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Dossier : 2003‑1742(GST)I

ENTRE :

TRAVEL NOW PAY LATER (CANADA) CORP.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 22 octobre 2003 à Calgary (Alberta)

 

Par : L’honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions

 

Représentant de l’appelante :

Harold Heck

 

Avocat de l’intimée :

MR. Scott McDougall

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, à l’égard de toutes les périodes de déclaration de l’appelante allant du 1er janvier 1996 au 31 mars 2002, est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour d’octobre 2003.

 

 

 

« E. A. Bowie »

Juge Bowie

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15jour de mars 2004.

 

 

 

 

 

Sylvie Sabourin, traductrice


 

 

 

 

 

Référence : 2003CCI805

Date : 20031031

Dossier : 2003‑1742(GST)I

ENTRE :

 

TRAVEL NOW PAY LATER (CANADA) CORP.,

 

appelante,

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bowie

 

[1]     Le présent appel est interjeté à l’encontre de la cotisation pour la taxe sur les produits et services (TPS) établie en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise[1] (la Loi). La question en litige porte sur la méthode correcte à employer pour calculer le crédit de taxe sur les intrants (CTI) auquel l’appelante a droit pour la période allant du 1er janvier 1996 au 31 mars 2002. L’appel a été entendu en vertu de la procédure informelle de la Cour. M. Harold Heck, le principal actionnaire et l’âme dirigeante de l’appelante, la représentait. Il était le seul témoin.

 

[2]     M. Heck a développé le concept d’une carte de crédit privée accordée sous le nom de « Travel Now Pay Later » et offerte par les agences de voyage à leurs clients pour les aider à financer les achats de voyages. Il a constitué l’appelante en personne morale afin de pouvoir développer et promouvoir le concept. L’appelante fournit aux agences de voyage qui participent au programme le droit de participer au régime des cartes de crédit en accordant une carte à leurs clients et les fournitures nécessaires pour le faire. Pour cela, elles paient à l’appelante un frais ponctuel. Le droit s’élevait, au départ, à 925 $ puis il a été réduit à 199 $. Les cartes peuvent être utilisées pour payer les voyages mais également pour acheter des chèques de voyage American Express. Le crédit est fourni aux clients par Citifinancial Services Canada Ltd. (Citi). Lorsqu’un client utilise la carte pour faire un achat, il signe un récépissé que l’agent de voyage présente à l’appelante qui, elle, le présente à Citi. Cette dernière déduit ses frais à la face du récépissé et paye le reste à l’appelante. L’appelante déduit, à son tour, les frais de Citi et les siens et remet le reste à l’agent de voyage. L’appelante reçoit également une commission sur la vente des chèques de voyage.

 

[3]     Les parties s’accordent sur le fait que l’octroi du droit à participer au programme et les fournitures que les agences de voyage reçoivent lorsqu’elles s’y joignent constituent des fournitures taxables faites pour une contrepartie égale au frais ponctuel versé. Elles s’accordent également sur le fait que les fournitures de crédit et de chèques de voyage sont des services financiers tels que le paragraphe 123(1) de la Loi les décrit et qu’ils constituent, par conséquent, des services exemptés. Les parties s’accordent aussi sur le fait que l’appelante n’était à aucun moment pertinent une institution financière telle que la Loi les définit.

 

[4]     Selon des hypothèses, qui ne sont pas contestées, invoquées par le ministre du Revenu national (le ministre), l’appelante, lorsqu’elle a produit sa déclaration en vertu de la Loi, a demandé des CTI à l’égard de la totalité de la TPS qu’elle avait payée pour l’ensemble des fournitures achetées pendant la période en litige sans effectuer de répartition entre les fournitures utilisées pour ses activités taxables et celles utilisées pour ses activités exemptées. Dans son Avis d’appel et lors de l’audience, l’appelante considère maintenant qu’il devrait y avoir une répartition proportionnelle, celle‑ci étant toutefois effectuée sur la base d’une attribution de 40 p. 100 des fournitures aux activités exemptées et de 60 p. 100 aux activités taxables. Comme je comprends le témoignage et les observations de M. Heck, cette position est fondée sur l’hypothèse que la partie principale des dépenses de la société (et, par conséquent, les produits et services qu’elle a acquis) avaient pour but de soutenir ses activités personnelles de visite aux agences de voyage et de vente à ces dernières du droit de participer au programme de cartes de crédit Travel Now Pay Later. Il ajoute que ces dépenses ne donnent lieu qu’au seul revenu découlant des frais ponctuels versés par les agences la première fois qu’elles se joignent au programme. Il impute la totalité du revenu des commissions et des frais attachés aux cartes de crédit aux dépenses engagées pour exploiter le bureau, qui, dit-il, sont inférieures à celles qu’il engage lorsqu’il se déplace pour visiter les agences. Selon lui, une fois qu’il a vendu le programme à l’agence de voyage, les transactions exemptées ont lieu sans qu’il ait besoin d’engager des dépenses autres que celles liées au travail d’un commis qui traite les transactions au bureau.

