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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-4876(IT)G

ENTRE :

DORIS MAHONEY,

appelante,

et

Sa Majesté La Reine,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Doris Mahoney (2000-2842(IT)G) le 26 mars 2002 à Winnipeg (Manitoba), par

l'honorable juge J. E. Hershfield

Comparutions

Pour l'appelante :                       L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                 Me Tracey Harwood-Jones

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 sont admis avec frais, pour les motifs énoncés dans les motifs du jugement ci-joints et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations.


Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de novembre 2002.

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de septembre 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2842(IT)G

ENTRE :

DORIS MAHONEY,

appelante,

et

Sa Majesté La Reine,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Doris Mahoney (1999-4876(IT)G) le 26 mars 2002 à Winnipeg (Manitoba), par

l'honorable juge J. E. Hershfield

Comparutions

Pour l'appelante :                       L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                 Me Tracey Harwood-Jones

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997 et 1998 sont admis avec frais, pour les motifs énoncés aux motifs du jugement ci-joints et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations.


Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de novembre 2002.

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de septembre 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20021119

Dossiers: 1999-4876(IT)G

2000-2842(IT)G

ENTRE :

DORIS MAHONEY,

appelante,

et

Sa Majesté La Reine,

intimée.

Motifs Du Jugement

Le juge Hershfield, C.C.I.

[1]      Ces appels, régis par la Procédure générale, ont été entendus sur preuve commune. Ils concernent les années d'imposition 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998 de l'appelante.

[2]      Dans chacune des années en question, l'appelante a demandé ce qu'on appelle « l'équivalent du montant pour conjoint » à l'égard de sa fille Maureen. Cette dernière avait plus de 18 ans et, pendant toutes les années en question, elle vivait avec l'appelante, sa mère, laquelle subvenait à ses besoins.

[3]      La demande de crédit est fondée sur l'alinéa 118(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Cet alinéa 118(1)b) fait état de plusieurs exigences à remplir pour obtenir le crédit en question. La plupart ne sont pas visées par cette affaire. L'intimée a refusé le crédit en invoquant le motif que Maureen n'était pas « entièrement à la charge de » l'appelante à un moment de l'année pendant toutes les années en question « en raison d'une infirmité mentale ou physique » . La dépendance n'est pas en jeu. La seule question à trancher dans cette affaire consiste à savoir si la preuve justifie une constatation de dépendance en raison d'une infirmité mentale ou physique. Les parties ne s'accordent pas sur ce qui constitue une « infirmité » au sens de cette disposition de la Loi.

[4]      L'appelante a appelé trois témoins : elle-même, Maureen et une deuxième fille prénommée Lisa. Aucun témoin indépendant et impartial n'a été appelé, et il n'y avait aucune preuve à l'appui d'un problème médical particulier dont souffrirait Maureen ou d'une invalidité propre à produire ou à prouver une « infirmité » . L'appelante soutient que le libellé de la disposition visée n'exige ni d'établir une cause médicale pour l'infirmité alléguée, ni qu'il s'agisse d'un problème médical, ni que ce soit un problème médical pouvant être diagnostiqué. L'appelante soutient également qu'il est du ressort de la présente cour d'accepter le témoignage des témoins quant à la nature et à la portée de l'état de santé de Maureen et à son bien-être dans les années en question afin de déterminer qu'elle était entièrement à la charge de l'appelante dans chacune des années en question, ou à un moment de l'année dans chacune des années en question, en raison d'une infirmité mentale ou physique.

[5]      Les deux parties s'appuient sur le sens ordinaire du mot « infirmité » , sauf que l'intimée adopte une définition plus étroite que l'appelante quant à ce sens dans le contexte de la disposition en question et de l'intention du législateur.

FAITS

[6]      Née le 29 septembre 1967, Maureen approchait la trentaine au début de la période en question. Elle vivait avec sa mère, l'appelante, pendant les années en question. En fait, d'après la preuve, il semble qu'elle ait toujours vécu à la maison et qu'elle continue d'y vivre. Elle n'a pas terminé l'école secondaire, puisqu'elle a décroché dès la dixième année. Elle n'a jamais eu d'emploi. Elle est à la charge de sa mère, qui est le soutien de la famille. Je n'ai aucune difficulté à accepter le témoignage des témoins sur ces points et à conclure que Maureen était entièrement à la charge de l'appelante pendant les années en question. Maureen compte entièrement sur sa mère pour lui fournir un toit, de la nourriture et des vêtements. Elle n'a jamais eu aucun autre moyen de subvenir à ses besoins. La question qui se pose est : « pourquoi? » .

[7]      L'appelante a témoigné que Maureen souffrait de problèmes respiratoires et de fatigue chronique l'empêchant de subvenir à ses besoins. Sa soeur Lisa a témoigné que Maureen était sujette à des crampes à l'estomac, à des allergies, à des éruptions cutanées, à des rhumes et à des grippes, en plus d'avoir des problèmes respiratoires. Fréquenter l'école, contribuer à l'entretien de la cour autour de la maison familiale et, plus récemment, même jouer avec la fille de Lisa s'avèrent des activités épuisantes qui n'étaient pas à la portée de Maureen. En effet, on a témoigné qu'elle avait quitté l'école parce qu'elle s'absentait régulièrement et ne pouvait participer aux activités scolaires en raison de sa fatigue et de sa santé fragile.

