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Date: 20020118

Dossier: 1999-3710-IT-I

ENTRE :

ALAIN BEAULIEU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Les appels concernent les années d'imposition 1995, 1996 et 1997. Les avis de nouvelles cotisations ont découlé de l'ajout des montants de 9 820 $, 9 000 $ et 8 100 $ aux revenus de l'appelant pour les années en cause, à titre d'avantages reliés à un emploi.

[2]            Pour établir les avis de nouvelles cotisations ratifiés le 27 mai 1999, le ministre du Revenu national (le " Ministre ") a pris pour acquis les faits suivants :

a)              l'appelant n'était pas considéré, par l'employeur, la société " Saint-Romuald Construction inc. ", comme un employé régi par le décret de la construction pendant des années en litige;

b)             l'appelant, pendant les années en litige et pour le compte de la société " Saint-Romuald Construction inc. ", agissait principalement comme un technicien en génie civil sur les chantiers et effectuait, au siège social des estimations pour fins de soumissions et de l'évaluation des coûts pour divers travaux;

c)              pendant les années en litige, l'adresse résidentielle de l'appelant était située en Estrie, alors que le siège social de l'employeur était situé dans la banlieue de Québec;

d)             pendant les années en litige, l'appelant a reçu, de la société " Saint-Romuald Construction inc. ", une somme hebdomadaire de 300 $ au titre d'allocations à l'égard de la pension et des repas, que le travail ait été effectué sur des chantiers ou au siège social;

e)              pendant les années en litige, seules les allocations, à l'égard de la pension et des repas, versées à l'appelant pendant les périodes où il travaillait au siège social de la société " Saint-Romuald Construction inc. " ont été ajoutées à ses revenus pour les raisons suivantes :

i)               les taches de l'appelant au siège social de la société " Saint-Romuald Construction inc. " n'étaient pas de nature temporaire, mais faisaient partie des activités normales de la dite société,

ii)              le siège social de la société " Saint-Romuald Construction inc. " n'est pas un chantier ou un chantier particulier,

iii)             pour chacune des années en litige, l'appelant a travaillé au siège social de la société " Saint-Romuald Construction inc. " pour des périodes avoisinant les trente (30) semaines.

[3]            La question en litige consiste à déterminer si les montants de 9 820 $, 9 000 $ et 8 100 $ reçus par l'appelant au cours des années 1995, 1996 et 1997 étaient des revenus imposables, à titre d'avantages reliés à son emploi.

[4]            L'appelant a expliqué que sa famille et lui étaient domiciliés à Notre-Dame-Des-Bois, municipalité située à plus de cent kilomètres de la ville de Québec.

[5]            Technicien en génie civil, l'appelant a expliqué qu'il avait dû en 1995, 1996 et 1997 s'éloigner de sa région pour obtenir un emploi répondant à son expérience et son savoir. Il a indiqué avoir été associé à l'exécution de travaux multiples allant de la construction de route à l'aménagement de l'eau d'égout et d'aqueduc, etc.

[6]            Son travail consistait également à préparer les soumissions préalables à l'obtention de contrats. Il a expliqué que l'entreprise qui l'avait embauché devait généralement soumettre plusieurs soumissions par contrat obtenu vu l'agressivité de la compétition.

[7]            Pour la préparation des soumissions, il devait se rendre sur les lieux d'exécution des travaux; il analysait la composition du sol, vérifiait l'étendue des contraintes de toutes natures et identifiait les diverses entreprises en mesure de fournir l'équipement et le matériel tel le sable, le gravier, le concassé etc. Il évaluait l'ampleur des travaux en fonction du lieu et de la région de l'exécution, tout en tenant compte des avantages et contraintes.

[8]            Par la suite, toutes les données recueillies étaient soumises à un programme informatique qui procédait aux calculs appropriés et fournissait les données finales pour la préparation et présentation de la soumission aux intéressés.

