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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2779(IT)G

2000-2787(GST)G

ENTRE :

CAROLYN MILLER,

requérante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

L'honorable juge Lucie Lamarre

Avocate de la requérante :          Me Anne Robinson

Avocat de l'intimée :                   Me Roger Leclaire

ORDONNANCE RELATIVE AUX DÉPENS

          Vu la requête de la requérante visant à obtenir que soit rendue en vertu de l'article 147 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) ( « Règles » ) une ordonnance adjugeant des dépens en sus de ceux auxquels elle a droit en vertu du tarif B ( « tarif » ) de l'annexe II des Règles;

          Vu la demande de la requérante que la Cour se prononce sur cette requête sur la base des observations écrites et sans comparution des parties, en vertu de l'article 69 des Règles;

          Vu que l'intimée s'oppose à cette requête;

          Et vu les observations écrites des deux parties;

          Il est ordonné que la requête de la requérante soit rejetée conformément aux motifs ci-joints de l'ordonnance et que les dépens soient taxés par l'officier taxateur selon le tarif.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d'octobre 2002.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d'octobre 2003.

Erich Klein, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date : 20021028

Dossiers : 2000-2779(IT)G

2000-2787(GST)G

ENTRE :

CAROLYN MILLER,

requérante

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE RELATIVE AUX DÉPENS

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]      Par jugement daté du 25 juillet 2002, j'ai accueilli, avec dépens, les appels (numéros 2000-2779(IT)G et 2000-2787(GST)G) que la requérante avait interjetés devant cette Cour. Ce jugement permettait à la requérante de déduire sa part des pertes commerciales et de réclamer des crédits de taxe sur les intrants ( « CTI » ) relativement à l'exploitation de son entreprise d'équitation thérapeutique et de tourisme. Elle était donc en droit de déduire les sommes de 59 515 $ et 63 949 $ comme pertes commerciales pour les années d'imposition 1995 et 1996 respectivement et de réclamer des CTI qui s'élevaient à 8 730 $ pour les périodes de déclaration du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997.

[2]      La requérante cherche maintenant à se faire adjuger des dépens majorés, soit une somme globale de25 000 $ en plus de la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) ou, encore, à obtenir l'adjudication des dépens sur une base procureur-client pour la période à compter du 4 septembre 2001, date à laquelle une offre de règlement a été faite à l'intimée, et, pour la période avant cette date, l'adjudication de dépens à un taux représentant deux fois celui qui est prévu au tarif B ( « tarif » ) de l'annexe II des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) ( « Règles » ).

[3]      Pour justifier sa demande d'augmentation des dépens, la requérante s'appuie sur les facteurs suivants qui sont énoncés au paragraphe 147(3) des Règles :

          a)        le résultat de l'instance;

          b)       la somme en cause;

          c)        l'importance et la complexité des questions en litige;

          d)       l'existence d'une offre de règlement présentée par écrit;

          e)        la charge de travail.

[4]      Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimée qu'on ne doit s'écarter du tarif que dans des circonstances exceptionnelles. D'après la jurisprudence, l'adjudication des dépens sur une base procureur-client est exceptionnelle et se fonde généralement sur une inconduite liée à la poursuite du litige ou se fait lorsqu'une des parties s'est conduite d'une façon répréhensible, scandaleuse ou outrageante (voir les décisions Yacyshyn c. Canada, [1999] A.C.F. no 196 (QL) (C.A.F.) (99 DTC 5133) et Chua c. M.R.N., [2001] 1 C.F. 641 (C.F. 1re inst.) (2001 DTC 5104)), auxquelles l'avocat de l'intimée s'est référée dans ses arguments, aux paragraphes 6 et 7).

[5]      Dans le cas présent, je ne trouve convaincant aucun des motifs avancés par la requérante à l'appui d'une adjudication qui dépasse les sommes prévues au tarif. Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimée qu'aucun de ces motifs ne peut être considéré comme une circonstance exceptionnelle donnant à la requérante le droit à une telle adjudication. Je conviens que le litige était à trancher en fonction de ses faits et ne soulevait aucune question complexe qui justifierait que l'on s'écarte du tarif. En fait, il n'y avait rien d'inhabituel ou hors du commun dans la nature des questions en litige (du point de vue de leur importance et complexité) ou dans la charge de travail imposée aux deux parties. Le fait que l'intimée n'a pas produit de liste de documents ou que le vérificateur de l'Agence des douanes et du revenu du Canada n'a pas été appelé à témoigner par l'intimée a été plus nuisible à la cause de cette dernière qu'à celle de la requérante. En fait, ces facteurs ont joué en faveur de la requérante si l'on considère le résultat de ses appels.

