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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2002-833(IT)I

ENTRE :

PHILIP DURBER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 24 juillet 2002, à Vancouver (Colombie-Britannique), par
l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Johanna Russell

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999 sont rejetés.


Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d'août 2002.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d'octobre 2003.

Erich Klein, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20020808

Dossier: 2002-833(IT)I

ENTRE :

PHILIP DURBER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Rip

[1]      Philip Durber interjette appel de cotisations d'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999, puisque, d'après lui, il a le droit de déduire les dépenses engagées par lui relativement à une maison mobile, à un bateau et à une remorque (ci-après collectivement appelés les « biens » ), ainsi que relativement à une voiture Buick Regal 1985 (la « Buick » ). Les biens et la Buick appartenaient à M. et Mme Durber à tous les moments pertinents, et ils étaient situés à Havasu, Arizona, où ils se trouvent toujours. L'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ) a établi les cotisations de M. Durber en se basant essentiellement sur ce qu'il n'avait pas une attente raisonnable de tirer un profit de la location des biens et de la Buick, et elle a en conséquence refusé la déduction des dépenses. Au cours du procès j'ai fait savoir à M. Durber que, vu les décisions de la Cour suprême du Canada dans les affaires Stewart c. La Reine[1] et Walls c. La Reine[2], j'accorderais peu ou point d'importance à la question de savoir s'il avait une attente raisonnable de tirer un profit de la location des biens et de la Buick et qu'il n'avait pas besoin de se préoccuper outre mesure de cette question. La question dont je me trouve saisi est de savoir si les activités de M. Durber relativement aux biens constituaient, aux fins de l'article 9 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), une source de revenus tirés d'une entreprise ou de biens pendant les années visées par les appels.

[2]      M. Durber a déduit des pertes de 7 266 $, de 7 929 $ et de 5 678 $ dans ses déclarations de revenus produites pour 1997, 1998 et 1999 respectivement. Étant donné que son revenu était supérieur à celui de Mme Durber, il a demandé la déduction de toutes les pertes liées aux biens, malgré le fait que lui et elle détiennent les biens en parts égales. Je l'ai informé que s'il avait gain de cause dans ces appels, les pertes qu'il pourrait déduire seraient réduites de moitié, sous réserve de réductions supplémentaires si les montants des pertes étaient inexacts, comme le prétend l'intimée.

[3]      M. Durber est capitaine au sein du service d'incendie du district de West Vancouver. Cela fait plus de 24 ans qu'il travaille pour le service d'incendie. Pendant les années visées par les appels, Mme Durber travaillait à titre de secrétaire juridique. M. et Mme Durber ont un enfant, né en 1988.

[4]      M. et Mme Durber n'avaient encore jamais détenu ni exploité de biens locatifs avant novembre 1996, quand ils ont acheté les biens pour 20 000 $US. Ils ont grevé leur résidence à Burnaby (C.-B.) d'une hypothèque de 27 000 $ afin d'acquitter par voie d'emprunt la totalité du prix d'achat des biens. Le taux d'intérêt hypothécaire était de 6,7 pour 100. Le paiement de l'intérêt et du capital réunis devait se faire par mensualités de 529,62 $. Le prêt hypothécaire a été remboursé en 2001. (En novembre 1996, le taux de change était de 0,75 $US pour 1,00 $C, d'après M. Durber.)

[5]      M. Durber avait visité ou [TRADUCTION] « traversé » la région du lac Havasu pendant ses vacances à environ trois reprises avant 1996, et s'est rendu compte que c'était [TRADUCTION] « une destination très populaire pour les vacanciers » . Le lac Havasu se trouve dans le désert de l'Arizona. C'est un lieu de villégiature. M. Durber croyait comprendre qu'une maison mobile sur les rives du lac Havasu pouvait se louer au même prix qu'une maison fixée en permanence au sol. La maison mobile achetée par M. et Mme Durber mesure environ 50 pieds de long sur 12 pieds de large. Elle contient une cuisine, deux chambres, un salon et une salle de bain. Une terrasse en bois de 20 pieds est rattachée à la maison mobile. La maison repose sur un emplacement loué à M. et Mme Durber par Beachcomber Resort pour 320 $US par mois. L'emplacement comprend également une haie d'un côté, une allée en gravier, une cour de 144 pieds carrés et un jardinet. La maison mobile avait 25 ans à l'époque où ils l'ont achetée. M. Durber a décrit l'intérieur comme [TRADUCTION] « propre mais témoignant de beaucoup d'utilisation » . Les tapis et le mobilier étaient [TRADUCTION] « très usés » . Le bateau compris avec la maison mobile était une embarcation à fond plat de 21 pieds, et un lieu pour l'amarrage du bateau était inclus dans la location de l'emplacement pour la maison mobile. M. Durber prévoyait louer la Buick à des locataires qui n'avaient pas de voiture à leur disposition pendant leur séjour au centre de villégiature. Il avait également l'intention de louer le bateau à ses locataires. En fait, il n'a jamais loué ni le bateau ni la voiture.

