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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011010

Dossier: 2000-2820(IT)I

ENTRE :

DALE DUNCANSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Représentante de l'appelante :                        L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                 Me Caitlin Ward

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience le 22 août 2001

à Yarmouth (Nouvelle-Écosse)).

La juge Campbell

[1]      Les présents appels sont interjetés à l'encontre de cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996. Les cotisations ont été établies selon la méthode de la valeur nette.

[2]      Il s'agit de déterminer si l'appelante a sous-évalué des montants établis de son revenu au cours de chacune des trois années d'imposition. Ces montants étaient les suivants :

14 923 $ en 1994;

11 160 $ en 1995;

13 700 $ en 1996.

L'avocate de l'intimée a admis que le ministre avait fait une erreur dans l'établissement de la cotisation pour l'année d'imposition 1996 puisque l'augmentation du revenu total aurait dû être de 13 700 $ au lieu du montant de 13 716 $ figurant dans la cotisation.

[3]      La méthode de la valeur nette a été examinée par le juge en chef adjoint Bowman dans l'affaire Bigayan c. Canada, C.C.I., no 97-2699(IT)G, le 10 novembre 1999 ([2000] 1 C.T.C. 2229 et 2000 DTC 1619) et je cite :

                  

La méthode de la valeur nette est, [...], une solution de dernier recours que l'on emploie lorsque tout le reste a échoué. On l'utilise souvent lorsqu'un contribuable a omis de produire des déclarations de revenus ou n'a pas conservé de documents. C'est un instrument imprécis, exact à l'intérieur d'un registre dont le champ est indéterminé. Elle repose sur le postulat selon lequel, si l'on soustrait la valeur nette d'un contribuable en début d'année à sa valeur nette en fin d'année, si l'on ajoute les dépenses du contribuable durant l'année et si l'on soustrait les encaissements non imposables et les plus-values d'actifs existants, alors le résultat net, après déduction de toute somme déclarée par le contribuable, doit être attribuable au revenu non déclaré gagné durant l'année, sauf si le contribuable peut apporter une preuve contraire. C'est au mieux une méthode insatisfaisante, qui est arbitraire et inexacte, mais quelquefois c'est le seul moyen d'arriver à un chiffre qui se rapproche du revenu d'un contribuable.

[4]      Pendant ces années, l'appelante était l'unique actionnaire de Vaughn Lake Construction Ltd. qui exploitait une entreprise dans le domaine des puits, des fosses septiques, des fondations et de l'aménagement de paysage. Son époux était un employé de cette compagnie. Depuis 1992, elle exploitait également un gîte touristique dans lequel le bureau de la compagnie était situé. Une remorque à son nom située sur le terrain de l'autre côté de la rue de la résidence a également été louée à partir de décembre 1995. Aucun revenu n'a été déclaré en ce qui concerne ces deux dernières activités commerciales.

[5]      Mme Duncanson a déclaré qu'elle se fiait à son comptable pour produire correctement ses déclarations de revenus en son nom. Elle a reconnu qu'il y a eu un mélange de toutes les activités commerciales et personnelles, mais croyait qu'il était approprié de le faire si elle estimait la partie personnelle des différents éléments puis les payait. Peu de dossiers, toutefois, ont été tenus afin d'appuyer cela.

[6]      L'appelante et son conjoint ont déclaré un revenu total de 89 895 $ en 1994, de 24 432 $ en 1995 et de 17 440 $ en 1996. Les déclarations de revenus pertinentes pour l'appelant et son conjoint ont été déposées en preuve par l'intimée. Au moyen d'avis de nouvelle cotisation datés du 9 avril 1999, on a informé l'appelante que l'impôt qu'elle devait payer avait été augmenté de la manière suivante en raison de l'augmentation de son revenu total :

          en 1994                  augmentation de 15 564 $ du revenu total;

          en 1995                  augmentation de 11 910 $ du revenu total;

          en 1996                  augmentation de 14 475 $ du revenu total.