[9]            L'appelant a expliqué qu'il travaillait principalement à l'extérieur du bureau, directement sur les chantiers; sa présence au bureau était très occasionnelle. À une question du Tribunal, il a évalué à environ 10 p. 100 de son temps, celui consacré au bureau.

[10]          L'appelant n'avait pas de bureau assigné; il occupait un des trois ou quatre bureaux aménagés pour divers employés de passage, aux quartiers généraux de la compagnie.

[11]          L'intimée a produit une longue liste d'entreprises (pièce A-1) à qui une soumission avait été présentée; il s'agissait principalement d'entreprises situées dans la région de Québec où l'employeur de l'appelant avait ses quartiers généraux.

[12]          L'appelant a soutenu avoir, lors des années en litige, consacré la très grande majorité de son temps sur les divers chantiers, soit pour la préparation d'une soumission, soit pour la surveillance de l'exécution des travaux.

[13]          Monsieur Denis Otis a aussi témoigné, il était responsable des relations ouvrières de l'entreprise où l'appelant travaillait; il s'occupait principalement de l'application du décret relatif à ce champ d'activités économiques que sont les travaux d'infrastructure, tel réseau routier, aménagement de travaux relatifs au système d'aqueduc et d'égout, etc.

[14]          Il a décrit la complexité d'application du décret en insistant sur les nombreuses nuances et la multitude de données dont il devait tenir compte pour en assurer le respect et s'y conformer.

[15]          Comme l'appelant, il a répété que le domaine de la construction était très particulier en ce qu'il n'existait aucune garantie d'emploi pour les travailleurs; souvent ils étaient mis à pied avec un préavis de quelques heures. Selon le témoin, il s'agissait d'emplois plutôt temporaires, la durée étant fonction de la longueur des contrats ou du nombre de contrats à exécuter.

[16]          Monsieur Otis a indiqué que les bons employés étaient particulièrement recherchés et appréciés par les employeurs qui avaient tendance à tout mettre en oeuvre pour les garder.

[17]          L'appelant et le témoin Otis ont insisté sur le fait que le domaine de la construction était un secteur d'activités économiques instable et précaire; tout était fonction des contrats obtenus, généralement peu nombreux, vu le grand nombre d'entreprises intéressées à exécuter les mêmes travaux.

[18]          En outre, l'économie, lors des années en cause, n'était pas à son meilleur. Conséquence : certaines entreprises coupaient les prix, d'autres, dont l'employeur de l'appelant, soumissionnait pour des travaux en régions plus éloignées pour se distancer de la concurrence moins intéressée par ces contrats, eu égard au plus grand nombre de contraintes.

[19]          Les entreprises oeuvrant dans ce secteur d'activités économiques devaient très souvent procéder à des mises à pied ponctuelles dans l'attente d'obtenir un contrat. Très souvent, les salariés devaient s'éloigner de leur domicile pour se rendre là où il y avait des travaux à exécuter. Finalement, un travailleur de la construction devait régulièrement changer d'employeur.

[20]          L'appelant a souvent fait référence aux arrêts de travail, à l'instabilité du milieu et à la nécessité de travailler pour plusieurs employeurs. Par contre, la preuve a démontré qu'il avait travaillé de façon continue et durant de longues périodes. J'ai donc noté une différence appréciable entre la théorie dégagée par la preuve testimoniale versus la réalité des conditions de travail dont l'appelant a bénéficié pour les années d'imposition en litige.

[21]          La preuve s'est aussi avérée particulière quant à la régularité des montants identiques que l'appelant recevait toutes les semaines pour ses déplacements sur les chantiers.

[22]          À ce sujet, l'appelant a soutenu qu'il s'agissait là d'une prime de déplacement minimale; si ses déboursés étaient inférieurs, il en tirait avantage; par contre, il a expliqué que dans l'hypothèse où les déboursés s'avéraient supérieurs à la prime, il pouvait se faire rembourser de son employeur l'excédent, moyennant la production des pièces justificatives. En d'autres termes, il recevait un certain montant de façon systématique qu'il n'avait pas à justifier.