 

[5]     Comme le vérificateur n’a pas témoigné et que ni les cotisations ni le rapport de vérification n’ont été déposés comme preuve, il est quelque peu difficile de dire avec certitude quelle était la logique qui sous‑tendait les cotisations en l’espèce. Cependant, comme je comprends la Réponse à l’avis d’appel et les observations de l’avocat, les cotisations ont été établies par le ministre en imputant les fournitures acquises par l’appelante au cours de chaque période de déclaration aux fournitures taxables et exemptées qu’elle a effectuées en les répartissant en fonction des revenus commerciaux et exemptés gagnés pendant la période puis en appliquant l’article 141 de la Loi et la politique administrative du ministre aux termes de laquelle 90 p. 100 ou plus correspond à l’expression « totalité ou presque ». Il devait en résulter que l’appelante aurait le droit de demander les CTI pour la période couvrant le début de son existence lorsque les frais ponctuels constituaient une partie considérable de son revenu et que les honoraires provenant des services financiers étaient négligeables. Cependant, les CTI lui ont été refusés pour les périodes plus tardives lorsque les frais provenant des cartes de crédit et les commissions sur les chèques de voyage excédaient largement les frais ponctuels.

 

[6]     Le droit de recevoir les CTI et la façon dont ils sont calculés sont régis par les articles 169, 141 et 141.01 de la Loi. Je ne vois pas de raison de reproduire ces articles ici. Ils sont longs et complexes mais, lors de l’audience, ils n’ont fait l’objet d’aucune observation par les parties, et je ne les considère pas comme ambigus. Aux fins du présent appel, ils peuvent être résumés comme suit. L’appelante n’a le droit de recevoir des CTI que dans la mesure où elle a payé la TPS sur des biens ou des services acquis en vue d’effectuer les fournitures taxables en échange d’une contrepartie. Les services financiers ne sont pas des fournitures taxables, contrairement à la fourniture de droits et de biens pour lesquels l’appelante perçoit les frais ponctuels. Lorsque l’appelante a acquis des biens ou des services dans le but d’effectuer des fournitures taxables et des fournitures non taxables, une répartition desdites fournitures doit être réalisée. La méthode pour ce faire doit être équitable et raisonnable, et la même méthode doit toujours être utilisée.

 

[7]     En l’espèce, il n’est pas contesté qu’une répartition est nécessaire. C’est la méthode pour le faire qui est en litige. L’appelante n’a offert aucune preuve pour établir quelle était l’utilisation des biens et des services achetés, sinon une vague affirmation que la plupart servait à soutenir ses efforts visant à accroître le nombre d’agences de voyage participant à l’arrangement lié aux cartes de crédit. Il n’y avait aucune preuve de tentative de déclarer séparément ces dépenses en fonction de leur objectif. Il n’y avait pas non plus de preuve précise découlant d’une tentative de mesurer le temps et les efforts investis par lui‑même et son personnel en ce qui a trait à leur contribution aux fournitures exemptées et non exemptées. Dans son Avis d’appel, M. Heck proposait un rapport de 60 à 40 mais la preuve qu’il a fournie ne soutenait ni ce rapport ni aucun autre en particulier. L’autre obstacle nous empêchant d’accepter son observation est le fait que bien qu’il ne l’ait pas reconnu dans son témoignage, il est manifeste que ses propres efforts et les frais de déplacement qu’ils occasionnaient ne sont pas propres à la production des frais ponctuels comme il aimerait nous le faire croire. Sans ses efforts pour rendre visite aux agences de voyage et les persuader de participer, l’appelante n’aurait aucune possibilité de gagner les commissions sur les chèques de voyage vendus par l’entremise des agences ou de faire des bénéfices sur les transactions liées à la carte de crédit. Ces dépenses sont manifestement d’un apport considérable à la production du revenu des services financiers que l’appelante offre, bien que cet apport ne puisse pas être quantifié à la vue de la preuve dont je dispose. La méthode de répartition qui reste est celle qui a été utilisée par le répartiteur du ministre. Il a réparti les acquisitions en fonction de l’apport relatif au revenu brut découlant des fournitures exemptées et des fournitures taxables effectuées par l’appelante. Je conclus que c’est la seule méthode appropriée en l’espèce.