[8]      Maureen a elle-même témoigné que la fatigue chronique et la maladie avaient causé son départ de l'école à 16 ans. Elle a dit qu'elle avait été diagnostiquée avec des problèmes dans les valvules cardiaques, une mâchoire arthritique et le syndrome de Raymond (une condition dont elle dit qu'elle affecte les vaisseaux sanguins), mais aucune preuve n'a été présentée à l'appui de ces affirmations. Quatre documents ont été produits pour corroborer son témoignage, mais leur admission s'est heurtée à une opposition pour le motif qu'ils ne pouvaient faire l'objet d'une attestation ou d'un contre-interrogatoire en bonne et due forme.

[9]      Le premier document déposé était un certificat médical prétendument signé le 5 mai 1998 par un certain Dr Suciu. On y lit que Maureen a des « problèmes médicaux chroniques » . Le deuxième document semble être une feuille clinique d'un certain Dr Mann qui, il semble, a vu Maureen en 1998. Ce dossier clinique contient des références à un pathologiste dentaire et oral, à des problèmes de déglutition, à des troubles abdominaux et à des allergies, et contient plusieurs annotations illisibles parmi lesquelles le mot « Raymond » dont Maureen dit qu'il confirme le syndrome des vaisseaux sanguins mentionné plus haut[1].

[10]     Le troisième document est censé être un rapport médical émanant d'un certain Dr O'Shea. Réalisé en 1992, ce rapport mentionne des allergies, la sécheresse de la peau et plusieurs autres annotations, la plupart d'entre elles illisibles.

[11]     Le quatrième document est une note manuscrite dont la source n'est pas expliquée. Elle semble concerner des problèmes de peau et d'alimentation pour lesquels Maureen était traitée par un médecin au cours de l'été 1992.

[12]     Il est clairement difficile d'accepter ces documents comme propres à corroborer quoi que ce soit. Même si je ne les ai pas considérés inadmissibles, je ne puis leur accorder aucun poids. Sans avoir l'occasion d'interroger les médecins nommés dans ces documents, ils sont dénués de force probante malgré le fait que leur origine et leur authenticité ne sont pas en doute[2].

[13]     Lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle n'était pas mieux placée que cela pour offrir des preuves sur l'état de santé de Maureen au fil des ans, surtout en ce qui concerne les années en question, l'appelante et Maureen ont toutes deux affirmé que la fatigue chronique de Maureen n'avait jamais été correctement diagnostiquée ou traitée. Maureen n'avait pas de médecin de famille pendant les années en question (et il semble qu'elle n'en ait toujours pas). Elle fréquentait des cliniques sans rendez-vous. Les médecins mentionnés dans le témoignage n'étaient pas disponibles pour témoigner. Certains avaient pris leur retraite ou avaient déménagé. Malgré cela, je conclus que l'appelante n'avait tout simplement aucun médecin apte ou disposé à témoigner sur la fatigue chronique, les problèmes respiratoires et la fragilité de Maureen. Je fais remarquer que cette affaire m'a été présentée pour la première fois le 4 septembre 2001. J'ai ajourné l'audience afin de donner à l'appelante l'occasion d'appeler des témoins indépendants pour corroborer le témoignage de la famille sur la santé de Maureen. Elle ne l'a pas fait. L'avocate de l'intimée suggère qu'une inférence négative pouvait en être tirée, puisque des médecins n'avaient pas été appelés à témoigner sur la cause de l'infirmité alléguée de Maureen. Si, en vertu de la disposition en question de la Loi, l'appelante devait établir une cause médicale pour l'infirmité, je tirerais une telle inférence négative. Toutefois, comme je note plus loin dans ces motifs, la Loi n'exige pas que la cause de l'infirmité soit identifiée. Par ailleurs, en dehors de toute inférence négative, il y a toujours la question du fardeau de la preuve quand on établit l'infirmité. Il est plus facile de s'acquitter de ce fardeau par le biais de témoignages impartiaux. Toutefois, ce qui constitue la meilleure preuve est une question de fait qui ne peut être tranchée qu'au cas par cas. Le témoignage crédible de personnes qui connaissent bien les faits peut être la meilleure preuve, peu importe si ces personnes sont intéressées au résultat de l'affaire visée par leur preuve. Dans les circonstances de cette cause, les membres de la famille de Maureen sont sans doute les personnes qui connaissent le mieux son état de santé.

[14]     Cela m'amène à décrire, du mieux que je peux, d'après le témoignage des témoins, mon impression relative à l'état de Maureen pendant les années en question. J'ai également observé Maureen pendant l'audience. Mon impression générale est conforme au fond du témoignage. J'accepte la possibilité que Maureen était une fillette fragile et maladive. En me fiant à son apparence dans la salle d'audience, je la décrirais également comme asthénique, voire assez anémique. Ce n'était pas du tout une mise en scène. En revanche, elle était visiblement très intelligente et compétente. En fait, j'ai l'impression qu'elle a organisé ces appels. Ce n'est pas par manque de capacité intellectuelle qu'elle a décroché de l'école. Sa dépendance peut alors s'expliquer par d'autres facteurs. La fatigue physique est authentique et la fragilité de l'enfant se manifeste également dans l'adulte, au point qu'elle ne peut subvenir à ses besoins. Ou, peut-être, une mère surprotectrice l'a enveloppée dans une couverture émotionnelle de sécurité et de soins à la maison qui encourage sa dépendance. Même si je pense que ce dernier facteur peut jouer un rôle, j'accepte le témoignage de Maureen quant à sa fatigue chronique et à sa faible résistance à la maladie. Mais même dans ce cas, j'ai l'impression que Maureen pourrait en faire plus. Un jour, elle trouvera sans doute une façon d'utiliser son intelligence comme le font bien d'autres personnes pour subvenir à leurs besoins malgré des problèmes de santé. La question qui se pose alors est de savoir si mon impression que Maureen est capable d'en faire plus a un effet déterminant. La réalité est que, compte tenu de sa fragilité, de sa fatigue et de sa faible résistance aux problèmes de santé, et puisqu'elle a une famille prête, apte et disposée à la soutenir, elle était entièrement à la charge de l'appelante pendant les années en question.