[7]      À la suite d'une opposition, le ministre a établi une nouvelle cotisation et a réduit le montant des cotisations de la manière suivante :

en 1994, par une diminution des dépenses pour une valeur nette révisée de 14 923 $;

en 1995, par une diminution des dépenses pour une valeur nette révisée de 11 160 $;

en 1996, par une diminution des dépenses pour une valeur nette révisée de 13 716 $

(comme on l'a fait remarquer plus tôt, la valeur nette révisée pour 1996 aurait dû être de 13 700 $ et non de 13 716 $).

[8]      Une annexe jointe à la réponse modifiée à l'avis d'appel explique en détail la façon dont le vérificateur est parvenu à ces chiffres.

[9]      M. Robert Diamond, un vérificateur auprès de l'ADRC, a indiqué dans son témoignage la façon dont il a élaboré ces chiffres. Comme il n'y avait pas de pièces justificatives pour les recettes et que l'exactitude des chiffres ne pouvait être confirmée, la méthode de la valeur nette a été employée. Il a expliqué qu'en utilisant cette méthode, il a comparé les états financiers de l'appelante au début de chacune des années pertinentes. La valeur nette a été déterminée par l'addition des actifs puis la soustraction des dettes totales. On a ensuite déduit de ce chiffre la valeur nette pour l'année précédente. On a obtenu une augmentation pour chaque année de 104 702,18 $ en 1994, de 11 383,64 $ en 1995 et de 9 130,87 $ en 1996. Le vérificateur a alors ajouté les résultats auxquels il était parvenu pour les dépenses personnelles chaque année à 21 930,67 $ en 1994, à 24 208,54 $ en 1995 et à 22 009,26 $ en 1996. Les moyennes nationales déterminées par Statistique Canada n'ont pas été utilisées par le vérificateur lors de l'établissement des dépenses personnelles, et les chiffres de Statistique Canada étaient en fait inférieurs aux estimations qui, selon le vérificateur, étaient plus raisonnables dans les circonstances. Une déduction pour les articles non imposables a alors été permise. En l'espèce, le montant de 21 815,24 $ a été déduit pour 1994 en tant que partie non imposable d'un gain en capital. Aucune déduction n'a été effectuée pour 1995 et 1996. Il en résulte un revenu total selon la valeur nette rajustée de 104 817,81 $ pour 1994, de 35 592,18 $ pour 1995 et de 31 140,13 $ pour 1996. De ces chiffres, le revenu total déclaré pour le ménage, c'est-à-dire Dale et George Duncanson, a été déduit pour chaque année. Ces chiffres finaux représentaient les augmentations du revenu total au cours de chaque année.

[10]     Mme Duncanson a indiqué dans son témoignage qu'elle et son époux avaient un mode de vie très simple. Ils élevaient leurs propres animaux pour leur nourriture, cultivaient leurs propres denrées vivrières, effectuaient presque toujours leur propres réparations sur l'automobile. J'accepte qu'ils achetaient des vêtements usagés, ne mangeaient pas dans les restaurants, sauf lorsqu'ils voyageaient à l'occasion et ne le faisaient que pour l'entreprise. Elle s'est décrite comme une personne travaillant dur, mais bien que j'accepte la preuve produite pour ce genre de mode de vie, je ne peux accorder beaucoup de poids aux conjectures. Ce n'est pas tout le revenu qui a été comptabilisé ni déclaré. Il n'y avait pas suffisamment de documents adéquats. Le vérificateur s'est fondé principalement sur les documents bancaires et les déclarations de l'appelante. Il y a eu mélange de toutes les activités commerciales de la société, de l'entreprise de location et des activités personnelles, tellement qu'il était presque impossible de déterminer ce qui devait être attribué à l'appelante à titre de recettes et de dépenses et ce qui devait être attribué à la société et aux autres entreprises. Les cartes Visa et Mastercard ont été utilisées afin de faire des achats tant personnels que commerciaux. Pendant les périodes tranquilles, l'appelante payait personnellement certains comptes de la société comme les factures d'essence. Elle s'est remboursée certains de ces paiements personnels en utilisant à des fins personnelles le véhicule de la compagnie. Elle a utilisé la même méthode pour d'autres factures (comptes) comme les factures de téléphone établies au nom de la compagnie. L'appelante croyait qu'elle avait dû déclarer le revenu de location provenant de sa remorque, mais elle n'était pas sûre de l'avoir fait par l'entremise de la compagnie ou personnellement.

