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Date: 20011114

Dossier: 2000-2709-EI

ENTRE :

RÉAL DELISLE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifsdu jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1]            Cet appel a été entendu à Montréal (Québec), le 19 septembre 2001.

[2]            Par lettre en date du 4 janvier 2000, l'appelant demanda au ministre du Revenu national (le « Ministre » ) qu'il soit statué sur la question de savoir s'il avait exercé un emploi assurable durant la période en litige, soit du 18 mai au 5 juin 1999, lorsqu'il était au service du payeur, 9049-8833 Québec Inc.

[3]            Par lettre en date du 4 janvier 2000, le Ministre informa l'appelant de sa décision de reconnaître l'assurabilité de l'emploi en question estimant que ce dernier a été employé dans le cadre d'un contrat de louage de services.

[4]            Le 7 février 2000, le payeur en appela de la décision auprès du Chef des appels en soutenant que l'appelant n'a jamais été un de ses employés.

[5]            Le 31 mai 2000, le ministre reconsidéra sa décision et détermina que l'emploi n'était pas assurable parce qu'il ne rencontrait pas les conditions d'existence d'un contrat de louage de services.

[6]            Le fardeau de la preuve incombe à l'appelant. Ce dernier se doit d'établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[7]            Le Ministre s'est fondé, pour rendre sa décision, sur les présomptions de fait suivantes lesquelles ont été admises, niées ou ignorées par l'appelant :

a)              Le payeur est une société opérant sous la raison sociale « La Renaissance » ; (admis)

b)             Le payeur a été incorporé le 5 mai 1997; (admis)

c)              Le payeur détient et gère plusieurs immeubles multi résidentiels; (admis)

d)             Le payeur embauche 5 concierges, 1 employé de bureau et 1 agent de location, ce dernier étant embauché seulement durant la période de renouvellement des baux; (admis)

e)              Le payeur a dû investir 1,7 million de dollars pour remettre en état 21 de ses bâtisses; (ignoré)

f)              Pour effectuer les différents travaux nécessaires à la rénovation de ses immeubles, le payeur a dû faire affaire avec plusieurs corps de métiers, et ce, durant une période précise; (admis)

g)             L'appelant était du nombre des professionnels qui ont participé auxdits travaux; (admis)

h)             L'appelant était en charge du projet de réparation de fissures; (nié)

i)               Les travaux de maçonnerie qu'effectuait l'appelant consistaient en la réparation de briques; (nié)

j)               L'appelant et le payeur ont convenu que les travaux devaient se faire dans le cadre d'un projet de rénovation majeure prévu pour une durée déterminée; (nié)

k)              L'appelant n'avait pas reçu de formation du payeur; (nié)

l)               L'appelant n'était pas tenu d'effectuer les travaux personnellement; (nié)

m)             L'appelant n'avait pas de superviseur ni de rapport à faire à qui que ce soit; (nié)

n)             Seul le résultat final importait au payeur; (nié)

o)             L'appelant n'avait pas d'horaire de travail à respecter; (nié)

p)             L'appelant compilait lui-même ses heures de travail; (admis)

q)             Pour être payé, l'appelant remettait une facture au payeur; (nié)

r)              L'appelant recevait un montant de 15 $ par heure facturée, le tout payable par chèque; (admis)

s)              L'appelant fournissait ses propres outils. (admis)

[8]            Le payeur, incorporé le 5 mai 1997, est une société exploitant sous la raison sociale « La Renaissance » . Le payeur détient et possède plusieurs immeubles multi résidentiels.

[9]            Le payeur embauche cinq concierges, un employé de bureau et un agent de location, ce dernier étant embauché seulement durant la période de renouvellement des baux.

[10]          Le payeur a dû investir 1,7 million de dollars pour remettre en état 21 de ses bâtisses. Pour effectuer les différents travaux nécessaires à la rénovation de ses immeubles, le payeur a dû faire affaire avec plusieurs corps de métiers, et ce durant une période précise. L'appelant était un des professionnels qui ont participé à ces travaux.

[11]          Selon l'appelant, il était engagé pour faire des rénovations sur plusieurs immeubles du payeur. Le métier de l'appelant était briqueteur et il était le seul de ce métier à oeuvrer à ces travaux pour le payeur pendant trois semaines.