[6]      En ce qui concerne l'offre de règlement qu'elle a faite avant le procès et qui a été rejetée par l'intimée, la requérante invoque la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Hi-Qual Manufacturing Ltd. c. Rea's Welding & Steel Supplies Ltd., [1994] A.C.F. no 1084 (QL). Elle soutient que lorsqu'une offre de règlement a été rejetée et que le résultat du procès est tel que la partie qui a fait l'offre se retrouve dans une meilleure position que celle où elle se serait trouvée si son offre avait été acceptée, la tendance est d'adjuger des dépens qui reflètent mieux les frais réels que la partie a dû faire à compter de la date à laquelle l'offre a été présentée. Toutefois, dans le cas présent, je préfère me fonder sur la décision Lyons c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., n ° 92-2158(IT)G, 22 mars 1995 ([1995] T.C.J. No. 1111), à laquelle s'est référé l'avocat de l'intimée. Il s'agit d'une affaire dans laquelle le juge Christie (tel était alors son titre) a analysé dans le contexte des Règles de cette Cour une situation semblable à celle qui se présente ici. J'estime que ses remarques conviennent particulièrement bien en l'espèce. Il a dit aux pages 2, 3, 5 et 6 (QL : paragraphes 2, 3, 5, 10, 11, 12 et 13) :

            La requête [en adjudication de dépens sur une base procureur-client] est fondée sur le refus par l'intimée d'une offre de règlement écrite datée du 27 avril 1994. Les jugements obtenus par les requérants leur étaient largement plus favorables que les conditions de l'offre de règlement. Ils soutiennent, premièrement, que le refus de l'intimée justifie en lui-même l'adjudication de dépens sur la base procureur-client et que, deuxièmement, puisque l'offre de règlement a été refusée malgré la recommandation de l'avocat de l'intimée de l'accepter, cela constituerait de l' « inconduite » de la part du ministre du Revenu national au sens donné à ce terme par la jurisprudence en matière d'adjudication de dépens procureur-client.

            Je ne peux ajouter foi à ce deuxième argument. En l'absence de fraude, il doit y avoir des circonstances tout à fait exceptionnelles, que je ne peux imaginer à ce moment, afin de conclure que le refus d'une offre de règlement puisse constituer de l'inconduite. Nous avons demandé à l'avocat des requérants s'il pouvait citer de la jurisprudence ou de la doctrine à l'appui de sa position et il a répondu par la négative.

[. . .]

            Examinons maintenant le premier motif. [. . .]

[. . .]

            Les requérants ont insisté sur l'alinéa 147(3)d) des Règles. Il porte que, en exerçant sa discrétion à l'égard de l'adjudication des dépens conformément au paragraphe 147(1), la Cour peut tenir compte de toute offre de règlement présentée par écrit. Le verbe « pouvoir » indique l'octroi de pouvoirs, de droits, d'autorisations ou de facultés : paragraphes 2(1) et 3(1) et article 11 de la Loi d'interprétation. Je ne peux interpréter le paragraphe auquel il est fait référence comme enjoignant à la Cour d'adjuger les dépens procureur-client à compter de la date du refus lorsqu'une offre de règlement écrite est refusée et que celui qui l'a faite obtient un jugement plus favorable que les conditions de l'offre. Voilà l'essence de l'argument des appelants et la teneur de celui-ci est que la règle 49.10 des Règles de procédure civile de l'Ontario doit être considérée comme étant intégrée aux Règles. Dans sa plaidoirie, l'avocat des requérants a cité la règle 49.10 ainsi que la jurisprudence y afférente. Cette règle se lit comme suit :

49.10(1)    Si une offre de transaction :

           a)    est présentée par un demandeur au moins sept jours avant le début de l'audience;

           b)    n'est pas retirée et n'expire pas avant le début de l'audience;

c)    n'est pas acceptée par le défendeur,

et que le demandeur obtient un jugement aussi favorable, ou plus favorable, que les conditions de l'offre, il a droit aux dépens partie-partie à la date de la signification de l'offre et aux dépens procureur-client à compter de cette date, sauf ordonnance contraire du tribunal.

