant relativement à son exploitation agricole pendant la période de onze années allant de 1985 à 1995 inclusivement. En contre-interrogatoire (page 202 de la transcription), l'appelant a reconnu qu'il ne doutait pas de l'exactitude des montants figurant à l'annexe A. La pièce R-1 est une reliure contenant des copies des déclarations de revenus de l'appelant pour les onze mêmes années. En lisant rapidement la pièce R-1, on constate que les montants de l'annexe A sont exacts.

[17]     Dans le tableau ci-dessous, je n'indique que les montants qui me semblent les plus pertinents pour les cinq années visées par l'appel et pour les deux années précédentes (1989 et 1990).

Rentrées de fonds*

Sorties de fonds*

Perte résultant

1989

13 977 $

24 990 $

11 013 $

1990

15 509

41 324

25 815

1991

1 524

37 204

35 680

1992

14 485

34 743

20 258

1993

16 972

34 462

17 490

1994

16 133

37 255

21 122

1995

14 009

17 574

3 565

* Sauf les rajustements des stocks et la déduction pour amortissement.

Pendant cinq des sept années indiquées ci-dessus, les sorties de fonds représentaient plus du double des rentrées de fonds. Après avoir tenu compte d'un rajustement des stocks relativement au bétail pour chaque année et d'une déduction pour amortissement (demandée en 1994 et en 1995 uniquement), l'appelant a déclaré les montants suivants comme pertes agricoles sur ses déclarations de revenus pour les mêmes années.

1989

11 013 $

1990

20 815

1991

34 430

1992

11 518

1993

22 490

1994

62 127

1995

19 601

[18]     Dans la plupart des décisions portant sur la principale source de revenu dans le contexte de l'article 31 de la Loi, on passe en revue la jurisprudence à partir de l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 (77 DTC 5213). À mon avis, cependant, la jurisprudence plus récente concernant la principale source de revenu remonte à l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Morrissey c. Canada, [1989] 2 C.F. 418 (89 DTC 5080). Dans l'arrêt Morrissey, le juge Mahoney, s'exprimant au nom de la majorité, a déclaré, aux pages 429 et 430 (DTC : à la page 5084) :

[...] Dans l'étude du paragraphe 31(1), il me semble que la possibilité plutôt que la réalité est le mot clé dans tous les cas puisque cette disposition ne s'applique qu'en présence d'une perte au cours d'une année d'imposition. Cela ne veut pas dire, naturellement, que la rentabilité réelle au cours d'autres années ne peut, pendant les années de pertes, témoigner en faveur de la possibilité de profits.

L'arrêt Moldowan laisse entendre qu'un certain nombre de facteurs peuvent être pris en considération, mais en l'espèce, trois seulement nous intéressent : le temps consacré, les capitaux engagés et la rentabilité. En qualifiant le test de relatif et en soulignant qu'il ne s'agit pas d'une simple question de proportion, l'arrêt Moldowan montre que les trois facteurs doivent être soupesés. Avec déférence, il n'exige pas seulement que l'agriculture soit la préoccupation majeure du contribuable en ce qui concerne le temps et les capitaux disponibles.

[...]

Selon une bonne application du test proposé dans l'arrêt Moldowan, lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, on considère improbable la rentabilité de l'entreprise agricole en dépit du temps et des capitaux que le contribuable peut et veut bien lui consacrer, la conclusion à tirer selon le fardeau de la preuve en matière civile doit être que l'agriculture n'est pas une source principale de revenu pour l'agriculteur en question. Pour constituer un revenu dans le contexte de la Loi de l'impôt sur le revenu, ce qui est reçu doit être de l'argent ou quelque chose de convertible en argent. Sans rentabilité réelle ou possible, l'agriculture ne peut être une source principale du revenu du contribuable même si la concession qu'il s'adonnait à l'agriculture avec une expectative raisonnable de profit équivaut à une concession que la preuve peut ne pas confirmer, à savoir que l'agriculture constitue au moins une source de revenu pour le contribuable.