[12]          Le payeur fournissait à l'appelant les matériaux nécessaires pour l'exécution de ses travaux et lui fournissait, parfois, une personne pour l'aider. Les travaux consistaient à réparer les briques. Aucun délai n'était déterminé pour l'achèvement des travaux; l'appelant estimait que ceux-ci devaient être exécutés dans une période d'un mois et demi.

[13]          L'appelant n'a pas reçu de formation du payeur puisqu'il avait environ 30 ans d'expérience. Pendant la période en litige, l'appelant travaillait seul et n'avait pas d'employé à son emploi. Selon l'appelant, il se rendait au bureau du payeur pour obtenir du surintendant les directives quant aux endroits où il devait oeuvrer. L'appelant n'était pas supervisé par le payeur, ce dernier n'était intéressé qu'au résultat final.

[14]          L'appelant a travaillé exclusivement pour le payeur pendant la période en litige; il oeuvrait de 8 h à 16 h, cinq jours par semaine et recevait une rémunération de 15 $ l'heure. Selon l'appelant, avant la période en litige il était sans emploi et après ladite période s'est trouvé un emploi ailleurs.

[15]          L'appelant ne fournissait aucun matériel mais utilisait ses propres outils. L'appelant déclare que le payeur avait déterminé son salaire à 15 $ l'heure. Il ajoute qu'il remplissait des feuilles de temps, lesquelles étaient fournies par le payeur. Le payeur a reçu deux chèques du payeur aux montants de 360 $ et 1 522,50 $ émis respectivement les 27 mai 1999 et 10 juin 1999 (pièce I-2). Lorsque l'appelant a appris du payeur qu'il était considéré travailleur autonome, il a rompu ses relations contractuelles avec ce dernier.

[16]          L'appelant admet qu'il a formé une compagnie, il y a 20 ans, sous le nom de J.M.R. Delisle Inc. Un certificat de compétence compagnon a été émis à J.M.R. Delisle Inc. - employeur - par la Commission de la construction du Québec le 15 avril 1996; sur ledit certificat il y est inscrit que la date d'échéance est le 1er mai 1997 (pièce I-1). L'appelant a affirmé à la Cour que sa compagnie n'était plus en exploitation depuis le 30 juin 1998.

[17]          De plus, un autre certificat de compétence compagnon a été émis par cette même Commission, mais cette fois au nom de l'appelant, le 22 juin 1999 et sur lequel est inscrit que la date d'échéance est le 1er juillet 2000 (pièce I-1).

[18]          Monsieur Guy Dufour, représentant syndical, a affirmé à la Cour qu'il a visité le chantier du payeur à trois occasions pendant la période en litige. Il a déclaré que l'appelant ne pouvait pas être syndiqué dans ce métier car il possédait une compagnie et que cette dernière était « employeur » . Il ajoute de plus que le salaire horaire pour un employé syndiqué dans ce domaine était de 23,78 $.

[19]          Un certificat de compétence a été émis à l'appelant, à titre de syndiqué, par la Commission de la construction du Québec (pièce I-1) le 22 juin 1999. L'appelant affirme que cette carte n'était pas un renouvellement.

[20]          Monsieur Jean-Pierre Perron, administrateur et seul actionnaire du payeur, affirme qu'il possédait 366 unités de logement et qu'il n'avait que 12 employés seulement, dont une secrétaire, un agent de location et cinq couples de concierges. M. Perron constate que l'appelant n'était pas titulaire d'une carte de compétence émise par la Commission de la construction du Québec.

[21]          Les travaux de rénovation ont débuté en septembre 1998 pour se terminer en septembre 1999 et les coûts se sont élevés à 1 600 000 $. Le payeur avait 38 items à rénover, retenant pour ce faire les services de plusieurs corps de métiers. Afin de coordonner les travaux le payeur a embauché un surintendant et ce dernier retenait les services des sous-traitants.

[22]          L'appelant était le seul sous-traitant et il a déposé une « plainte de salaire » auprès de la Commission de la construction du Québec contre 90498833 Québec Inc. - Projet Renaissance (pièce A-1).

[23]          Monsieur Perron déclare qu'aucune formation n'a été donnée à l'appelant par le surintendant, ce dernier indiquait seulement à l'appelant les endroits et items à rénover dans les immeubles. Le travail de briquetage n'a duré que trois semaines seulement.

[24]          Le payeur ne contrôlait pas les heures de travail des personnes, environ 60, qui oeuvraient sur le projet à différentes périodes. M. Perron admet qu'il a fourni les matériaux de briquetage mais seulement dans le but d'obtenir un meilleur prix du fournisseur. L'appelant a fourni du matériel d'une valeur de 22,50 $ seulement.