[11]     Mme Duncanson a eu beaucoup de problèmes à cette période et, bien qu'elle ait fait de son mieux dans les circonstances, elle a admis avoir eu des difficultés à tenir des dossiers appropriés pour les différentes activités. Il n'y a pas eu de distinction cohérente entre les dépenses de l'entreprise et les dépenses personnelles. Des éléments du compte personnel de l'appelante se rapportaient à l'entreprise et vice-versa. Cela rend la tâche de rétablir les véritables recettes de l'appelante et de l'entreprise monumentale, si ce n'est impossible.

[12]     La preuve était également inadéquate en ce qui concerne l'établissement des nombreux éléments se rapportant aux dépenses personnelles. Aucun document ne constate l'existence des prêts accordés au fils de l'appelante par le biais de paiements versés à son avocat, et ni l'appelante ni son fils n'ont fourni de chiffres précis à cet égard lors de leur témoignage. L'appelante a déclaré les montants totaux relatifs à l'assurance du véhicule dans les déclarations de revenus de la compagnie, bien qu'il y ait sans aucun doute eu utilisation du camion à des fins personnelles. J'accepte le témoignage de l'appelante selon lequel l'élément personnel était limité, mais il est réaliste de conclure qu'une certaine partie était personnelle. De plus, il y avait des divergences entre le témoignage de la fille de l'appelante concernant les paiements de l'impôt foncier relatifs à la résidence appartenant à l'appelante et occupée par sa fille et ce que le relevé bancaire indiquait.

[13]     Le vérificateur a eu raison de recourir à la méthode de la valeur nette comme fondement de la cotisation dans les circonstances. Selon moi, il s'agit d'une méthode insatisfaisante qui peut produire des résultats inexacts. Toutefois, lorsque des dossiers adéquats ne sont pas tenus ou qu'ils sont autrement impossibles à trouver, il s'agit parfois de la méthode de « dernier recours » qui peut être utilisée, aussi imprécis que le résultat puisse être. La meilleure façon de s'opposer à une cotisation fondée sur la méthode de la valeur nette pour le contribuable est de fournir la preuve de ce qu'est réellement son revenu. L'appelante n'a pas été en mesure de le faire en l'espèce. Le revenu n'a pas été comptabilisé et aucun document en bonne et due forme n'a été tenu. Dans d'autres affaires on a pu trouver une autre méthode, moins satisfaisante, pour contester une telle cotisation et il s'agit de prouver que, selon un fondement complet et approprié s'appuyant sur la valeur nette, les cotisations sont erronées en elles-mêmes. Encore une fois, l'appelante n'a pas réussi à contester les chiffres du vérificateur calculés grâce à cette méthode. Comme on l'a déclaré dans l'affaire Bigayan, la modification fragmentaire d'une cotisation de valeur nette est, par nature, une méthode insatisfaisante.

[14]     Bien que j'éprouve de la sympathie pour l'appelante, elle n'a fait guère mieux qu'apporter des modifications fragmentaires, ce qui n'était pas suffisant pour réfuter les nouvelles cotisations du ministre fondées sur la méthode de la valeur nette. L'appel de l'appelante en ce qui concerne Dale Duncanson est par conséquent rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2001.

« D. Campbell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mars 2003.

Mario Lagacé, réviseur

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