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Date: 20030129

Dossier: 2002-1373(IT)I

ENTRE :

GLORIA EREMITY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appels entendus le 28 novembre 2002 à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L'honorable juge E. A. Bowie

Comparutions :

Pour l'appelante :                                   L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                             Me Nadine Taylor Pickering


JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des déterminations effectuées en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années de base 1997, 1998 et 1999 sont rejetés.

Signé à Ottawa (Canada), ce 29e jour de janvier 2003.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d'octobre 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


Date: 20030129

Dossier: 2002-1373(IT)I

ENTRE :

GLORIA EREMITY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bowie, C.C.I.

[1]      L'appelante et son mari se sont séparés en 1993 et ont divorcé par la suite. Avant le divorce, elle recevait la prestation fiscale pour enfants (la « prestation » ) prévue à la sous-section a.1 de la section E de la partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) relativement à leur enfant. Du moment de leur séparation jusqu'en février 1996, ils avaient la garde conjointe de leur enfant, et l'appelante a continué à recevoir la prestation, apparemment d'un commun accord. En mars 2001, elle a été avisée par le ministre du Revenu national qu'il avait déterminé que pour les trois années précédentes, elle n'était pas admissible aux prestations qu'elle avait reçues et qu'elle devait rembourser près de 7 000 $. Ce sont ces cotisations qui sont visées par ces appels[1]. Ceux-ci ont été entendus sous le régime de la procédure informelle de la Cour.

[2]      Avant d'aller plus loin, j'aimerais faire quelques observations au sujet de la réponse à l'avis d'appel déposée par le sous-procureur général du Canada en l'espèce. Les paragraphes 3 et 4 de ce document se lisent ainsi :

          [TRADUCTION]

3.          Par avis du 20 mars 2001, le ministre a avisé l'appelante que pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999, le montant de la [prestation fiscale canadienne pour enfants] lui revenant avait été calculé à nouveau et il exigeait que des paiements en trop de 2 861,00 $, 2 120,13 $ et 1 948,40 $ respectivement lui soient remboursés.

4.          En établissant cet avis, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)          les faits établis et admis ci-dessus;

b)          l'appelante est un parent de [l'enfant];

c)          de 1997 à 1999, [l'enfant] était une « personne à charge admissible » selon la définition donnée à l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » );

d)          [l'enfant] ne résidait pas avec l'appelante de 1997 à 1999;

e)          l'appelante n'a pas assuré principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de [l'enfant] de 1997 à 1999;

f)           l'appelante n'est pas un « particulier admissible » selon la définition donnée à l'article 122.6 de la Loi.

Il est clair que ces deux paragraphes ont été rédigés sans réflexion. Il n'y a pas eu de nouveau calcul du montant revenant à l'appelante, comme l'affirme le paragraphe 3. En fait, le ministre a déterminé que le particulier admissible pour les trois années en cause n'était pas l'appelante mais son ancien mari, et qu'elle n'était donc admissible à aucune prestation que ce soit. Le paragraphe 4 prétend faire la liste des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre a fondé ses nouvelles déterminations. L'alinéa 4a) affirme que le ministre s'est appuyé sur les faits énoncés au paragraphe 3, c'est-à-dire qu'il s'est appuyé sur le fait qu'il avait émis un avis du 20 mars 2001 en établissant cet avis, ce qui est naturellement impossible. Les alinéas 4c), e) et f) énoncent soit des conclusions de droit, soit des conclusions mixtes de fait et de droit, y compris, bien sûr, les conclusions mêmes de droit et de fait que la Cour doit trancher. Ces observations peuvent sembler mesquines, mais on doit se rappeler que la jurisprudence confère un statut particulier aux hypothèses du ministre qui fondent une cotisation en vertu de la Loi. Je ne puis que répéter ce que moi-même et d'autres juges de cette cour ont répété à plusieurs reprises récemment. Si le sous-procureur général du Canada persiste à déposer des actes de procédure censés contenir les hypothèses du ministre qui sont manifestement spécieuses, la Cour n'aura d'autre choix que de traiter toutes les hypothèses contenues dans les actes de procédure comme de simples allégations de fait relativement auxquelles le fardeau de la preuve repose sur la Couronne.

[3]      L'article 122.61 de la Loi prévoit le versement de la prestation à un « particulier admissible » . Pour satisfaire aux exigences de la définition de cette expression qui se trouve à l'article 122.6, le particulier doit résider avec l'enfant et doit être le parent qui « [...] assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de l'[enfant] » . Même en cas de garde conjointe, un seul parent peut répondre à cette définition à tout moment. Si l'enfant réside avec seulement l'un des parents, seul ce parent peut être le particulier admissible et recevoir la prestation. Dans les cas de garde conjointe où l'enfant vit avec les deux parents, l'admissibilité revient au parent qui est estimé comme ayant assumé principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de l'enfant pendant la période pertinente, compte tenu de tous les facteurs prescrits.

[5]      En l'espèce, les faits dont dépend l'admissibilité à la prestation ne sont pas en litige. D'ailleurs, l'appelante a entamé son témoignage par les mots suivants :

          [TRADUCTION]

[...] Je ne conteste pas vraiment qui s'occupait principalement de [...] notre enfant. Je veux simplement contester le montant d'argent que je dois rembourser.

                                                                                    (Transcription, page 4)

De temps à autre pendant son témoignage, l'appelante a effectivement dit qu'elle et son ancien mari s'occupaient à parts plus ou moins égales de l'éducation de l'enfant; toutefois, ce témoignage ne concerne que les années depuis 1999. Je pense qu'elle a continué à l'accepter comme le principal fournisseur de soins pendant la période allant de 1997 à 1999.