[6]      Le loyer de 320 $US versé à Beachcomber Resort comprend également une buanderie, une piscine, des services de sécurité et le personnel de bureau. La plupart des locataires au Beachcomber Resort restent pour au moins trois mois; d'après les règles de Beachcomber Resort, toute sous-location doit se faire pour au moins trois mois. Beachcomber Resort exige également des frais mensuels de 50 $US des locataires qui donnent leur maison mobile en sous-location. Certains des résidents habitent là toute l'année. La plupart, sinon la totalité, des locataires sont des retraités. Des activités sont organisées pour eux à longueur d'année.

[7]      D'après le témoignage de M. Durber, lorsqu'il a fait l'acquisition des biens, il avait l'intention de les louer pour arrondir le revenu du ménage. Il pensait louer les biens à des Canadiens en hiver, et l'été, à des gens de la région de Los Angeles qui aimaient faire du bateau et pratiquer des sports nautiques en été. M. Durber a expliqué que la plupart des sous-locataires au Beachcomber Resort étaient des personnes qui y revenaient année après année. Aussi espérait-il qu'une fois les biens loués, le même locataire continuerait à les louer dans les années subséquentes.

[8]      L'appelant n'a pas connu beaucoup de succès dans la location des biens pendant les années visées par les appels. Il s'est enquis auprès d'autres propriétaires de maisons mobiles au Beachcomber Resort et s'est rendu compte qu'ils avaient également du mal à trouver des locataires. On lui a dit que le bouche à oreille était la meilleure forme de publicité. Il n'a pas fait passer de petite annonce dans les journaux de Los Angeles pour trouver des locataires parce que cela coûtait très cher. Il a affiché des annonces au bureau du Beachcomber Resort et à plusieurs endroits très fréquentés dans les environs du Beachcomber Resort, comme à l'épicerie Safeway du lieu. L'appelant a acquis les biens en novembre 1996, soit trop tard, d'après lui, pour pouvoir les louer sur le marché libre pour l'hiver 1996-1997. Donc, pour réduire ses frais, il a loué les biens à ses parents pour une partie de décembre 1996 et environ trois mois en 1997.

[9]      M. Durber a encore louer les biens à ses parents pendant quatre mois en 1998 et 1999. Ses parents n'ont pu occuper les biens en 2001, mais ils lui ont apparemment versé le loyer pendant [TRADUCTION] « six ou sept mois » . Ses parents avaient utilisé la Buick quand ils occupaient la maison mobile. M. Durber et sa famille s'y sont également rendus à l'occasion du congé de printemps, à la fin mars, en 1997, 1998 et 1999. Mme Durber et leur fille y restaient une dizaine de jours, tandis que M. Durber y demeurait environ quatre à six semaines par année. D'après le témoignage de M. Durber, pour réduire les frais, il consacrait du temps à la réparation et à l'entretien de la Buick, du bateau et de la maison mobile pendant qu'il était au Beachcomber Resort.

[10]     L'intimée prétend que le loyer demandé par M. Durber à ses parents était inférieur au prix du marché. Mais M. Durber a témoigné qu'il avait convaincu Beachcomber Resort de l'exonérer des frais de 50 $US pour la sous-location à ses parents, aussi pouvait-il leur demander 50 $US de moins qu'il ne l'aurait fait à d'autres sous-locataires. Il a expliqué qu'il était novice dans l'exploitation d'une entreprise de location, et ce, [TRADUCTION] « dans un marché qui m'était très littéralement étranger » . En outre, il fallait tenir compte de l'état de la maison mobile en fixant le loyer. Il a expliqué qu'il préférait avoir un locataire qui payait quelque chose plutôt que de n'avoir aucun locataire qui ne payait rien du tout. Selon M. Durber, ses parents constituaient [TRADUCTION] « un dernier recours » .