[19]     L'importance attachée, dans l'arrêt Morrissey, au temps consacré, aux capitaux engagés et à la rentabilité (réelle et potentielle), a été renforcée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Sa Majesté la Reine c. Roney, C.A.F., n ° A-1086-88, 11 mars 1991 (91 DTC 5148), quand la juge Desjardins, s'exprimant au nom de la cour, a déclaré aux pages 13-14 (DTC : aux pages 5153-5154) :

Le ratio dans l'arrêt Moldowan est que la mention, au paragraphe 31(1) de la Loi, d'un contribuable dont le revenu provient principalement d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source vise une personne dont l'agriculture est la préoccupation majeure. Cette personne peut avoir d'autres intérêts pécuniaires comme un revenu provenant d'un investissement, ou bien d'un emploi ou d'une entreprise secondaire. Ceux-ci demeurent cependant subsidiaires ou auxiliaires à sa principale source de revenu. La proportion du revenu provenant de l'agriculture est pertinente, même si elle n'est pas en elle-même décisive, et on ne peut en faire abstraction. Les critères distinctifs de la "principale source de revenu" du contribuable, c'est-à-dire l'expectative raisonnable de revenu en provenance des diverses sources, ainsi que ses habitudes et sa façon coutumière de travailler, doivent être analysés en fonction de facteurs comme le temps consacré, les capitaux investis et la rentabilité présente et future.

Je renvoie également aux observations de la Cour d'appel fédérale dans les arrêts Connell c. Sa Majesté la Reine, C.A.F., n ° A-341-88, 16 janvier 1992 (92 DTC 6134) et Poirier (syndic) c. Canada, [1992] A.C.F. no 281 (QL) (92 DTC 6335). À mon avis, il est maintenant bien établi que c'est l'impact cumulatif des facteurs temps consacré, capitaux investis et rentabilité que l'on doit considérer, et non l'un de ces facteurs pris individuellement.

[20]     Dans l'affaireCanada c. Donnelly (C.A.), [1998] 1 C.F. 513 (97 DTC 5499), le contribuable était un médecin qui se consacrait également à l'élevage et aux courses de chevaux standardbred. Le contribuable a eu gain de cause en première instance, mais la Cour d'appel fédérale a accueilli un appel interjeté au nom du ministre du Revenu national. Le juge Robertson, s'exprimant pour la cour, a déclaré à la page 520 (DTC : aux pages 5500-5501) :

Pour déterminer si l'agriculture est la principale source de revenu d'un contribuable, il faut établir une comparaison favorable entre cette source de revenu et l'autre source de revenu du contribuable sous l'angle des capitaux investis, du temps consacré à chacune et de la rentabilité présente et future. Il s'agit d'un critère à la fois relatif et objectif. Ce n'est pas une simple question de proportion. Ces trois facteurs doivent être soupesés et aucun d'eux n'est décisif. Malgré tout, il ne saurait y avoir de doute que le facteur de la rentabilité est le principal obstacle auquel se heurtent les contribuables qui cherchent à convaincre les tribunaux que l'agriculture est leur principale source de revenu. Il en est ainsi parce que les contribuables ont la charge de prouver que le revenu net qu'ils pourraient raisonnablement s'attendre de tirer de l'agriculture est considérable par rapport à leur autre source de revenu: il s'agit invariablement d'un revenu d'emploi ou de profession libérale. [...]

[21]     Enfin, dans l'arrêt Kroeker c. Canada, [2002] A.C.F. no 1436 (QL) (2002 DTC 7436), la contribuable et son mari faisaient de l'agriculture mixte : leurs activités consistaient pour moitié dans la production céréalière (orge et blé) et pour moitié dans l'élevage (exploitation de naissage). La contribuable était également employée à temps plein à titre de contrôleuse d'une société à Swift Current, en Saskatchewan. En accueillant l'appel de la contribuable, la Cour d'appel fédérale s'est référée à « certaines remarques incidentes » du juge d'appel Robertson dans l'arrêt Donnelly relativement à la nécessité de prouver une attente raisonnable de bénéfices « considérables » tirés de l'agriculture. Dans l'arrêt Kroeker, la cour semble craindre que la nécessité de prouver des bénéfices « considérables » en toutes circonstances n'impose un fardeau trop lourd à tous les contribuables. La juge Desjardins, s'exprimant au nom de la cour dans l'arrêt Kroeker, a déclaré au paragraphe 21 :