[23]          Dans les faits, la prépondérance de la preuve est à l'effet que toutes les dépenses étaient assumées par son employeur; en effet, il bénéficiait d'une voiture, avait une carte de crédit pour le paiement des déboursés inhérents à l'utilisation de la voiture. Pour ce qui était des autres dépenses, repas, hébergement, etc., elles étaient assumées entièrement soit par la petite caisse, soit par pur et simple remboursement sur production des pièces justificatives.

[24]          Concrètement, l'appelant ne s'est éloigné de Québec pour une longue période que très rarement; la preuve a fait référence à un chantier à Senneterre. De façon générale, il a été appelé à travailler principalement dans la région de Québec.

[25]          Pour soutenir et étoffer ses prétentions, il eût été important de faire la preuve convaincante que le montant de 300 $ correspondait à un remboursement de dépenses effectives dans et pour l'exercice de son travail. Il n'a soumis aucun document, registre ou pièces justificatives à cet égard. Bien au contraire, la preuve a démontré qu'il bénéficiait d'une auto, d'une carte de crédit et qu'il pouvait se faire rembourser certaines dépenses sur production des pièces justificatives.

[26]          Conséquemment, il y a lieu de croire que le montant de 300 $ que recevait hebdomadairement l'appelant de son employeur n'avait rien à voir avec le remboursement des dépenses réellement effectuées. Il s'agissait en quelque sorte d'une bonification, d'une prime ou simplement d'un avantage.

[27]          Les nombreuses questions adressées au témoin, Denis Otis, ont permis d'apprendre qu'il considérait l'appelant comme un salarié assujetti au décret, du fait que sa résidence n'était pas dans la région de Québec. En d'autres termes, la région de Québec où l'appelant a travaillé était considérée comme le site d'un chantier éloigné par rapport au lieu de résidence de l'appelant établi à Notre-Dame-Des-Bois.

[28]          Il s'agissait là d'une interprétation plutôt libérale du décret pour ne pas dire très élastique. Une telle interprétation ne tient pas, puisque à partir d'une telle logique, l'appelant aurait pu bénéficier de deux primes, soit celle qui lui est versée au même montant toutes les semaines, peu importe où il travaillait, dans la région immédiate de Québec, et une autre couvrant les dépenses lorsqu'il s'éloignait de la région de Québec.

[29]          À prime abord, une telle conclusion peut sembler déraisonnable; en effet, tout employeur responsable et sérieux ne paie jamais double les dépenses de ses employés; bien au contraire, les employeurs mettent généralement en place toutes sortes de mécanismes pour vérifier et contrôler les dépenses de manière à éviter les abus et à ne payer strictement que ce que les décrets, conventions ou contrats prévoient.

[30]          En l'espèce, ce qui peut en apparence sembler peu probable devient, au contraire, très cohérent à partir du témoignage de monsieur Otis. En effet, ce dernier a indiqué de manière non équivoque que les très bons techniciens en arpentage étaient des employés indispensables et très recherchés pour une entreprise, du fait qu'ils étaient essentiels à la préparation des soumissions et lors de l'exécution des travaux. De tels employés pouvaient donc faire la différence entre faire des profits ou subir des pertes et entre obtenir ou perdre un contrat.

[31]          En d'autres termes, la preuve a établi que l'appelant occupait un emploi stratégique avec une expertise tout à fait indispensable; il s'agissait d'un employé essentiel pour la bonne marche de l'entreprise.