[11]     D'après ce que se rappelait M. Durber, ses parents ne payaient pas toujours leur loyer à l'échéance. Les versements de loyer étaient faits en espèces. Ils payaient quand ils avaient de l'argent pour le faire. Il leur arrivait de régler seulement une partie du loyer, et le reste était payé plus tard. Par contre, ses parents lui avançaient de l'argent pour ses dépenses. M. Durber ne consignait pas les versements de loyer. Il a dit savoir ce que ses parents lui devaient.

[12]     La raison de la hausse du coût de la sous-location des biens, d'après M. Durber, était la chute du dollar canadien après son acquisition des biens. [TRADUCTION] « Le fait que le dollar canadien baissait a eu un effet important sur mon marché locatif au Canada. » Il a dit également que le marché des locataires éventuels américains s'est effrité [TRADUCTION] « au cours des années suivantes, à cause d'événements indépendants de ma volonté, soit la mauvaise situation économique et la bourse en baisse, qui ont eu un effet sur les rentes de certains retraités » . La période dont parlait M. Durber est celle commençant en 1997. [Je prends connaissance d'office de ce que les principaux indices boursiers n'ont pas baissé à partir de 1998 mais, au contraire, ont commencé à monter en 1998, atteignant leur plus haut niveau en 2000; cependant, ils étaient redescendus aux valeurs de 1997 au moment du procès.]

[13]     Dans sa cotisation, l'ADRC a modifié le revenu locatif de M. Durber pour 1997, le faisant passer de 2 000 $ à 2 400 $. L'annexe A ci-jointe, déposée sous la cote R-1, montre le revenu locatif et les dépenses déduites pour les années de 1996 à 2000 inclusivement, ainsi que les loyers bruts et la perte nette déclarée pour 2001. L'annexe B ci-jointe, déposée sous la cote A-5, est un [TRADUCTION] « État des profits et pertes envisagés pour 1997, 1998 et 1999 » que M. Durber avait dressé la veille du procès à partir de calculs qu'il avait faits vers le moment où il avait fait l'acquisition des biens[3].

[14]     Pendant trois mois en 2001, M. Durber a également reçu un revenu locatif d'un certain M. Strasman, un sous-locataire ayant avec lui un lien de dépendance. Le loyer demandé par M. Durber à M. Strasman s'élevait à 650 $US par mois, auquel montant s'ajoutaient les frais de 50 $US exigés par Beachcomber Resort. En outre, de la dernière semaine de décembre 2001 au 15 mars 2002, M. Durber avait un locataire à qui il louait les biens pour 750 $US par mois. M. Durber ne savait pas si ce loyer comprenait les frais de sous-location de 50 $US. Les biens ont également été loués à d'autres locataires du 20 avril au 31 mai 2002 et de la fin juin à la fête du Travail 2002.

[15]     La plus grande dépense dont l'appelant demandait la déduction n'était pas l'intérêt sur l'emprunt contracté afin d'acquérir les biens, mais le loyer pour l'emplacement pour la maison mobile qu'il devait payer à Beachcomber Resort. Les montants déduits au titre de l'intérêt et du loyer de l'emplacement étaient les suivants :

                             1996             1997                       1998                       1999

Intérêt                    210 $            1 534 $                   1 181 $                   826 $

Emplacement          881 $            5 755 $                   6 713 $                   6 723 $

[16]     M. Durber a déclaré les revenus locatifs suivants :

1997             1998             1999

                                      2 000 $         3 680 $         3 566 $

[17]     Selon l'annexe B, le revenu que M. Durber prévoyait tirer de la maison mobile s'élevait à 700 $US par mois pendant 12 mois. Il prévoyait également un revenu locatif de 350 $US par mois pendant trois mois pour la voiture et le bateau, soit un total de 9 450 $US par an. Il appliquait à ce montant un taux de change de 25 pour 100, pour obtenir un revenu annuel en dollars canadiens de 11 812,50 $.