21         Il faut faire une distinction entre l'arrêt Donnelly, précité, et la présente espèce. Dans cette affaire-là, le contribuable s'occupait d'élevage de chevaux de course. C'est donc dans ce contexte qu'il a été jugé qu'il fallait démontrer l'existence d'une expectative raisonnable de bénéfices « considérables » . Dans l'arrêt Moldowan lui-même, précité, il n'est pas fait mention de cette exigence. Il est simplement dit que « [b]ien que la proportion du revenu provenant de l'agriculture soit pertinente, elle n'est pas en elle-même décisive » . Dans l'arrêt Morrissey, précité, les juges majoritaires de la Cour énoncent comme suit le critère : « Bien que la conclusion que l'agriculture constitue une principale source de revenu ne soit pas une simple question de proportion, ce n'est pas davantage une conclusion qui peut être tirée abstraction faite de toute proportion » .

[22]     Je vais tenter d'appliquer les facteurs du temps consacré, des capitaux investis et de la rentabilité à la preuve présentée en l'espèce, en commençant par le temps consacré. À partir de 1977, l'année où il a vendu son entreprise de camionnage pour acheter une petite ferme de 12½ acres à Mount Lehman, l'appelant a essayé de consacrer son temps à l'agriculture. Dans ce sens, il était bien différent du contribuable dans l'affaire Donnelly et de contribuables semblables, dont le juge d'appel Robertson a dit que ce sont « des contribuables qui gagnent leur revenu à la ville et le perdent à la campagne » . L'appelant a vraiment essayé de se livrer à l'agriculture à temps plein, mais s'en est par la suite laissé distraire par ses investissements dans les restaurants Bonanza.

[23]     Je suis convaincu que l'appelant était agriculteur à temps plein pendant les années 1980. Jusqu'en 1988, il avait investi des sommes assez modestes dans quatre restaurants Bonanza. En 1990, quand la chaîne Bonanza a commencé à avoir des problèmes, l'appelant a dû passer plus de temps à essayer de sauver ses investissements dans les restaurants de Langley, de Chilliwack et de Clearbrook (près d'Abbotsford et de sa ferme à Mount Lehman). Il a décrit un bureau qu'il avait à l'un des restaurants qu'il essayait d'exploiter, mais tout en en réduisant progressivement les activités, au cours de la période de 1990 à 1992. Malgré les pertes d'argent résultant de l'agriculture (25 815 $ en 1990 et 35 680 $ en 1991 - voir le tableau au paragraphe 17 ci-dessus), l'appelant a emprunté 60 000 $ à un ami afin de répondre aux besoins en liquidités d'un restaurant Bonanza.

[24]     Vers la fin de l'été 1993, quand l'appelant a été informé des graves difficultés financières qu'éprouvait le restaurant de Prince George, il en était réduit au désespoir parce qu'il s'était personnellement porté garant d'un prêt hypothécaire de 575 000 $ consenti relativement au restaurant. Son désespoir était tellement grand que lui et sa femme ont déménagé à Prince George, où ils sont restés pendant quatre ans. Après ce séjour à Prince George, l'appelant n'a repris l'agriculture à temps plein qu'en 2000, lorsqu'il a acheté une ferme de 183 acres à Olds, en Alberta. Quoique je ne doute pas que le premier amour de l'appelant est l'agriculture et que c'est l'activité qu'il préférerait exercer, la dure réalité est qu'il a investi et s'est impliqué dans la chaîne de restaurants Bonanza. Quand ceux-ci ont commencé à connaître des problèmes, lui et sa femme ont dû gérer deux de ces établissements dans le sud de la Colombie-Britannique pendant la période de cessation de leurs activités. En ce qui concerne le restaurant de Prince George, il ne s'agissait pas de gérer la cessation graduelle des opérations d'une entreprise; au contraire, il y avait un réel besoin de sauver et de revitaliser l'entreprise afin (i) que l'arriéré des remises à faire à Revenu Canada puisse être éliminé; (ii) que les versements hypothécaires puissent continuer à être effectués; et (iii) que l'achalandage de l'entreprise puisse être ramené à un niveau suffisant pour qu'il y ait des acheteurs potentiels sérieux.