POSITION DE L'INTIMÉE[3]

[15]     L'intimée cite les définitions suivantes des mots « infirm » ( « infirme » ) et « infirmity » ( « infirmité » ), tirées d'un dictionnaire :

          [TRADUCTION]

Le Concise Oxford English Dictionary définit « infirme » comme « 1. dénué de vigueur physique, surtout à cause de l'âge; 2. ... irrésolu; faible » . « Infirmité » est définie comme « faiblesse physique ou mentale » . (The Concise Oxford English Dictionary, 10e éd., Oxford University Press, 2002.)

La 3e édition de Words and Phrases Legally Defined décrit « infirmité » comme suit :

            À l'égard d'une « infirmité » [d'après les règles d'une société mutualiste], cela signifie une maladie permanente, un accident ou quelque chose de ce genre, qui fait du membre un objet méritant l'aide de la société. Re Buck, Bruty v. Mackey, [1896] 2 Ch 727, à la page 734, selon le juge Kekawich (Words and Phrases Legally Defined, 3e éd., Butterworths, Londres, 1989.)

Black's Law Dictionary définit « infirmité » comme :

Invalidité; faiblesse. Dans une proposition d'assurance, une affection ou maladie de nature substantielle, qui, de toute apparence et à un degré assez important, nuit à la condition physique et à la santé du candidat à l'assurance et accroît la chance de son décès ou de sa maladie, et qui, si elle était connue, aurait probablement pour effet d'inciter la compagnie d'assurance à ne pas délivrer la police. Voir également incapacité. (Black's Law Dictionary, 6e éd., West Publishing Co., St. Paul, Minn., 1990.)

[16]     L'intimée admet que le mot « infirmité » recoupe un vaste éventail d'affections, allant de la faiblesse à l'invalidité, mais elle soutient que les règles d'interprétation des lois encouragent l'attribution d'un sens similaire à celui de l'invalidité[4]. L'intimée affirme que l'esprit de la Loi veut qu'un enfant qui atteint l'âge de 18 ans doive normalement être considéré comme autonome et non comme une personne à l'égard de laquelle il faut octroyer un allègement en vertu de l'alinéa 118(1)b) de la Loi. Le mot « infirmité » est censé décrire un état de santé hors de l'ordinaire s'apparentant à une invalidité. Un malaise ou une fragilité en général ne suffirait pas à constituer une « infirmité » dans ce contexte.

[17]     L'intimée m'a renvoyé au passage suivant à l'appui de son assertion que le législateur considère « infirmité » comme allant dans le même sens que « invalidité » :

          [TRADUCTION]

Énoncé économique d'octobre 2000 : M. le président, ce gouvernement a toujours compris qu'il existait certaines priorités impossibles à contourner. Aider les Canadiennes et les Canadiens atteints d'invalidité constitue l'une de ces priorités. En effet, même quand nous étions en situation déficitaire, nous avons agi. Nous avons bonifié le crédit d'impôt pour les personnes infirmes à la charge de quelqu'un, augmenté le crédit pour frais médicaux, amélioré la déduction pour frais de garde d'enfants atteints d'un handicap et élargi l'admissibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées. Aujourd'hui, nous pouvons en faire plus. Nous allons augmenter de 2 386 $ à 3 500 $ le crédit d'impôt pour les personnes infirmes à la charge de quelqu'un; de même, nous allons augmenter de 2 941 $ à 3 500 $ le crédit d'impôt supplémentaire pour personnes handicapées dans le cas des enfants atteints d'une déficience grave; et nous allons augmenter de 4 293 $ à 6 000 $ le crédit d'impôt pour personnes handicapées.

                             Loi de l'impôt sur le revenu -Notes techniques

                             13e éd., David Sherman, Carswell,

                             Toronto, 2001

[18]     Le passage ci-dessus renvoie à un crédit différent de celui de l'alinéa 118(1)d) pour une personne infirme à la charge de quelqu'un. Ce n'est pas le crédit visé en l'instance, car, en vertu du paragraphe 118(4), le crédit pour personne infirme à la charge de quelqu'un n'est pas accordé s'il est demandé à l'égard de la même personne par application de l'alinéa 118(1)b). Pourtant, le discours laisse entendre qu'une personne infirme appartient au groupe de personnes handicapées qui bénéficie de l'assistance, même si, d'après la Loi, les invalidités sont définies avec une grande précision et ne pourraient comprendre une « infirmité » .

[19]     L'intimée admet que le mot « infirmité » ne peut être considéré comme analogue à « invalidité » . Il doit donc être pris comme signifiant une condition identifiable et gravement invalidante qui fait que la personne est entièrement à la charge de quelqu'un d'une façon qui n'est pas temporaire. Une maladie temporaire ne constitue pas une infirmité.

[20]     L'intimée soutient que le mot « infirmité » doit signifier plus que « faiblesse » dans le contexte de la disposition en question, car il doit viser une condition qui donne lieu à une dépendance complète. « Faiblesse » , dans son acception commune, ne donne pas lieu à une dépendance complète. L'intimée affirme qu'il n'y a pas de preuve suffisante de la gravité des problèmes de santé de Maureen (faiblesse, fragilité ou même fatigue) pour justifier une constatation de dépendance complète en raison d'une infirmité mentale ou physique.