[18]     Le plus gros de ses dépenses, selon les projections de M. Durber, se composerait de 6 355,44 $ en versements annuels d'intérêts et de 4 800 $ par an pour la location de l'emplacement (en dollars canadiens), ce qui donne un total de 11 155,44 $; à ce montant, il ajoutait 360 $ pour les dépenses diverses. Tant que l'hypothèque ne serait pas purgée, prévoyait-il, il y aurait un bénéfice modique de 297,11 $. (En fait, M. Durber avait omis d'ajouter dans la catégorie des dépenses diverses une autre somme, de 125 $, qui aurait réduit son bénéfice à 172,11 $.) Toutefois, en fait de frais d'intérêts, il n'a déduit que 210 $, 1 534 $ et 1 182 $ pour 1997, 1998 et 1999 respectivement. Il n'a pas expliqué la différence entre les montants d'intérêts prévus et à payer aux termes de l'hypothèque et les montants effectivement déduits comme dépenses dans le calcul du revenu. D'ailleurs, au cours du procès, M. Durber a déclaré que son comptable avait préparé ses déclarations de revenus et qu'il les avait ensuite signées. Il a dit qu'il se fiait à son comptable et qu'il n'était pas en mesure de donner des réponses ou des explications concernant quelque montant que ce soit figurant dans ses déclarations de revenus ou d'indiquer le pourquoi de tels montants. Le comptable n'a pas été appelé à la barre des témoins.

[19]     Dans l'arrêt Stewart[4], la Cour suprême du Canada a énoncé des critères permettant de déterminer si les activités d'un contribuable constituent une source d'un revenu d'entreprise ou d'un revenu de biens aux fins de l'article 9 de la Loi[5].

[20]     Ce sont le texte et les articles de la Loi, affirment les juges Iacobucci et Bastarache, qui déterminent si un contribuable a une source de revenu[6]. L'article 3 de la Loi mentionne de façon générale au moins quatre sources de revenu, à savoir : une charge, un emploi, une entreprise et un bien. L'article 9 traite du revenu tiré d'une entreprise et de celui tiré d'un bien. Pour que les dispositions de cet article s'appliquent, il faut avoir une source qui est soit une entreprise, soit un bien. Il est possible d'avoir une source de revenu constituée d'un bien dans un cas où une activité commerciale ne constitue pas véritablement une entreprise. Et il peut y avoir des « démarches de contribuables [qui] ne sont ni des entreprises, ni des sources de revenu constituées d'un bien, mais sont uniquement des activités personnelles » [7]. La Cour suprême suggère de recourir à la méthode à deux volets suivante pour trancher la question de l'existence d'une source :

(i)        L'activité du contribuable est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s'agit-il d'une démarche personnelle?

(ii)      S'il ne s'agit pas d'une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien?

[21]     Le premier volet du critère, d'après la Cour suprême, vise la question générale de savoir s'il y a ou non une source de revenu; le deuxième volet permet de qualifier la source d'entreprise ou de bien.

[22]     Au paragraphe 51, les juges Iacobucci et Bastarache expliquent :

       Assimiler la « source de revenu » à une activité exercée « en vue de réaliser un profit » concorde avec la définition traditionnelle du mot « entreprise » qui est donnée en common law, à savoir [TRADUCTION] « tout ce qui occupe le temps, l'attention et les efforts d'un homme et qui a pour objet la réalisation d'un profit » : Smith, précité, p. 258[8]; Terminal Dock, précité[9]. De même, la distinction entre le revenu tiré d'une entreprise et le revenu tiré d'un bien repose généralement sur le fait qu'une entreprise exige un niveau d'activité plus élevé de la part du contribuable : voir Krishna, op. cit., p. 240[10]. Il est donc logique de conclure qu'une activité exercée en vue de réaliser un profit, quel que soit le niveau d'activité du contribuable, sera une source de revenu constituée soit d'une entreprise, soit d'un bien.

       Ce premier volet du critère vise simplement à établir une distinction entre les activités commerciales et les activités personnelles et [...], il se peut fort bien que telle ait été à l'origine l'intention du juge Dickson lorsqu'il a mentionné l' « expectative raisonnable de profit » dans l'arrêt Moldowan[11]. [...]

[...] ce critère de l'existence d'une source « en vue de réaliser un profit » ne doit faire l'objet d'une analyse que dans les situations où l'activité en cause comporte un aspect personnel ou récréatif. [...] Lorsqu'une activité est clairement de nature commerciale, il n'est pas nécessaire d'analyser les décisions commerciales du contribuable. De telles démarches comportent nécessairement la recherche d'un profit. Il existe donc par définition une source de revenu et il n'est pas nécessaire de pousser l'examen plus loin.