[32]          Cette prémisse établie, il devient très facile de comprendre l'intérêt d'un employeur face à un employé aussi stratégique et essentiel. Comme le décret prévoit le même salaire horaire et des conditions de travail similaires pour tous ceux et celles qui détiennent la même classification, il devient alors normal voire indispensable et, de bonne guerre, que les entreprises utilisent toutes sortes de tactiques pour améliorer et soutenir l'intérêt des personnes qualifiées de manière à s'assurer de leur fidélité pour le meilleur intérêt de la compagnie.

[33]          L'employeur de l'appelant a eu l'idée d'utiliser le décret bonifié par l'usage d'une automobile pour consolider le lien d'emploi de l'appelant à l'entreprise. La formule était sans doute intéressante pour les deux parties, puisque l'appelant a été fidèle en ce qu'il n'a, à peu près jamais, eu de pertes de temps et a toujours travaillé pour le même groupe.

[34]          Pareille entente est cependant sans effet quant à l'intimée. En effet, la prépondérance de la preuve est à l'effet que l'allocation que recevait l'appelant était essentiellement un revenu d'emploi, maquillé et déguisé en prime versée en vertu du décret, pour valoir comme allocation de dépenses encourues pour l'occupation d'une charge ou un travail à l'extérieur de la région immédiate de sa résidence.

[35]          La preuve a permis de constater que l'appelant était sans contredit un employé détenant des qualifications et surtout une expérience exceptionnelle. Son employeur a donc fait en sorte de l'intéresser à demeurer à son service par l'octroi de différents bénéfices, dont notamment par la mise à sa disposition d'une voiture, par la possession d'une carte de crédit au nom de l'entreprise, par une continuité de son emploi et finalement, par la remise régulière et hebdomadaire d'une allocation de 300 $ tenant lieu d'indemnité pour un travail exécuté principalement dans la région de Québec.

[36]          À cet égard, l'appelant se réfère au Bulletin d'interprétation IT-91R4 qui énumère les conditions devant être respectées :

  • le travail accompli par l'employé sur le chantier particulier doit être de nature temporaire;

  • l'employé doit tenir en un autre endroit, comme lieu principal de résidence, un établissement domestique autonome;

  • l'établissement domestique autonome doit être resté à sa disposition pendant toute la période donnée et ne pas avoir été loué à une autre personne;

  • l'établissement domestique autonome doit être situé à une telle distance du chantier particulier qu'on ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que le contribuable retourne quotidiennement chez lui;

  • la période au cours de laquelle le travail accompli par l'employé l'obligeait à s'absenter de son lieu de travail de résidence, soit être sur le chantier particulier, était d'au moins 36 heures.

[37]          Pour ce qui est du travail de nature temporaire, l'appelant a soumis une preuve théorique des us et coutumes reliés au secteur de la construction. Je ne doute pas qu'il s'agisse là de choses courantes dans ce secteur d'activités économiques; par contre, les appels visent exclusivement la situation de l'appelant et seuls les faits applicables à l'appelant lui-même sont pertinents.

[38]          Pour éviter l'imposition de l'indemnité hebdomadaire dont le montant annuel a été de 9 820 $ pour 1995; 9 000 $ pour 1996; et 8 100 $ pour 1997, l'employeur et l'employé qualifiaient la dite prime d'allocation payée et due, en vertu du décret auquel tous deux étaient assujettis.

[39]          Pour soutenir le bien-fondé de leurs interprétations, l'appelant et le responsable de la paie ont indiqué que la région de Québec était pour l'appelant un endroit différent de l'endroit de sa résidence établie à Notre-Dame-Des-Bois et que de ce fait, il devait s'expatrier pour travailler.

[40]          En d'autres termes, l'appelant soutient avoir travaillé durant les années en cause sur un chantier particulier ou à un endroit éloigné de sa résidence habituelle.

[41]          Le principe général de l'inclusion dans les calculs du revenu d'un contribuable des revenus tirés d'une charge ou d'un emploi se retrouve au paragraphe 5(1) et aux alinéas 6(1)a) et 6(1)b) de la Loi.