[21]     Enfin, je note que l'intimée a renvoyé à l'affaire La Reine c. Aldo Diaz[5] et a reconnu la définition du mot « infirmité » donnée dans cette cause-là par le juge Marceau. Celui-ci a constaté, au paragraphe 6, que le mot « infirmité » devait être pris dans son acception générale, comme désignant une personne dont « la vitalité est mauvaise ou s'est affaiblie » . Dans l'affaire Diaz, le juge Marceau a décidé que l'hypertension artérielle et le mauvais état de santé de la mère de l'appelant en général suffisaient à la déclarer infirme, c'est-à-dire dans un état de vitalité mauvaise ou affaiblie. Le fait de donner ce sens au mot « infirmité » ne contribue pas à l'argument de l'intimée que l'infirmité doit être si grave et prolongée qu'elle empêche une personne d'être autonome. Toutefois, l'affaire Diaz a été tranchée dans le contexte de l'alinéa 109(1)f) dans sa version de 1976. Cet alinéa prévoyait des déductions pour les frais engagés en vue de soutenir une personne qui était à la charge de quelqu'un en raison d'une infirmité mentale ou physique. La Loi ne disposait pas qu'il fallait être « entièrement » à la charge de quelqu'un. La question est donc de savoir si l'ajout du mot « entièrement » change quoi que ce soit à la bonne interprétation de l'alinéa 118(1)b).

POSITION DE L'APPELANTE

[22]     L'appelante a cité plusieurs définitions du mot « infirmity » ( « infirmité » ) d'après les dictionnaires :

          [TRADUCTION]

-            faiblesse physique ou mentale - The New Oxford Dictionary of English;

-           faiblesse ou malaise physique - Random House Webster's College Dictionary;

-            le fait d'être infirme; faiblesse; asthénie - Compact Dictionary of Canadian English;

-            le fait d'être faible ou malade - Dictionary of American English;

                        physiquement faible, surtout à cause de l'âge; faible, irrésolu (d'une personne, de l'esprit, du jugement, etc.) - The Canadian Oxford Dictionary;

-            faiblesse ou déficience physique, fragilité ou malaise causé par exemple par l'âge; faiblesse morale - Webster's New World Collegiate Dictionary, 4e éd., 1999.

[23]     L'appelante s'appuie sur l'affaire Diaz, qu'elle cite, et elle m'a renvoyé en particulier au passage suivant de la décision du juge Marceau[6].

            À mon avis, le mot « infirmité » signifie plus que le simple âge de la retraite (comparer à Zaki c. M.R.N. 78 DTC 1583 à la page 1584; [1978] C.T.C. 2843), mais il doit être pris dans son sens général d'état de celui dont la vitalité est mauvaise ou s'est affaiblie (voir Webster's New Collegiate Dictionary). En ce qui concerne la façon selon laquelle ce genre d' « infirmité » peut être prouvée, je ne vois pas pourquoi une déclaration ou un témoignage clair, sans équivoque, détaillé et non contredit du contribuable ne pourrait pas suffire, s'il est probant.

[24]     L'appelante distingue la définition du mot « infirmité » dans Words and Phrases Legally Defined, mentionnée au paragraphe 15 des présents motifs, pour la raison que cette définition était prescrite dans les règles d'une société mutualiste. Aucune définition de ce genre n'existe dans la Loi, et une définition prescrite pour une autre fin, à un autre moment et à un autre lieu, ne peut aider à comprendre le sens ordinaire du mot « infirmité » .

[25]     Quant à la définition du mot « infirmité » dans le Black's Law Dictionary, citée par l'intimée, l'appelante soutient que le mot « faiblesse » renvoie à « faible, sans force » , et que le mot « invalidité » ne peut avoir le sens attribué au mot « infirmité » dans le contexte des dispositions en question, vu la définition claire et précise donnée aux déficiences invalidantes au paragraphe 118.4(1) de la Loi.

[26]     L'appelante soutient que l'utilisation à l'alinéa 118(1)b) du mot « infirmité » doit être considérée comme désignant une condition moins débilitante que celle explicitement décrite et exigée par la Loi à l'égard des personnes invalides. Comme condition d'admissibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées, il faut soumettre un certificat attestant que l'invalidité existe et qu'elle est prolongée et grave. L'invalidité doit être telle qu'elle empêche la personne, en tout temps ou presque, d'exécuter les activités essentielles de sa vie quotidienne. Vu l'absence d'une exigence comparable à l'alinéa 118(1)b), l'intention du législateur ne peut être d'avoir voulu imposer un régime restrictif similaire dans la détermination de la dépendance pour cause d'infirmité.

[27]     En ce qui concerne l'interprétation des lois, l'appelante mentionne l'affaire Friesen c. Sa Majesté la Reine[7]. Il semble qu'elle cite cette cause pour appuyer la proposition que les tribunaux ne doivent pas ajouter d'exigences supplémentaires en interprétant une disposition légale s'il existe une interprétation acceptable ne nécessitant pas de telles insertions. Je présume, d'après sa soumission, que le libellé supplémentaire que l'appelante ne veut pas voir ajouté à la disposition concernerait l'obligation de présenter une preuve médicale. En effet, l'appelante va jusqu'à affirmer qu'en insistant sur le fait qu'une preuve médicale corroborante doit être fournie, l'ADRC viole son obligation d'appliquer la Loi.

[28]     Enfin, l'appelante soutient qu'il faut considérer que le législateur avait l'intention d'accorder à une personne qui assume les frais d'entretien, telle l'appelante, les crédits personnels qu'elle demande, même si le degré de dépendance ou d'incapacité physique de la personne à sa charge ne lui donne pas droit à une aide en vertu de dispositions telles que les articles 118.2 ou 118.3.