       Il y a également lieu de souligner que la détermination de l'existence d'une source de revenu n'est pas un processus purement subjectif. Outre le fait que, pour qu'une activité soit qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l'intention subjective de réaliser un profit, il faut aussi, tel que mentionné dans l'arrêt Moldowan, que cette détermination se fasse en fonction de divers facteurs objectifs. Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l'intention d'exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l'activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d'homme d'affaires sérieux.

                                                      [Notes de bas de page ajoutées.]

[23]     L'attente raisonnable de profit en ce qui concerne l'activité d'un contribuable ne représente qu'un parmi plusieurs facteurs à considérer, et ce n'est pas un facteur déterminant. Il faut déterminer globalement, précisent les juges Iacobucci et Bastarache, si le contribuable exerce l'activité d'une manière commerciale. Cette détermination ne devrait toutefois pas servir à évaluer après coup le sens des affaires du contribuable. Le juge doit évaluer la nature commerciale de l'activité de celui-ci, et non son sens des affaires[12].

[24]     La déductibilité des dépenses en tant que telles constitue une question distincte de celle de l'existence d'une source de revenu sous-jacente. Ainsi, un contribuable peut avoir un revenu d'une entreprise, mais certaines déductions peuvent lui être refusées parce qu'elles se rapportent à des dépenses de nature personnelle. Cela n'a toutefois aucune incidence sur l'entreprise en tant que telle, et toutes les autres dépenses seront peut-être déductibles dans le calcul du revenu tiré de celle-ci.

[25]     Les juges de la Cour Suprême ont résumé leurs raisons au paragraphe 60 :

[...] la question de savoir si le contribuable a ou non une source de revenu doit être tranchée en fonction de la commercialité de l'activité en cause. Lorsque l'activité ne comporte aucun aspect personnel et qu'elle est manifestement commerciale, il n'est pas nécessaire de pousser l'examen plus loin. Lorsque l'activité peut être qualifiée de personnelle, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d'une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. Toutefois, refuser la déduction de pertes pour le seul motif que les pertes indiquent l'inexistence d'une entreprise (ou d'un bien) comme source de revenu va à l'encontre du texte et de l'économie de la Loi. La question de savoir s'il existe une entreprise est distincte de celle de la déductibilité des dépenses. [...] De même, à la différence de nombreuses règles législatives sur la minimisation des pertes, dès que des déductions sont refusées à la suite de l'application du critère de l'ERP, le contribuable ne peut reporter ces pertes sur un revenu futur si jamais l'activité devient rentable. Comme l'a affirmé le juge Bowman, dans la décision Bélec, précitée, p. 123 : « Ce serait [...] inacceptable de permettre au ministre [de dire] au contribuable : 'Le fait que tu as perdu de l'argent [...] prouve que tu n'avais pas d'espoir raisonnable de profit, mais dès que tu gagnes de l'argent, ça prouve que maintenant, tu en as.' » [13].

[Note de bas de page ajoutée.]

[26]     Il ne fait aucun doute qu'il existe un aspect personnel dans les activités de M. Durber. D'abord, les biens ont été loués à ses parents. Ensuite, M. Durber et sa famille se sont également servis des biens. [Je reconnais que M. Durber faisait des travaux sur les biens afin de réduire les dépenses.] Ses parents lui payaient un loyer, mais seulement s'ils avaient l'argent pour le faire. M. Durber n'inscrivait nulle part les versements effectués par ses parents, ni le montant de loyer qu'ils lui devaient à un moment donné, ni quand des montants dus ont finalement été payés. Les seules autres personnes à occuper la maison mobile pendant les années visées par les appels étaient l'appelant, sa femme et leur fille.

[27]     Je suis également troublé par le fait que M. Durber n'a pu répondre aux questions que lui posait l'avocate de l'intimée au sujet de différents éléments indiqués dans ses déclarations de revenus ou sur des documents annexés à celles-ci. Il n'a pas expliqué pourquoi les frais d'intérêts déduits dans ses déclarations de revenus sont inférieurs aux frais réels. Il s'est borné à répondre que son comptable avait préparé les documents et qu'il se fiait à lui sans réserve. Il semble que M. Durber n'ait donné aucune directive ni aucune aide à son comptable pour ce qui est de la préparation des déclarations de revenus et des renseignements financiers qui les accompagnaient. Je présume qu'un contribuable qui est en affaires posséderait au moins une certaine connaissance rudimentaire des comptes de son entreprise, mais M. Durber ne semble même pas avoir cette connaissance.