[25]          M. Perron déclare qu'il n'était pas contracteur, mais seulement propriétaire des immeubles et c'est pour cette raison qu'il retenait les services de différents corps de métiers pour des durées déterminées par les besoins.

[26]          Mario Shink, agent des appels auprès de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, affirme que la décision du Ministre a été révisée seulement après avoir parlé à Jean-Pierre Perron, le seul actionnaire du payeur. M. Shink a constaté que pendant la période en litige l'appelant n'avait pas de carte de compétence à titre d'employé syndiqué. L'appelant lui aurait déclaré qu'il avait sa propre compagnie mais que celle-ci n'avait pas de contrats.

[27]          Afin de bien distinguer le contrat de louage de services du contrat d'entreprise, il faut examiner l'ensemble des divers éléments qui compose la relation entre les parties. Une jurisprudence constante reconnaît quatre éléments de base pour faire cette distinction.

[28]          Dans la cause Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, la Cour d'appel fédérale a énuméré les quatre critères suivants : a) le degré ou l'absence de contrôle exercé par le payeur; b) la propriété des instruments de travail; c) les chances de bénéfice ou les risques de perte et d) le degré d'intégration du travail de l'employé à l'entreprise du payeur.

Contrôle

[29]          Le payeur a engagé un surintendant pour coordonner les travaux. Les services des sous-traitants de divers corps de métiers étaient retenus pour l'exécution de travaux spécifiques. Le surintendant ne supervisait pas le travail de l'appelant et ne donnait à ce dernier aucune instruction quant à la façon d'exécuter son travail. Le surintendant indiquait seulement à l'appelant les endroits où il devait effectuer les travaux de réparation ou les rénovations. L'appelant déterminait lui-même son horaire de travail. Selon ces faits, la Cour peut conclure que l'appelant était un travailleur autonome.

Propriété des outils

[30]          Le payeur fournissait les matériaux pour la simple raison qu'il pouvait obtenir un meilleur prix des fournisseurs. L'appelant fournissait certains de ses outils d'une valeur approximative de 400 $. Cet élément n'est pas déterminant dans l'appréciation de la nature du contrat.

Chances de bénéfice ou risques de perte

[31]          L'appelant était payé 15 $ l'heure; il soumettait ses heures de travail au surintendant et un chèque lui était remis. Il n'y avait pas de chances de profit ni risques de perte puisque le payeur fournissait les matériaux.

L'intégration

[32]          Le payeur engageait plusieurs personnes de différents corps de métiers. Le payeur n'était pas dans le commerce de rénovation d'immeubles. Les immeubles appartenaient au payeur et ce dernier a dû investir 1 700 000 $ afin de remettre ses bâtisses en état. Le payeur engage environ 10 personnes pour administrer et gérer les unités résidentielles de ses immeubles. Le travail de l'appelant au service du payeur n'a été que d'une durée de trois semaines.

[33]          Les services de l'appelant auprès du payeur ont été de courte durée, soit trois semaines. Il est à noter que l'appelant avait sa propre compagnie, laquelle était, selon lui, dormante. De plus, l'appelant n'était pas syndiqué durant la période en litige, il a obtenu sa carte de compétence après la fin des travaux. D'après ces faits, la Cour conclut que l'appelant était un travailleur autonome.

[34]          Le contrôle et le degré d'intégration sont les deux éléments déterminants dans l'appréciation de la nature d'un contrat de travail. Il faut regarder la relation globale existant entre les parties. Le travail de l'appelant n'était pas partie intégrante aux opérations de l'entreprise du payeur. Le but de faire des rénovations était de remettre les logis en état pour les louer. La location de logis était le but du payeur et non la construction ou les rénovations.

[35]          Compte tenu de toutes les circonstances, l'appelant et le payeur n'étaient pas liés par un contrat de louage de services au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi.

[36]          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2001.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-2709(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Réal Delisle et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 19 septembre 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge suppléant J.F. Somers

DATE DU JUGEMENT :                      le 14 novembre 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                    L'appelant lui-même

Pour l'intimé :                                         Me Claude Lamoureux

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé(e) :                                    Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2000-2709(EI)

ENTRE :

RÉAL DELISLE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 19 septembre 2001 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge suppléant J.F. Somers

Comparutions

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :                    Me Claude Lamoureux

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2001.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

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