[25]     En fin de compte, le restaurant de Prince George à du être fermé afin de réaliser sa vente à un groupe qui allait y ouvrir un buffet chinois, mais cette fermeture ne s'est produite qu'une fois stabilisée la situation du restaurant. Durant les années 1993, 1994 et 1995, la gestion et la cessation graduelle des opérations des restaurants Bonanza dans lesquels il détenait une participation occupaient au moins 50 p. 100 des heures de travail de l'appelant. En 1991 et 1992, c'était l'agriculture qui occupait au moins 50 p. 100 de ses heures de travail.

[26]     Le deuxième facteur à considérer est celui des capitaux investis. L'appelant a payé 150 000 $ pour la ferme de Mount Lehman, qui comprenait 12½ acres, une maison, un garage pour deux voitures et une grange. Il a payé environ 65 000 $ pour un tracteur, un camion et une remorque pour transporter le bétail et de l'équipement de fenaison. Il a également payé environ 100 000 $ pour 30 têtes de bétail, 40 000 $ pour des clôtures et des corrals, et 30 000 $ pour agrandir la grange et pour un plancher de béton. Vers 1989 ou 1990, il a payé 25 000 $ quatre vaches Simmental de race pure. Jusqu'en 1990, l'appelant avait investi plus de 400 000 $ dans la ferme de Mount Lehman (moins le montant qu'il pouvait récupérer sur la vente de son troupeau de Galloway). Hormis ses premiers investissements modiques de l'ordre de 10 000 $ ou 20 000 $ dans trois restaurants Bonanza (il n'avait pas eu à investir de l'argent dans le quatrième restaurant Bonanza), il semble que le plus gros du capital de l'appelant ait été investi dans la ferme de Mount Lehman tout au cours des années 1980. L'appelant était propriétaire d'un motel à Slave Lake, en Alberta, pendant les années 1980 et 1990, mais nous ne disposons d'aucune preuve relative à la valeur de ce motel à quelque moment que ce soit.

[27]     Rien dans la preuve n'établit que l'appelant avait versé des sommes importantes avant 1993 pour sa participation dans le restaurant Bonanza de Prince George. Il a indiqué que les problèmes à ce restaurant avant septembre 1993 venaient en partie du fait que le gérant de celui-ci s'appropriait des fonds pour satisfaire sa manie du jeu. Quoi qu'il en soit, quand la situation est devenue critique en septembre 1993, l'appelant avait 575 000 $ à perdre parce qu'il avait donné une garantie personnelle relativement à l'hypothèque grevant le restaurant de Prince George. Il importait donc au plus haut degré à l'appelant que ce restaurant soit sauvé et revitalisé afin d'éviter qu'il ne soit appelé à s'acquitter des obligations découlant de sa garantie personnelle.

[28]     Il n'existe aucune preuve établissant quand l'appelant a fourni cette garantie personnelle ou permettant de savoir si d'autres personnes avaient également donné des garanties personnelles. La chaîne de restaurants Bonanza a commencé à couler vers 1990. Je vais présumer qu'aucun nouveau restaurant Bonanza n'a été ouvert en 1991, en 1992 ou par la suite. Ayant fait cette présomption, je vais présumer également que la garantie personnelle de l'appelant relative à l'hypothèque grevant le restaurant de Prince George a été donnée au créancier hypothécaire avant 1993. Il est malheureux que je ne dispose d'aucune preuve plus précise concernant la garantie personnelle de l'appelant (quand elle a été donnée et si le prêt hypothécaire était garanti par d'autres personnes), parce que l'existence de cette garantie personnelle, ajoutée au fait que le restaurant de Prince George a été au bord de la faillite, a un impact considérable sur les capitaux investis par l'appelant (les montants effectivement versés ainsi que les montants exposés au risque de perte) au cours des années d'imposition visées par les appels.