[28]     M. Durber n'a pas établi que son intention prédominante, au moment d'acquérir les biens en 1996, était de tirer un profit de l'activité ni que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d'homme d'affaires sérieux. Le fait que M. Durber n'a pas tiré de bénéfice net des biens pendant les années visées par les appels ne me mène pas à la conclusion que les biens ne représentaient pas une source de revenu pour lui. À mon avis, lorsqu'il en a fait l'acquisition, il nourrissait deux intentions : d'abord, donner les biens en location; ensuite, les mettre à la disposition de ses parents, tant qu'ils pourraient en jouir, et de sa famille. J'estime que c'est cette deuxième intention qui l'a motivé à acheter les biens. Pendant les années faisant l'objet des appels, les biens ne constituaient pas une source de revenu pour l'appelant.

[29]     Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d'août 2002.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d'octobre 2003.

Erich Klein, réviseur


ANNEXE A

Durber, Philip

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Recettes (revenu locatif)

         0

2,000

3679,92

3565,92

2673,36

7587

Dépenses - catégorie

Publicité

Assurance

340,9

195,2

179,4

173,83

218,32

Intérêts

210,28

1533,74

1181,48

826,42

Entretien et réparations

594,08

   90,12

Frais admin. et de gestion

Frais d'automobile

1143,25

1737,14

850,31

Frais de bureau

   21,67

523,4

192,47

198,83

Honoraires d'avocat, de comptable et autres

187,25

187,25

261,8

267,5

Impôt foncier

69,8

76,57

76,57

184,62

Salaires, traitements, avantages sociaux

Déplacements

515,01

Services publics

176,67

256,35

373,35

326,1

369,26

Autres dépenses :

Câblodistribution

68,8

227,25

296,18

393,24

603,03

Téléphone

140,69

120,3

316,36

217,14

230,29

Loyer - terrain pour maison mobile

881,18

5754,51

6713,4

6722,69

5284,1

Tenue de livres par G. Durber (conjointe)

500

600

600

Dépenses totales

1818,52

8366,07

12599,73

11527,4

8896,38

Moins partie personnelle (%)

         0

         0

      20 %

       20 %

          0

Total partiel - dépenses

1818,52

8366,07

10079,79

9244,28

8896,38

Moins : recettes locatives

         0

2,000

3679,92

3565,92

2673,36

Moins : déduction pour amortissement

         0

    900

1530,00

          0

1193,9

(voiture)

(voiture)

(ordinateur)

Perte nette totale

-1818,52

-7266,07

-7929,87

-5678,36

-7416,92

-5792


ANNEXE B

État des profits et pertes envisagés pour 1997, 1998 et 1999

Versement hypothécaire

Loyer emplacement

Dépenses diverses

Dépenses diverses

Crédits de loyer

Crédits de location voiture/bateau

529,62 $

x 12 mois

400,00 $

12 mois

Assur. voiture, bateau, maison

100,00 $

700,00 $

12 mois

350,00 $

x 3 mois

6355,44 $C

4800,00 $C

360,00 $C

125,00 $C

8400,00 $US

1050,00 $

6355,44 $

4800,00 $

9450,00 $US

x 25 %

    360,00 $

11 515,44 $

$C

11 812,50 $

11 515,44 $

Crédit

Débit

9450,00 $

2362,50 $

Taux de change

297,11 $

Crédit

11 812,50 $

Les locataires paient eux-mêmes les services publics et répercutent les frais de sous-location sur le locataire.



[1] 2002 CSC 46, 2002 CarswellNat 1070.

[2] 2002 CSC 47, 2002 CarswellNat 1073.

[3] La présentation des annexes a été remaniée aux fins de ces motifs.

[4] Précité.

[5] L'article 9 se lit comme suit :

       (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu'un contribuable tire d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition est le bénéfice qu'il en tire pour cette année.

[6] Stewart, précité, para. 48.

[7] Stewart, précité, para. 49 et 50.

[8] Smith v. Anderson (1880), 15 Ch. D. 257.

[9] Terminal Dock and Warehouse Co. v. M.N.R., [1968] 2 R.C. de l'É. 78, conf. par 68 DTC 5316.

[10] Vern Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, 6e éd., Scarborough, Ont., Carswell, 2000.

[11] Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480.

[12] Stewart, précité, para. 56.

[13] Bélec c. La Reine, 94 DTC 1776.

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