ANALYSE

[29]     De toute évidence, la disposition en question n'exige pas que soit fournie une preuve médicale de l'infirmité ou de ses effets. L'alinéa 118(1)b) est libellé comme suit :

118(1) Le produit de la multiplication du total des montants visés aux alinéas a) à e) par le taux de base pour l'année est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition;

            a) [. . .]

b) crédit équivalent pour personne entièrement à charge - le total de 6 000 $ et du résultat du calcul suivant :

5 000 $ - (D - 500 $)

où:

D représente 500 $ ou, s'il est supérieur, le revenu d'une personne à charge pour l'année,

(i) d'une part, il n'est pas marié ou, s'il l'est, ne vit pas avec son conjoint ni ne subvient aux besoins de celui-ci, pas plus que son conjoint ne subvient à ses besoins,

(ii) d'autre part, il tient, seul ou avec une ou plusieurs autres personnes, et habite un établissement domestique autonome où il subvient réellement aux besoins d'une personne qui, à ce moment, remplit les conditions suivantes :

(A) elle réside au Canada, sauf s'il s'agit d'un enfant du particulier,

(B) elle est entièrement à la charge soit du particulier, soit du particulier et d'une ou plusieurs de ces autres personnes, (je souligne)

(C) elle est liée au particulier,

(D) sauf s'il s'agit du père, de la mère, du grand-père ou de la grand-mère du particulier, elle est soit âgée de moins de 18 ans, soit à charge en raison d'une infirmité mentale ou physique; (je souligne)

[30]     Par opposition, on pourrait prendre l'alinéa 118.2(2)c), qui prévoit explicitement une preuve médicale concernant les effets de l'infirmité.

118.2(2) Frais médicaux. Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

[. . .]

c)          à titre de rémunération d'un préposé à plein temps aux soins du particulier, de son conjoint ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a) dans un établissement domestique autonome où le particulier, le conjoint ou la personne à charge vit, si les conditions suivantes sont réunies :

            (i)          le particulier, le conjoint ou la personne à charge est, en raison d'une infirmité mentale ou physique, quelqu'un qui, d'après l'attestation d'un médecin, dépend et dépendra vraisemblablement d'autrui, pour une période prolongée d'une durée indéterminée, pour ses besoins et soins personnels et a, par conséquent, besoin de la présence d'un préposé à plein temps, (je souligne)

            (ii)         au moment où la rémunération est versée, le préposé n'est ni le conjoint du particulier ni âgé de moins de 18 ans,

            (iii)        chacun des reçus présentés au ministre comme attestation du paiement de la rémunération est délivré par le bénéficiaire de la rémunération et comporte, si celui-ci est un particulier, son numéro d'assurance sociale;

[31]     Contrairement à ce qu'il en est à l'alinéa 118(1)b), une preuve médicale est exigée à l'alinéa 118.2(2)c). Toutefois, la preuve exigée ne concerne pas le problème médical qui a causé l'infirmité, mais la portée des effets d'une « infirmité » , laquelle peut être considérée selon son sens ordinaire.

[32]     À l'alinéa 118.2(2)c), un crédit est disponible s'il y a une dépendance physique attestée par une preuve médicale. Il n'existe aucune exigence similaire quant à la preuve à l'alinéa 118(1)b), où l'effet de l'infirmité donnant droit au crédit est le fait d'être à la charge de quelqu'un. D'autres dispositions contrastantes existent ailleurs dans la Loi. À la division 60 l)v)(B), au paragraphe 146.3(6.11) et à la division a)(ii)(A) de la définition de « bénéficiaire privilégié » au paragraphe 108(1) le législateur mentionne l' « infirmité » ou la « déficience » sans référence à une preuve médicale, alors que le montant décrit au paragraphe 63(2) comme l'élément « C » , qui se rapporte aussi à l' « infirmité » , exige une attestation médicale. De toute évidence, les services de médecins ne sont pas exigés pour chaque question suscitée par la Loi à l'égard de questions de santé. Lorsque la preuve médicale n'est pas exigée, il faut présumer que le législateur a considéré l'équilibre à faire entre l'utilisation des ressources limitées de notre système médical et l'établissement du seuil d'une dépense fiscale donnée. En outre, comme il a été noté, les dispositions qui exigent une preuve médicale des effets de l'infirmité concernent des effets autres que la dépendance économique. L'intimée ne conteste pas que, dans le contexte de l'alinéa 118(1)b), le soutien envisagé est un soutien économique ou financier pour la fourniture des nécessités de la vie : nourriture, abri, vêtements.

[33]     Néanmoins, il faut établir ce qu'est l'infirmité. Le fait que des dispositions telles que 118.2(2)c) prescrivent un fardeau de preuve (concernant l'effet de l'infirmité) non prescrit à l'alinéa 118(1)b) ne signifie pas qu'un contribuable peut ne pas tenir compte de la charge d'établir l'infirmité. Il est possible pour un agent de l'ADRC ou pour un juge de ne pas être convaincu par de simples déclarations de membres intéressés de la famille. L'appelant risque de ne convaincre personne en s'appuyant trop sur l'absence d'une disposition dans la Loi exigeant une opinion médicale pour confirmer les effets de l'infirmité. La Loi ne dit pas qu'il ne serait pas raisonnable d'exiger ou de fournir une preuve médicale concernant l'état de santé général de la personne à charge. Elle ne suggère pas non plus qu'une preuve médicale n'aiderait pas le contribuable à établir l'état de santé ou de vitalité de la soi-disant personne à charge. Toutefois, quand on donne un sens contextuel au mot « infirmité » , il faut garder à l'esprit le fait que le fardeau de la preuve prévu par la disposition en question est assez léger par rapport à d'autres dispositions de la Loi concernant la santé.