[29]     Quoique le fardeau de la preuve repose sur l'appelant en ce qui concerne la garantie personnelle qu'il a donnée relativement à l'hypothèque sur le restaurant de Prince George, je lui accorde le bénéfice du doute en présumant que cette garantie n'a été donnée au créancier hypothécaire que vers la fin de 1992 ou le début de 1993. Par conséquent, le montant du capital de l'appelant qui était exposé au risque de perte en 1993, 1994 et 1995 du fait de l'hypothèque grevant le restaurant de Prince George était supérieur au capital qu'il avait versé directement relativement à sa ferme à Mount Lehman. Par contre, il semble que le capital versé pour sa ferme à Mount Lehman était supérieur, en 1991 et 1992, au capital versé, ou exposé au risque de perte, dans les restaurants Bonanza.

[30]     Le troisième facteur est celui de la rentabilité. En accordant à l'appelant une « perte agricole restreinte » en vertu de l'article 31 pour toutes les années visées par les appels, le ministre a reconnu que l'appelant exploitait une entreprise agricole avec une attente raisonnable de profit. Cependant, il est de fait que de 1977 (quand l'appelant a acheté la ferme de Mount Lehman) à 1995 (la dernière année en cause), l'appelant n'a jamais indiqué dans ses déclarations de revenus un bénéfice tiré de l'agriculture. Les tableaux au paragraphe 17 ci-dessus montrent ses pertes agricoles calculées selon la méthode de la comptabilité de caisse pour la période de 1989 à 1995, ainsi que les pertes agricoles qu'il a indiquées dans ses déclarations de revenus pour la même période de sept ans. Les pertes sont systématiques et considérables par rapport aux recettes agricoles relativement modestes.

[31]     Une preuve d'expert donnée au nom de l'appelant concernait les possibilités de bénéfices à tirer de la transplantation d'embryons, mais cette preuve se rapportait aux activités de l'appelant en Alberta vers 2000, soit longtemps après les années visées par les appels. Je n'accorde pas beaucoup de poids à cette preuve.

[32]     Dans l'arrêt Kroeker, la Cour d'appel fédérale s'est distanciée de la déclaration du juge d'appel Robertson dans l'arrêt Donnelly, selon laquelle il incombe dans tout les cas au contribuable de prouver que son revenu agricole net est considérable par rapport à ses autres revenus. Cette déclaration semble désormais se limiter aux contribuables « qui gagnent leur revenu à la ville et le perdent à la campagne » . Dans l'arrêt Kroeker, la cour a cité un autre extrait tiré de l'arrêt Donnelly, où le juge Robertson déclare (au paragraphe 20) :

Il est bien établi que l'article 31 de la Loi vise à empêcher les « gentlemen-farmers » qui disposent d'un revenu considérable de déduire la totalité des pertes agricoles qu'ils subissent: voir l'arrêt Morrissey c. Canada, supra, aux pages 420 à 423 [DTC : pages 5081 à 5082]. Plus souvent qu'autrement, cet arrêt est invoqué par les agriculteurs qui sont disposés à poursuivre l'exploitation de leur entreprise en demeurant ouvertement indifférents aux pertes subies. Concrètement et sur le plan juridique, ces agriculteurs sont des agriculteurs amateurs, mais le ministre leur accorde la déduction limitée prévue à l'article 31 de la Loi. Ces affaires concernent presque toujours des éleveurs de chevaux qui achètent ou élèvent des chevaux en vue de les faire courir. En vérité, ces entreprises ont rarement même une expectative raisonnable de profit, encore moins les éléments essentiels pour constituer la principale source de revenu de leur propriétaire.