[42]          Le paragraphe 6(6) de la Loi prévoit cependant une exception à l'égard de la valeur des frais ou d'une allocation se rapportant à la pension ou au logement :

(6) Emploi sur un chantier particulier ou en un endroit éloigné. Malgré le paragraphe (1), un contribuable n'inclut, dans le calcul de son revenu tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, aucun montant qu'il a reçu, ou dont il a joui, au titre, dans l'occupation ou en vertu de sa charge ou de son emploi et qui représente la valeur des frais - ou une allocation (n'excédant pas un montant raisonnable) se rapportant aux frais - qu'il a supportés pour :

a)             sa pension et son logement, pendant une période donnée :

(i)             soit un chantier particulier qui est un endroit où le travail accompli par lui était un travail de nature temporaire, alors qu'il tenait ailleurs et comme lieu principal de résidence, un établissement domestique autonome :

(A)           d'une part, qui est resté à sa disposition pendant toute la période et qu'il n'a pas loué à une autre personne.

(B)            d'autre part, où on ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce qu'il retourne quotidiennement étant donné la distance entre l'établissement et le chantier.

(ii)            soit à un endroit où on ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce qu'il établisse et tienne un établissement domestique autonome, étant donné l'éloignement de cet endroit de toute agglomération,

                si la période au cours de laquelle son travail l'a obligé à s'absenter de son lieu principal de résidence ou à être sur ce chantier ou à cet endroit était d'au moins 36 heures;

b)             le transport, au titre d'une période visée à l'alinéa a) pendant laquelle il a reçu de son employeur la pension et le logement ou une allocation raisonnable au titre de la pension et du logement, entre :

(i)             soit son lieu principal de résidence et le chantier particulier visés au sous-alinéa a)(i)

(ii)            soit l'endroit mentionné au sous-alinéa a)(ii) et un endroit au Canada ou un endroit dans un pays où le contribuable est employé.

[43]          L'appelant n'a pas travaillé pour plusieurs employeurs, à diverses périodes entrecoupées de périodes sans travail. En l'espèce, il en était tout autrement; en effet, l'appelant travaillait régulièrement et était mis à pied de manière très exceptionnelle. Il travaillait toujours pour le même employeur ou pour un groupe parent ou affilié.

[44]          Quant à la nature du travail, à la durée totale estimée d'un projet et finalement à la période convenue pour laquelle l'appelant a été engagé, je crois important de reproduire littéralement l'argumentation de l'appelant :

La nature du travail :

Il faut se rappeler que l'appelant est technicien en génie civil et que son métier n'entre en jeu que pendant une certaine phase a) d'un projet, que ce travail est habituellement considéré comme étant un travail de nature temporaire tout comme un charpentier-menuisier.

La durée totale estimée d'un projet :

La preuve démontre que l'appelant était engagé soit pour effectuer des soumissions, soit pour travailler sur un chantier de construction. Et en conséquence pour chacun de ces travaux, il recevait des directives spécifiques pour une durée déterminée.

La période convenue pour laquelle l'employé a été engagé selon le contrat de travail ou d'autres modalités d'emploi :

Il a été mis en preuve que l'appelant n'a jamais reçu de garantie quant à son embauche, il était employé à temps plein et ne recevait aucun bénéfice en vertu de la Loi sur les normes du travail, que l'employeur n'avait pas d'autre travail à lui fournir que celui prévu par son métier, soit un travail de technicien en génie civil.

[45]          Dans les faits, contrairement aux divers opérateurs dont la durée du travail était essentiellement fonction de l'utilisation des machineries, l'appelant bénéficiait d'un statut particulier; d'abord au niveau de certains avantages, mais aussi au niveau de la continuité en ce qu'il était directement associé et impliqué aux activités créatrices de travail.