[34]     Lorsqu'on envisage le sens contextuel du mot « infirmité » à l'alinéa 118(1)b), sa place dans la Loi doit être envisagée. L'alinéa 118(1)a) (non reproduit ci-dessus) prévoit un crédit de personne mariée dans le cas d'un contribuable qui a un conjoint à sa charge. Des personnes telles que l'appelante qui n'ont pas de déduction relative à un conjoint peuvent recevoir un crédit équivalent en vertu de l'alinéa 118(1)b) pour tenir compte de certaines autres personnes admissibles à leur charge, y compris un enfant adulte, à condition, dans ce dernier cas, que l'enfant soit entièrement à leur charge en raison d'une infirmité mentale ou physique. Ce sont des crédits personnels octroyés, en général, à des contribuables particuliers qui ont une autre personne à leur charge chez eux. Ils sont réduits si la personne à charge a un revenu de plus de 500,00 $ dans l'année, même si, peu importe le revenu de la personne à charge, un crédit minimum est quand même autorisé en vertu de l'alinéa 118(1)b) au montant de 6 000,00 $, multiplié par le pourcentage approprié pour l'année. Le maintien du crédit minimum n'a rien à voir avec l'aide au contribuable à soutenir une personne à sa charge. Il est maintenu parce que, si une demande est déposée en vertu de l'alinéa 118(1)b), aucune demande ne peut être faite en vertu de l'alinéa 118(1)c) (non reproduit ci-dessus). Cela signifie qu'en l'absence d'une demande en vertu de l'alinéa 118(1)b), le contribuable aurait droit au même crédit minimum en vertu de l'alinéa 118(1)c) qu'un contribuable célibataire. Par conséquent, la partie de l'alinéa 118(1)b) qui concerne la dépendance contient un dispositif d'autocontrôle. La première tranche du revenu au-delà de 500,00 $ réduit le crédit disponible à l'égard de la personne à charge, et celui-ci disparaît entièrement si le revenu de la personne à charge atteint 5 500,00 $ au cours de l'année. En fait, les personnes ayant un revenu dépassant 5 499,00 $ sont considérées en vertu de cet article comme n'étant à aucun moment de l'année à la charge du membre de la famille avec qui elles vivent, quelle que soit la contribution de ce membre de la famille aux frais d'entretien. Cela confirme que le soutien visé par cet alinéa doit être considéré comme un soutien économique ou financier. En revanche, la disposition reconnaît la réalité que les personnes qui gagnent moins de 5 500,00 $ par année sont probablement « entièrement à la charge de quelqu'un » à un moment donné de l'année à moins de disposer d'un capital (ce qui n'a pas été allégué en l'espèce). L'inférence à tirer de cette disposition, tirée de son libellé explicite que la dépendance peut être « à tout moment de l'année » , est que, si le revenu gagné au cours de l'année ne peut être considéré comme suffisant pour assurer l'autonomie toute l'année, la personne sera entièrement à la charge de quelqu'un pour une partie de l'année. Dans cette optique, je suggère également que l'idée d'être « entièrement à la charge de quelqu'un » ne concerne pas du tout le degré de dépendance. La question du degré de dépendance est, comme on l'a dit, liée à un dispositif d'autocontrôle. La raison pour laquelle le législateur exige qu'une personne soit « entièrement à charge » est d'empêcher l'octroi du crédit si le soutien est fourni entièrement ou en partie par une personne ou un organisme autre que la personne qui revendique le statut de personne assumant seule les frais d'entretien. Viennent à l'appui de cette thèse plusieurs causes plus anciennes, dans lesquelles il a été décidé que la personne à charge n'était pas « à la charge de » la personne qui demandait le crédit (ou la déduction comme on disait alors) et qui fournissait un soutien[8] parce que le soutien était également fourni par autrui.

[35]     La modification à la Loi, avec l'ajout du mot « entièrement » , ne doit pas être interprétée comme renforçant le degré de dépendance à une dépendance complète, ou si elle le fait, alors, comme on l'a dit précédemment, il faut mettre l'accent sur l'expression « à un moment de l'année » . Ce n'est que si nous adoptons cette interprétation ou que nous mettons cet accent que nous pouvons concilier l'exigence de dépendance et l'allocation pour revenu devant être gagné par la personne à charge[9].

[36]     Parmi les dispositions portant sur les crédits personnels, ni le niveau de fragilité devant être atteint, ni le fardeau de la preuve dont il faut s'acquitter ne sont très élevés. À mon avis, cela ne crée pas un problème intolérable destiné à contrecarrer l'intention du législateur. L'alinéa 118(1)b) ne semble pas se prêter aussi bien au qualificatif de disposition d'aide sociale que le paragraphe 118.2(1). Lorsque l'aide sociale à la personne handicapée ou aux personnes qui prennent soin d'elle est prévue par une disposition, la barre est clairement et explicitement levée. Ce n'est pas le cas de l'alinéa 118(1)b). Ces crédits font tout simplement partie d'un appareil fiscal progressif qui reconnaît que l'aptitude à payer des impôts est affectée par le nombre de personnes qui vivent dans le ménage. Nous ne comptons pas les enfants adultes dans ce modèle progressif, à moins qu'ils soient à un moment de l'année entièrement à la charge du membre de la famille qui demande le crédit, pour cause de mauvaise santé (et non de la simple paresse ou d'un choix de style de vie).