 

[8]     L’appelante a choisi ne de pas déposer de preuve liée à ses résultats financiers pour les périodes faisant l’objet de l’appel. L’intimée a déposé un état des résultats quelque peu rudimentaire pour la période allant du 1er juillet 1999 au 30 juin 2000. L’intimée s’est cependant fondée sur les hypothèses de fait suivantes apparaissant dans la Réponse à l’avis d’appel :

 

          [traduction]

 

12.       Pour établir la cotisation de l’appelante, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

[...]

 

w)        Pour les périodes de déclaration se terminant entre :

 

(i)         le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 1996, au plus 82 p. 100 des fournitures acquises par l’appelante l’étaient en vue de leur utilisation dans le cadre de ses activités commerciales;

 

(ii)        le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 1997, au plus 30 p. 100 des fournitures acquises par l’appelante l’étaient en vue de leur utilisation dans le cadre de ses activités commerciales;

 

(iii)       le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 1998, au plus 11,40 p. 100 des fournitures acquises par l’appelante l’étaient en vue de leur utilisation dans le cadre de ses activités commerciales;

 

(iv)       le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 1999, au plus 5 p. 100 des fournitures acquises par l’appelante l’étaient en vue de leur utilisation dans le cadre de ses activités commerciales;

 

(v)        le 1er janvier 2000 et le 30 juin 2000, au plus 10,40 p. 100 des fournitures acquises par l’appelante l’étaient en vue de leur utilisation dans le cadre de ses activités commerciales;

 

(vi)       le 1er juillet 2000 et le 30 juin 2001, au plus 6 p. 100 des fournitures acquises par l’appelante l’étaient en vue de leur utilisation dans le cadre de ses activités commerciales;

 

(vii)      le 1er juillet 2001 et le 31 mars 2002, au plus 2 p. 100 des fournitures acquises par l’appelante l’étaient en vue de leur utilisation dans le cadre de ses activités commerciales.

 

[9]     L’appelante ne s’opposait pas particulièrement à l’application du ministre de la politique administrative aux termes de laquelle tout pourcentage excédant 90 p. 100 est considéré comme « presque totalité ». Je ne souhaite pas que l’on pense que je souscris à cette politique dans tous les cas et aux fins de tous les renvois législatifs à la « presque totalité ». En l’espèce, l’appelante n’a fait aucun effort pour déposer la preuve pertinente et n’a pas abordé la question précisément dans ses observations. Pour les trois périodes pour lesquelles la politique a été appliquée, le pourcentage de revenus tirés des activités commerciales s’élevait à 5 p. 100, à 6 p. 100 et à 2 p. 100 respectivement. Dans ce contexte, à mon avis, il est approprié de considérer que, pour ces trois périodes, les fournitures acquises par l’appelante l’étaient toutes, ou presque, en vue de leur utilisation dans le cadre de ses activités exemptées. Bien que la Réponse à l’avis d’appel ne soit pas tout à fait claire sur ce point, je comprends que c’est la base sur laquelle les cotisations à l’encontre desquelles il est interjeté appel ont été établies. Les appels sont par conséquent rejetés. Il ne sera rendu aucune ordonnance relative aux dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour d’octobre 2003.

 

 

 

« E. A. Bowie »

Juge Bowie

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15jour de mars 2004.

 

 

 

 

 

Sylvie Sabourin, traductrice

 



[1]           L.R. 1985 ch. E-15 dans sa version modifiée.

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