[33]     L'appelant n'était certainement pas un « gentleman-farmer » qui utilisait un revenu considérable gagné à la ville pour financer le type d'agriculture auquel il se livrait. De 1989 à 1993, il essayait vraiment de constituer un troupeau de vaches Simmental de race pur, mais il s'est trouvé dans la nécessité de laisser cela de côté afin de sauver son capital exposé au risque de perte dans le restaurant de Prince George. Dans les années 2000 et 2001, il a vendu la ferme de Mount Lehman et a acheté une ferme beaucoup plus grande à Olds, en Alberta, qu'il continue d'exploiter. L'appelant semble avoir eu des chances de profit en 1991 et en 1992 quand il exploitait seul son entreprise agricole, essayant le processus de transplantation d'embryons, et quand il s'occupait moins des restaurants Bonanza.

[34]     Les circonstances ont radicalement changé en 1993. Pour commencer, l'appelant a déplacé son troupeau de Simmental jusqu'à la ferme de Lyle Galloway, dans l'État de Washington. Ensuite, l'appelant et sa femme ont déménagé à Prince George pour sauver et revitaliser le restaurant Bonanza dans cette ville. Les possibilités pour l'appelant de se livrer à l'agriculture et d'en tirer un revenu quelconque étaient très limitées par les responsabilités d'affaires qu'il avait à Prince George de 1993 à 1997.

[35]     Compte tenu des trois facteurs du temps consacré, des capitaux investis et de la rentabilité, je n'hésite pas à conclure que la principale source de revenu de l'appelant en 1991 et 1992 était l'agriculture. De même, je conclus qu'en 1994 et 1995 son revenu ne provenait principalement ni de l'agriculture ni d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source. En 1993, il semble y avoir eu un meilleur équilibre. C'est l'année du grand déménagement de l'appelant à Prince George et du transfert de son troupeau de Simmental depuis Mount Lehman jusqu'à la ferme de Lyle Galloway. En 1994 et 1995, la fille et le gendre de l'appelant occupaient la ferme de Mount Lehman, mais l'appelant ne se livrait à aucune activité agricole sérieuse à cet endroit-là.

[36]     Dans son témoignage oral, l'appelant semblait se rappeler clairement que c'était en septembre 1993 qu'il avait reçu le coup de téléphone de Prince George par lequel on lui avait communiqué la mauvaise nouvelle des problèmes financiers du restaurant. Même si l'appelant et sa femme ont décidé de déménager à Prince George immédiatement et qu'il a transféré son troupeau de Simmental à la ferme de Lyle Galloway, il avait exploité seul la ferme à Mount Lehman pendant les huit premiers mois de 1993 et pendant un nombre indéterminé de semaines à l'automne de cette année-là, jusqu'au transfert de son troupeau à la ferme Galloway. À mon avis, c'est la combinaison du déménagement de l'appelant et de sa femme à Prince George et du transfert du troupeau de Simmental de l'appelant à la ferme de Lyle Galloway qui a mis l'appelant dans l'impossibilité de prétendre que l'agriculture était ou pouvait être sa principale source de revenu après ces deux événements.

[37]     Ces deux événements se sont produits au cours des quatre derniers mois de 1993. Par conséquent, pendant une période de plus de huit mois (les deux tiers de l'année civile), l'appelant se livrait seul à l'agriculture à Mount Lehman, et il ne s'occupait qu'accessoirement de la cessation des activités des restaurants Bonanza. Étant donné que l'appelant lui-même exploitait activement une entreprise agricole à Mount Lehman pour la majeure partie de l'année civile, et puisqu'il n'est devenu gérant à temps plein du restaurant de Prince George que pendant les dernières semaines ou les derniers mois de 1993, je conclus en sa faveur pour 1993 et statue que l'agriculture était sa principale source de revenu en 1993.

[38]     En définitive, les appels sont accueillis pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993 mais rejetés pour les années d'imposition 1994 et 1995. L'appelant a gain de cause pour trois années sur cinq, mais une plus grande proportion des pertes agricoles totales en litige a été subie dans les années 1994 et 1995. Par conséquent, chaque partie doit supporter ses propres frais.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 8e jour de janvier 2003.

« M.A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d'octobre 2003.

Erich Klein, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.