[37]     Avant d'examiner le sens du mot « infirmité » , je retourne à mes commentaires précédents selon lesquels le législateur, lorsqu'il utilise le mot, n'exige pas que nous connaissions la cause de la condition. J'apprécie que l'intimée veuille savoir ce qui a causé l'infirmité afin de mieux distinguer les demandes valables des demandes douteuses, mais la Loi n'impose pas cette exigence. Même si l'infirmité est normalement le résultat d'un problème médical pouvant être diagnostiqué ou d'un état facile à identifier comme la vieillesse, qui explique pourquoi une personne est fragile ou maladive ou frêle (faible), le législateur n'exige pas que nous connaissions l'explication. La disposition en question de la Loi est plus facile à appliquer lorsqu'un problème de santé est évident ou attesté par un médecin, mais, ici encore, le législateur n'exige pas la connaissance ou la compréhension de la cause de l'infirmité. La question qui se pose n'est pas de savoir qu'elle est la raison de l'infirmité. La question est seulement de savoir si la dépendance est le produit de l'infirmité dans son acception commune.

[38]     C'est le contexte à attribuer au sens du mot « infirmité » utilisé à l'alinéa 118(1)b). Dans ce contexte, il semble que le sens attribué dans l'affaire Diaz est tout à fait acceptable et approprié. Le mot « infirmité » désigne un état de mauvaise santé ou de vitalité affaiblie. À cela j'ajoute, comme je l'explique plus bas, le mot « anormalement » . Le crédit pour personne à charge est disponible à l'égard d'un enfant adulte qui vit dans le domicile et à la charge de quelqu'un en raison d'une santé anormalement mauvaise ou d'une vitalité anormalement affaiblie. En dehors d'un petit élément, cela tient compte de tous les sens attribués par les dictionnaires au mot « infirmité » et est compatible avec l'esprit de la Loi. L'élément manquant est celui de la faiblesse morale que je considère, dans ce contexte, comme signifiant « sans volonté » ou « irrésolu » . Cela peut décrire une dépendance fondée sur des problèmes mentaux ou émotionnels. Tandis que le soutien donné à Maureen par sa mère peut avoir aidé à encourager un caractère irrésolu (en termes d'essayer d'être autonome) qui a contribué à la dépendance de Maureen, il n'existe aucun motif en l'espèce de suggérer que sa dépendance était le résultat de problèmes mentaux ou émotionnels. Par conséquent, cet aspect de la définition du mot « infirmité » n'a pas besoin d'être considéré. Toutefois, s'agissant d'une question d'infirmité physique ou mentale, la cause de l'infirmité ne doit pas être considérée comme essentielle, même s'il est inévitable de chercher une explication. Cela m'amène à suggérer une autre définition possible tout aussi acceptable et appropriée à mon avis, mais qui va plus loin puisqu'elle considère la cause de l'infirmité sauf dans un sens très général.

[39]     Dans l'affaire Tomlinson v. Prudential Insurance Co.[10], une cause du droit des assurances, le juge Laidlaw de la Cour d'appel de l'Ontario a dit ceci :

          [TRADUCTION]

... le mot « infirmité » doit être interprété dans son sens ordinaire comme signifiant la faiblesse physique, la débilité, la fragilité ou l'asthénie produite par un défaut de constitution.

[40]     Ce que j'aime dans cette définition, c'est sa référence à un « défaut de constitution » : la « constitution » physique et mentale d'une personne est, pour les non initiés, l'ensemble de la santé et de la vitalité d'une personne. C'est la source indéfinissable de force, dont la diminution n'est pas forcément expliquée par un problème de santé pouvant être diagnostiqué. En l'absence d'un problème ou d'un état de santé expliquant l'infirmité, celle-ci peut généralement être attribuée à une faiblesse constitutionnelle. Pour user de termes généraux, une personne « maladive » peut être décrite comme souffrant d'une constitution faible. Une telle personne peut, à mon avis, être correctement décrite comme infirme dans le contexte de la disposition en question de la Loi.

[41]     En ce qui concerne ces définitions, je ne trouve rien dans la Loi pour soutenir l'assertion de l'intimée que le législateur considère l' « infirmité » , au sens de l'alinéa 118(1)b), comme apparentée à une « invalidité » . L'énoncé économique cité ci-dessus est, au mieux, un bien faible justificatif d'un tel rapprochement. Même si je conviens que l'infirmité est censée décrire un état de santé ou de bien-être anormal, ce n'est pas, à la lumière de l'alinéa 118(1)b), quelque chose d'apparenté à l'invalidité. D'un autre côté, dans le sens où je conviens que le mot « infirmité » décrit un état de santé anormal, l'intimée a raison de penser qu'un malaise général ou une simple fragilité produisant des maladies occasionnelles et temporaires ne constituerait normalement pas une infirmité. Il doit donc y avoir un degré de gravité ou de persistance des problèmes de santé ou de vitalité affaiblie pouvant être facilement décrites comme anormales. En outre, il doit exister un rapport de cause à effet entre l'état de santé anormal ou la vitalité anormale d'une part, et la dépendance d'autre part, de sorte qu'un malaise général ou la simple fragilité qui n'est pas une raison convaincante d'être à la charge de quelqu'un ne répond pas aux exigences de la disposition en question. La question de savoir si la gravité ou la durée d'un mauvais état de santé ou d'une vitalité affaiblie est telle qu'on peut raisonnablement la considérer comme la cause de la dépendance sera toujours une question de fait. La question est de savoir s'il existe une dépendance de fait à l'égard du soutien économique à un moment de l'année pour cause d'une santé anormalement mauvaise ou d'une vitalité anormalement affaiblie. Dans cette optique, c'est une question plus appropriée que de se demander si « l'infirmité est grave et prolongée au point d'empêcher une personne d'être autonome » .