            Il n'existe aucune règle analogue au paragraphe 19.10(1) dans les Règles et on ne peut l'interpréter comme étant intégré aux Règles par voie de conséquence nécessaire.

            De plus, à mon avis, le pouvoir de la Cour d'adjuger des dépens sur la base procureur-client n'est pas prévu par les paragraphes 147(1) et 147(3) des Règles. Par conséquent, l'interprétation de ces paragraphes n'aide aucunement à déterminer les situations dans lesquelles les dépens procureur-client peuvent être adjugés. Le pouvoir de la Cour d'adjuger ces dépens découle de l'alinéa 147(5)c) des Règles, lequel se lit comme suit :

(5)    Nonobstant toute autre disposition des présentes règles, la Cour peut, à sa discrétion,

            c) adjuger la totalité ou partie des dépens sur une base procureur-client.

            Pour déterminer s'il convient d'adjuger les dépens sur la base procureur-client en vertu de cet alinéa, il est important d'examiner attentivement la jurisprudence y afférente.

[7]      Je suis d'avis que le même raisonnement s'applique à toute demande de dépens dépassant ce qui est prévu au tarif.

[8]      Finalement, en ce qui concerne l'argument fondé sur la capacité de la requérante de payer le montant calculé des frais procureur-client (qui s'élèvent apparemment à 34 806,34 $ selon la pièce G du dossier de requête), je ne pense pas qu'il doit être retenu, malgré le fait que le montant adjugé en vertu du tarif ne serait que d'environ 5 800 $, selon les observations de l'intimée. Dans la décision Continental Bank of Canada c. Canada, [1994] A.C.I. n ° 863 (QL), le juge Bowman a dit aux paragraphes 9 et 10 :

9        Il est manifeste que les montants prévus au tarif ne sont nullement censés compenser entièrement une partie des frais juridiques que celle-ci a engagés dans la poursuite d'un appel.    Le fait que les montants prévus au tarif paraissent excessivement bas par rapport aux dépens réels d'une partie n'est pas une raison pour adjuger des dépens supplémentaires à ceux que prévoit le tarif.    Je ne crois pas que, chaque fois que la présente Cour est saisie d'une cause de nature fiscale importante et complexe, nous devrions user de notre pouvoir discrétionnaire pour hausser les dépens adjugés à un montant qui corresponde davantage à celui que les avocats des contribuables factureront vraisemblablement. Il doit avoir été évident aux membres des comités de rédaction des règles qui ont fixé le tarif que les dépens entre parties qui peuvent être recouvrés sont de peu d'importance par rapport aux frais réels qu'une partie peut avoir engagés.    Nombreuses sont les causes importantes et complexes dont la Cour est saisie.    Les litiges de nature fiscale sont un aspect complexe et spécialisé du droit, et les rédacteurs des Règles auxquelles nous sommes soumis devaient le savoir.

10        Il faut habituellement respecter le tarif, à moins de circonstances exceptionnelles, dont une inconduite de la part de l'une des parties, un retard abusif, une prolongation inutile de l'instance, des querelles procédurales inutiles, pour n'en citer que quelques-unes. Aucun de ces éléments n'est présent en l'espèce.

[9]      Cette opinion avait déjà été exprimée par le juge en chef Jackett dans la décision Smerchanski c. M.R.N., [1979] 1 C.F. 801 (77 DTC 5198) et a également été adoptée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. c. Consolboard Inc., [1981] A.C.F. no 425 (QL) (58 C.P.R. (2d) 100), comme l'a mentionné le juge Bowman dans la décision Continental Bank, précitée.

[10]     Dans mes motifs du jugement, je n'ai pas conclu qu'il y avait eu de la part de l'intimée fraude, retard abusif ou inconduite préjudiciable à la requérante, et cette dernière ne m'a pas convaincue que c'était le cas dans les observations qu'elle a présentées dans le cadre de cette requête. Je ne pense pas qu'il existe en l'espèce des circonstances exceptionnelles qui justifieraient que l'on s'écarte du tarif.

[11]     Étant donné que la requérante n'a pas su établir une base sur laquelle sa demande peut être accueillie, elle est rejetée et les dépens seront taxés par l'officier taxateur conformément au tarif.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d'octobre 2002.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d'octobre 2003.

Erich Klein, réviseur

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