[46]          L'appelant mis en lumière plusieurs hypothèses et fait référence à des situations plus théoriques que pratiques. Pareille preuve était peut-être utile pour situer le contexte dans lequel oeuvrait l'appelant; par contre, elle n'était pas suffisante pour disposer de l'appel.

[47]          En l'espèce, la réponse à la question en litige requiert la prise en considération des seuls faits, modalités et circonstances qui ont prévalu pour l'appelant. Les hypothèses, les généralités ou même les habitudes n'ont rien à voir avec les éléments devant être pris en considération pour disposer de l'appel.

[48]          De manière théorique, l'appelant n'avait aucune garantie contractuelle ou formelle quant à la durée de son emploi. Par contre, eu égard aux conditions dont il bénéficiait (auto, carte de crédit, remboursement des dépenses, indemnités diverses) il n'était pas sans savoir que son employeur mettait tout en oeuvre, ne négligeait absolument rien pour lui assurer la stabilité et continuité. D'ailleurs, si les arguments de l'appelant étaient valables, la très grande majorité des emplois seraient des emplois de nature temporaire.

[49]          Très rares sont ceux et celles qui peuvent prétendre avoir la sécurité absolue d'emploi. Tous les emplois sont tributaires de la situation économique de l'entreprise qui les embauche. L'appelant n'avait certes pas de sécurité d'emploi, son travail n'était pas pour autant et automatiquement un travail de nature temporaire, comparable à celui d'un opérateur de machinerie; son statut était plutôt comparable à celui des personnes assumant les responsabilités administratives de l'entreprise. N'était-il pas un des principaux artisans pour la plupart des soumissions, lesquelles étaient le fondement même de l'existence de l'entreprise?

[50]          Je ne suis pas sûr que les charpentier-menuisiers, opérateurs de diverses machineries et tous les autres travailleurs de la compagnie aient bénéficié d'une auto, d'une carte de crédit et de périodes de travail aussi longues et continues.

[51]          La preuve est à l'effet qu'il occupait un emploi stratégique, très apprécié de l'employeur qui mettait tout en oeuvre pour le maintenir dans son emploi, il ne fait aucun doute qu'il s'agissait là d'une préoccupation tout à fait légitime; par contre, l'employeur ne pouvait pas maquiller ainsi les faits en qualifiant une partie importante des revenus payables à l'appelant d'allocations payables en vertu du décret de la construction.

[52]          L'appelant, eu égard aux divers avantages qu'il recevait, pouvait ou même se devait de considérer son emploi comme étant un emploi stable, régulier et fiable, et sa décision de laisser sa famille à Notre-Dame-Des-Bois, était une décision personnelle bien que possiblement légitime. Il ne pouvait, par contre, pas tirer avantage de son choix personnel et surtout utiliser ce choix pour se considérer comme travailleur ayant l'obligation de parcourir de longs trajets pour l'exécution de son travail.

[53]          Il ressort de la preuve qu'il n'existait aucun motif raisonnable ou valable pour expliquer ou soutenir le choix de l'appelant de garder une résidence à Notre-Dame-Des-Bois de manière à être en mesure d'établir que sa résidence à Québec était requise pour l'exercice de son travail.

[54]          Les montants qu'a reçus l'appelant étaient essentiellement des revenus reçus dans le cadre de son emploi; les appels doivent donc être rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2002.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        1999-3710(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Alain Beaulieu et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Sherbrooke (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 20 avril 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 18 janvier 2002

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :          Me Mario-Pierre Caza

Avocate de l'intimée :          Me Anne-Marie Desgens

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :       Me Mario-Pierre Caza

                                Étude :     Caza Caouette

                                Ville :       Sherbrooke (QC)

Pour l'intimée :                       Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

1999-3710(IT)I

ENTRE :

ALAIN BEAULIEU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 20 avril 2001 à Sherbrooke (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Marco Pierre Caza

Avocate de l'intimée :                          Me Anne-Marie Desgens

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997 sont rejetés, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2002.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

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