[6]      Je ne me propose pas de revoir dans les détails les témoignages de l'appelante et de son ancien mari quant à leur contribution respective au soin et à l'éducation de l'enfant pendant la période concernée. Ce sont clairement tous deux des parents aimants qui ont grandement contribué, l'un et l'autre, à satisfaire les besoins de l'enfant. En février 1996, par ordonnance sur consentement, la Cour provinciale a accordé au père la garde exclusive et enjoint à l'appelante de payer une pension alimentaire. Depuis, l'enfant vit avec son père; pendant les années en question, l'enfant visitait l'appelante un après-midi et une soirée par semaine et une fin de semaine sur deux du samedi matin au dimanche soir. Elle s'occupait de l'enfant à ces occasions, ainsi qu'à certaines autres occasions par arrangement ponctuel. Les témoignages de l'appelante et de son ancien mari concordent quant à la période de 1997 à 1999. Ces deux témoignages pris ensemble montrent sans conteste que pendant ces années-là, il était la personne avec laquelle vivait l'enfant et qui s'occupait principalement de lui.

[7]      La véritable objection de l'appelante aux nouvelles déterminations dans cette affaire, c'est qu'elle et son ancien mari auraient convenu au moment de leur séparation qu'elle continuerait à recevoir la prestation pour leur enfant et qu'elle la lui remettrait. L'appelante estime certainement, peut-être à bon droit, que quand son ancien mari a demandé la prestation de façon rétroactive, il le faisait en violation d'un engagement qu'ils avaient pris. D'après son témoignage, elle lui aurait effectivement remis tous les versements de prestation reçus pendant la période, sauf les montants affectés aux frais de garderie de l'enfant. Son ancien mari n'a pas contesté l'existence d'un arrangement quelconque, mais il nie qu'elle lui ait remis tous les versements qu'elle dit lui avoir remis. Les témoignages des deux parents relativement aux montants exacts qu'elle lui a versés n'étaient pas du tout clairs, mais ce n'est pas à moi de trancher cette question.

[8]      Quand le ministre a émis l'avis de nouvelle détermination en demandant le remboursement des prestations reçues par l'appelante depuis trois ans, il a également versé rétroactivement trois années de prestations à son ancien mari, refaisant ainsi les versements que le ministre cherche maintenant à récupérer de l'appelante. Il est normal qu'elle se sente lésée puisqu'on lui réclame le remboursement de près de 7 000 $, alors que c'est en fait pour son bénéfice à lui. On ne peut que ressentir de la commisération pour sa situation, mais celle-ci est le résultat de l'arrangement dont elle avait convenu avec son ancien mari. Il y a clairement des questions financières à résoudre entre eux, mais celles-ci devront être résolues ailleurs. Ma compétence ne s'étend qu'à l'examen du bien-fondé de la décision du ministre quand il a déterminé que l'appelante n'était pas le particulier admissible relativement à l'enfant pendant les trois années de 1997 à 1999. La preuve ne permet pas de douter que la décision était correcte, et les appels doivent donc être rejetés.

[9]      Avant de clore cette affaire, je voudrais faire quelques observations sur la façon dont elle est venue devant notre cour. Quand le ministre a reçu la demande de prestation du père, il aurait dû se rendre compte qu'il existait un différend potentiel, voire probable, entre les deux parents, puisqu'il s'agissait de l'admissibilité à une prestation déjà versée à la mère pendant trois ans. L'appelante n'a pas eu l'occasion de contester l'admissibilité de son ancien mari, même si la décision en sa faveur entraînait forcément l'établissement d'une cotisation à son encontre, exigeant un remboursement de 7 000 $. Quand l'affaire est arrivée devant la Cour, l'appelante non seulement avait le fardeau de la preuve, mais elle s'est trouvée en pratique opposée à son ancien mari, qui avait l'avantage de voir sa cause présentée par le sous-procureur général du Canada, dont l'avocate l'avait préparé à témoigner, avait dirigé son témoignage, mené le contre-interrogatoire de l'appelante et, pour terminer, présenté les plaidoiries en faveur de la cause du père. Elle a fait tout cela avec grande compétence, et c'était donc un concours inégal. J'ai tranché selon la preuve présentée à la Cour, comme je suis bien sûr tenu de le faire. Je ne sais pas comment la preuve aurait paru si l'appelante, au lieu de son ancien mari, avait eu l'avantage de disposer d'un avocat payé par l'État. L'article 174 de la Loi prévoit un mécanisme permettant de présenter l'affaire à la Cour en vue d'une décision sans que le ministre engage les ressources de l'État pour aider une partie au détriment de l'autre. D'après cet article, une fois qu'une question a été présentée, on peut laisser les parties présenter leurs arguments. C'est ce qui arrive souvent quand des différends se présentent au sujet de l'admissibilité aux termes de
l'article 122.61. À mon avis, c'est une façon bien plus juste de régler des différends entre anciens conjoints.

Signé à Ottawa (Canada), ce 29e jour de janvier 2003.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d'octobre 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur



[1]           Depuis que le paragraphe 176(1) de la Loi a été déclaré invalide par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Gernhart c. Sa Majesté la Reine, [2000] 2 C.F. 292, 99 D.T.C. 5749, cette cour n'a que rarement l'avantage de voir le document montrant effectivement la décision du ministre donnant lieu à un appel, du moins dans la procédure informelle. Dans le cas présent, je présume que les appels concernent en fait trois cotisations établies en vertu des paragraphes 160.1(1) et (3) de la Loi.

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