[42]     Compte tenu de cette analyse des faits en l'espèce, je pense que le témoignage des trois témoins entendus à l'audience est suffisamment véridique pour établir que Maureen souffrait de fatigue anormale et était sujette à une variété de maladies. Je pense qu'il est peu probable que ses problèmes respiratoires et sa fatigue étaient imaginaires ou exagérés. J'accepte que, pendant les années en question, elle était entièrement à la charge de l'appelante pour cause d'une mauvaise santé et d'une vitalité affaiblie. Malgré mon impression personnelle que la vie protégée dont Maureen jouit au sein de sa famille n'est pas vraiment dans son meilleur intérêt, puisque je pense que Maureen est capable de faire plus, je ne crois pas que la disposition en question m'amène à imposer mes impressions de son potentiel comme était déterminantes pour la question de savoir si elle répond aux exigences de la Loi. Sa compétence intellectuelle n'est pas déterminante à l'égard de la dépendance produite par son infirmité physique. Sa dépendance et le soutien accordé par l'appelante sont réels, et le motif pour lequel elle a été économiquement à charge est clairement une mauvaise santé et une vitalité affaiblie en deçà de toute mesure de normalité pouvant être raisonnablement formulée.

[43]     Pour ces motifs, les appels sont admis, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de novembre 2002.

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de septembre 2003.

Mario Lagacé, réviseur



[1] Même si un dossier clinique peut être admissible en vertu de l'exception à la règle du ouï-dire en ce qui concerne les « documents commerciaux » , cela ne veut pas nécessairement dire que tous les énoncés dans le document admis sont admissibles, surtout s'il s'agit d'opinions. C'est une question de fiabilité, et le document soumis ne me rassure pas que la référence à « Raymond » renvoie au problème médical qui était la cause des troubles dont Maureen souffrirait. En fin de compte, ce n'est pas une question de causalité en tout état de cause.

[2] Comme il a été noté (ibid note 1), l'admissibilité des documents en question en vertu de l'exception à la règle du ouï-dire concernant les documents commerciaux (voir Ares c. Venner, [1970] R.C.S. 608, à la page 626) ne résout pas la question de l'admissibilité des énoncés et opinions qui s'y trouvent. Même dans l'affaire Ares, des témoins pouvaient être interrogés sur des énoncés tirés de dossiers médicaux soumis en preuve. Quoi qu'il en soit, puisqu'on ne m'a pas demandé de trancher sur l'admissibilité d'énoncés particuliers dans ces documents, j'ai statué sur la question sous l'angle de leur crédibilité.

[3] On avait demandé aux parties de présenter des soumissions écrites, dont la dernière a été remise à la Cour le 2 août 2002.

[4] L'intimée cite Enterprises Ludco Ltée. c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1082, à la page 1100; Rizzo c. Rizzo Shoes Limited, [1998] 1 R.C.S. 27, aux pages 40-41; et Colombie-Britannique c. Henfrey Samson Belair Ltd., [1989] 2 R.C.S. 24, à la page 31, concernant le sens à attribuer au mot « infirmité » à la lumière de la disposition, de l'esprit de la Loi et de l'intention du législateur.

[5] [1982] 1 C.F. 270 ([1981] C.T.C. 138; 81 DTC 5112 (C.F. 1re inst.)).

[6] Ibid., à la page 273 (DTC: page 5114).

[7] [1995] 3 R.C.S. 103.

[8] Voir Diaz à la page 273 (DTC: page 5114) et Derbala c. M.R.N., C.C.I., n ° 85-1448(IT), 3 avril 1997 ([1987] 1 C.T.C. 2340) concernant l'alinéa 109(1)d) dans son libellé au cours des années en question dans ces affaires. Des distinctions similaires ont été faites dans des décisions concernant des versions précédentes de cette disposition. Voir Ritchie v. M.N.R., 52 DTC 2, (1951) Tax A.B.C. 271; No. 639 v. M.N.R., 59 DTC 331, (1959) Tax A.B.C. 176, Foisy v. M.N.R., 62 DTC 305, (1962) 29 Tax A.B.C. 243; Murdoch v. M.N.R., 65 DTC 541, (1965) 39 Tax A.B.C. 97; Cook v. M.N.R., 66 DTC 628, (1966) 42 Tax A.B.C. 141; Taylor v. M.N.R., 66 DTC 628, (1966) Tax A.B.C. 79; Smoke v. M.N.R., 69 DTC 475, (1969) Tax A.B.C. 614.

[9] Dans l'affaire Allim c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., n ° 94-3155(IT)I, 28 août 1995 (96 DTC 1007) concernant le crédit équivalent pour personne entièrement à charge de l'alinéa 118(1)b) et un crédit lié à l'invalidité à l'article 118.3, il est suggéré que l'exigence prévue à l'alinéa 118(1)b), selon laquelle la personne à charge doit être « entièrement à la charge de quelqu'un » , doit être interprétée comme établissant le niveau de dépendance à un degré plus élevé du point de vue physique que le niveau d'invalidité exigé pour donner droit à un crédit pour frais médicaux relatifs à un fournisseur de soins. L'intimée n'a pas fait valoir cette cause et, à mon avis, dans le contexte de l'alinéa 118(1)b), cela donne une fausse connotation à l'exigence voulant que la personne à charge soit « entièrement à la charge de quelqu'un » .

[10] [1954] O.R. 508, à la page 516.

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